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La Reine (Demanderesse) C.
Fredericton Housing Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta- nach—Fredericton (N.-B.), le 16 janvier; Ottawa, le 23 février 1973.
Impôt sur le revenu—Pratique et procédure—Les plaidoi- ries sont-elles suffisantes—Détails non plaidés—Erreurs de fait corrigées par amendement—Date du dépôt de la déclara- tion inscrite par un préposé au greffe—Est-ce approprié—La déclaration doit être signée par le procureur général ou par quelqu'un qu'il autorise—Le signataire autorisé peut-il délé- guer cette responsabilité—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 175(5)—Règle 600 de la Cour fédérale.
Le 31 juillet 1972, la Commission de révision de l'impôt a accueilli un appel d'une cotisation à l'impôt sur le revenu assujettissant le profit réalisé par la défenderesse lors de l'achat et de la vente d'un terrain. La Couronne a interjeté appel. La déclaration instituant l'appel a été déposée le 27 novembre 1972 et le greffe de la Cour en a envoyé copie à la défenderesse à cette date mais elle ne l'a reçue que le 29 novembre, soit le lendemain de l'expiration du délai de 120 jours imparti par l'article 175(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour interjeter appel. La déclaration précisait que le profit était un revenu d'une entreprise mais ne précisait pas que la défenderesse était une compagnie, la situation du terrain ou que la défenderesse était un contribuable. La déclaration énonçait que le jugement, objet du présent appel, avait été prononcé le 31 juillet 1971 au lieu du 31 juillet 1972, erreur corrigée par amendement avant le dépôt de la défense. La date du dépôt fut inscrite par le préposé au greffe qui inscrivit aussi la date au-dessus de la signature du procureur de la demanderesse. La déclaration devait être signée par D, que le sous-procureur avait autorisé à signer, mais, en fait, c'est un avocat agissant avec l'autorisation de D qui l'a signée.
Arrêt: rejet de la requête en radiation de la déclaration présentée par la défenderesse.
1. La déclaration révèle une cause d'action et, si la défen- deresse croyait subir un préjudice, elle aurait demander des détails.
2. La correction de la date du jugement objet de l'appel, faite par amendement, était rétroactive à la date du dépôt.
3. Le préposé au greffe a eu raison d'inscrire la date de dépôt de la déclaration et, bien qu'il n'eût pas inscrire la date au-dessus de la signature du procureur de la demande- resse, cela n'influe pas sur la validité de la déclaration.
4. En vertu de l'article 175(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu la date de la signification de la déclaration à la défenderesse est la date de l'expédition des copies par le greffe, savoir, le 27 novembre 1972, soit dans le délai imparti pour interjeter appel.
5. La signature du nom de D apposée par quelqu'un d'autre sur autorisation de D équivaut, en fait, à la signature
de D. Arrêt suivi: London County Council c. Agricultural Food Products Ltd. [1955] 2 Q.B. 218; arrêts examinés: Carltona Ltd. c. Commissioners of Works [1943] 2 All E.R. 560; Lewisham c. Roberts [1949] 1 All E.R. 815; Gamache c. Jones [1968] 1 R.C.É. 345.
REQUÊTE. AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r. et R. S. G. Thompson pour la demanderesse.
E. J. Mockler et E. McGinley pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Hoyt, Mockler, Allen, Dixon et Godin, Fre- dericton, pour la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—La présente affaire porte sur une requête de la défenderesse deman- dant à la Cour de l'autoriser à comparaître sous conditions dans un appel de novo interjeté d'une décision de la Commission de révision de l'im- pôt datée du 31 juillet 1972 et introduit par dépôt d'une déclaration.
Après un échange de lettres entre avocats, et, plus particulièrement, après une lettre en date du 29 décembre 1972 émanant de Me Mockler, avocat de la défenderesse, et adressée à Me Ainslie, avocat de la demanderesse, faisant état des différents moyens que M. Mockler se pro- posait d'opposer le 8 janvier 1973 à la déclara- tion et donnant une première description des pièces qui devaient être déposées devant la Cour, il a été convenu que l'avocat de la deman- deresse acceptait la comparution conditionnelle et que la présente requête serait considérée comme une demande visant à faire radier la déclaration toute entière et serait examinée au fond dans la limite cependant des moyens oppo- sés à la déclaration énoncés aux paragraphes 1 à 5 de la lettre de M. Mockler du 29 décembre 1972.
Les différents moyens opposés à la déclara- tion de la demanderesse sont les suivants:
(1) La déclaration est contraire à la Règle 408 en ce qu'elle n'expose pas les faits essentiels sur lesquels est fondée l'action.
(2) La déclaration primitivement déposée avait pour objet d'instituer une action contre un jugement daté du 31 juillet 1971 et expé- dié le 1 e1 août 1971 et elle contenait une erreur de droit apparente à sa lecture, savoir, elle était contraire à l'article 172 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Je voudrais ici ouvrir une parenthèse pour souligner que les dates du 31 juillet 1971 et du ler août 1971 indiquées au paragraphe 1 de la déclaration sont des erreurs de copiste et que la demanderesse a amendé sa plaidoirie conformé- ment à la Règle 421. Celle-ci énonce qu'une partie peut toujours, sans l'autorisation de la Cour, amender ses plaidoiries à tout moment avant que l'autre partie n'y ait répondu. En l'espèce, cet amendement a été effectué avant la production de la défense de sorte que les men tions de l'année 1971 à la seconde et à la troisième ligne du paragraphe 1 de la déclaration ont été supprimées et remplacées par 1972.
Conformément à la Règle 429, cet amende- ment a été effectué par modification écrite puis- qu'il n'exigeait pas l'insertion de plus de 10 mots dans la page.
Deux copies conformes de la déclaration amendée ont été signifiées à la défenderesse le 5 décembre 1972.
(3) La déclaration paraît avoir été signée par F. J. Dubrule au nom de D. S. Maxwell, sous-procureur général du Canada, alors qu'en réalité le nom de F. J. Dubrule a été écrit par M. Storrow. L'avocat de la défende- resse prétend que M. Storrow aurait ins- crire son propre nom aux lieu et place de celui de D. S. Maxwell et que M. Dubrule, en tant que mandataire de M. Maxwell, n'avait pas le pouvoir de déléguer le pouvoir qui lui avait déjà été délégué.
(4) Au moment de son dépôt, la déclaration originale n'était pas datée. La date du 27 novembre 1972 a été inscrite par un préposé adjoint au greffe. Sur la première page figure la formule dactylographiée suivante: «Dépo- sée le (blanc) jour d (blanc) 1972», elle a été complétée par le préposé adjoint au greffe qui a inscrit «27ème» dans le premier blanc et «novembre» dans le second blanc. La défen-
deresse prétend que le préposé adjoint au greffe n'avait pas le pouvoir de faire ces inscriptions.
Je désire ouvrir une autre parenthèse pour souligner que le préposé adjoint au greffe a ajouté ces dates de la manière et aux endroits indiqués de sa propre initiative et qu'il n'a reçu aucune instruction à ce sujet de la personne qui lui a présenté la déclaration pour dépôt au greffe. Les arguments ont été déposés dans cette optique de sorte qu'il n'est aucunement question de mandat.
(5) Le dernier moyen de la défenderesse est que, de toute façon, l'action a été instituée à l'extérieur des délais puisque la déclaration n'a été signifiée à la défenderesse que le 29 novembre 1972.
Dans une lettre en date du 19 décembre 1972 qui fait partie des documents produits conjoin- tement par les parties, lettre qu'il a adressée à Me Mockler, Me Ainslie a déclaré:
[TRADUCTION] ... Je crois que M. Power vous a confirmé que la signature de M. Dubrule a en réalité été apposée sur la déclaration par M. Storrow, l'un des avocats employés à la division du contentieux des impôts. Je désire confirmer à ce propos que M. Storrow, en tant qu'avocat de la division du contentieux des impôts avait le pouvoir de signer la déclaration... .
Dans sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse a soutenu que M. Dubrule avait autorisé M. Storrow à apposer son nom sur la déclaration.
L'extrait de la lettre de Me Ainslie cité ci-des- sus est ambigu. A la requête de l'avocat de la défense j'ai donc suspendu l'audience pour per- mettre à la demanderesse de déposer un ou plusieurs affidavits sur la question de l'autorisa- tion que M. Dubrule aurait donnée à M. Stor- row. J'ai autorisé l'avocat de la défenderesse à déposer des conclusions écrites sur ce point après qu'il aurait reçu signification de ces affi davits. Je l'ai également autorisé à procéder à un contre-interrogatoire sur ces affidavits s'il le désirait. Il a décidé de ne pas le faire et il a déposé des conclusions écrites.
Lors de l'audience sur le fond de la requête, l'avocat de la défenderesse a fait valoir un moyen non inclus dans les cinq sur lesquels les
avocats s'étaient entendus. Ce moyen portait que les mots tapés à la machine «D. S. Maxwell, sous-procureur général» n'équivalent pas à l'ap- position de la signature de D. S. Maxwell. Si j'ai bien compris, l'argument de l'avocat est que les mots «D. S. Maxwell» auraient être écrits de la main de M. Dubrule ou apposés à l'aide d'un tampon portant la signature de M. Maxwell et que, dans l'un ou l'autre cas, M. Dubrule aurait ajouter sa propre signature avec une note indiquant qu'il était autorisé à écrire de sa main le nom de M. Maxwell ou à apposer avec un tampon le fac-similé de la signature de M. Maxwell.
J'ai autorisé l'avocat de la défenderesse à présenter cet argument en dépit du fait que celui-ci n'était pas inclus dans l'accord conclu entre les avocats. J'ai cependant permis à l'avo- cat de la demanderesse de présenter une réponse écrite.
Pour revenir au premier moyen opposé à l'en- contre de la déclaration, savoir que cette décla- ration n'énonce pas les faits essentiels généra- teurs du droit, la Règle 408(1) énonce que «chaque plaidoirie doit obligatoirement contenir un exposé précis des faits essentiels sur lesquels se fonde la partie qui plaide».
Cette déclaration, qui est remarquable par sa brièveté, est subdivisée en quatre paragraphes sous le titre «Exposé de faits».
Le premier paragraphe énonce que la Com mission de révision de l'impôt a fait droit à l'appel de la défenderesse contre la cotisation de son revenu par le Ministre.
L'appel de la décision de la Commission de révision de l'impôt est un procès de novo, ce qui explique qu'il est interjeté par voie de déclaration.
Dans le second paragraphe il est allégué que la défenderesse a acheté en 1965 une parcelle de propriété au prix indiqué, qu'elle a revendu une fraction de cette parcelle en 1970 à un autre prix indiqué et qu'elle a réalisé un gain de $168,018.
Le paragraphe 3 énonce que le Ministre a inclus ce gain dans le calcul du revenu de la
défenderesse au motif qu'il constituait un revenu provenant de l'exploitation de l'entre- prise ou d'une opération commerciale entrant dans le cadre de cette exploitation.
Ces affirmations sont, à mon avis, conformes à l'esprit de la Règle 408. Elles exposent claire- ment ce qu'on appelle communément un «pro- blème de gain en capital». Elles préfigurent tout aussi clairement quelle sera l'argumentation du Ministre et quels seront les points que la défen- deresse devra réfuter.
Cependant, l'avocat de la défenderesse sou- tient que la déclaration est incomplète en ce quelle n'indique pas
(1) si la défenderesse est une personne morale, ni quelle loi la régit;
(2) est situé le terrain vendu; et
(3) si la défenderesse est une contribuable assujettie à l'impôt sur le revenu, ce qu'elle aurait pu faire en alléguant qu'elle réside au Canada ou exploite une entreprise au Canada.
Il est constant qu'une partie ne peut dicter à l'autre la manière de plaider, sous réserve et à la seule condition que les parties suivent la procé- dure prévue par la loi.
Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, la règle générale veut que la demanderesse expose les faits sur lesquels sont fondées les conclu sions auxquelles la défenderesse devra répondre au procès et que les faits essentiels sont ceux qu'il est nécessaire d'alléguer pour avoir une cause d'action.
J'estime que ces conditions sont remplies par la présente déclaration.
Je ne vois pas comment le fait de ne pas indiquer que la défenderesse est une personne morale constituée en société par action peut porter préjudice à la défenderesse. Ce fait est parfaitement connu de la défenderesse et il ne constitue pas un fait essentiel que le Ministre doit prouver pour réussir dans son action. Quoi- qu'il en soit, dans l'intitulé de la cause la déno-
mination sociale de la défenderesse est suivie de la mention «Limited». Toutes les lois sur les compagnies des provinces de common law du Canada prévoient que le nom d'une société par action doit se terminer par le mot «Limited» ou son abréviation. De même, je ne vois pas com ment le fait de ne pas indiquer par quelle auto- rité législative la défenderesse a été constituée en corporation peut porter préjudice à la défen- deresse dans sa défense ni comment ce fait peut constituer un fait essentiel que le Ministre doit nécessairement prouver pour réussir dans son action.
Sans nul doute, en alléguant l'absence d'indi- cations concernant les caractéristiques et l'em- placement du terrain vendu de même que l'o- mission d'indiquer que la défenderesse est assujettie à la Loi de l'impôt sur le revenu, l'avocat de la défenderesse garde à l'esprit que ces indications sont indispensables pour faire entrer la défenderesse dans le champs de la Loi de l'impôt sur le revenu et que, par suite, l'omis- sion de ces mentions «essentielles» vicient la déclaration.
La question de savoir si un fait donné est essentiel dépend des circonstances particulières à chaque affaire. En l'espèce, le paragraphe 1 de la déclaration énonce que la Commission de révision de l'impôt a fait droit à l'appel que la défenderesse a interjeté de la cotisation que le Ministre a établie à son égard pour l'année d'im- position 1970. Le texte officiel du jugement, daté du 31 juillet 1972, énonce qu'il est fait droit à l'appel et que le dossier est renvoyé au Ministre pour nouvelle cotisation. Le jugement est d'autre part dûment motivé. Il est donc clair qu'appel a été entendu et que jugement a été rendu sur la question de savoir si le gain réalisé par la défenderesse résulte d'une augmentation de la valeur du capital ou s'il résulte de l'exploi- tation d'une entreprise ou d'une initiative de caractère commercial.
Il s'ensuit que la défenderesse était assujettie à la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette situation est permanente et elle se dégage des allégations de faits énoncées au paragraphe 1, vu que l'ap- pel est un procès de novo.
En conséquence, la défenderesse n'a pas été placée dans une position désavantagée.
Il me semble d'autre part que si le terrain n'est pas situé au Canada ou si la défenderesse ne résidait pas au Canada, l'opération en ques tion pourrait ne pas être assujettie à l'impôt au Canada. Si c'est le cas, ces faits peuvent consti- tuer un bon moyen de défense. Dans sa déclara- tion, la demanderesse n'a pas à prévoir les moyens de défense et à fournir à l'avance les réponses à ceux-ci au cas ils seraient employés.
A mon avis, dans sa forme actuelle, la pré- sente déclaration fait état d'une cause d'action. Si la défenderesse subit quelque préjudice, le recours approprié est de demander des détails. Je ne crois pas qu'il y aurait lieu de radier la déclaration mais le Ministre serait autorisé à amender son acte de procédure.
Cette dernière conclusion est fondée sur la Règle 302 qui précise qu'aucun acte de procé- dure ne peut être annulé pour une simple objec tion de forme, que l'inobservation d'une règle de pratique ne peut entraîner la nullité d'un acte de procédure et qu'il est préférable d'amender celui-ci.
La présente requête vise cependant à faire radier la déclaration toute entière pour irrégula- rité. On ne demande pas à la Cour de combler une lacune en ordonnant la production de détails ou d'amendements.
Le titre B de la déclaration se lit: «disposi- tions législatives sur lesquels s'appuie la deman- deresse et moyen de droits qu'elle entend avan- cer». Au paragraphe 4, le Ministre déclare se .fonder sur les articles 3, 4 et 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 3 énonce que le revenu d'un contribuable provient de toutes sources situées à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada y compris le revenu d'une entreprise. Selon l'article 4, le revenu provenant d'une entreprise est le bénéfice qui en découle. L'arti- cle 139(1)e) précise qu'une «entreprise» com- prend une initiative ou affaire d'un caractère commercial. Il s'agit des dispositions législati- ves sur lesquelles s'appuie habituellement le Ministre pour faire entrer une opération com- merciale isolée dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise.
L'avocat de la défenderesse soutient que la déclaration est irrégulière au motif que le para- graphe 4 ne précise pas les moyens sur lesquels le Ministre prétend se fonder, contrairement à ce que le titre indique. Cette omission existe bien, en effet.
Cependant le paragraphe 3 de la déclaration énonce:
[TRADUCTION] En établissant la cotisation de la défende- resse pour l'année d'imposition 1970 et en incluant dans son revenu un gain de $168,018.00, le ministre du Revenu national a considéré que ce gain constituait un revenu prove- nant d'une entreprise ou d'une initiative de caractère commercial.
Il s'agit certainement de la raison pour laquelle le Ministre a agi comme il l'a fait et, à mon avis, il aurait été inutile de la répéter au paragraphe 4. La défenderesse a donc eu tout loisir de prendre connaissance des conclusions du Ministre auxquelles elle devra répondre.
Pour les raisons indiquées je refuse de faire radier la déclaration sur le premier motif.
Le second motif avancé pour faire radier la déclaration est que l'original déposé visait à interjeter un appel de novo contre un jugement en date du 31 juillet 1971 et expédié le ler août 1971. En vertu de l'article 172 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est entré en vigueur le l er janvier 1972, le Ministre et l'assujetti peu- vent interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada d'un jugement de la Commission de révision de l'impôt dans les 120 jours à compter de la date à laquelle le registraire de cette Com mission a expédié la décision au Ministre ou à l'assujetti.
Par suite, il apparaît à la lecture même de la déclaration, que l'appel a été interjeté en dehors des délais.
Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, c'est par erreur qu'ont été inscrites les dates du 31 juillet 1971 et du l er août 1971. Ces erreurs ont été rectifiées conformément à la Règle 421 avant le dépôt de la défense afin que l'on puisse lire 31 juillet 1972 et l er août 1972. Ces amen- dements ont été signifiés à la défenderesse le 5 décembre 1972.
Un amendement régulièrement effectué, avec ou sans autorisation de la Cour, prend effet, non à la date à laquelle il est fait, mais à la date du document original qu'il modifie. (Voir le juge- ment du juge Lord Hodson dans l'affaire Warner c. Simpson [1959] 1 Q.B. 297 à la p. 321.)
L'amendement étant rétroactif, la déclaration ne peut donc être radiée sur le second motif.
Je voudrais à ce stade m'éloigner de l'ordre numérique des moyens et examiner les qua- trième et cinquième moyens opposés à la décla- ration, en gardant pour la fin le troisième moyen, qui soulève davantage de difficultés.
Le quatrième moyen est double. Il signifie premièrement que le préposé adjoint au greffe a ajouté sans y être autorisé les mentions «27ème» et «novembre» dans la formule sui- vante apposée en haut de la déclaration:
«Déposé le jour d
1972».
Je ne suis pas de cet avis et, au contraire, j'estime que le préposé avait le devoir de le faire.
La Règle 400 prévoit qu'en l'absence de dis positions contraires, toute action est introduite par le dépôt d'un acte introductif d'instance qui porte le titre «DÉCLARATION» selon la formule 11 figurant à l'annexe des règles. La Règle 2 est une règle d'interprétation et elle énonce certai- nes définitions. Elle précise au paragraphe (3) que lorsqu'il est fait mention d'une «formule» dans les règles, cette mention doit s'interpréter comme une mention de ladite formule figurant à l'annexe et comme une directive à l'effet que le document mentionné doit suivre d'aussi près que possible le libellé de la formule.
La formule 11 porte la mention suivante:
Déposée le jour d
19
En vertu de la Règle 201 il doit être tenu, pour chaque instance introduite devant la Cour, un dossier dans lequel sont conservés, avec la date et l'heure du dépôt ou de la réception dûment
estampillés, tous les documents déposés en application des règles, reliés de façon perma- nente dans l'ordre de réception.
Le paragraphe (4) de la Règle 201 interdit le retrait de documents du dossier de la Cour sauf sur ordonnance de la Cour ou, dans le cours ordinaire des travaux du greffe, par un officier responsable qui devra veiller à ce que le docu ment soit remis à sa place.
Pour se conformer à la Règle 201, le greffe a adopté l'utilisation d'un tampon apposé sur chaque document au moment du dépôt, indi- quant la date et l'heure du dépôt de ce document.
Il est clair que c'est le préposé au greffe qui doit apposer ce tampon et non la personne qui présente le document pour dépôt. Un document ne peut être considéré comme déposé s'il n'est pas ainsi estampillé et après l'avoir été, il devient partie du dossier de la Cour. Il n'est pas possible de remplir la formule prescrite par la formule 11 indiquant la date du dépôt tant que le document n'est pas estampillé.
Vu l'interdiction de retirer des documents du dossier de la Cour à moins d'une ordonnance ou à moins que ce soit fait dans le cours ordinaire de l'exécution des fonctions du greffe et vu que de nombreux documents sont expédiés par la poste et qu'il est impossible de prévoir la date de réception et du dépôt au moment de l'expédi- tion, il est tout à fait raisonnable et approprié que le préposé au greffe complète la formule en question.
La formule de date figurant à la formule 11 a précisément la même fonction que le tampon. Il n'est pas concevable qu'une personne autre qu'un employé du greffe dûment autorisé puisse apposer ce tampon. L'utilité de la mention figu- rant à la formule 11 est de faciliter l'établisse- ment de copies conformes pour lesquelles le tampon ne peut être utilisé pour des raisons pratiques.
A mon avis, cette formule a le même effet que le tampon et si ce dernier doit nécessaire- ment être apposé par le personnel du greffe, il s'ensuit que la formule doit, elle aussi, être complétée par le personnel du greffe.
Par ces motifs, je rejette la prétention de la défenderesse visant à démontrer que le préposé adjoint au greffe n'était pas autorisé à inscrire la date du dépôt dans la formule.
La deuxième partie de cette quatrième excep tion porte que le préposé adjoint au greffe a inscrit la date dans les blancs de la déclaration. Au titre de la date de la déclaration, la formule 11 renferme une mention, apposée au bas du document, qui se lit:
Fait à ce
jour de
19
en laissant au-dessous une place pour la signa ture de l'avocat de la demanderesse.
Le greffe a réceptionné la déclaration en cause puis l'a classée au dossier après avoir dactylographié le nom du lieu l'acte a été fait sur la formule, mais l'espace réservé à la date a été laissé en blanc. Un des préposés adjoints au greffe a rajouté la date de sa propre initiative.
Il est clair que cette partie de la déclaration devait être remplie par l'avocat de la demande- resse et non par un responsable ou un préposé du greffe.
Sans vouloir chercher des excuses à l'initia- tive du préposé adjoint au greffe qui, s'aperce- vant que la déclaration n'était pas datée, a pris sur lui de remédier à cette omission en inscri- vant à la place des blancs la date correspondant au dépôt du document, il ne m'apparaît pas qu'un tel défaut de pouvoir puisse affecter la validité de la déclaration.
Halsbury, 3 e édition, vol. 11 paragraphe 604 déclare:
[TRADUCTION] L'altération d'un document, effectuée pos- térieurement à sa signature et sur un point qui n'est pas essentiel, n'influe aucunement sur la validité de ce docu ment, que l'altération soit le fait d'une des parties ou d'un tiers.
Ce principe a été énoncé dans l'affaire Pigot (1614) 11 Co. Rep. 26b, à la p. 27a,
[TRADUCTION] Si le créancier modifie lui-même le docu ment d'une des manières indiquées, celui-ci devient nul même si la modification ne porte pas sur des termes essen- tiels. Par contre si un tiers modifie le document d'une des manières indiquées sur un point non essentiel à l'insu du créancier, il n'en résulte aucune nullité, . . .
L'affaire Pigot a été examinée dans l'affaire Aldous c. Cornwell (1868) L.R. 3 Q.B. 573 à la p. 579. Le juge Lush, en rendant le jugement de la Cour, a déclaré après avoir passé en revue la jurisprudence:
[TRADUCTION] Vu l'état actuel de la jurisprudence, nous ne nous estimons pas liés par le principe énoncé dans l'affaire Pigot, ni par la jurisprudence qui y est citée. Nous n'avons donc aucunement l'intention d'ériger en règle de droit le fait que l'addition de termes qui ne sont préjudiciables à per- sonne, puisse atteindre la validité de l'effet.
Depuis la décision dans l'affaire Aldous c. Cornwell, le principe énoncé dans l'affaire Pigot portant que toute altération apportée à un con- trat par le créancier après la signature entraîne la nullité de l'acte doit être interprété comme ne s'appliquant qu'aux dispositions essentielles.
L'affaire Pigot qui posait, entre autres, qu'un contrat était nul même si l'altération faite par le créancier ne portait pas sur une disposition essentielle a été renversée sur ce point dans l'affaire Bishop of Crediton c. Bishop of Exeter [1905] 2 Ch. 455, dans lequel le juge Swinfen Eady a déclaré (page 459):
[TRADUCTION] . . . En d'autres termes, nous ne pouvons plus dire que l'affaire Pigot établit que lorsque l'altération ne porte pas sur une disposition essentielle l'acte est nul.
Le principe énoncé dans l'affaire Pigot por- tant que «si un tiers modifie le document d'une des manières indiquées sur un point non essen- tiel à l'insu du créancier, il n'en résulte aucune nullité» est toujours valable.
Ces affaires sont citées en note par l'éditeur de l'ouvrage de Halsbury pour appuyer le prin- cipe énoncé succinctement dans l'extrait que nous avons cité.
Les affaires citées portent sur des contrats mais je considère que les principes qui y sont énoncés s'appliquent tout autant à la déclaration en cause, compte tenu de l'économie de la Règle 302 qui porte que les vices de forme ne sont pas des causes de nullité.
L'altération faite à la déclaration par le pré- posé adjoint au greffe ne porte pas sur une disposition essentielle. Les déclarations sont datées en application d'une règle de forme. En
l'espèce, la déclaration aurait pu être datée de l'un quelconque des 120 jours qui ont suivis le ler août 1972, date à laquelle le registraire de la Commission de révision de l'impôt a expédié la décision de la Commission à la défenderesse. A mon avis, la déclaration ne prend effet qu'à compter du dépôt au greffe et elle produirait le même effet en l'absence de toute date. La date essentielle est celle du dépôt au greffe de la déclaration emportant introduction de l'action.
Pour les motifs qui précèdent, je refuse de prononcer la radiation de la déclaration sur le quatrième motif.
Le cinquième moyen porte sur le fait que l'action a été introduite en dehors des délais, puisque la déclaration n'a été signifiée à la défenderesse que le 29 novembre 1972.
L'article 172(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu énonce:
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120 jours de la date le régistraire de la Commission de révision de l'impôt transmet à la poste, au Ministre et au contribuable, la décision concernant un appel basé sur l'arti- cle 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada.
Le registraire de la Commission de révision de l'impôt a expédié la décision de la Commis sion le ler août 1972. En conséquence, aux termes de l'article 172(1) le délai dont disposait le Ministre pour interjeter appel devant la Cour fédérale expirait le 28 novembre 1972.
L'article 175(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu énonce:
175. (1) En vertu de la présente loi, un appel auprès de la Cour fédérale, sauf un appel auquel s'applique l'article 180, est introduit,
a) dans le cas d'un appel interjeté par un contribuable,
(i) de la manière indiquée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale, ou
(ii) par le dépôt par le Ministre d'une copie d'un avis d'opposition au greffe de la Cour fédérale, en vertu de l'alinéa 165(3)b); et
b) dans le cas d'un appel interjeté par le Ministre, de la manière prévue par les règles de la Cour fédérale concer- nant l'introduction d'une action.
L'article 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit:
48. (1) Une procédure contre la Couronne peut être enga gée par le dépôt au greffe de la Cour d'un acte de procédure en la forme indiquée à l'annexe I de la présente loi.
Les paragraphes suivants portent sur les docu ments qui doivent être déposés, sur la significa tion de ceux-ci à Sa Majesté et sur l'établisse- ment d'un certificat faisant foi de la signification.
La Règle 600 de la Cour fédérale, qui traite des actions intentées par la Couronne, dispose en partie:
Règle 600. (1) Sauf dans le cas quelque autre mode de procédure est requis par une loi, la Règle 400 s'applique à une action intentée par la Couronne, .. .
La Règle 400, qui s'applique en l'espèce, dispose:
Règle 400. Sauf disposition contraire, chaque action est intentée par le dépôt d'un acte introductif d'instance qui peut porter le titre de déclaration ou statement of claim ... .
S'il m'appartenait de trancher la question, les termes de l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale ainsi que ceux de la Règle 400 m'amè- neraient à conclure qu'une action est introduite par le dépôt au greffe d'un acte introductif d'instance, soit en l'espèce le 27 novembre 1972.
L'avocat de la défense soutient que l'action n'est introduite que lorsque l'acte introductif d'instance est déposé et signifié à la défende- resse et qu'il n'y a signification que le jour la défenderesse reçoit le document, ce qui en l'es- pèce s'est produit le 29 novembre 1972, soit un jour après l'expiration du délai d'appel.
D'après le certificat du préposé au greffe, l'original ainsi que deux copies de la déclaration ont été reçus et déposés au greffe le 27 novem- bre 1972 et les copies ont été adressés à la défenderesse par courrier recommandé à sa der- nière adresse connue soit au 829 rue Aberdeen à Fredericton (N.-B.), conformément aux para- graphes (4) et (5) de l'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui énonce:
175. (4) Lorsque le Ministre introduit un appel en vertu du présent article ou dépose une copie d'un avis d'opposi- tion au greffe de la Cour fédérale, conformément à l'alinéa 165(3)b), et qu'il joint à l'acte introductif d'instance ou à la copie de l'avis d'opposition deux copies de ces documents ou des copies supplémentaires et un certificat attestant la dernière adresse connue du contribuable, un fonctionnaire
du greffe de la Cour doit, après avoir vérifié l'exactitude des copies, signifier immédiatement l'acte introductif d'instance ou la copie de l'avis d'opposition au contribuable, au nom du Ministre, en lui en expédiant les copies ou des copies supplémentaires, sous pli recommandé, à son adresse, telle qu'elle apparaît au certificat.
(5) Lorsque des copies ont été expédiées au contribuable en vertu du paragraphe 4, un certificat attestant la date de dépôt et la date d'expédition par la poste des copies, et portant la signature d'un fonctionnaire du greffe de la Cour fédérale, doit être transmis au bureau du sous-procureur général du Canada, et ce certificat constitue la preuve de la date du dépôt et de la date de la signification du document qui y est mentionné.
A l'audience, j'ai indiqué que je considérais que la date de signification à la défenderesse était la date d'expédition des copies de l'acte introductif d'instance au contribuable. J'estime qu'il n'existe qu'une seule interprétation possi ble du paragraphe (5) de l'article 175: la date de signification à la défenderesse est la date à laquelle le greffe expédie les copies.
A l'appui de cette conclusion, je citerai la décision du juge adjoint Hyndman dans l'affaire M.R.N. c. Walker [1951] C.T.C. 334. Dans cette affaire le juge adjoint Hyndman a été amené à interpréter l'article 89(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu alors en vigueur. Il a déclaré à la page 336:
[TRADUCTION] Nous devons cependant examiner attentive- ment les termes de l'article 89(2): «peut être signifié au contribuable en personne ou lui être «expédié» sous plis recommandé, à sa dernière adresse connue.» Selon mon interprétation, ce n'est pas la réception de l'avis par le contribuable qui compte mais le fait que l'avis lui a été «expédié»; et c'est cette date d'expédition qui doit être considérée comme la date de signification.
Après mûre réflexion, je réaffirme que la signification a été faite dans les délais et ce motif doit donc échouer.
Je voudrais maintenant examiner le troisième moyen opposé à la validité de la déclaration et énoncé dans la lettre du 29 décembre 1972 adressée à l'avocat de la demanderesse par l'a- vocat de la défenderesse. Je cite.
[TRADUCTION] 3. La déclaration paraît avoir été signée par F. J. Dubrule au nom de D. S. Maxwell et nous savons que ce document a en fait été signé par un certain M. Storrow alors que M. Dubrule était à Toronto. Notre position est que M. Storrow aurait inscrire son propre nom aux lieu et place de celui de M. Maxwell et que M. Dubrule, ayant déjà reçu ses pouvoirs de M. Maxwell, ne pouvait les redéléguer.
Au cours des débats, l'avocat de la défense a fait remarquer que la Règle 600 énonce expres- sément que:
... Un statement of claim ou une déclaration dans une action intentée par la Couronne peut être signé par le procureur général du Canada, le sous-procureur général du Canada ou une autre personne dûment autorisée à y apposer la griffe de l'un d'eux.
Le terme «peut» utilisé dans ce contexte crée une faculté en ce sens qu'une déclaration peut être signée, soit par l'une de ces deux person- nes, soit par une personne habilitée à apposer la signature de l'une de ces deux personnes, mais il doit en même temps être interprété comme créant une obligation en ce sens que le docu ment doit être signé par l'une de ces deux personnes.
II est admis de part de d'autre que D. S. Maxwell était à l'époque des faits sous-procu- reur général du Canada et que F. J. Dubrule était dûment autorisé à apposer la signature de D. S. Maxwell sur une déclaration.
La signature apposée sur la déclaration se présente de la façon suivante:
D. S. Maxwell
sous-procureur général du Canada par: (Signature) «F. J. Dubrule»
F. J. Dubrule
Tous les mots sont tapés à la machine à l'excep- tion du premier «F. J. Dubrule», qui est écrit à la main.
II est aussi admis que les initiales et le nom manuscrit de «F. J. Dubrule» ne sont pas de la main de M. Dubrule mais de celle de M. Stor- row, avocat à la division du contentieux de l'impôt du ministère de la Justice dont M. Dubrule est le directeur.
Essentiellement, l'argument de l'avocat de la défenderesse porte que M. Dubrule avait déjà reçu du sous-procureur le pouvoir d'apposer la signature de celui-ci et que, pour cette raison, il n'était pas autorisé à les déléguer à son tour à M. Storrow.
En réplique, l'avocat de la Couronne a sou- tenu, en s'appuyant sur la jurisprudence citée,
que la signature «F. J. Dubrule» écrite par M. Storrow, était en réalité la signature de M. Dubrule.
Au cours des débats, l'avocat de la défende- resse a contesté que M. Dubrule ait autorisé M. Storrow à signer son nom. Étant donné qu'il n'est pas possible de dégager de l'accord inter- venu entre les avocats un consensus clair et non équivoque sur ce point, j'ai accueilli la requête de l'avocat de la défense demandant que l'auto- risation en question soit établie par affidavit et j'ai permis à la Couronne de le faire.
Au cours des débats également, l'avocat de la défenderesse a soulevé une question qui n'avait pas été incluse dans les motifs d'opposition. Il a prétendu que les initiales ainsi que le nom «D. S. Maxwell» tapés à la machine ne peuvent pas être reconnus comme la signature de M. Max- well et que celui-ci aurait signer en lettres manuscrites ou apposer une estampille portant la signature de M. Maxwell.
Il a de nouveau réclamé des précisions sur la manière dont les initiales et le nom avaient été apposés ainsi que sur l'identité de la personne qui les avaient tapés à la machine. J'ai autorisé l'avocat de la Couronne à déposer un autre affidavit sur ce point.
Ces affidavits ont maintenant été produits.
Dans son affidavit, Linda A. Terry, secrétaire à la division du contentieux de l'impôt, témoigne que M. Dubrule lui a demandé d'aller chercher une déclaration déposée sur son bureau et de la faire signer par l'un des avocats de la division du contentieux de l'impôt avant de la déposer auprès du greffe de la Cour fédérale. Le témoin affirme ensuite que le 27 novembre 1972, elle a présenté la déclaration à M. Storrow pour que celui-ci la signe. Après avoir fait signer la décla- ration et l'avoir déposée au greffe, elle a télé- phoné à M. Dubrule pour lui faire part de ses démarches.
A mon avis, l'affidavit de Mue Terry prouve que M. Dubrule, en lui transmettant ses instruc tions l'a autorisée à faire signer la déclaration par un avocat de la division du contentieux de l'impôt. L'un quelconque des avocats de la divi sion, dont M. Storrow faisait partie, était visé
par ces instructions. Mlle Terry a agit conformé- ment aux instructions qu'elle a reçues de M. Dubrule en faisant signer la déclaration par M. Storrow, puis en faisant ensuite rapport.
Les instructions qu'a reçues M " e Terry de M. Dubrule selon la version de M"e Terry, sont susceptibles de recevoir deux interprétations: (1) que M. Storrow appose sa propre signature «M. R. V. Storrow» ou (2) que M. Storrow signe du nom de M. Dubrule.
Si M. Storrow avait choisi la première inter- prétation, il aurait inscrit son propre nom, esti- mant être autorisé à apposer la signature du sous-procureur général. Il a cependant choisi la deuxième interprétation et a signé du nom de M. Dubrule, ce que, bien entendu, il était à mon avis autorisé à faire vu les instructions données à M " e Terry par M. Dubrule.
La position de l'avocat de la Couronne, peut, à mon avis, être résumée de la manière suivante:
(1) la signature «F. J. Dubrule» écrite de la main de M. Storrow était en réalité celle de M. Dubrule, étant donné que lorsqu'une per- sonne délègue à une autre le pouvoir de signer pour elle, la signature de la personne qui signe vaut signature de la personne qui l'a autorisée;
(2) la signature du nom «F. J. Dubrule» par une personne autorisée à le faire, savoir M. Storrow, revient à faire imposer la signature D. S. Maxwell par une personne autorisée à apposer cette signature, savoir M. Dubrule.
Dans l'affaire The Queen c. The Justices of Kent (1873) L.R. 8 Q.B. 305, M. Weld a inter- jeté appel de l'évaluation de ses terres aux fins de l'impôt foncier. L'avis d'appel devait être [TRADUCTION] «signé par l'appelant ou par son avocat.» En l'espèce, l'avis n'avait pas été signé par Weld, ni par son avocat, et il l'avait été par un commis de l'avocat aux lieu et place de Weld, après y avoir été autorisé par ce dernier. Weld s'est vu opposer l'irrégularité de l'avis d'appel au motif que la signature de l'appelant n'était pas écrite de sa main.
Le juge Blackburn a déclaré (page 307):
[TRADUCTION] Il est clair qu'en common law, lorsqu'une personne autorise une autre à signer pour elle, la signature de la personne qui signe vaut signature de la personne qui a autorisé la signature; il peut cependant se produire des cas la loi exige la signature de la personne elle-même.
il ajoute plus loin sur la même page,
En l'espèce, le commis était dûment autorisé à signer pour l'appelant et cette signature est suffisante en common law. La loi applicable n'exige en rien une signature personnelle de l'intéressé et la règle s'applique donc avec toute sa force.
Le juge Quain a également déclaré à la page 307:
Je souscris à cette opinion. Nous ne devons pas limiter l'application de la règle de common law «qui facit per alium facit per se», si la loi n'exige pas la production de la signature de la personne elle-même.
Le juge Archibald a abondé dans le sens du juge Quain.
L'affaire France c. Dutton [1891] 2 Q.B. 208, mettait en cause les règles de la Cour de comté qui exigeaient que les détails d'une déclaration soient signés [TRADUCTION] «par l'avocat». Ceux-ci avaient été signés en l'espèce par le commis de l'avocat agissant au nom de ce der- nier en vertu d'une procuration générale.
Reprenant les conclusions mentionnées du juge Blackburn dans l'affaire The Queen c. Kent Justices (précitée) le juge en chef Lord Cole- ridge a déclaré que cette signature était suffisante.
Dans l'affaire The Queen c. Cowper (1890) 24 Q.B.D. 533, le problème a porté sur la question de savoir si la signature d'un avocat pouvait être validement remplacée par l'inscription du nom de celui-ci en caractère d'imprimerie. Dans un jugement majoritaire, la Cour a décidé que cette signature était insuffisante.
Le maître des rôles Lord Esher (dissident) a déclaré à la page 535:
[TRADUCTION] ... Exception faite des testaments, je ne connais aucun cas où, lorsqu'une personne inscrit son nom avec l'intention d'apposer sa signature, celle-ci est jugée insuffisante parce qu'elle n'est pas la signature manuscrite de cette personne.
La majorité a décidé que les règles visaient à ce qu'au vu du document, on soit sûr que l'avo- cat en avait pris lui-même connaissance et avait donné son accord, ce qui n'est pas le cas lorsque
le nom de cet avocat est simplement imprimé. Cependant, la réflexion de Lord Esher mention- née ci-dessus n'a pas été contestée et a été reprise depuis dans de nombreux arrêts.
Dans l'affaire London County Council c. Agricultural Food Products Ld. [1955] 2 Q.B. 218, un bail passé par le conseil municipal de Londres, en tant que propriétaire, contenait une clause stipulant que si le propriétaire désirait résilier le bail il devait le notifier au locataire par «avis écrit signé par l'expert agréé par le conseil.» En l'espèce, le propriétaire a notifié au locataire de quitter les lieux par un avis sur lequel le nom de l'expert agréé par le conseil semblait avoir été signé. Son nom avait été en réalité apposé par un adjoint, et le document n'indiquait en rien qu'il y avait eu procuration.
La signature apposée dans cette affaire cor respond exactement à la signature «F. J. Dubrule» apposée par M. Storrow.
Lord Denning a déclaré (page 222):
[TRADUCTION] D'après les termes du bail, je considère que l'avis de résiliation pouvait être régulièrement signé par procuration. Prenons le cas c'est le locataire qui désire résilier le bail. L'avis devra être donné par écrit et «signé par le locataire.» Or, le locataire est une personne morale, qui ne peut pas apposer une signature. Elle doit nécessaire- ment signer par procuration, par l'intermédiaire d'un admi- nistrateur ou d'un secrétaire. Revenons maintenant au cas le conseil municipal de Londres désire signifier un avis de résiliation. Cet avis doit être donné par écrit et «signé par l'expert agréé par le conseil.» Cet expert n'est pas individua- lisé par son nom et il est désigné par son poste. Il est possible que le locataire ne connaisse même pas le nom de l'expert. Différents experts peuvent se succéder sans que le locataire le sache. L'identité propre de l'expert n'entre abso- lument pas en ligne de compte. Considérant ces faits, je suis d'avis que la signature par procuration est régulière. L'ex- pert peut autoriser l'un de ses adjoints à signer en son nom. Toutefois, l'adjoint devrait ajouter les lettres «p.p.» suivies de ses initiales pour indiquer que le document est signé par procuration.
De toute évidence, Lord Denning estime que lorsque une personne est autorisée par une autre à signer pour elle, la meilleure solution est d'a- jouter la formule «en son nom», «par pros.» ou «p.p.» suivie des initiales de celui qui signe pour indiquer que le document est signé par procuration.
S'il avait voulu respecter à la lettre les exigen- ces exprimées par Lord Denning, M. Storrow
aurait écrire «F. J. Dubrule, en son nom M. R. V. Storrow» ou il aurait inscrire ses initiales «M. R. V. S.».
Toutefois, ce n'est pas la procédure suivie dans l'affaire London County Council (préci- tée), ni dans la présente affaire.
Lord Denning a ajouté (page 223):
[TRADUCTION] Le deuxième problème est plus difficile à résoudre. L'adjoint n'a pas ajouté les lettres «p.p.» comme il aurait le faire. Il s'agit d'une erreur regrettable car elle est source de confusion. Toute personne ne connaissant pas la signature de Toole aurait pu penser qu'il avait signé lui-même le document. En l'absence de jurisprudence, j'au- rais jugé qu'il y avait un vice rédhibitoire. Il existe toutefois deux arrêts qui retiennent la thèse contraire. Dans les affaires Reg. c. Kent Justices ((1873) L.R. 8 Q.B. 305) et France c. Dutton ([1891] 2 Q.B. 208) un commis dûment autorisé à signer aux lieu et place de son supérieur avait apposé la signature de ce dernier sans indiquer qu'il signait par procuration. Il n'en restait pas moins que cette signature était apposée par procuration et, pourtant, elle a été jugée régulière. Je crois que nous sommes liés par une jurispru dence aussi éminente, d'autant plus que l'article 91(1) du Bills of Exchange Act (1882) retient la même solution. Cet article énonce: «Quand, en vertu de la présente loi, un effet ou un écrit doit être signé par une personne, il n'est pas nécessaire que la personne signe de sa propre main et il suffit que sa signature y soit apposée par une autre, avec son autorisation.» Cette loi est une loi codificatrice et cet article constitue donc la reconnaissance législative de la règle posée dans l'arrêt Reg. c. Kent Justices (L.R. 8 Q.B. 305). Compte tenu de cette règle, donc, il y a lieu de décider que la signature apposée sur cet avis de résiliation est valable, puisqu'elle a été autorisée par Toole.
Je désire souligner que l'article 4 de la Loi sur les lettres de change, S.R.C. 1970, c. B-5 est identique à l'article 91(1) du Bills of Exchange Act de 1882 cité par Lord Denning.
Lord Romer a déclaré à la page 223-4:
[TRADUCTION] A mon avis il est constant en common law qu'un document est valablement «signé» par une personne s'il est signé par une autre personne autorisée à le faire à sa place. En pareil cas, la signature du mandataire est considé- rée comme étant celle du commettant. Ce principe a été reconnu dans l'arrêt Reg. c. Kent Justices (L.R. 8 Q.B. 305 le juge Blackburn) dans l'arrêt Reg. c. Cowper, ((1890) 24 Q.B.D. 533; 6 T.L.R., Lord Esher) et dans l'arrêt France c. Dutton ([1891] 2 Q.B. 208) de la Divisional Court. La définition du terme «signature» énoncée dans le Stroud Judicial Dictionary s'inspire également de ce principe.
Dès le début de son jugement, Lord Parker cite le Stroud Judicial Dictionary. Il déclare (page 225-6):
[TRADUCTION] La définition des termes «signé et signa ture» au Stroud Judicial Dictionary, 3e édition, vol. 4, p. 2783, est la suivante: «(1) au sens large, la signature est l'inscription par une personne de son nom ou l'apposition de celui-ci ou d'un signe le représentant que la personne le fasse elle-même ou par délégation ... pour authentifier un écrit ou en assumer la responsabilité.... »
Ainsi que l'a déclaré le juge Lord Romer dans l'affaire Goodman c. J. Eban Ld., ([1954] 1 Q.B. 550 à la p. 563) cette définition semble être conforme aux conclusions tirées par le juge Blackburn dans l'affaire Reg. c. Kent Justices, (L.R. 8 Q.B. 305 à la p. 307): «Il est certain qu'en common law, lorsqu'une personne autorise une autre à signer pour elle, une telle signature équivaut à la signature de la per- sonne qu'il a autorisée; il existe néanmoins des cas la loi exige la signature de la personne elle-même.» Le juge en chef Lord Coleridge a d'ailleurs expressément souscrit à cette proposition dans l'affaire France c. Dutton ([1891] 2 Q.B. 208 à la p. 210). Voir aussi l'affaire Reg. c. Cowper (24 Q.B.D. 533 à la p. 535, le maître des rôles Lord Esher).
Dans l'affaire Goodman c. J. Eban Ld., ([1954] 1 Q.B. 550 à la p. 561) Lord Denning a certainement exprimé une opinion très défendable lorsqu'il a déclaré: «lorsqu'un docu ment doit être signé par une personne, cela signifie, en langue moderne, que cette personne doit écrire son nom de sa main.» La majorité de la cour n'a cependant pas partagé cette opinion et elle a décidé qu'une estampille du nom d'un avocat apposée avec son autorisation constituait une signa ture valable sur une note de frais. Il est exact qu'en l'espèce il ne s'agissait pas de savoir ««par qui», mais plutôt «com- ment» le document en question devait être signé,» mais il s'agit d'une manifestation de la survivance d'une vieille règle de common law.
Vu cette jurisprudence déterminante et compte tenu du fait que j'ai conclu que M. Dubrule avait autorisé M. Storrow à apposer sa signature, il est tout à fait clair que la signature «F. J. Dubrule» écrite de la main de M. Storrow constitue, en fait, la signature de M. Dubrule.
Cette conclusion nous amène à nous deman- der si la Règle 600 exige de manière impérative que la déclaration soit signée de la main même de la personne qui doit signer.
La défense a soutenu que, étant donné que le procureur général ou le sous-procureur général du Canada ont autorisé M. Dubrule à apposer leur signature, M. Dubrule ne pouvait à son tour redéléguer ce pouvoir à un avocat de la division du contentieux de l'impôt dont il est directeur.
De nombreux cas établissent que lorsqu'un mandataire est habilité à agir pour son commet-
tant, la maxime «Delegatus non potest delegare» s'applique, mais il existe des cas exceptionnels bien définis le pouvoir de déléguer un pou- voir délégué est implicitement reconnu, généra- lement au motif qu'il n'est pas nécessaire que la personne visée se saisisse personnellement de l'affaire et que toute personne peut s'acquitter de cette charge avec autant d'efficacité.
Dans l'affaire Carltona, Ltd. c. Commission ers of Works [1943] 2 All E.R. 560, Lord Greene a déclaré à la page 563:
[TRADUCTION] Aux fins du gouvernement de ce pays, les fonctions qui sont attribuées aux ministres «et qui leur sont dûment attribuées par la constitution puisqu'ils sont consti- tutionnellement responsables» sont si diverses que le minis- tre est dans l'impossibilité de s'en charger lui-même. Si l'on prend par exemple le cas qui nous occupe, il est évident que des milliers de réquisitions ont été effectuées par les divers ministères de ce pays. Il n'est pas possible de supposer que la loi exige dans chaque cas que le ministre s'occupe de l'affaire en personne. Les fonctions confiées aux ministres et les pouvoirs dont ils sont investis sont normalement exercés par des hauts fonctionnaires du ministère agissant sous l'autorité du ministre. Il serait impossible d'administrer un pays autrement. Au point de vue de la constitution, la décision d'un tel fonctionnaire constitue bien entendu la décision du ministre. Le ministre en est responsable. C'est lui qui doit répondre devant le Parlement des actions que ses subordonnés accomplissent sous son autorité et, s'il confie une affaire importante à un fonctionnaire tellement peu expérimenté qu'il ne peut pas exécuter les fonctions adéqua- tement, le ministre doit en répondre devant le Parlement. L'ensemble de l'organisation administrative ministérielle part du principe que les ministres, étant responsables devant le Parlement, doivent veiller à confier les tâches importantes à des fonctionnaires expérimentés. Dans le cas contraire, il faut saisir le Parlement.
Dans l'affaire Metropolitan Borough and Town Clerk of Lewisham c. Roberts [1949] 1 All E.R. 815, le juge Lord Bucknill a déclaré à la page 821:
[TRADUCTION] Après avoir cité le jugement du maître des rôles Lord Greene dans l'affaire Carltona, Ltd. c. Works Comrs. ([1943] 2 All E.R. 560) le savant juge de la cour de comté a déclaré:
... appliquons ces principes à la présente affaire: je cons- tate que la preuve n'indique en rien que M. O'Gara, en autorisant au nom du Ministre la réquisition d'une propriété et plus précisément en rédigeant le document du 12 novem- bre 1946, a agi sans autorité. Au contraire, vu qu'il existe une présomption que les fonctions ministérielles seront exé- cutées, non pas par le Ministre lui-même, mais plutôt par les fonctionnaires responsables de son ministère, et je pense que lorsque de tels actes sont accomplis à titre officiel pendant une longue période comme c'est le cas dans la présente affaire, étant donné que tous ces actes impliquent,
à quelque degré, une connaissance et parfois une participa tion d'autres fonctionnaires, il devient notoire que la per- sonne qui agit ainsi à titre officiel est dûment autorisée à agir.
Lord Denning a déclaré à la page 824:
[TRADUCTION] ... Il est très évident que le Ministre peut confier ses fonctions administratives, par opposition à ses fonctions législatives, à tout fonctionnaire de son ministère qu'il autorise.
Le juge Jenkins a déclaré ce qui suit sur cette question à la page 828:
[TRADUCTION] La validité de la délégation de pouvoirs que M. O'Gara prétendait faire au nom du Ministre par cette lettre a été attaquée pour un autre motif, savoir que même s'il était réellement autorisé par le Ministre à faire de telles délégations, c'est-à-dire que les pouvoirs qui lui étaient conférés incluaient celui de faire de telles délégations, il n'était autorisé à le faire qu'en vertu des pouvoirs que lui avait délégués le Ministre, de sorte que, en droit, il ne pouvait à son tour, déléguer les pouvoirs qu'il avait ainsi reçus en vertu du principe bien connu delegatus non potest delegare. Je pense qu'un tel argument part d'une mauvaise compréhension des relations qui existent entre le Ministre et les fonctionnaires de son ministère. Par la force des choses, le Ministre doit agir par l'intermédiaire des fonctionnaires de son ministère et lorsque certaines fonctions sont expressé- ment confiées à un Ministre, comme c'est le cas des règle- ments de la défense à l'examen dans cette affaire, il est nécessairement entendu que ces fonctions peuvent être exé- cutées par le Ministre, personnellement ou par l'intermé- diaire de ses fonctionnaires et par les mesures prises dans l'exercice de ces fonctions sont le fait du Ministre, qu'il en ait pris l'initiative personnellement ou qu'il l'ait fait par l'intermédiaire des fonctionnaires de son ministère. Excep tion faite des affaires de toute première importance, cette deuxième solution sera toujours retenue en pratique. A mon avis, il ne se pose entre le Ministre et M. O'Gara aucun problème de mandat ou de délégation de pouvoir. Je pense que les observations du Lord Greene dans l'affaire Carltona, Ltd. c. Commissioners of Works corrobore parfai- tement cette opinion... .
S'appuyant sur cette jurisprudence, le juge Noël (tel était alors son titre) a déclaré dans l'affaire Gamache c. Jones [1968] 1 R.C.É. 345 à la page 369-70:
[TRADUCTION] ... Je ne crois pas que le principe delegatus non potest delegare puisse s'appliquer en l'espèce, étant donné que l'autorité de pilotage est le ministre des Trans ports. Ce principe ne s'applique pas parce que l'acte accom- pli en l'espèce par le fonctionnaire du ministère constitue un acte de l'autorité elle-même et que le fonctionnaire du ministère est autorisé à agir au même titre que l'autorité.
La Règle 600 prévoit que la signature du procureur général ou du sous-procureur général peut être apposée en leur nom.
Le procureur général est chargé de toutes les procédures judiciaires auxquelles la Couronne est partie mais il n'est pas possible de croire qu'il doit s'occuper de chaque affaire personnellement.
En conséquence, j'estime que, pour les rai- sons mentionnées, le Ministre ou le sous-minis- tre ne sont pas tenus de s'occuper personnelle- ment de ces litiges et qu'ils peuvent confier ces tâches à d'autres personnes compétentes. Ceci étant posé, la maxime delegutus non potest dele- gare ne s'applique pas en l'espèce et le pouvoir de déléguer existe implicitement.
Le problème porte davantage sur la question de savoir si M. Dubrule aurait inscrire son propre nom que sur la question de la délégation d'un pouvoir déjà délégué. Vu que d'autres per- sonnes sont habilitées à viser une déclaration, il s'ensuit que M. Dubrule n'est pas tenu d'attester qu'il a eu une connaissance personnelle de la déclaration en apposant lui-même sa signature. Compte tenu, donc, d'une jurisprudence con- stante en la matière, la signature de M. Dubrule écrite de la main de M. Storrow constitue la signature de M. Dubrule.
Il me semble que la question de la redéléga- tion de pouvoir se serait posée si M. Dubrule, autorisé à apposer la signature du sous-procu- reur général, avait voulu lui-même autoriser M. Storrow à apposer la signature du sous-procu- reur général, à supposer que M. Storrow n'était pas autrement autorisé à le faire.
D'autre part, si M. Storrow était autorisé à apposer la signature du sous-procureur général (aucune preuve n'a été déposée sur ce point) je pense qu'il aurait été préférable qu'il inscrive son propre nom plutôt que celui de M. Dubrule.
Toutefois, il a inscrit le nom de M. Dubrule. J'inclinerais à penser, ainsi que l'a fait Lord Denning dans l'arrêt London County Council (précité), qu'il aurait été préférable que M. Stor- row inscrive les lettres «p.p. » suivies de son nom ou de ses initiales à la suite du nom de M. Dubrule.
Il n'en a pas été ainsi et ainsi que j'avais déjà mentionné, le fait que ce soit M. Storrow qui ait
signé le nom de M. Dubrule n'empêche pas, dans les circonstances de l'espèce, que cette signature soit bien celle de M. Dubrule.
Pour ces motifs, le troisième moyen opposé à la déclaration doit être rejeté.
Au cours des débats, l'avocat de la défende- resse a soutenu que le nom «D. S. Maxwell» n'aurait pas être tapé à la machine mais écrit manuellement par la personne autorisée à appo- ser la signature de M. Maxwell ou encore que cette personne aurait apposer un fac-similé de la signature de M. Maxwell au moyen d'un tampon.
Il m'apparaît clairement que le fait de vouloir que l'on utilise un tampon s'inspire de la déci- sion de l'affaire Goodman c. J. Eban Ld. [1954] 1 Q.B. 550 que l'on appelle souvent «l'affaire du tampon». On a jugé dans cette affaire qu'un nom apposé au moyen d'un tampon sur un document avec l'autorisation de la personne concernée constitue la signature de cette personne.
L'argument de l'avocat, si je m'en souviens bien, visait le fait que M. Dubrule ou M. Stor- row auraient pu utiliser un tel tampon portant le nom de M. Maxwell ou avoir écrit le nom manuellement, mais que le nom tapé à la machine ne pouvait pas constituer la signature de M. Maxwell.
Pour cette raison, à la requête de l'avocat de la défense, j'ai autorisé l'avocat de la Couronne à produire un affidavit aux fins d'établir qui avait tapé le nom D. S. Maxwell sur la déclara- tion. L'affidavit de Kathleen S. Landry établit qu'elle est la secrétaire qui a tapé le nom.
Je ne peux souscrire à cet argument de la défenderesse.
Dans la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23 le terme «écrit» est défini à l'article 28 de la manière suivante:
«écrit», ou tout terme ayant le même sens comprend les mots imprimés, dactylographiés, peints, gravés, lithogra- phiés, photographiés, ou représentés ou reproduits par tout mode de représentation ou reproduction de mots sous une forme visible;
Le dictionnaire juridique Stroud définit «signé; signature» de la manière suivante:
[TRADUCTION] (1) Au sens large, la signature est l'inscription par une personne de son nom ou l'apposition de celui-ci ou d'un signe le représentant que la personne le fasse elle- même ou par délégation ... pour authentifier un écrit ou en assumer la responsabilité....»
Si le nom dactylographié «D. S. Maxwell» ne constitue pas un «écrit», contrairement à ce que je pense, il s'agit certainement du résultat d'une méthode mécanique d'apposer une signature et je ne vois pas de différence du point de vue juridique entre des touches frappant un ruban et un tampon encré. Je suppose que l'avocat vou- lait démontrer que c'était en réalité Mme Landry qui avait apposé le nom de M. Maxwell ce qui entraînait une délégation supplémentaire de la part de M. Dubrule.
Dans l'affaire Regina c. Welsford [1967] 2 O.R. 496 le juge McGillivray a déclaré à la p. 497:
[TRADUCTION] Des tribunaux ont souvent jugé que lorsque la loi exige qu'un document soit signé, cela ne signifie pas nécessairement que cette signature doit être écrite de la main même du signataire. Dans certains cas particuliers, des noms dactylographiés ou apposés à l'aide d'un tampon et des marques personnelles ont été acceptés.
A mon avis, les signes dactylographiés, «D. S. Maxwell» rendus authentiques par l'apposition de la signature de M. Dubrule par M. Storrow, tiennent donc lieu de la signature du sous-procu- reur général du Canada.
La requête est rejetée; les dépens à suivre le sort du principal.
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