La Reine (Demanderesse)
C.
Fredericton Housing Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta-
nach—Fredericton (N.-B.), le 16 janvier;
Ottawa, le 23 février 1973.
Impôt sur le revenu—Pratique et procédure—Les plaidoi-
ries sont-elles suffisantes—Détails non plaidés—Erreurs de
fait corrigées par amendement—Date du dépôt de la déclara-
tion inscrite par un préposé au greffe—Est-ce approprié—La
déclaration doit être signée par le procureur général ou par
quelqu'un qu'il autorise—Le signataire autorisé peut-il délé-
guer cette responsabilité—Loi de l'impôt sur le revenu, art.
175(5)—Règle 600 de la Cour fédérale.
Le 31 juillet 1972, la Commission de révision de l'impôt a
accueilli un appel d'une cotisation à l'impôt sur le revenu
assujettissant le profit réalisé par la défenderesse lors de
l'achat et de la vente d'un terrain. La Couronne a interjeté
appel. La déclaration instituant l'appel a été déposée le 27
novembre 1972 et le greffe de la Cour en a envoyé copie à
la défenderesse à cette date mais elle ne l'a reçue que le 29
novembre, soit le lendemain de l'expiration du délai de 120
jours imparti par l'article 175(5) de la Loi de l'impôt sur le
revenu pour interjeter appel. La déclaration précisait que le
profit était un revenu d'une entreprise mais ne précisait pas
que la défenderesse était une compagnie, la situation du
terrain ou que la défenderesse était un contribuable. La
déclaration énonçait que le jugement, objet du présent
appel, avait été prononcé le 31 juillet 1971 au lieu du 31
juillet 1972, erreur corrigée par amendement avant le dépôt
de la défense. La date du dépôt fut inscrite par le préposé au
greffe qui inscrivit aussi la date au-dessus de la signature du
procureur de la demanderesse. La déclaration devait être
signée par D, que le sous-procureur avait autorisé à signer,
mais, en fait, c'est un avocat agissant avec l'autorisation de
D qui l'a signée.
Arrêt: rejet de la requête en radiation de la déclaration
présentée par la défenderesse.
1. La déclaration révèle une cause d'action et, si la défen-
deresse croyait subir un préjudice, elle aurait dû demander
des détails.
2. La correction de la date du jugement objet de l'appel,
faite par amendement, était rétroactive à la date du dépôt.
3. Le préposé au greffe a eu raison d'inscrire la date de
dépôt de la déclaration et, bien qu'il n'eût pas dû inscrire la
date au-dessus de la signature du procureur de la demande-
resse, cela n'influe pas sur la validité de la déclaration.
4. En vertu de l'article 175(5) de la Loi de l'impôt sur le
revenu la date de la signification de la déclaration à la
défenderesse est la date de l'expédition des copies par le
greffe, savoir, le 27 novembre 1972, soit dans le délai
imparti pour interjeter appel.
5. La signature du nom de D apposée par quelqu'un
d'autre sur autorisation de D équivaut, en fait, à la signature
de D. Arrêt suivi: London County Council c. Agricultural
Food Products Ltd. [1955] 2 Q.B. 218; arrêts examinés:
Carltona Ltd. c. Commissioners of Works [1943] 2 All E.R.
560; Lewisham c. Roberts [1949] 1 All E.R. 815; Gamache
c. Jones [1968] 1 R.C.É. 345.
REQUÊTE.
AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r. et R. S. G. Thompson
pour la demanderesse.
E. J. Mockler et E. McGinley pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
la demanderesse.
Hoyt, Mockler, Allen, Dixon et Godin, Fre-
dericton, pour la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—La présente affaire
porte sur une requête de la défenderesse deman-
dant à la Cour de l'autoriser à comparaître sous
conditions dans un appel de novo interjeté d'une
décision de la Commission de révision de l'im-
pôt datée du 31 juillet 1972 et introduit par
dépôt d'une déclaration.
Après un échange de lettres entre avocats, et,
plus particulièrement, après une lettre en date
du 29 décembre 1972 émanant de Me Mockler,
avocat de la défenderesse, et adressée à Me
Ainslie, avocat de la demanderesse, faisant état
des différents moyens que M. Mockler se pro-
posait d'opposer le 8 janvier 1973 à la déclara-
tion et donnant une première description des
pièces qui devaient être déposées devant la
Cour, il a été convenu que l'avocat de la deman-
deresse acceptait la comparution conditionnelle
et que la présente requête serait considérée
comme une demande visant à faire radier la
déclaration toute entière et serait examinée au
fond dans la limite cependant des moyens oppo-
sés à la déclaration énoncés aux paragraphes 1 à
5 de la lettre de M. Mockler du 29 décembre
1972.
Les différents moyens opposés à la déclara-
tion de la demanderesse sont les suivants:
(1) La déclaration est contraire à la Règle 408
en ce qu'elle n'expose pas les faits essentiels
sur lesquels est fondée l'action.
(2) La déclaration primitivement déposée
avait pour objet d'instituer une action contre
un jugement daté du 31 juillet 1971 et expé-
dié le 1 e1 août 1971 et elle contenait une
erreur de droit apparente à sa lecture, savoir,
elle était contraire à l'article 172 de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Je voudrais ici ouvrir une parenthèse pour
souligner que les dates du 31 juillet 1971 et du
ler août 1971 indiquées au paragraphe 1 de la
déclaration sont des erreurs de copiste et que la
demanderesse a amendé sa plaidoirie conformé-
ment à la Règle 421. Celle-ci énonce qu'une
partie peut toujours, sans l'autorisation de la
Cour, amender ses plaidoiries à tout moment
avant que l'autre partie n'y ait répondu. En
l'espèce, cet amendement a été effectué avant la
production de la défense de sorte que les men
tions de l'année 1971 à la seconde et à la
troisième ligne du paragraphe 1 de la déclaration
ont été supprimées et remplacées par 1972.
Conformément à la Règle 429, cet amende-
ment a été effectué par modification écrite puis-
qu'il n'exigeait pas l'insertion de plus de 10
mots dans la page.
Deux copies conformes de la déclaration
amendée ont été signifiées à la défenderesse le 5
décembre 1972.
(3) La déclaration paraît avoir été signée par
F. J. Dubrule au nom de D. S. Maxwell,
sous-procureur général du Canada, alors
qu'en réalité le nom de F. J. Dubrule a été
écrit par M. Storrow. L'avocat de la défende-
resse prétend que M. Storrow aurait dû ins-
crire son propre nom aux lieu et place de celui
de D. S. Maxwell et que M. Dubrule, en tant
que mandataire de M. Maxwell, n'avait pas le
pouvoir de déléguer le pouvoir qui lui avait
déjà été délégué.
(4) Au moment de son dépôt, la déclaration
originale n'était pas datée. La date du 27
novembre 1972 a été inscrite par un préposé
adjoint au greffe. Sur la première page figure
la formule dactylographiée suivante: «Dépo-
sée le (blanc) jour d (blanc) 1972», elle a été
complétée par le préposé adjoint au greffe qui
a inscrit «27ème» dans le premier blanc et
«novembre» dans le second blanc. La défen-
deresse prétend que le préposé adjoint au
greffe n'avait pas le pouvoir de faire ces
inscriptions.
Je désire ouvrir une autre parenthèse pour
souligner que le préposé adjoint au greffe a
ajouté ces dates de la manière et aux endroits
indiqués de sa propre initiative et qu'il n'a reçu
aucune instruction à ce sujet de la personne qui
lui a présenté la déclaration pour dépôt au
greffe. Les arguments ont été déposés dans
cette optique de sorte qu'il n'est aucunement
question de mandat.
(5) Le dernier moyen de la défenderesse est
que, de toute façon, l'action a été instituée à
l'extérieur des délais puisque la déclaration
n'a été signifiée à la défenderesse que le 29
novembre 1972.
Dans une lettre en date du 19 décembre 1972
qui fait partie des documents produits conjoin-
tement par les parties, lettre qu'il a adressée à
Me Mockler, Me Ainslie a déclaré:
[TRADUCTION] ... Je crois que M. Power vous a confirmé
que la signature de M. Dubrule a en réalité été apposée sur
la déclaration par M. Storrow, l'un des avocats employés à
la division du contentieux des impôts. Je désire confirmer à
ce propos que M. Storrow, en tant qu'avocat de la division
du contentieux des impôts avait le pouvoir de signer la
déclaration... .
Dans sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse
a soutenu que M. Dubrule avait autorisé M.
Storrow à apposer son nom sur la déclaration.
L'extrait de la lettre de Me Ainslie cité ci-des-
sus est ambigu. A la requête de l'avocat de la
défense j'ai donc suspendu l'audience pour per-
mettre à la demanderesse de déposer un ou
plusieurs affidavits sur la question de l'autorisa-
tion que M. Dubrule aurait donnée à M. Stor-
row. J'ai autorisé l'avocat de la défenderesse à
déposer des conclusions écrites sur ce point
après qu'il aurait reçu signification de ces affi
davits. Je l'ai également autorisé à procéder à un
contre-interrogatoire sur ces affidavits s'il le
désirait. Il a décidé de ne pas le faire et il a
déposé des conclusions écrites.
Lors de l'audience sur le fond de la requête,
l'avocat de la défenderesse a fait valoir un
moyen non inclus dans les cinq sur lesquels les
avocats s'étaient entendus. Ce moyen portait
que les mots tapés à la machine «D. S. Maxwell,
sous-procureur général» n'équivalent pas à l'ap-
position de la signature de D. S. Maxwell. Si j'ai
bien compris, l'argument de l'avocat est que les
mots «D. S. Maxwell» auraient dû être écrits de
la main de M. Dubrule ou apposés à l'aide d'un
tampon portant la signature de M. Maxwell et
que, dans l'un ou l'autre cas, M. Dubrule aurait
dû ajouter sa propre signature avec une note
indiquant qu'il était autorisé à écrire de sa main
le nom de M. Maxwell ou à apposer avec un
tampon le fac-similé de la signature de M.
Maxwell.
J'ai autorisé l'avocat de la défenderesse à
présenter cet argument en dépit du fait que
celui-ci n'était pas inclus dans l'accord conclu
entre les avocats. J'ai cependant permis à l'avo-
cat de la demanderesse de présenter une
réponse écrite.
Pour revenir au premier moyen opposé à l'en-
contre de la déclaration, savoir que cette décla-
ration n'énonce pas les faits essentiels généra-
teurs du droit, la Règle 408(1) énonce que
«chaque plaidoirie doit obligatoirement contenir
un exposé précis des faits essentiels sur lesquels
se fonde la partie qui plaide».
Cette déclaration, qui est remarquable par sa
brièveté, est subdivisée en quatre paragraphes
sous le titre «Exposé de faits».
Le premier paragraphe énonce que la Com
mission de révision de l'impôt a fait droit à
l'appel de la défenderesse contre la cotisation de
son revenu par le Ministre.
L'appel de la décision de la Commission de
révision de l'impôt est un procès de novo, ce qui
explique qu'il est interjeté par voie de
déclaration.
Dans le second paragraphe il est allégué que
la défenderesse a acheté en 1965 une parcelle
de propriété au prix indiqué, qu'elle a revendu
une fraction de cette parcelle en 1970 à un autre
prix indiqué et qu'elle a réalisé un gain de
$168,018.
Le paragraphe 3 énonce que le Ministre a
inclus ce gain dans le calcul du revenu de la
défenderesse au motif qu'il constituait un
revenu provenant de l'exploitation de l'entre-
prise ou d'une opération commerciale entrant
dans le cadre de cette exploitation.
Ces affirmations sont, à mon avis, conformes
à l'esprit de la Règle 408. Elles exposent claire-
ment ce qu'on appelle communément un «pro-
blème de gain en capital». Elles préfigurent tout
aussi clairement quelle sera l'argumentation du
Ministre et quels seront les points que la défen-
deresse devra réfuter.
Cependant, l'avocat de la défenderesse sou-
tient que la déclaration est incomplète en ce
quelle n'indique pas
(1) si la défenderesse est une personne
morale, ni quelle loi la régit;
(2) où est situé le terrain vendu; et
(3) si la défenderesse est une contribuable
assujettie à l'impôt sur le revenu, ce qu'elle
aurait pu faire en alléguant qu'elle réside au
Canada ou exploite une entreprise au Canada.
Il est constant qu'une partie ne peut dicter à
l'autre la manière de plaider, sous réserve et à la
seule condition que les parties suivent la procé-
dure prévue par la loi.
Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, la
règle générale veut que la demanderesse expose
les faits sur lesquels sont fondées les conclu
sions auxquelles la défenderesse devra répondre
au procès et que les faits essentiels sont ceux
qu'il est nécessaire d'alléguer pour avoir une
cause d'action.
J'estime que ces conditions sont remplies par
la présente déclaration.
Je ne vois pas comment le fait de ne pas
indiquer que la défenderesse est une personne
morale constituée en société par action peut
porter préjudice à la défenderesse. Ce fait est
parfaitement connu de la défenderesse et il ne
constitue pas un fait essentiel que le Ministre
doit prouver pour réussir dans son action. Quoi-
qu'il en soit, dans l'intitulé de la cause la déno-
mination sociale de la défenderesse est suivie de
la mention «Limited». Toutes les lois sur les
compagnies des provinces de common law du
Canada prévoient que le nom d'une société par
action doit se terminer par le mot «Limited» ou
son abréviation. De même, je ne vois pas com
ment le fait de ne pas indiquer par quelle auto-
rité législative la défenderesse a été constituée
en corporation peut porter préjudice à la défen-
deresse dans sa défense ni comment ce fait peut
constituer un fait essentiel que le Ministre doit
nécessairement prouver pour réussir dans son
action.
Sans nul doute, en alléguant l'absence d'indi-
cations concernant les caractéristiques et l'em-
placement du terrain vendu de même que l'o-
mission d'indiquer que la défenderesse est
assujettie à la Loi de l'impôt sur le revenu,
l'avocat de la défenderesse garde à l'esprit que
ces indications sont indispensables pour faire
entrer la défenderesse dans le champs de la Loi
de l'impôt sur le revenu et que, par suite, l'omis-
sion de ces mentions «essentielles» vicient la
déclaration.
La question de savoir si un fait donné est
essentiel dépend des circonstances particulières
à chaque affaire. En l'espèce, le paragraphe 1 de
la déclaration énonce que la Commission de
révision de l'impôt a fait droit à l'appel que la
défenderesse a interjeté de la cotisation que le
Ministre a établie à son égard pour l'année d'im-
position 1970. Le texte officiel du jugement,
daté du 31 juillet 1972, énonce qu'il est fait
droit à l'appel et que le dossier est renvoyé au
Ministre pour nouvelle cotisation. Le jugement
est d'autre part dûment motivé. Il est donc clair
qu'appel a été entendu et que jugement a été
rendu sur la question de savoir si le gain réalisé
par la défenderesse résulte d'une augmentation
de la valeur du capital ou s'il résulte de l'exploi-
tation d'une entreprise ou d'une initiative de
caractère commercial.
Il s'ensuit que la défenderesse était assujettie
à la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette situation
est permanente et elle se dégage des allégations
de faits énoncées au paragraphe 1, vu que l'ap-
pel est un procès de novo.
En conséquence, la défenderesse n'a pas été
placée dans une position désavantagée.
Il me semble d'autre part que si le terrain
n'est pas situé au Canada ou si la défenderesse
ne résidait pas au Canada, l'opération en ques
tion pourrait ne pas être assujettie à l'impôt au
Canada. Si c'est le cas, ces faits peuvent consti-
tuer un bon moyen de défense. Dans sa déclara-
tion, la demanderesse n'a pas à prévoir les
moyens de défense et à fournir à l'avance les
réponses à ceux-ci au cas où ils seraient
employés.
A mon avis, dans sa forme actuelle, la pré-
sente déclaration fait état d'une cause d'action.
Si la défenderesse subit quelque préjudice, le
recours approprié est de demander des détails.
Je ne crois pas qu'il y aurait lieu de radier la
déclaration mais le Ministre serait autorisé à
amender son acte de procédure.
Cette dernière conclusion est fondée sur la
Règle 302 qui précise qu'aucun acte de procé-
dure ne peut être annulé pour une simple objec
tion de forme, que l'inobservation d'une règle de
pratique ne peut entraîner la nullité d'un acte de
procédure et qu'il est préférable d'amender
celui-ci.
La présente requête vise cependant à faire
radier la déclaration toute entière pour irrégula-
rité. On ne demande pas à la Cour de combler
une lacune en ordonnant la production de
détails ou d'amendements.
Le titre B de la déclaration se lit: «disposi-
tions législatives sur lesquels s'appuie la deman-
deresse et moyen de droits qu'elle entend avan-
cer». Au paragraphe 4, le Ministre déclare se
.fonder sur les articles 3, 4 et 139(1)e) de la Loi
de l'impôt sur le revenu. L'article 3 énonce que
le revenu d'un contribuable provient de toutes
sources situées à l'intérieur ou à l'extérieur du
Canada y compris le revenu d'une entreprise.
Selon l'article 4, le revenu provenant d'une
entreprise est le bénéfice qui en découle. L'arti-
cle 139(1)e) précise qu'une «entreprise» com-
prend une initiative ou affaire d'un caractère
commercial. Il s'agit là des dispositions législati-
ves sur lesquelles s'appuie habituellement le
Ministre pour faire entrer une opération com-
merciale isolée dans le cadre de l'exploitation de
l'entreprise.
L'avocat de la défenderesse soutient que la
déclaration est irrégulière au motif que le para-
graphe 4 ne précise pas les moyens sur lesquels
le Ministre prétend se fonder, contrairement à
ce que le titre indique. Cette omission existe
bien, en effet.
Cependant le paragraphe 3 de la déclaration
énonce:
[TRADUCTION] En établissant la cotisation de la défende-
resse pour l'année d'imposition 1970 et en incluant dans son
revenu un gain de $168,018.00, le ministre du Revenu
national a considéré que ce gain constituait un revenu prove-
nant d'une entreprise ou d'une initiative de caractère
commercial.
Il s'agit certainement là de la raison pour
laquelle le Ministre a agi comme il l'a fait et, à
mon avis, il aurait été inutile de la répéter au
paragraphe 4. La défenderesse a donc eu tout
loisir de prendre connaissance des conclusions
du Ministre auxquelles elle devra répondre.
Pour les raisons indiquées je refuse de faire
radier la déclaration sur le premier motif.
Le second motif avancé pour faire radier la
déclaration est que l'original déposé visait à
interjeter un appel de novo contre un jugement
en date du 31 juillet 1971 et expédié le ler août
1971. En vertu de l'article 172 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, qui est entré en vigueur le
l er janvier 1972, le Ministre et l'assujetti peu-
vent interjeter appel auprès de la Cour fédérale
du Canada d'un jugement de la Commission de
révision de l'impôt dans les 120 jours à compter
de la date à laquelle le registraire de cette Com
mission a expédié la décision au Ministre ou à
l'assujetti.
Par suite, il apparaît à la lecture même de la
déclaration, que l'appel a été interjeté en dehors
des délais.
Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, c'est
par erreur qu'ont été inscrites les dates du 31
juillet 1971 et du l er août 1971. Ces erreurs ont
été rectifiées conformément à la Règle 421
avant le dépôt de la défense afin que l'on puisse
lire 31 juillet 1972 et l er août 1972. Ces amen-
dements ont été signifiés à la défenderesse le 5
décembre 1972.
Un amendement régulièrement effectué, avec
ou sans autorisation de la Cour, prend effet, non
à la date à laquelle il est fait, mais à la date du
document original qu'il modifie. (Voir le juge-
ment du juge Lord Hodson dans l'affaire
Warner c. Simpson [1959] 1 Q.B. 297 à la p.
321.)
L'amendement étant rétroactif, la déclaration
ne peut donc être radiée sur le second motif.
Je voudrais à ce stade m'éloigner de l'ordre
numérique des moyens et examiner les qua-
trième et cinquième moyens opposés à la décla-
ration, en gardant pour la fin le troisième
moyen, qui soulève davantage de difficultés.
Le quatrième moyen est double. Il signifie
premièrement que le préposé adjoint au greffe a
ajouté sans y être autorisé les mentions
«27ème» et «novembre» dans la formule sui-
vante apposée en haut de la déclaration:
«Déposé le jour d
1972».
Je ne suis pas de cet avis et, au contraire,
j'estime que le préposé avait le devoir de le
faire.
La Règle 400 prévoit qu'en l'absence de dis
positions contraires, toute action est introduite
par le dépôt d'un acte introductif d'instance qui
porte le titre «DÉCLARATION» selon la formule
11 figurant à l'annexe des règles. La Règle 2 est
une règle d'interprétation et elle énonce certai-
nes définitions. Elle précise au paragraphe (3)
que lorsqu'il est fait mention d'une «formule»
dans les règles, cette mention doit s'interpréter
comme une mention de ladite formule figurant à
l'annexe et comme une directive à l'effet que le
document mentionné doit suivre d'aussi près
que possible le libellé de la formule.
La formule 11 porte la mention suivante:
Déposée le jour d
19
En vertu de la Règle 201 il doit être tenu, pour
chaque instance introduite devant la Cour, un
dossier dans lequel sont conservés, avec la date
et l'heure du dépôt ou de la réception dûment
estampillés, tous les documents déposés en
application des règles, reliés de façon perma-
nente dans l'ordre de réception.
Le paragraphe (4) de la Règle 201 interdit le
retrait de documents du dossier de la Cour sauf
sur ordonnance de la Cour ou, dans le cours
ordinaire des travaux du greffe, par un officier
responsable qui devra veiller à ce que le docu
ment soit remis à sa place.
Pour se conformer à la Règle 201, le greffe a
adopté l'utilisation d'un tampon apposé sur
chaque document au moment du dépôt, indi-
quant la date et l'heure du dépôt de ce
document.
Il est clair que c'est le préposé au greffe qui
doit apposer ce tampon et non la personne qui
présente le document pour dépôt. Un document
ne peut être considéré comme déposé s'il n'est
pas ainsi estampillé et après l'avoir été, il
devient partie du dossier de la Cour. Il n'est pas
possible de remplir la formule prescrite par la
formule 11 indiquant la date du dépôt tant que
le document n'est pas estampillé.
Vu l'interdiction de retirer des documents du
dossier de la Cour à moins d'une ordonnance ou
à moins que ce soit fait dans le cours ordinaire
de l'exécution des fonctions du greffe et vu que
de nombreux documents sont expédiés par la
poste et qu'il est impossible de prévoir la date
de réception et du dépôt au moment de l'expédi-
tion, il est tout à fait raisonnable et approprié
que le préposé au greffe complète la formule en
question.
La formule de date figurant à la formule 11 a
précisément la même fonction que le tampon. Il
n'est pas concevable qu'une personne autre
qu'un employé du greffe dûment autorisé puisse
apposer ce tampon. L'utilité de la mention figu-
rant à la formule 11 est de faciliter l'établisse-
ment de copies conformes pour lesquelles le
tampon ne peut être utilisé pour des raisons
pratiques.
A mon avis, cette formule a le même effet
que le tampon et si ce dernier doit nécessaire-
ment être apposé par le personnel du greffe, il
s'ensuit que la formule doit, elle aussi, être
complétée par le personnel du greffe.
Par ces motifs, je rejette la prétention de la
défenderesse visant à démontrer que le préposé
adjoint au greffe n'était pas autorisé à inscrire la
date du dépôt dans la formule.
La deuxième partie de cette quatrième excep
tion porte que le préposé adjoint au greffe a
inscrit la date dans les blancs de la déclaration.
Au titre de la date de la déclaration, la
formule 11 renferme une mention, apposée au
bas du document, qui se lit:
Fait à ce
jour de
19
en laissant au-dessous une place pour la signa
ture de l'avocat de la demanderesse.
Le greffe a réceptionné la déclaration en
cause puis l'a classée au dossier après avoir
dactylographié le nom du lieu où l'acte a été fait
sur la formule, mais l'espace réservé à la date a
été laissé en blanc. Un des préposés adjoints au
greffe a rajouté la date de sa propre initiative.
Il est clair que cette partie de la déclaration
devait être remplie par l'avocat de la demande-
resse et non par un responsable ou un préposé
du greffe.
Sans vouloir chercher des excuses à l'initia-
tive du préposé adjoint au greffe qui, s'aperce-
vant que la déclaration n'était pas datée, a pris
sur lui de remédier à cette omission en inscri-
vant à la place des blancs la date correspondant
au dépôt du document, il ne m'apparaît pas
qu'un tel défaut de pouvoir puisse affecter la
validité de la déclaration.
Halsbury, 3 e édition, vol. 11 paragraphe 604
déclare:
[TRADUCTION] L'altération d'un document, effectuée pos-
térieurement à sa signature et sur un point qui n'est pas
essentiel, n'influe aucunement sur la validité de ce docu
ment, que l'altération soit le fait d'une des parties ou d'un
tiers.
Ce principe a été énoncé dans l'affaire Pigot
(1614) 11 Co. Rep. 26b, à la p. 27a,
[TRADUCTION] Si le créancier modifie lui-même le docu
ment d'une des manières indiquées, celui-ci devient nul
même si la modification ne porte pas sur des termes essen-
tiels. Par contre si un tiers modifie le document d'une des
manières indiquées sur un point non essentiel à l'insu du
créancier, il n'en résulte aucune nullité, . . .
L'affaire Pigot a été examinée dans l'affaire
Aldous c. Cornwell (1868) L.R. 3 Q.B. 573 à la
p. 579. Le juge Lush, en rendant le jugement de
la Cour, a déclaré après avoir passé en revue la
jurisprudence:
[TRADUCTION] Vu l'état actuel de la jurisprudence, nous ne
nous estimons pas liés par le principe énoncé dans l'affaire
Pigot, ni par la jurisprudence qui y est citée. Nous n'avons
donc aucunement l'intention d'ériger en règle de droit le fait
que l'addition de termes qui ne sont préjudiciables à per-
sonne, puisse atteindre la validité de l'effet.
Depuis la décision dans l'affaire Aldous c.
Cornwell, le principe énoncé dans l'affaire Pigot
portant que toute altération apportée à un con-
trat par le créancier après la signature entraîne
la nullité de l'acte doit être interprété comme ne
s'appliquant qu'aux dispositions essentielles.
L'affaire Pigot qui posait, entre autres, qu'un
contrat était nul même si l'altération faite par le
créancier ne portait pas sur une disposition
essentielle a été renversée sur ce point dans
l'affaire Bishop of Crediton c. Bishop of Exeter
[1905] 2 Ch. 455, dans lequel le juge Swinfen
Eady a déclaré (page 459):
[TRADUCTION] . . . En d'autres termes, nous ne pouvons plus
dire que l'affaire Pigot établit que lorsque l'altération ne
porte pas sur une disposition essentielle l'acte est nul.
Le principe énoncé dans l'affaire Pigot por-
tant que «si un tiers modifie le document d'une
des manières indiquées sur un point non essen-
tiel à l'insu du créancier, il n'en résulte aucune
nullité» est toujours valable.
Ces affaires sont citées en note par l'éditeur
de l'ouvrage de Halsbury pour appuyer le prin-
cipe énoncé succinctement dans l'extrait que
nous avons cité.
Les affaires citées portent sur des contrats
mais je considère que les principes qui y sont
énoncés s'appliquent tout autant à la déclaration
en cause, compte tenu de l'économie de la Règle
302 qui porte que les vices de forme ne sont pas
des causes de nullité.
L'altération faite à la déclaration par le pré-
posé adjoint au greffe ne porte pas sur une
disposition essentielle. Les déclarations sont
datées en application d'une règle de forme. En
l'espèce, la déclaration aurait pu être datée de
l'un quelconque des 120 jours qui ont suivis le
ler août 1972, date à laquelle le registraire de la
Commission de révision de l'impôt a expédié la
décision de la Commission à la défenderesse. A
mon avis, la déclaration ne prend effet qu'à
compter du dépôt au greffe et elle produirait le
même effet en l'absence de toute date. La date
essentielle est celle du dépôt au greffe de la
déclaration emportant introduction de l'action.
Pour les motifs qui précèdent, je refuse de
prononcer la radiation de la déclaration sur le
quatrième motif.
Le cinquième moyen porte sur le fait que
l'action a été introduite en dehors des délais,
puisque la déclaration n'a été signifiée à la
défenderesse que le 29 novembre 1972.
L'article 172(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu énonce:
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120
jours de la date où le régistraire de la Commission de
révision de l'impôt transmet à la poste, au Ministre et au
contribuable, la décision concernant un appel basé sur l'arti-
cle 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du
Canada.
Le registraire de la Commission de révision
de l'impôt a expédié la décision de la Commis
sion le ler août 1972. En conséquence, aux
termes de l'article 172(1) le délai dont disposait
le Ministre pour interjeter appel devant la Cour
fédérale expirait le 28 novembre 1972.
L'article 175(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu énonce:
175. (1) En vertu de la présente loi, un appel auprès de la
Cour fédérale, sauf un appel auquel s'applique l'article 180,
est introduit,
a) dans le cas d'un appel interjeté par un contribuable,
(i) de la manière indiquée à l'article 48 de la Loi sur la
Cour fédérale, ou
(ii) par le dépôt par le Ministre d'une copie d'un avis
d'opposition au greffe de la Cour fédérale, en vertu de
l'alinéa 165(3)b); et
b) dans le cas d'un appel interjeté par le Ministre, de la
manière prévue par les règles de la Cour fédérale concer-
nant l'introduction d'une action.
L'article 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale
se lit comme suit:
48. (1) Une procédure contre la Couronne peut être enga
gée par le dépôt au greffe de la Cour d'un acte de procédure
en la forme indiquée à l'annexe I de la présente loi.
Les paragraphes suivants portent sur les docu
ments qui doivent être déposés, sur la significa
tion de ceux-ci à Sa Majesté et sur l'établisse-
ment d'un certificat faisant foi de la
signification.
La Règle 600 de la Cour fédérale, qui traite
des actions intentées par la Couronne, dispose
en partie:
Règle 600. (1) Sauf dans le cas où quelque autre mode de
procédure est requis par une loi, la Règle 400 s'applique à
une action intentée par la Couronne, .. .
La Règle 400, qui s'applique en l'espèce,
dispose:
Règle 400. Sauf disposition contraire, chaque action est
intentée par le dépôt d'un acte introductif d'instance qui
peut porter le titre de déclaration ou statement of claim ... .
S'il m'appartenait de trancher la question, les
termes de l'article 48 de la Loi sur la Cour
fédérale ainsi que ceux de la Règle 400 m'amè-
neraient à conclure qu'une action est introduite
par le dépôt au greffe d'un acte introductif
d'instance, soit en l'espèce le 27 novembre
1972.
L'avocat de la défense soutient que l'action
n'est introduite que lorsque l'acte introductif
d'instance est déposé et signifié à la défende-
resse et qu'il n'y a signification que le jour où la
défenderesse reçoit le document, ce qui en l'es-
pèce s'est produit le 29 novembre 1972, soit un
jour après l'expiration du délai d'appel.
D'après le certificat du préposé au greffe,
l'original ainsi que deux copies de la déclaration
ont été reçus et déposés au greffe le 27 novem-
bre 1972 et les copies ont été adressés à la
défenderesse par courrier recommandé à sa der-
nière adresse connue soit au 829 rue Aberdeen
à Fredericton (N.-B.), conformément aux para-
graphes (4) et (5) de l'article 175 de la Loi de
l'impôt sur le revenu qui énonce:
175. (4) Lorsque le Ministre introduit un appel en vertu
du présent article ou dépose une copie d'un avis d'opposi-
tion au greffe de la Cour fédérale, conformément à l'alinéa
165(3)b), et qu'il joint à l'acte introductif d'instance ou à la
copie de l'avis d'opposition deux copies de ces documents
ou des copies supplémentaires et un certificat attestant la
dernière adresse connue du contribuable, un fonctionnaire
du greffe de la Cour doit, après avoir vérifié l'exactitude des
copies, signifier immédiatement l'acte introductif d'instance
ou la copie de l'avis d'opposition au contribuable, au nom du
Ministre, en lui en expédiant les copies ou des copies
supplémentaires, sous pli recommandé, à son adresse, telle
qu'elle apparaît au certificat.
(5) Lorsque des copies ont été expédiées au contribuable
en vertu du paragraphe 4, un certificat attestant la date de
dépôt et la date d'expédition par la poste des copies, et
portant la signature d'un fonctionnaire du greffe de la Cour
fédérale, doit être transmis au bureau du sous-procureur
général du Canada, et ce certificat constitue la preuve de la
date du dépôt et de la date de la signification du document
qui y est mentionné.
A l'audience, j'ai indiqué que je considérais
que la date de signification à la défenderesse
était la date d'expédition des copies de l'acte
introductif d'instance au contribuable. J'estime
qu'il n'existe qu'une seule interprétation possi
ble du paragraphe (5) de l'article 175: la date de
signification à la défenderesse est la date à
laquelle le greffe expédie les copies.
A l'appui de cette conclusion, je citerai la
décision du juge adjoint Hyndman dans l'affaire
M.R.N. c. Walker [1951] C.T.C. 334. Dans cette
affaire le juge adjoint Hyndman a été amené à
interpréter l'article 89(2) de la Loi de l'impôt sur
le revenu alors en vigueur. Il a déclaré à la page
336:
[TRADUCTION] Nous devons cependant examiner attentive-
ment les termes de l'article 89(2): «peut être signifié au
contribuable en personne ou lui être «expédié» sous plis
recommandé, à sa dernière adresse connue.» Selon mon
interprétation, ce n'est pas la réception de l'avis par le
contribuable qui compte mais le fait que l'avis lui a été
«expédié»; et c'est cette date d'expédition qui doit être
considérée comme la date de signification.
Après mûre réflexion, je réaffirme que la
signification a été faite dans les délais et ce
motif doit donc échouer.
Je voudrais maintenant examiner le troisième
moyen opposé à la validité de la déclaration et
énoncé dans la lettre du 29 décembre 1972
adressée à l'avocat de la demanderesse par l'a-
vocat de la défenderesse. Je cite.
[TRADUCTION] 3. La déclaration paraît avoir été signée par
F. J. Dubrule au nom de D. S. Maxwell et nous savons que
ce document a en fait été signé par un certain M. Storrow
alors que M. Dubrule était à Toronto. Notre position est que
M. Storrow aurait dû inscrire son propre nom aux lieu et
place de celui de M. Maxwell et que M. Dubrule, ayant déjà
reçu ses pouvoirs de M. Maxwell, ne pouvait les redéléguer.
Au cours des débats, l'avocat de la défense a
fait remarquer que la Règle 600 énonce expres-
sément que:
... Un statement of claim ou une déclaration dans une
action intentée par la Couronne peut être signé par le
procureur général du Canada, le sous-procureur général du
Canada ou une autre personne dûment autorisée à y apposer
la griffe de l'un d'eux.
Le terme «peut» utilisé dans ce contexte crée
une faculté en ce sens qu'une déclaration peut
être signée, soit par l'une de ces deux person-
nes, soit par une personne habilitée à apposer la
signature de l'une de ces deux personnes, mais il
doit en même temps être interprété comme
créant une obligation en ce sens que le docu
ment doit être signé par l'une de ces deux
personnes.
II est admis de part de d'autre que D. S.
Maxwell était à l'époque des faits sous-procu-
reur général du Canada et que F. J. Dubrule
était dûment autorisé à apposer la signature de
D. S. Maxwell sur une déclaration.
La signature apposée sur la déclaration se
présente de la façon suivante:
D. S. Maxwell
sous-procureur général du Canada
par: (Signature) «F. J. Dubrule»
F. J. Dubrule
Tous les mots sont tapés à la machine à l'excep-
tion du premier «F. J. Dubrule», qui est écrit à
la main.
II est aussi admis que les initiales et le nom
manuscrit de «F. J. Dubrule» ne sont pas de la
main de M. Dubrule mais de celle de M. Stor-
row, avocat à la division du contentieux de
l'impôt du ministère de la Justice dont M.
Dubrule est le directeur.
Essentiellement, l'argument de l'avocat de la
défenderesse porte que M. Dubrule avait déjà
reçu du sous-procureur le pouvoir d'apposer la
signature de celui-ci et que, pour cette raison, il
n'était pas autorisé à les déléguer à son tour à
M. Storrow.
En réplique, l'avocat de la Couronne a sou-
tenu, en s'appuyant sur la jurisprudence citée,
que la signature «F. J. Dubrule» écrite par M.
Storrow, était en réalité la signature de M.
Dubrule.
Au cours des débats, l'avocat de la défende-
resse a contesté que M. Dubrule ait autorisé M.
Storrow à signer son nom. Étant donné qu'il
n'est pas possible de dégager de l'accord inter-
venu entre les avocats un consensus clair et non
équivoque sur ce point, j'ai accueilli la requête
de l'avocat de la défense demandant que l'auto-
risation en question soit établie par affidavit et
j'ai permis à la Couronne de le faire.
Au cours des débats également, l'avocat de la
défenderesse a soulevé une question qui n'avait
pas été incluse dans les motifs d'opposition. Il a
prétendu que les initiales ainsi que le nom «D.
S. Maxwell» tapés à la machine ne peuvent pas
être reconnus comme la signature de M. Max-
well et que celui-ci aurait dû signer en lettres
manuscrites ou apposer une estampille portant
la signature de M. Maxwell.
Il a de nouveau réclamé des précisions sur la
manière dont les initiales et le nom avaient été
apposés ainsi que sur l'identité de la personne
qui les avaient tapés à la machine. J'ai autorisé
l'avocat de la Couronne à déposer un autre
affidavit sur ce point.
Ces affidavits ont maintenant été produits.
Dans son affidavit, Linda A. Terry, secrétaire
à la division du contentieux de l'impôt, témoigne
que M. Dubrule lui a demandé d'aller chercher
une déclaration déposée sur son bureau et de la
faire signer par l'un des avocats de la division
du contentieux de l'impôt avant de la déposer
auprès du greffe de la Cour fédérale. Le témoin
affirme ensuite que le 27 novembre 1972, elle a
présenté la déclaration à M. Storrow pour que
celui-ci la signe. Après avoir fait signer la décla-
ration et l'avoir déposée au greffe, elle a télé-
phoné à M. Dubrule pour lui faire part de ses
démarches.
A mon avis, l'affidavit de Mue Terry prouve
que M. Dubrule, en lui transmettant ses instruc
tions l'a autorisée à faire signer la déclaration
par un avocat de la division du contentieux de
l'impôt. L'un quelconque des avocats de la divi
sion, dont M. Storrow faisait partie, était visé
par ces instructions. Mlle Terry a agit conformé-
ment aux instructions qu'elle a reçues de M.
Dubrule en faisant signer la déclaration par M.
Storrow, puis en faisant ensuite rapport.
Les instructions qu'a reçues M " e Terry de M.
Dubrule selon la version de M"e Terry, sont
susceptibles de recevoir deux interprétations:
(1) que M. Storrow appose sa propre signature
«M. R. V. Storrow» ou (2) que M. Storrow signe
du nom de M. Dubrule.
Si M. Storrow avait choisi la première inter-
prétation, il aurait inscrit son propre nom, esti-
mant être autorisé à apposer la signature du
sous-procureur général. Il a cependant choisi la
deuxième interprétation et a signé du nom de M.
Dubrule, ce que, bien entendu, il était à mon
avis autorisé à faire vu les instructions données
à M " e Terry par M. Dubrule.
La position de l'avocat de la Couronne, peut,
à mon avis, être résumée de la manière
suivante:
(1) la signature «F. J. Dubrule» écrite de la
main de M. Storrow était en réalité celle de
M. Dubrule, étant donné que lorsqu'une per-
sonne délègue à une autre le pouvoir de signer
pour elle, la signature de la personne qui signe
vaut signature de la personne qui l'a
autorisée;
(2) la signature du nom «F. J. Dubrule» par
une personne autorisée à le faire, savoir M.
Storrow, revient à faire imposer la signature
D. S. Maxwell par une personne autorisée à
apposer cette signature, savoir M. Dubrule.
Dans l'affaire The Queen c. The Justices of
Kent (1873) L.R. 8 Q.B. 305, M. Weld a inter-
jeté appel de l'évaluation de ses terres aux fins
de l'impôt foncier. L'avis d'appel devait être
[TRADUCTION] «signé par l'appelant ou par son
avocat.» En l'espèce, l'avis n'avait pas été signé
par Weld, ni par son avocat, et il l'avait été par
un commis de l'avocat aux lieu et place de
Weld, après y avoir été autorisé par ce dernier.
Weld s'est vu opposer l'irrégularité de l'avis
d'appel au motif que la signature de l'appelant
n'était pas écrite de sa main.
Le juge Blackburn a déclaré (page 307):
[TRADUCTION] Il est clair qu'en common law, lorsqu'une
personne autorise une autre à signer pour elle, la signature
de la personne qui signe vaut signature de la personne qui a
autorisé la signature; il peut cependant se produire des cas
où la loi exige la signature de la personne elle-même.
il ajoute plus loin sur la même page,
En l'espèce, le commis était dûment autorisé à signer pour
l'appelant et cette signature est suffisante en common law.
La loi applicable n'exige en rien une signature personnelle
de l'intéressé et la règle s'applique donc avec toute sa force.
Le juge Quain a également déclaré à la page
307:
Je souscris à cette opinion. Nous ne devons pas limiter
l'application de la règle de common law «qui facit per alium
facit per se», si la loi n'exige pas la production de la
signature de la personne elle-même.
Le juge Archibald a abondé dans le sens du
juge Quain.
L'affaire France c. Dutton [1891] 2 Q.B. 208,
mettait en cause les règles de la Cour de comté
qui exigeaient que les détails d'une déclaration
soient signés [TRADUCTION] «par l'avocat».
Ceux-ci avaient été signés en l'espèce par le
commis de l'avocat agissant au nom de ce der-
nier en vertu d'une procuration générale.
Reprenant les conclusions mentionnées du
juge Blackburn dans l'affaire The Queen c. Kent
Justices (précitée) le juge en chef Lord Cole-
ridge a déclaré que cette signature était
suffisante.
Dans l'affaire The Queen c. Cowper (1890) 24
Q.B.D. 533, le problème a porté sur la question
de savoir si la signature d'un avocat pouvait être
validement remplacée par l'inscription du nom
de celui-ci en caractère d'imprimerie. Dans un
jugement majoritaire, la Cour a décidé que cette
signature était insuffisante.
Le maître des rôles Lord Esher (dissident) a
déclaré à la page 535:
[TRADUCTION] ... Exception faite des testaments, je ne
connais aucun cas où, lorsqu'une personne inscrit son nom
avec l'intention d'apposer sa signature, celle-ci est jugée
insuffisante parce qu'elle n'est pas la signature manuscrite
de cette personne.
La majorité a décidé que les règles visaient à
ce qu'au vu du document, on soit sûr que l'avo-
cat en avait pris lui-même connaissance et avait
donné son accord, ce qui n'est pas le cas lorsque
le nom de cet avocat est simplement imprimé.
Cependant, la réflexion de Lord Esher mention-
née ci-dessus n'a pas été contestée et a été
reprise depuis dans de nombreux arrêts.
Dans l'affaire London County Council c.
Agricultural Food Products Ld. [1955] 2 Q.B.
218, un bail passé par le conseil municipal de
Londres, en tant que propriétaire, contenait une
clause stipulant que si le propriétaire désirait
résilier le bail il devait le notifier au locataire
par «avis écrit signé par l'expert agréé par le
conseil.» En l'espèce, le propriétaire a notifié au
locataire de quitter les lieux par un avis sur
lequel le nom de l'expert agréé par le conseil
semblait avoir été signé. Son nom avait été en
réalité apposé par un adjoint, et le document
n'indiquait en rien qu'il y avait eu procuration.
La signature apposée dans cette affaire cor
respond exactement à la signature «F. J.
Dubrule» apposée par M. Storrow.
Lord Denning a déclaré (page 222):
[TRADUCTION] D'après les termes du bail, je considère que
l'avis de résiliation pouvait être régulièrement signé par
procuration. Prenons le cas où c'est le locataire qui désire
résilier le bail. L'avis devra être donné par écrit et «signé
par le locataire.» Or, le locataire est une personne morale,
qui ne peut pas apposer une signature. Elle doit nécessaire-
ment signer par procuration, par l'intermédiaire d'un admi-
nistrateur ou d'un secrétaire. Revenons maintenant au cas
où le conseil municipal de Londres désire signifier un avis
de résiliation. Cet avis doit être donné par écrit et «signé par
l'expert agréé par le conseil.» Cet expert n'est pas individua-
lisé par son nom et il est désigné par son poste. Il est
possible que le locataire ne connaisse même pas le nom de
l'expert. Différents experts peuvent se succéder sans que le
locataire le sache. L'identité propre de l'expert n'entre abso-
lument pas en ligne de compte. Considérant ces faits, je suis
d'avis que la signature par procuration est régulière. L'ex-
pert peut autoriser l'un de ses adjoints à signer en son nom.
Toutefois, l'adjoint devrait ajouter les lettres «p.p.» suivies
de ses initiales pour indiquer que le document est signé par
procuration.
De toute évidence, Lord Denning estime que
lorsque une personne est autorisée par une autre
à signer pour elle, la meilleure solution est d'a-
jouter la formule «en son nom», «par pros.» ou
«p.p.» suivie des initiales de celui qui signe pour
indiquer que le document est signé par
procuration.
S'il avait voulu respecter à la lettre les exigen-
ces exprimées par Lord Denning, M. Storrow
aurait dû écrire «F. J. Dubrule, en son nom M.
R. V. Storrow» ou il aurait dû inscrire ses
initiales «M. R. V. S.».
Toutefois, ce n'est pas la procédure suivie
dans l'affaire London County Council (préci-
tée), ni dans la présente affaire.
Lord Denning a ajouté (page 223):
[TRADUCTION] Le deuxième problème est plus difficile à
résoudre. L'adjoint n'a pas ajouté les lettres «p.p.» comme il
aurait dû le faire. Il s'agit là d'une erreur regrettable car elle
est source de confusion. Toute personne ne connaissant pas
la signature de Toole aurait pu penser qu'il avait signé
lui-même le document. En l'absence de jurisprudence, j'au-
rais jugé qu'il y avait là un vice rédhibitoire. Il existe
toutefois deux arrêts qui retiennent la thèse contraire. Dans
les affaires Reg. c. Kent Justices ((1873) L.R. 8 Q.B. 305) et
France c. Dutton ([1891] 2 Q.B. 208) un commis dûment
autorisé à signer aux lieu et place de son supérieur avait
apposé la signature de ce dernier sans indiquer qu'il signait
par procuration. Il n'en restait pas moins que cette signature
était apposée par procuration et, pourtant, elle a été jugée
régulière. Je crois que nous sommes liés par une jurispru
dence aussi éminente, d'autant plus que l'article 91(1) du
Bills of Exchange Act (1882) retient la même solution. Cet
article énonce: «Quand, en vertu de la présente loi, un effet
ou un écrit doit être signé par une personne, il n'est pas
nécessaire que la personne signe de sa propre main et il
suffit que sa signature y soit apposée par une autre, avec
son autorisation.» Cette loi est une loi codificatrice et cet
article constitue donc la reconnaissance législative de la
règle posée dans l'arrêt Reg. c. Kent Justices (L.R. 8 Q.B.
305). Compte tenu de cette règle, donc, il y a lieu de décider
que la signature apposée sur cet avis de résiliation est
valable, puisqu'elle a été autorisée par Toole.
Je désire souligner que l'article 4 de la Loi sur
les lettres de change, S.R.C. 1970, c. B-5 est
identique à l'article 91(1) du Bills of Exchange
Act de 1882 cité par Lord Denning.
Lord Romer a déclaré à la page 223-4:
[TRADUCTION] A mon avis il est constant en common law
qu'un document est valablement «signé» par une personne
s'il est signé par une autre personne autorisée à le faire à sa
place. En pareil cas, la signature du mandataire est considé-
rée comme étant celle du commettant. Ce principe a été
reconnu dans l'arrêt Reg. c. Kent Justices (L.R. 8 Q.B. 305
le juge Blackburn) dans l'arrêt Reg. c. Cowper, ((1890) 24
Q.B.D. 533; 6 T.L.R., Lord Esher) et dans l'arrêt France c.
Dutton ([1891] 2 Q.B. 208) de la Divisional Court. La
définition du terme «signature» énoncée dans le Stroud
Judicial Dictionary s'inspire également de ce principe.
Dès le début de son jugement, Lord Parker
cite le Stroud Judicial Dictionary. Il déclare
(page 225-6):
[TRADUCTION] La définition des termes «signé et signa
ture» au Stroud Judicial Dictionary, 3e édition, vol. 4, p.
2783, est la suivante: «(1) au sens large, la signature est
l'inscription par une personne de son nom ou l'apposition de
celui-ci ou d'un signe le représentant que la personne le
fasse elle-même ou par délégation ... pour authentifier un
écrit ou en assumer la responsabilité.... »
Ainsi que l'a déclaré le juge Lord Romer dans l'affaire
Goodman c. J. Eban Ld., ([1954] 1 Q.B. 550 à la p. 563)
cette définition semble être conforme aux conclusions tirées
par le juge Blackburn dans l'affaire Reg. c. Kent Justices,
(L.R. 8 Q.B. 305 à la p. 307): «Il est certain qu'en common
law, lorsqu'une personne autorise une autre à signer pour
elle, une telle signature équivaut à la signature de la per-
sonne qu'il a autorisée; il existe néanmoins des cas où la loi
exige la signature de la personne elle-même.» Le juge en
chef Lord Coleridge a d'ailleurs expressément souscrit à
cette proposition dans l'affaire France c. Dutton ([1891] 2
Q.B. 208 à la p. 210). Voir aussi l'affaire Reg. c. Cowper (24
Q.B.D. 533 à la p. 535, le maître des rôles Lord Esher).
Dans l'affaire Goodman c. J. Eban Ld., ([1954] 1 Q.B. 550
à la p. 561) Lord Denning a certainement exprimé une
opinion très défendable lorsqu'il a déclaré: «lorsqu'un docu
ment doit être signé par une personne, cela signifie, en
langue moderne, que cette personne doit écrire son nom de
sa main.» La majorité de la cour n'a cependant pas partagé
cette opinion et elle a décidé qu'une estampille du nom d'un
avocat apposée avec son autorisation constituait une signa
ture valable sur une note de frais. Il est exact qu'en l'espèce
il ne s'agissait pas de savoir ««par qui», mais plutôt «com-
ment» le document en question devait être signé,» mais il
s'agit là d'une manifestation de la survivance d'une vieille
règle de common law.
Vu cette jurisprudence déterminante et
compte tenu du fait que j'ai conclu que M.
Dubrule avait autorisé M. Storrow à apposer sa
signature, il est tout à fait clair que la signature
«F. J. Dubrule» écrite de la main de M. Storrow
constitue, en fait, la signature de M. Dubrule.
Cette conclusion nous amène à nous deman-
der si la Règle 600 exige de manière impérative
que la déclaration soit signée de la main même
de la personne qui doit signer.
La défense a soutenu que, étant donné que le
procureur général ou le sous-procureur général
du Canada ont autorisé M. Dubrule à apposer
leur signature, M. Dubrule ne pouvait à son tour
redéléguer ce pouvoir à un avocat de la division
du contentieux de l'impôt dont il est directeur.
De nombreux cas établissent que lorsqu'un
mandataire est habilité à agir pour son commet-
tant, la maxime «Delegatus non potest delegare»
s'applique, mais il existe des cas exceptionnels
bien définis où le pouvoir de déléguer un pou-
voir délégué est implicitement reconnu, généra-
lement au motif qu'il n'est pas nécessaire que la
personne visée se saisisse personnellement de
l'affaire et que toute personne peut s'acquitter
de cette charge avec autant d'efficacité.
Dans l'affaire Carltona, Ltd. c. Commission
ers of Works [1943] 2 All E.R. 560, Lord
Greene a déclaré à la page 563:
[TRADUCTION] Aux fins du gouvernement de ce pays, les
fonctions qui sont attribuées aux ministres «et qui leur sont
dûment attribuées par la constitution puisqu'ils sont consti-
tutionnellement responsables» sont si diverses que le minis-
tre est dans l'impossibilité de s'en charger lui-même. Si l'on
prend par exemple le cas qui nous occupe, il est évident que
des milliers de réquisitions ont été effectuées par les divers
ministères de ce pays. Il n'est pas possible de supposer que
la loi exige dans chaque cas que le ministre s'occupe de
l'affaire en personne. Les fonctions confiées aux ministres
et les pouvoirs dont ils sont investis sont normalement
exercés par des hauts fonctionnaires du ministère agissant
sous l'autorité du ministre. Il serait impossible d'administrer
un pays autrement. Au point de vue de la constitution, la
décision d'un tel fonctionnaire constitue bien entendu la
décision du ministre. Le ministre en est responsable. C'est
lui qui doit répondre devant le Parlement des actions que ses
subordonnés accomplissent sous son autorité et, s'il confie
une affaire importante à un fonctionnaire tellement peu
expérimenté qu'il ne peut pas exécuter les fonctions adéqua-
tement, le ministre doit en répondre devant le Parlement.
L'ensemble de l'organisation administrative ministérielle
part du principe que les ministres, étant responsables devant
le Parlement, doivent veiller à confier les tâches importantes
à des fonctionnaires expérimentés. Dans le cas contraire, il
faut saisir le Parlement.
Dans l'affaire Metropolitan Borough and
Town Clerk of Lewisham c. Roberts [1949] 1 All
E.R. 815, le juge Lord Bucknill a déclaré à la
page 821:
[TRADUCTION] Après avoir cité le jugement du maître des
rôles Lord Greene dans l'affaire Carltona, Ltd. c. Works
Comrs. ([1943] 2 All E.R. 560) le savant juge de la cour de
comté a déclaré:
... appliquons ces principes à la présente affaire: je cons-
tate que la preuve n'indique en rien que M. O'Gara, en
autorisant au nom du Ministre la réquisition d'une propriété
et plus précisément en rédigeant le document du 12 novem-
bre 1946, a agi sans autorité. Au contraire, vu qu'il existe
une présomption que les fonctions ministérielles seront exé-
cutées, non pas par le Ministre lui-même, mais plutôt par les
fonctionnaires responsables de son ministère, et je pense
que lorsque de tels actes sont accomplis à titre officiel
pendant une longue période comme c'est le cas dans la
présente affaire, étant donné que tous ces actes impliquent,
à quelque degré, une connaissance et parfois une participa
tion d'autres fonctionnaires, il devient notoire que la per-
sonne qui agit ainsi à titre officiel est dûment autorisée à
agir.
Lord Denning a déclaré à la page 824:
[TRADUCTION] ... Il est très évident que le Ministre peut
confier ses fonctions administratives, par opposition à ses
fonctions législatives, à tout fonctionnaire de son ministère
qu'il autorise.
Le juge Jenkins a déclaré ce qui suit sur cette
question à la page 828:
[TRADUCTION] La validité de la délégation de pouvoirs que
M. O'Gara prétendait faire au nom du Ministre par cette
lettre a été attaquée pour un autre motif, savoir que même
s'il était réellement autorisé par le Ministre à faire de telles
délégations, c'est-à-dire que les pouvoirs qui lui étaient
conférés incluaient celui de faire de telles délégations, il
n'était autorisé à le faire qu'en vertu des pouvoirs que lui
avait délégués le Ministre, de sorte que, en droit, il ne
pouvait à son tour, déléguer les pouvoirs qu'il avait ainsi
reçus en vertu du principe bien connu delegatus non potest
delegare. Je pense qu'un tel argument part d'une mauvaise
compréhension des relations qui existent entre le Ministre et
les fonctionnaires de son ministère. Par la force des choses,
le Ministre doit agir par l'intermédiaire des fonctionnaires de
son ministère et lorsque certaines fonctions sont expressé-
ment confiées à un Ministre, comme c'est le cas des règle-
ments de la défense à l'examen dans cette affaire, il est
nécessairement entendu que ces fonctions peuvent être exé-
cutées par le Ministre, personnellement ou par l'intermé-
diaire de ses fonctionnaires et par les mesures prises dans
l'exercice de ces fonctions sont le fait du Ministre, qu'il en
ait pris l'initiative personnellement ou qu'il l'ait fait par
l'intermédiaire des fonctionnaires de son ministère. Excep
tion faite des affaires de toute première importance, cette
deuxième solution sera toujours retenue en pratique. A mon
avis, il ne se pose entre le Ministre et M. O'Gara aucun
problème de mandat ou de délégation de pouvoir. Je pense
que les observations du M° Lord Greene dans l'affaire
Carltona, Ltd. c. Commissioners of Works corrobore parfai-
tement cette opinion... .
S'appuyant sur cette jurisprudence, le juge
Noël (tel était alors son titre) a déclaré dans
l'affaire Gamache c. Jones [1968] 1 R.C.É. 345
à la page 369-70:
[TRADUCTION] ... Je ne crois pas que le principe delegatus
non potest delegare puisse s'appliquer en l'espèce, étant
donné que l'autorité de pilotage est le ministre des Trans
ports. Ce principe ne s'applique pas parce que l'acte accom-
pli en l'espèce par le fonctionnaire du ministère constitue un
acte de l'autorité elle-même et que le fonctionnaire du
ministère est autorisé à agir au même titre que l'autorité.
La Règle 600 prévoit que la signature du
procureur général ou du sous-procureur général
peut être apposée en leur nom.
Le procureur général est chargé de toutes les
procédures judiciaires auxquelles la Couronne
est partie mais il n'est pas possible de croire
qu'il doit s'occuper de chaque affaire
personnellement.
En conséquence, j'estime que, pour les rai-
sons mentionnées, le Ministre ou le sous-minis-
tre ne sont pas tenus de s'occuper personnelle-
ment de ces litiges et qu'ils peuvent confier ces
tâches à d'autres personnes compétentes. Ceci
étant posé, la maxime delegutus non potest dele-
gare ne s'applique pas en l'espèce et le pouvoir
de déléguer existe implicitement.
Le problème porte davantage sur la question
de savoir si M. Dubrule aurait dû inscrire son
propre nom que sur la question de la délégation
d'un pouvoir déjà délégué. Vu que d'autres per-
sonnes sont habilitées à viser une déclaration, il
s'ensuit que M. Dubrule n'est pas tenu d'attester
qu'il a eu une connaissance personnelle de la
déclaration en apposant lui-même sa signature.
Compte tenu, donc, d'une jurisprudence con-
stante en la matière, la signature de M. Dubrule
écrite de la main de M. Storrow constitue la
signature de M. Dubrule.
Il me semble que la question de la redéléga-
tion de pouvoir se serait posée si M. Dubrule,
autorisé à apposer la signature du sous-procu-
reur général, avait voulu lui-même autoriser M.
Storrow à apposer la signature du sous-procu-
reur général, à supposer que M. Storrow n'était
pas autrement autorisé à le faire.
D'autre part, si M. Storrow était autorisé à
apposer la signature du sous-procureur général
(aucune preuve n'a été déposée sur ce point) je
pense qu'il aurait été préférable qu'il inscrive
son propre nom plutôt que celui de M. Dubrule.
Toutefois, il a inscrit le nom de M. Dubrule.
J'inclinerais à penser, ainsi que l'a fait Lord
Denning dans l'arrêt London County Council
(précité), qu'il aurait été préférable que M. Stor-
row inscrive les lettres «p.p. » suivies de son
nom ou de ses initiales à la suite du nom de M.
Dubrule.
Il n'en a pas été ainsi et ainsi que j'avais déjà
mentionné, le fait que ce soit M. Storrow qui ait
signé le nom de M. Dubrule n'empêche pas,
dans les circonstances de l'espèce, que cette
signature soit bien celle de M. Dubrule.
Pour ces motifs, le troisième moyen opposé à
la déclaration doit être rejeté.
Au cours des débats, l'avocat de la défende-
resse a soutenu que le nom «D. S. Maxwell»
n'aurait pas dû être tapé à la machine mais écrit
manuellement par la personne autorisée à appo-
ser la signature de M. Maxwell ou encore que
cette personne aurait dû apposer un fac-similé
de la signature de M. Maxwell au moyen d'un
tampon.
Il m'apparaît clairement que le fait de vouloir
que l'on utilise un tampon s'inspire de la déci-
sion de l'affaire Goodman c. J. Eban Ld. [1954]
1 Q.B. 550 que l'on appelle souvent «l'affaire
du tampon». On a jugé dans cette affaire qu'un
nom apposé au moyen d'un tampon sur un
document avec l'autorisation de la personne
concernée constitue la signature de cette
personne.
L'argument de l'avocat, si je m'en souviens
bien, visait le fait que M. Dubrule ou M. Stor-
row auraient pu utiliser un tel tampon portant le
nom de M. Maxwell ou avoir écrit le nom
manuellement, mais que le nom tapé à la
machine ne pouvait pas constituer la signature
de M. Maxwell.
Pour cette raison, à la requête de l'avocat de
la défense, j'ai autorisé l'avocat de la Couronne
à produire un affidavit aux fins d'établir qui
avait tapé le nom D. S. Maxwell sur la déclara-
tion. L'affidavit de Kathleen S. Landry établit
qu'elle est la secrétaire qui a tapé le nom.
Je ne peux souscrire à cet argument de la
défenderesse.
Dans la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c.
I-23 le terme «écrit» est défini à l'article 28 de
la manière suivante:
«écrit», ou tout terme ayant le même sens comprend les
mots imprimés, dactylographiés, peints, gravés, lithogra-
phiés, photographiés, ou représentés ou reproduits par tout
mode de représentation ou reproduction de mots sous une
forme visible;
Le dictionnaire juridique Stroud définit
«signé; signature» de la manière suivante:
[TRADUCTION] (1) Au sens large, la signature est l'inscription
par une personne de son nom ou l'apposition de celui-ci ou
d'un signe le représentant que la personne le fasse elle-
même ou par délégation ... pour authentifier un écrit ou en
assumer la responsabilité....»
Si le nom dactylographié «D. S. Maxwell» ne
constitue pas un «écrit», contrairement à ce que
je pense, il s'agit certainement du résultat d'une
méthode mécanique d'apposer une signature et
je ne vois pas de différence du point de vue
juridique entre des touches frappant un ruban et
un tampon encré. Je suppose que l'avocat vou-
lait démontrer que c'était en réalité Mme Landry
qui avait apposé le nom de M. Maxwell ce qui
entraînait une délégation supplémentaire de la
part de M. Dubrule.
Dans l'affaire Regina c. Welsford [1967] 2
O.R. 496 le juge McGillivray a déclaré à la p.
497:
[TRADUCTION] Des tribunaux ont souvent jugé que lorsque la
loi exige qu'un document soit signé, cela ne signifie pas
nécessairement que cette signature doit être écrite de la
main même du signataire. Dans certains cas particuliers, des
noms dactylographiés ou apposés à l'aide d'un tampon et
des marques personnelles ont été acceptés.
A mon avis, les signes dactylographiés, «D. S.
Maxwell» rendus authentiques par l'apposition
de la signature de M. Dubrule par M. Storrow,
tiennent donc lieu de la signature du sous-procu-
reur général du Canada.
La requête est rejetée; les dépens à suivre le
sort du principal.
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