Universal Timber Products Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Sweet —Vancouver, les 21 et 22 juin et les 7, 8
et 9 août 1973.
Impôt sur le revenu—Vente d'un permis de coupe de
bois—Le profit est-il un gain de capital ou un revenu
d'entreprise?
La demanderesse, une compagnie forestière, sur le point
de se retirer des affaires après plusieurs années d'activité,
transféra à un autre exploitant ses droits afférents à un
permis de coupe de bois en Colombie-Britannique, pour la
somme de $100,000. Le transfert d'un permis de coupe de
bois ne donne aucun droit au cessionnaire, mais le met
seulement en meilleure position pour obtenir lui-même un
permis.
Arrêt: La transaction n'était pas une opération portant sur
un bien en capital, mais une initiative de caractère commer
cial; le profit est donc imposable.
Arrêt suivi: Metropolitan Taxi Ltd. c. M.R.N. [1967] 2
R.C.É. 32; [1968] R.C.S. 496; arrêt analysé: Re Tabor
Creek Sawmills Ltd. c. Le ministre des Finances [1973]
3 W.W.R. 14.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
C. C. Sturrock pour la demanderesse.
L. P. Chambers pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little et O'Keefe
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET —La Couronne a
accordé à la demanderesse, à la Jackson Broth
ers Logging Company Limited (ci-après appelée
la Jackson) et à la Phillips and Lee Logging
Limited (ci-après appelée la Phillips and Lee) le
permis de coupe et de vente de bois n° A 00044,
daté du 2 octobre 1967, qui, sous réserve de
certaines restrictions y mentionnées, autorisait
ses détenteurs à effectuer des coupes et à
débarder certaines quantités de bois sur les
terres de la Couronne, dans la zone publique de
rendement soutenu de Quadra, située dans la
région de Chapman Creek (Colombie-Britanni-
que). Ce permis sera ci-après appelé le permis.
En 1967, la demanderesse vendit à la Jackson
ses droits conférés par le permis pour le prix de
$100,000.00. Ce prix représentait la somme
totale payée en contrepartie de la cession des
droits de la demanderesse et de ceux de la
Phillips and Lee. Apparemment, les parties à ce
litige ont convenu de traiter de cette affaire
comme si c'était la demanderesse seule qui avait
droit à la somme totale de $100,000.00 et l'avait
reçue, et c'est ainsi que nous l'envisagerons.
La demanderesse n'a pas inclus lesdits $100,-
000.00 dans sa déclaration sur le revenu pour
l'année d'imposition 1967. En établissant la
cotisation de la demanderesse, la défenderesse
l'a incluse en totalité.
La demanderesse réclame que cette somme
de $100,000.00 soit déclarée non imposable. La
déclaration se lit comme suit:
[TRADUCTION] La demanderesse requiert donc:
a) que le profit provenant de la vente de son contingente-
ment soit déclaré gain de capital, donc non imposable,
conformément aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le
revenu;
b) une ordonnance annulant ledit avis de cotisation;
c) tout autre redressement que l'honorable Cour jugera
équitable;
d) les dépens.
Dans la déclaration, la demanderesse désigne
ce qui a été vendu à la Jackson comme son
«contingentement».
Voici un résumé des «faits» allégués par la
demanderesse dans sa déclaration, ainsi que la
thèse qu'elle soutient:
En 1932 la compagnie demanderesse est
entrée dans les affaires comme exploitation
forestière et, depuis cette époque, ne s'est
jamais livrée au commerce ou au négoce de
droits de coupe de bois ou de contingente-
ments. Ayant décidé de cesser ses opérations
forestières, la demanderesse a vendu son con-
tingentement dans la région de Chapman
Creek. Comme le ministère des Forêts de la
Colombie-Britannique ne reconnaît pas la ces
sion du contingentement seul, l'unique moyen
pour la demanderesse de transférer le contin-
gentement de Chapman Creek était d'acquérir
le permis, puis de le céder. En 1967, la
demanderesse a vendu le contingentement de
Chapman Creek à la Jackson pour la somme
de $100,000. Pour les raisons indiquées
ci-dessus, la vente du contingentement se fit
par le biais de la vente à la Jackson des droits
que la demanderesse détenait en vertu du
permis. La demanderesse avait acquis ce con-
tingentement à titre de bien incorporel et le
profit réalisé sur sa vente représentait donc
un gain de capital non imposable.
Dans la défense il est précisé que la défende-
resse, en établissant la cotisation de la demande-
resse pour l'année d'imposition 1967, a notam-
ment présumé que:
a) avant mars 1966, la demanderesse s'occu-
pait d'exploitation forestière comprenant,
notamment, les coupes de bois pour son
compte, l'abattage sur contrat et le commerce
du bois ramassé sur les plages;
b) en mars 1966, ou vers cette époque, la
demanderesse décida de mettre fin aux opéra-
tions forestières effectuées pour son propre
compte dès que le bois défini par les contrats
de vente serait épuisé;
c) en juin 1967, ou avant ce mois-là, à l'épo-
que où la demanderesse a cessé, ou allait
cesser, ses opérations de coupe de bois pour
son propre compte, elle a acquis une partie
des droits conférés par le permis;
d) la demanderesse a acquis une partie des
droits conférés par le permis dans le but de
les négocier ou d'en tirer profit;
e) la demanderesse a vendu ses droits affé-
rents au permis à la Jackson, immédiatement
après leur acquisition, et en tira un profit de
$100,000;
f) ledit profit était un revenu provenant d'une
entreprise, au sens des articles 3, 4 et 139(1)e)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.0 1952,
c. 148 et modifications.
Les thèses des parties se clarifient si l'on
examine un peu l'historique de l'exploitation
forestière en Colombie-Britannique, les usages
de cette industrie et l'attitude de ceux dont c'est
l'activité.
La demanderesse a cité comme témoin Fran-
cis F. Lloyd, ingénieur forestier de la Colombie-
Britannique. Il a expliqué que le gouvernement
de Colombie-Britannique a divisé la province en
secteurs d'exploitation forestière et que la zone
où se situe le secteur couvert par le permis a
une superficie d'environ 20,000 milles carrés.
Avant que ces zones ne soient délimitées, il y
avait des exploitants forestiers dans ces régions.
Selon le témoin, le gouvernement a pris des
mesures pour assurer indéfiniment à ces exploi-
tants établis leur approvisionnement en bois.
Lloyd définit ces «exploitants établis» comme
étant ceux qui gèrent une exploitation forestière
depuis plusieurs années dans une zone donnée.
Apparemment pour essayer d'assurer des
réserves perpétuelles de bois à couper, le Ser
vice des forêts a fixé pour chacune de ces zones
une coupe annuelle autorisée, dans l'espoir que,
si ces coupes annuelles autorisées étaient res-
pectées, le reboisement annuel, naturel ou par
plantation serait tel que, sous réserve de besoins
urgents, cette coupe annuelle autorisée le serait
indéfiniment. Cette coupe annuelle autorisée est
alors répartie entre les exploitants ou les déten-
teurs de permis spécifiquement désignés. La
part de la coupe annuelle autorisée pour l'en-
semble de la zone, allouée à un exploitant, est
connue sous le nom de «contingentement» de
l'exploitant.
Quand une part était allouée à un exploitant,
par l'intermédiaire d'un permis, ce dernier se
trouvant dans une situation privilégiée avec des
avantages précis et importants sur ceux qui ne
possèdaient pas de permis dans la zone publique
de rendement soutenu pour laquelle il avait reçu
le permis.
La législation qui nous intéresse est le Forest
Act, R.S.B.C. 1960, c. 153 et modifications.
Voici des extraits de cette loi:
[TRADUCTION] 2. Dans la présente loi, à moins que le
contexte ne soit à l'effet contraire,
«Ministre» signifie le ministre des Terres et Forêts;
16. Le bois appartenant à la Couronne et dont cette
dernière peut disposer, ne pourra être aliéné que par le
Ministre, en conformité de la présente loi et des règlements.
17. (1) Le Ministre, ou tout agent du Service des forêts
dûment autorisé par le Ministre, peut, à l'occasion, à la
demande de tout requérant, ou autrement, annoncer et
mettre en adjudication, de la façon prescrite par les règle-
ments, un permis de coupe et de débardage du bois apparte-
nant à la Couronne et dont cette dernière peut disposer.
(la) Lorsque la récolte prévue pour l'année suivante, à
l'intérieur d'un secteur administré par le Service des forêts
dans le but d'y assurer indéfiniment des coupes de bois, est
égale à la récolte annuelle autorisée, un requérant, confor-
mément au paragraphe (1) ci-dessus, peut demander par
écrit que la vente de bois pour laquelle il a présenté une
demande soit faite par soumission sous pli cacheté; si la
soumission dudit requérant ne contient pas l'offre la plus
élevée parmi les offres reçues par le Ministre, il peut immé-
diatement, ou dans tout délai fixé par le Ministre, présenter
une nouvelle soumission contenant une offre au moins égale
à l'offre la plus élevée; si le requérant soumet cette nouvelle
offre, il deviendra l'adjudicataire.
(3a) Lorsqu'une vente est effectuée conformément aux
paragraphes (la) ou (2), chaque soumissionnaire, excepté
celui qui a requis cette vente par adjudication, paiera au
Ministre des droits d'enchères tels que fixés par le Ministre.
Le Ministre peut rembourser tout ou partie desdits droits à
la personne dont la soumission a été acceptée.
(7) Le Ministre peut, à sa discrétion, rejeter toute offre
portant sur l'achat du permis.
146. (1) Le lieutenant-gouverneur en conseil peut établir
tout règlement compatible avec l'esprit de la présente loi,
qu'il considère nécessaire ou opportun pour l'exécution ou
l'application des dispositions de la présente loi, y compris
ce qui y est prévu implicitement, partiellement ou
imparfaitement.
Voici des extraits du manuel apparemment
destiné à l'information des personnes employées
par le Service des forêts de la Colombie-Britan-
nique:
[TRADUCTION] 19.3 ZONES PUBLIQUES DE RENDEMENT SOU-
TENU ENTIÈREMENT RÉPARTIES.
19.31 Définition
Ainsi que le paragraphe (1)a) de l'article 17 du Forest
Act l'énonce, une zone publique de rendement soutenu
entièrement répartie est définie comme étant un secteur
des terres de la Couronne administré par le Service des
forêts dans le but d'y assurer indéfiniment des coupes de
bois, et dans lequel la récolte prévue pour l'année suivante
est égale au volume de la récolte annuelle autorisée.
Les demandes de vente de bois ne seront prises en
considération que lorsqu'elles proviendront de titulaires
de permis établis dans la zone pour laquelle ils ont pré-
senté la demande. (Voir les articles 2.121, 2.143 et 2.25.)
19.32 Titulaires de permis établis
Dans une zone publique de rendement soutenu entière-
ment répartie, il peut y avoir un ou plusieurs titulaires
établis.
Un titulaire établi peut se définir comme une personne
ou une compagnie qui détient ou a détenu des permis de
coupe de bois de la Couronne, dans une zone publique de
rendement soutenu donnée, et qui est devenu un requé-
rant admissible en raison du permis ou des permis valides
et en vigueur qu'il détient ou a détenus dans ladite zone et
qui possède des qualifications jugées suffisantes par le
Ministre pour être un requérant admissible.
Un requérant admissible a le privilège de pouvoir poser
sa candidature pour le bois de la Couronne jusqu'à con
currence de la coupe annuelle qui lui a été allouée par
l'ingénieur forestier en chef. Cependant la coupe annuelle
personnelle peut varier à la suite d'acquisitions ou de
pertes de ventes de bois par enchères publiques, ou par
transferts, ou par la réduction, pour d'autres raisons, de la
coupe de bois autorisée annuellement.
D'après la preuve, ce manuel n'est pas un
règlement établi par le lieutenant-gouverneur en
conseil, mais il décrit les usages du Service des
forêts. Il y a lieu de croire que le Ministre
l'approuve et, puisqu'il détient un large pouvoir
discrétionnaire, il semble que l'industrie fores-
tière doive considérer que ce manuel est effecti-
vement important.
Si l'on examine les paragraphes (1), (la), (3a)
et (7) de l'article 17 du Forest Act en corrélation
avec les articles 19.31 et 19.32 du manuel, il
apparaît alors qu'une personne ou une compa-
gnie détenant ou ayant détenu un permis de
coupe de bois de la Couronne, dans une zone
publique de rendement soutenu, et étant «un
titulaire établi» et «un requérant admissible», se
trouve dans une situation avantageuse et privilé-
giée par rapport aux autres.
La demanderesse était dans cette situation
privilégiée depuis plusieurs années. Elle était
titulaire d'un permis et, en conséquence, une
part de la coupe annuelle autorisée (désignée
dans la profession sous le nom de contingente-
ment) lui avait été allouée.
Un «contingentement», si vague et aléatoire
qu'il soit, possède une valeur marchande impor-
tante dans l'industrie forestière.
Ordinairement, le Service des forêts attribue,
sous certaines conditions, au cessionnaire d'un
permis la coupe annuelle autorisée allouée au
cédant dudit permis.
C'est ce contingentement que la demande-
resse qualifie de «bien incorporel». La deman-
deresse soutient aussi que la cession de ses
droits afférents au permis fut le moyen par
lequel elle a transmis à la Jackson ce qu'elle
qualifie de bien incorporel.
J'ai la conviction, d'après la preuve, que, si la
Jackson n'était pas entièrement motivée à s'as-
socier à une demande de permis et à acquérir les
droits de la demanderesse et ceux de la Phillips
and Lee conférés par ce permis, parce qu'elle
croyait que cette opération entraînerait l'ac-
croissement de son propre droit de coupe
annuelle actuellement autorisée, cette perspec
tive a pris une part importante à sa décision de
participer à la transaction. J'ai aussi la convic
tion que, même si la Jackson avait payé une
certaine somme pour la cession, sans ces pers
pectives, elle n'aurait certainement pas payé
$100,000.00.
Cependant je n'admets pas la thèse soutenue
au nom de la demanderesse selon laquelle cette
opération lui a fait réaliser un gain de capital
non imposable.
Il est constant que le fait qu'une personne
achète, à prix élevé, quelque chose appartenant
à une autre personne n'implique pas que ce
«quelque chose» est un capital.
A mon avis, la demanderesse a vendu à la
Jackson ses droits afférents au permis, et rien
de plus. A mon avis, elle n'a pas vendu, et elle
ne pouvait le faire, sa situation privilégiée,
qu'on l'appelle ainsi ou «contingentement» ou
encore «coupe annuelle autorisée». Je conclus
qu'il ne s'agissait pas d'un bien susceptible
d'être vendu et que la demanderesse n'avait
donc pas les moyens de le faire.
A mon avis, il se dégage des documents
apportés en preuve de la transaction, dans leur
forme définitive, qu'il s'agissait de la vente du
permis et que ceux-ci n'ont pas entraîné la vente
d'autre chose.
Il a été versé au dossier un projet de contrat,
daté du 31 août 1966, entre la demanderesse et
la Phillips and Lee, les vendeurs, et la Jackson,
l'acheteur. Voici un extrait du préambule:
[TRADUCTION] Et attendu que les vendeurs ont ou auront le
droit de faire une demande de 414 millions pi. cu. de bois de
coupe dans la zone publique de rendement soutenu de
Quadra, désigné ci-dessous sous le nom de droits de coupe
Et attendu que les vendeurs ont convenu de céder leurs
droits relatifs aux droits de coupe
L'essence du contrat se trouve dans la clause
suivante:
[TRADUCTION] Les vendeurs conviennent de transmettre et
céder tous leurs droits relatifs aux droits de coupe ... .
On y mentionne donc le projet de cession du
«contingentement» à proprement parler.
Ce projet n'a pas eu de suite.
Un document écrit, daté le juin 1967,
dans lequel la demanderesse et la Phillips and
Lee sont appelées «les vendeurs» et la Jackson,
«les acheteurs», fut aussi versé au dossier. Une
des dispositions se lit comme suit:
[TRADUCTION] Attendu que les vendeurs ont ou auront le
droit de faire une demande de 414 millions pi. cu. de bois de
coupe dans la zone publique de rendement soutenu de
Quadra (désigné ci-dessous sous le nom de «droits de
coupe»).
En voici d'autres extraits:
[TRADUCTION] Les vendeurs conviennent avec les acheteurs,
que, dès que possible après la signature de ce contrat, mais
aux frais des acheteurs, ils présenteront une demande
auprès de la Direction des forêts, conjointement avec les
acheteurs, pour obtenir un ou plusieurs contrats de vente de
bois ou autres droits de coupe afin de tirer avantage et de
conserver les droits de coupe dont il est question plus
haut....
En contrepartie de la vente, cession ou transfert des droits
de coupe, de la façon susdite, les acheteurs conviennent par
les présentes de verser aux vendeurs la somme totale de
cent mille ($100,000.00) dollars ... .
Ce texte lui aussi révèle le projet de transfé-
rer le «contingentement» à proprement parler.
Apparemment ce document fut signé au nom
des vendeurs, mais non au nom de la Jackson.
Une des pièces versées au dossier est une
photocopie de la «Demande d'achat du bois de
la Couronne» dans [TRADUCTION] «la partie
sud-est de X-77764, Chapman Creek, en confor-
mité du plan ci-joint». Elle est datée du 4 jan-
vier 1967. Elle fut établie par la demanderesse,
la Jackson et la Phillips and Lee.
Est aussi jointe une photocopie d'un contrat
signé, daté le juillet 1967, dans lequel la
demanderesse et la Phillips and Lee sont appe-
lées les «vendeurs» et la Jackson les «ache-
teurs». On y trouve les dispositions suivantes:
[TRADUCTION] Attendu qu'en janvier 1967 ou vers ce
mois-là, les vendeurs et les acheteurs ont déposé une
demande conjointe auprès de la Direction des forêts de la
province de Colombie-Britannique pour l'obtention d'un
contrat de vente de bois dans la région de Chapman Creek.
Et attendu qu'à ce jour, la Direction des forêts a informé les
vendeurs et les acheteurs par lettre datée du 6 juillet 1967,
que, par suite d'un changement de politique ministérielle, il
n'est pas possible de donner suite à cette demande de
contrat de vente de bois, et qu'en conséquence, les parties à
ce contrat ont présenté une demande conjointe, auprès de la
Direction des forêts, de permis de coupe qui couvrirait le
même secteur dans la région de Chapman Creek.
Et attendu que les vendeurs désirent cesser leurs opérations
forestières.
Les extraits suivants sont tirés du contrat:
[TRADUCTION] Dès que possible après l'octroi d'un permis de
coupe (ci-après appelé le «permis») aux vendeurs et aux
acheteurs conjointement, de la façon susdite, les parties
conviennent que chaque vendeur respectivement cédera ses
droits afférents au permis aux acheteurs sous réserve, toute-
fois, du consentement de la Direction des forêts, ... .
En contrepartie de la vente, cession ou transfert de ce
permis aux acheteurs de la façon susdite, les acheteurs
conviennent par les présentes de payer aux vendeurs la
somme totale de cent mille ($100,000.00) dollars ... .
Ce document signé, qui expose les conditions
de l'opération, tout en traitant effectivement du
permis lui-même, ne fait aucune référence à la
coupe annuelle autorisée ni au contingentement.
Il y a donc un changement significatif entre
l'acte signé et les projets de contrat.
Selon mon interprétation, il est notoire que la
Direction des forêts de Colombie-Britannique
ne reconnaîtra pas la prétendue cession d'une
position privilégiée d'un titulaire de permis ni la
tentative de cession de contingentement. Quoi
qu'il en soit, c'est ce que je conclus vu l'ensem-
ble de la preuve.
La demanderesse prétend qu'en fait, elle a
vendu son contingentement et que la cession de
ses droits afférents au permis n'était que le
moyen d'y parvenir. Son avocat a fait remar-
quer que le contingentement détenu auparavant
par la Universal fut ajouté à la coupe annuelle
autorisée de la Jackson. Cependant je conclus
qu'on ne peut imputer ce résultat au transfert
intervenu entre la demanderesse et la Jackson,
mais à la décision prise par le Service des
forêts.
Conformément à la pratique en vigueur au
ministère, la demanderesse a demandé par écrit
le transfert de son contingentement à la Jack-
son. Elle informa l'ingénieur forestier du district
du transfert de ses droits d'exploitation fores-
tière à la Jackson. Dans le même document la
demanderesse déclarait qu'elle se rendait abso-
lument compte que si la demande de transfert
était acceptée, elle ne serait plus considérée
alors comme étant un requérant admissible rela-
tivement aux demandes de ventes de bois ou de
permis de coupe de bois dans la zone publique
de rendement soutenu de Quadra.
A mon avis, ceci démontre clairement que
c'est le Service des forêts qui a substitué la
Jackson à la demanderesse comme exploitant
établi et non la demanderesse.
La demande de transfert est bien différente
du transfert lui-même. A mon sens, la demande-
resse ne fit que la demande. L'attribution à la
Jackson du contingentement de la demanderesse
fut effectué par le Service des forêts.
A mon avis, la demanderesse n'avait ni le
droit ni le pouvoir ni l'autorité pour transférer
sa position privilégiée, son autorisation annuelle
de coupe de bois ou son contingentement. Elle
ne pouvait céder que le permis lui-même, sous
réserve de l'approbation du Service des forêts et
des conditions fixées par ce dernier.
En effet, dans le contrat signé réalisant l'opé-
ration et en fixant les conditions, la demande-
resse ne garantissait aucunement que la Jackson
obtiendrait le contingentement. Bien que cette
opération dépendît du consentement de la
Direction des forêts à la cession par les ven-
deurs des droits relatifs au permis, le contrat ne
stipulait pas qu'elle dépendait de l'acquisition du
contingentement par la Jackson. A cet égard, la
Jackson était apparemment assujettie au bon
vouloir du gouvernement.
On s'est référé à la décision du juge Catta-
nach dans l'affaire Metropolitan Taxi Limited c.
M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 32. En appel de cette
décision, le juge en chef du Canada Cartwright
déclare notamment à la page 498 ([1968] R.C.S.
496):
[TRADUCTION] Ayant examiné les plaidoiries des avocats
ainsi que la jurisprudence citée, je me rallie entièrement non
seulement à la conclusion du savant juge de la Cour de
L'Échiquier, mais aussi aux motifs de son jugement, et je
me contenterai simplement de les adopter.
Une compagnie de taxis avait acquis les biens
d'une autre compagnie de taxis moyennant la
somme de $104,441.65; le contribuable attribua
la somme de $93,550.00 aux 14 taxis munis de
permis. Le Ministre en établissant la cotisation
de l'appelante imputa la somme de $18,590.00 à
l'achat des 14 taxis et la somme de $72,031.65 à
titre de contrepartie non attribuable à des biens
susceptibles de dépréciation. Il s'agissait de
décider dans quelle mesure le contribuable avait
droit à l'allocation du coût en capital.
La Commission des taxis avait limité à quatre
cents le nombre de taxis en opération. Comme
ce chiffre de quatre cents avait été atteint et
comme il y avait une longue liste d'attente,
pratiquement la seule façon d'être admis à
exploiter un taxi, ou, si l'intéressé possédait
déjà une compagnie de taxis, d'augmenter le
nombre de ses taxis en circulation, était d'ache-
ter les actions d'une compagnie de taxis ou de
succéder aux droits d'un exploitant détenant
déjà un permis, en lui achetant un ou plusieurs
véhicules pour lesquels un permis avait été déli-
vré. En raison des circonstances décrites dans
son jugement, le savant juge de première ins
tance déclara qu'il était tout à fait évident que
les autorisations d'exploiter des taxis dans le
grand Winnipeg avaient une valeur considéra-
ble.
L'appel fut rejeté.
Dans l'affaire Metropolitan Taxi, il s'agissait
de décider quel montant du paiement était impu-
table à l'achat de biens susceptibles de déprécia-
tion et non, comme ici, de déterminer si le profit
réalisé était un gain de capital ou un revenu, ce
qui établit une distinction entre les deux affai-
res; pourtant, je pense qu'il faut voir une analo-
gie entre l'affaire qui nous occupe et les com-
mentaires du juge Cattanach dans l'affaire
Metropolitan Taxi, que voici:
[TRADUCTION] Ayant conclu que la Commission de taxis
accorde les permis au propriétaire à titre personnel, mais
pour un véhicule donné il appert que ces permis ne peuvent
en eux-mêmes faire l'objet d'un transfert, pas plus que
d'échanges ou de négoce. L'appelante n'a donc pas acheté
les permis en question, mais, en acquérant quatorze taxis
munis de permis, elle s'est placée en meilleure position pour
présenter à la Commission des taxis des demandes de
permis pour son propre compte. [P. 45.]
De même, il me semble qu'en achetant les
droits de la demanderesse afférents au permis,
la Jackson n'a pas acheté sa situation privilégiée
de détenteur de permis établi. La Jackson s'est
simplement placée en meilleure position pour
demander aux autorités compétentes les mêmes
avantages.
La décision de la Cour d'appel de la Colom-
bie-Britannique dans l'affaire Tabor Creek Saw
mills Ltd. c. Le ministre des Finances, dont il fut
interjeté appel à la Cour suprême du Canada,
fut aussi mentionnée. Lors de cet appel, le juge
Martland prononçant le jugement de la Cour
suprême du Canada ([1973] 3 W.W.R. 14)
déclare:
[TRADUCTION] Nous souscrivons tous à l'avis exprimé en
Cour d'appel par le juge en chef Davey, selon qui le prix
augmenté par l'acheteur a payé pour les permis de coupe de
bois en vue d'obtenir une position privilégiée aux fins d'une
demande de concession additionnelle, faisait partie du profit
net de l'appelante sur la vente d'un droit qu'elle avait de
couper du bois sur pied et était imposable en vertu du
Logging Tax Act, R.S.B.C. 1960, c. 225. L'appel est rejeté
avec dépens.
Il est évident que l'affaire présente diffère de
celle-ci, puisque la législation et la juridiction en
cause ne sont pas les mêmes.
Néanmoins, cette affaire peut éclaircir les
questions en litige en l'espèce, d'autant plus que
cette affaire traite aussi d'un [TRADUCTION]
«prétendu privilège de substitution de contin-
gentement» et de «contrats de vente de bois».
Les passages suivants sont extraits du jugement
rendu par le juge Davey, juge en chef de la
Colombie-Britannique, en Cour d'appel de la
Colombie-Britannique ([1972] 3 W.W.R. 622
aux pages 623 et suivantes):
[TRADUCTION] A un certain moment au cours des plaidoi-
ries, j'étais disposé à penser que ce qu'on appelle le privilège
de remplacement de contingentement était une qualité ou un
attribut lié aux contrats de vente de bois, c.-à-d., le droit de
couper du bois sur pied qui leur ajoutait de la valeur.
Cependant un examen plus approfondi du Logging Tax Act,
R.S.B.C. 1960, c. 225, et des règlements, ainsi que de la
décision du juge Cattanach dans l'affaire Metropolitan Taxi
Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1967] 2 R.C.É. 32,
[1967] C.T.C. 88, 67 D.T.C. 5073, confirmée par la Cour
suprême du Canada, [1968] R.C.S. 496, [1968] C.T.C. 163,
68 D.T.C. 5098, 68 D.L.R. (2e) 1, m'a convaincu de l'inexac-
titude de cette analyse des liens entre les privilèges de
remplacement de contingentement et les contrats de vente
de bois. Je ne pense pas qu'un contingentement soit une
qualité ou une caractéristique des contrats de vente de bois
ou un droit s'y rapportant, transmissible avec eux. C'est à
mon avis un droit personnel appartenant au contractant
bénéficiaire ou à l'ancien contractant bénéficiaire du contrat
de vente de -bois l'habilitant à présenter une demande d'aug-
mentation de ses achats de bois dans la zone publique de
rendement soutenu, en vertu du Forest Act, R.S.B.C. 1960,
c. 153, art. 17(1) et (l a) (en. 1961 c. 20 art. 2(a)). Dans la
mesure où le droit de demander un surcroît de bois découle
de la loi, le raisonnement de la première partie du jugement
dans l'affaire Metropolitan Taxi s'applique a fortiori. En
outre, les articles 19.31 et 19.32 des règlements démontrent
que le droit de faire la demande n'est pas lié au contrat de
vente de bois mais est un droit personnel, car ils précisent
que les demandes en vertu de l'art. 17(1a) du Forest Act ne
seront prises en considération que si elles proviennent d'un
titulaire établi, et définissent le titulaire établi comme une
personne ou une compagnie qui détient ou qui a détenu des
permis de coupe de bois de la Couronne, dans une zone
publique de rendement soutenu et possède des qualifications
jugées suffisantes par le Ministre pour être un requérant
admissible ... .
Ainsi, le droit de présenter une demande n'est pas lié à un
contrat de vente de bois. De plus, le Ministre doit s'assurer
des qualifications personnelles du requérant avant de lui
permettre d'être admis à ce titre et, même si le Ministre a
cette assurance, il n'est pas obligé de vendre. L'importance
d'un contrat de vente de bois pour un futur requérant tient à
ce que sa possession est une des deux conditions requises
pour faire une demande d'augmentation de bois, s'il possède
les qualifications personnelles nécessaires, et que sans
aucun doute, elle augmente beaucoup ses chances d'aug-
menter ses achats de bois dans cette zone, si le Ministre
désire vendre, d'autant plus que la concurrence des anciens
contractants bénéficiaires du contrat de vente de bois est
éliminée du fait que le Ministre exige des cédants qu'ils
abandonnent leurs droits de contingentement, avant que la
cession ne soit approuvée. Cependant je ne vois pas en quoi
l'usage suivi par le Ministre et qui n'est pas prévu par la loi
ou le règlement, peut changer les caractéristiques essentiel-
les du contingentement.
La preuve non discutée démontre clairement que les
futurs acheteurs paieront des sommes importantes bien
supérieures à la valeur du bois sur pied pour acheter un
contrat de vente de bois et acquérir ainsi une position
privilégiée leur permettant de demander une augmentation
de leur part de bois dans la zone.
Dans la même affaire, le juge d'appel Taggart
déclare [à la page 6301:
[TRADUCTION] Il est primordial en l'espèce de se rendre
compte clairement que le «privilège de remplacement de
contingentement» n'existe pas indépendamment d'un permis
de vente de bois qui autorise les coupes de bois dans la zone
publique de rendement soutenu. Ce privilège ne peut être
acheté ou vendu, en totalité ou en partie, indépendamment
du permis de vente de bois détenu par le titulaire.
puis, plus loin [à la page 6301:
[TRADUCTION] La thèse soutenue au nom de l'appelante
méconnaît, à mon avis, le fait que le privilège de remplace-
ment de contingentement n'existe pas indépendamment du
permis de vente de bois conférant les droits de coupe.
En conséquence [TRADUCTION] «cette protec
tion qui prend la forme d'une probabilité, mais
non d'une certitude et selon laquelle, lorsque le
bois du secteur de la zone publique de rende-
ment soutenu pour lequel un exploitant détient
des permis de vente de bois accordés par la
Couronne, est épuisé, cet exploitant sera en
mesure de faire mettre en vente et d'acquérir,
de nouveaux permis de vente de bois» (selon le
juge d'appel Taggart) n'est pas une entité.
A mon sens, la conclusion dans l'affaire
Tabor selon laquelle le «privilège de remplace
ment de contingentement» n'existe pas indépen-
damment du permis associée au fait que le Ser
vice des forêts de Colombie-Britannique ne
reconnaît pas la prétendue vente de «contingen-
tement» et se réserve, comme il en a le droit,
tout ce qui concerne l'attribution de la coupe
annuelle autorisée après la vente du permis,
implique que le prétendu «contingentement»
n'est pas un bien négociable et qu'il ne peut
donc faire l'objet ni d'une vente ni d'un achat.
Le contingentement n'existe absolument pas
hors du permis. En conséquence, seul le permis
peut être vendu. Dans l'affaire présente, seuls
les droits de la demanderesse et de la Phillips
and Lee, en vertu de ce permis, furent vendus à
la Jackson.
Le fait qu'il est prévisible et même probable
que le Service des forêts placera l'acheteur du
permis dans la même position privilégiée que le
vendeur du permis, peut inciter ou incite l'ache-
teur à acquérir cette licence à un prix plus
élevé; mais cela ne change pas le fait que seul le
permis a été vendu.
Dans cette affaire, les documents apportés en
preuve confirment que seuls les droits de la
demanderesse et de la Phillips and Lee afférents
au permis ont été vendus.
En conséquence, le litige se réduit à la ques
tion de savoir si la somme reçue par la deman-
deresse à la suite de la vente de ses droits
afférents au permis représentait un gain de capi
tal et donc non imposable, ou alors un revenu
imposable.
Il est manifeste que le but des permis de la
Couronne est de fournir du bois d'oeuvre de la
Couronne aux compagnies poursuivant une
exploitation forestière. Il appert aussi à mon
avis que ce n'est pas dans le but d'acquérir une
part du bois de la Couronne pour continuer son
exploitation forestière que, le 4 janvier 1967, la
demanderesse s'est jointe à la demande d'achat
de bois de la Couronne, puis a obtenu le permis.
J'estime que, lorsque la demanderesse s'est
jointe à cette demande, elle avait déjà décidé de
cesser ses activités forestières. Je conclus que la
demanderesse a demandé et accepté le permis
dans le seul but de céder immédiatement ses
droits afférents au permis à la Jackson moyen-
nant paiement et que la contrepartie monétaire
de la cession des droits de la demanderesse et
de ceux de la Phillips and Lee était de
$100,000.00.
Le fait qu'il s'agisse peut-être d'une transac
tion isolée n'est pas pertinent dans les
circonstances.
Il s'agissait ici d'une initiative ou d'une affaire
d'un caractère commercial.
Je conclus donc que les $100,000.00 que
cette opération a rapporté à la demanderesse,
n'étaient pas un gain de capital. J'en déduis que
ce montant était en fait un revenu au sens des
articles 3, 4 et 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur
le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, et, partant,
imposable.
L'appel est rejeté avec dépens.
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