John James Hinks (Demandeur)
c.
La Commission nationale des libérations condi-
tionnelles, Arthur Trono et Paul Faguy (Intimés)
Division de première instance, le juge Kerr—
Toronto, le 5 juin; Ottawa, le 16 juin 1972.
Détention—Pénitenciers—Libération conditionnelle—Sur-
veillance obligatoire—Peine supplémentaire pour tentative
d'évasion—Calcul de la réduction de peine—Loi sur la libé-
ration conditionnelle de détenus, 1958, c. 38, art. 118(1),
modifiée par 1968-1969, c. 38, art. 101(1).
Pendant que H purgeait la peine d'emprisonnement à
laquelle il avait été condamné pour avoir commis un acte
criminel, il a été déclaré coupable d'avoir tenté de s'échap-
per et, le 10 novembre 1970, il a été condamné à une peine
supplémentaire de 60 jours. Normalement, il aurait complè-
tement purgé ses peines le 10 août 1972, mais, vu qu'il a
bénéficié d'une réduction statutaire de 162 jours et d'une
réduction méritée de 60 jours, il devait être élargi le 30
décembre 1971. Toutefois, à cette date, il a été placé en
surveillance obligatoire jusqu'au 10 août 1972, aux termes
de l'article 118(1) de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus, 1958, c. 38, modifiée par 1968-1969, c. 38, art.
101(1), texte qui est entré en vigueur le 1e1 août 1970. Il a
demandé à cette Cour la délivrance d'un bref d'habeas
corpus et d'une ordonnance enjoignant aux intimés de le
libérer au motif qu'il était détenu illégalement.
Arrêt: le demandeur était assujetti à la surveillance obli-
gatoire en vertu de l'article 118. Cette disposition est entrée
en vigueur après qu'il a été condamné à la peine supplémen-
taire et elle s'applique aux réductions de sentences supé-
rieures à 60 jours, ce qui signifie le total des réductions,
statutaire et méritée.
REQUÊTE.
I. G. Scott pour le demandeur.
P. A. Vita pour les intimés.
LE JUGE KERR—Le demandeur prétend qu'il
a été placé en «surveillance obligatoire», sous
l'autorité de la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles, pour une partie de sa
peine qui, d'après lui, a fait l'objet d'une réduc-
tion. Par avis de requête daté du 18 mai 1972, il
demande à cette cour la délivrance d'un bref
d'habeas corpus et d'une ordonnance tenant
lieu d'un bref de mandamus avec certiorari
auxiliaire enjoignant les intimés de le libérer, au
motif qu'il serait détenu et gêné dans ses mou-
vements par les intimés sans aucune espèce ou
apparence de droit.
Cette demande est faite en vertu de l'article
18 de la Loi sur la Cour fédérale, qui se lit
comme suit:
18. La Division de première instance a compétence
exclusive en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un
bref de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de
quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire,
contre tout office, toute commission ou tout autre tribu
nal fédéral; et
6) pour entendre et juger toute demande de redressement
de la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment
toute procédure engagée contre le procureur général du
Canada aux fins d'obtenir le redressement contre un
office, une commission ou un autre tribunal fédéral.
Par suite de la Règle 603, toute demande en
vertu de l'article 18 peut être présentée par voie
de requête.
Une demande identique ayant été présentée
devant la Cour suprême de l'Ontario, le juge
Grant, dans son jugement du 6 avril 1972, a
décidé que le demandeur ne pouvait avoir
recours à l'habeas corpus, pour ce motif qu'il
n'était pas emprisonné (Masella c. Langlais
[1955] 4 D.L.R. 346). Il a aussi déclaré que, par
suite de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédé-
rale, la Cour fédérale a une compétence exclu
sive pour entendre toute demande de certiorari
comme celle qui est présentée par le demandeur
en l'espèce.
A l'audition de la présente requête, l'avocat
du demandeur a déclaré que ce dernier ne
demandait pas la délivrance d'un bref d'habeas
corpus et a ensuite sollicité l'autorisation de
modifier la demande en y ajoutant une demande
pour l'obtention d'une injonction ou d'un juge-
ment déclaratoire. Les avocats des intimés ne
se sont pas opposés à cette modification et j'ai
accordé l'autorisation, étant d'avis que la ques
tion peut être tranchée par un jugement
déclaratoire.
Voici les paragraphes 1 à 8 de l'affidavit
présenté par le demandeur à l'appui de sa
demande:
[TRADUCTION] 1. Les 25 novembre et 2 décembre 1969,
j'ai été trouvé coupable en vertu de certaines dispositions
du Code criminel et condamné à certaines peines d'empri-
sonnement à purger dans un pénitencier tenu par le commis-
saire des pénitenciers en vertu de la Loi sur les pénitenciers.
2. L'intimé, M. Paul Faguy, est le commissaire des
pénitenciers.
3. L'intimé, M. Arthur Trono, est le directeur de la prison
de Joyceville.
4. Le 10 novembre 1970, alors que j'étais emprisonné
comme le mentionne le paragraphe 1, j'ai été condamné à
une peine additionnelle de soixante (60) jours, je crois, pour
m'être évadé ou avoir tenté de m'évader, contrairement aux
dispositions du Code criminel.
5. Je n'ai bénéficié de la libération conditionnelle pour
aucune desdites peines.
6. J'ai reçu cent soixante-deux (162) jours de réduction
statutaire de peine et soixante (60) jours de réduction de
peine méritée. Compte tenu de cette réduction de peine de
deux cent vingt-deux (222) jours, alors que mes peines
devaient se terminer le 10 août 1972 , on devait me relâcher
du pénitencier le 30 décembre 1971.
7. Malgré cela, le 30 décembre 1971 j'ai été transféré du
pénitencier où j'étais détenu, la prison de Joyceville, pour
être placé sous la garde de la Commission nationale des
libérations conditionnelles. Ladite commission a jugé que je
devais être placé en «surveillance obligatoire» pour toute la
période pour laquelle on m'avait accordé une réduction de
peine, soit du 30 décembre 1971 au 10 août 1972.
8. En conséquence de ladite «surveillance obligatoire»,
ma liberté de mouvement se trouve restreinte de façon
importante. Si je ne respecte pas, de l'avis de la Commis
sion nationale des libérations conditionnelles, les restric
tions qui me sont imposées, on peut me renvoyer au
pénitencier.
Les articles 22 et 24 de la Loi sur les péniten-
ciers, S.R.C. 1970, c. P-6, prévoient pour les
détenus des pénitenciers la réduction statutaire
de peine et la réduction de peine méritée. Ils
sont rédigés comme suit:
22. (1) Quiconque est condamné ou envoyé au péniten-
cier pour une période déterminée doit, dès sa réception à un
pénitencier, bénéficier d'une réduction statutaire de peine
équivalant au quart de la période pour laquelle il a été
condamné ou envoyé au pénitencier, à titre de remise de
peine sous réserve de bonne conduite.
24. (1) Chaque détenu peut bénéficier d'une réduction de
peine de trois jours pour chaque mois civil durant lequel il
s'est adonné assidûment, de la façon déterminée en confor-
mité des règles établies par le commissaire à cet effet, au
programme du pénitencier dans lequel il est emprisonné.
La Commission nationale des libérations con-
ditionnelles, créée par la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, S.C. 1958, c. 38, peut
accorder à certains détenus, selon les modalités
précisées dans la Loi, leur libération condition-
nelle. On définit la «libération conditionnelle»
comme l'autorisation que la Loi accorde à un
détenu d'être en liberté pendant sa période
d'emprisonnement.
La «surveillance obligatoire» a été établie par
la Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal, S.C.
1968-69, c. 38. L'article 101(1) de ladite Loi
modifiait la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus en y ajoutant notamment l'article
11B (l'actuel article 15(1) de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c.
P-2), qui est rédigé comme suit:
11s. (1) Lorsqu'un détenu à qui la libération condition-
nelle n'a pas été accordée est mis en liberté avant l'expira-
tion de sa sentence en conformité de la loi, à la suite d'une
réduction de peine, incluant une réduction méritée et que la
période de cette réduction excède soixante jours, il doit,
nonobstant toute autre loi, être assujetti à une surveillance
obligatoire commençant dès sa mise en liberté et se poursui-
vant pendant la durée de cette réduction de peine.
L'article 101(2) est rédigé comme suit:
(2) L'article 11s de ladite loi, tel que l'énonce le paragra-
phe (1), doit s'appliquer seulement aux personnes qui sont
condamnées à l'emprisonnement ou transférées dans une
classe ou des classes de pénitenciers ou autres lieux d'em-
prisonnement visés dans une proclamation le jour ou les
jours fixés par la proclamation ou par la suite.
Une proclamation datée du 30 juillet 1970 a
déclaré et décrété que l'article 11B entrerait en
vigueur et deviendrait exécutoire à l'égard des
personnes condamnées à l'emprisonnement ou
transférées dans une classe quelconque de péni-
tencier à compter du l er août 1970.
L'article 101(1) ajoutait aussi à la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus l'article 11A,
qui se lit comme suit:
11A. Lorsque, soit avant, soit après l'entrée en vigueur du
présent article,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprison-
nement ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou
des périodes supplémentaires d'emprisonnement,
il est, à toutes les fins de la présente loi, de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, censé avoir été condamné le jour où il a été ainsi
condamné dans les circonstances visées à l'alinéa a) ou le
jour où il a été condamné à la période d'emprisonnement
qu'il est alors en train de purger dans les circonstances
visées à l'alinéa b), à une seule période d'emprisonnement
commençant ce jour et se terminant le dernier jour où il
aurait été assujetti à la détention en vertu de la plus longue
de ces condamnations ou en vertu de toutes ces condamna-
tions qui doivent être purgées l'une après l'autre, en prenant
de ces deux dates celle qui intervient la dernière.
L'article 11A précité a été abrogé en mars
1970 par le chapitre 31 des Statuts de 1969-
1970 et il a été remplacé par l'article 11A qui
suit (l'actuel article 14 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2):
11n. (1) Lorsque, soit avant, soit après l'entrée en vigueur
du présent article,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprison-
nement ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou
des périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été con-
damné, y compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les
périodes d'emprisonnement qu'il est en train de purger,
sont, à toutes fins de la présente loi, de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, censées constituer une seule sentence consistant
en une période d'emprisonnement commençant le jour où la
première de ces sentences d'emprisonnement commence et
se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'empri-
sonnement qui se termine la dernière.
La Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal a
aussi modifié la Loi sur les pénitenciers en lui
ajoutant l'article 25 qui suit (l'actuel article 25
de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c.
P-6):
25. Lorsque,
a) en vertu de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus, il est accordé à un détenu l'autorisation d'être en
liberté pendant la période de son emprisonnement, ou que
b) une personne qui est en liberté en raison d'une réduc-
tion de peine statutaire ou méritée est assujettie à la
surveillance obligatoire en vertu de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus,
la période de son emprisonnement, à toutes les fins de cette
loi, comprend toute période de réduction statutaire de peine
et toute période de réduction de peine méritée inscrites à
son crédit lorsqu'il est mis en liberté.
Pour mieux comprendre le problème, il con-
vient de faire ici un résumé des faits:
1. Jusqu'au 30 décembre 1971, le deman-
deur purgeait
a) la première période d'emprisonnement
pour laquelle il a été envoyé au pénitencier
en 1969, et
b) une période supplémentaire de 60 jours,
à laquelle il a été condamné le 10 novembre
1970 après avoir été reconnu coupable de
s'être évadé ou d'avoir tenté de s'évader.
2. Bénéficiant de réductions de peine statu-
taire et méritée, il aurait eu le droit d'être
libéré du pénitencier le 30 décembre 1971 à
moins qu'il ne soit assujetti aux dispositions
de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus relatives à la surveillance obligatoire.
3. La Commission nationale des libérations
conditionnelles a décidé qu'il devait être
placé sous surveillance obligatoire du 30
décembre 1971 au 10 août 1972, soit la
période pour laquelle le demandeur soutient
avoir droit à une réduction de peine.
L'avocat du demandeur a allégué qu'en vertu
de l'article 14 (ci-devant l'article 11A) de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, le
demandeur est censé purger une peine commen-
çant le jour où la première de ses sentences a
commencé, soit une date antérieure à l'adoption
de l'article Ils (l'actuel article 15(1) de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus); que
ledit article 15(1) prévoyant la surveillance obli-
gatoire n'a pas d'effet rétroactif et, en vertu de
l'article 101(2) de la Loi modifiant le droit
pénal, ne peut s'appliquer au demandeur et
enfin que l'article 15(1) est inapplicable parce
que la réduction méritée du demandeur n'était
que de 60 jours.
Pour sa part, l'avocat des intimés a exposé
que le demandeur a été condamné à l'emprison-
nement dans un pénitencier le 10 novembre
1970, c'est-à-dire après le l er août 1970, jour
fixé par la proclamation pour l'entrée en
vigueur dudit article 11s; que, par suite de sa
réduction de peine, il a été libéré du pénitencier
plus de 60 jours avant la fin de sa sentence;
que, par conséquent, il est assujetti à la surveil
lance obligatoire commençant dès sa mise en
liberté et se poursuivant pendant la durée de la
réduction de peine. L'avocat a également allé-
gué que les intimés Trono et Faguy n'ont fait
que ce qu'ils devaient faire, c'est-à-dire libérer
le demandeur, et qu'en conséquence, le redres-
sement recherché en l'espèce ne peut s'appli-
quer à eux. Il était aussi d'avis que le redresse-
ment, s'il en est, s'adresserait à la Commission
des libérations conditionnelles ou prendrait la
forme d'un jugement déclaratoire.}
A mon avis, l'expression «et que la période
de cette réduction excède soixante jours», telle
qu'employée à l'article 15(1) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, n'a pas uni-
quement trait à la réduction de peine méritée,
mais plutôt à la réduction en général, statutaire
et méritée. Dans le cas du demandeur, la
période de réduction était en fait supérieure à
60 jours et il a été libéré avant la fin de sa
sentence en raison de cette réduction, confor-
mément à la loi.
Je suis également d'avis que le demandeur a
effectivement été condamné le 10 novembre
1970 la période supplémentaire mentionnée
dans son affidavit, c'est-à-dire postérieurement
au l er août 1970, date fixée par la proclamation,
que ledit article 11B (l'actuel article 15(1) de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus)
lui est applicable et donc qu'il est assujetti à la
surveillance obligatoire qui y est prévue. Et cela
même si, conformément à l'article 14 de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, les
périodes d'emprisonnement auxquelles il a été
condamné sont censées constituer une seule
sentence consistant en une période d'emprison-
nement commençant le jour où la première de
ces sentences commence.
La Cour déclare donc que le demandeur est
assujetti à la surveillance obligatoire en vertu de
la Loi sur la libération conditionnelle de détenus
pour la période de réduction statutaire et la
période de réduction méritée inscrites à son
crédit lorsqu'il a été mis en liberté. La requête
est rejetée sur les autres points.
Au sujet de la possibilité de délivrer un bref de certiorari
à une personne détenue dans un pénitencier, par suite de
l'application d'une mesure disciplinaire décidée par le direc-
teur du pénitencier, on a cité l'arrêt La Reine c. Beaver
Creek Correctional Camp [1969] 1 O.R. 373.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.