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James Howley (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta- nach—Kingston, le 6 février; Ottawa, le 22 février 1973.
Couronne—Délit—Détenu attaqué par un autre détenu—Y a-t-il eu négligence des autorités?
Un détenu d'un pénitencier a été gravement blessé par un autre prisonnier qui l'a attaqué avec un couteau. Il réclame des dommages-intérêts à la Couronne au motif que les autorités pénitentiaires savaient ou auraient savoir que son agresseur était dangereux et qu'elles auraient prendre des précautions pour éviter l'agression.
Arrêt: l'action est rejetée; la preuve ne révèle rien qui aurait permis aux autorités pénitentiaires de prévoir l'agression.
Arrêt suivi: Timm c. La Reine [1965] 1 R.C.É. 174; arrêt mentionné: MacLean c. La Reine, décision de la Cour suprême du Canada du 1" mai 1972.
ACTION en dommages-intérêts. AVOCATS:
H. L. Cartwright et Kay E. B. Cartwright pour le demandeur.
J. E. Smith et P. Betournay pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Cartwright et Cartwright, Kingston, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—Dans la présente action, le demandeur, qui est un ancien détenu du pénitencier fédéral de Kingston (Ontario), il purgeait une peine de prison après avoir été reconnu coupable d'une infraction, réclame une indemnité pour les blessures corporelles qu'il a subies dans les circonstances que nous décri- rons plus loin.
Les avocats des parties ont convenu qu'une somme de $5,000 constituerait une indemnité suffisante pour les dommages généraux subis par le demandeur. Le. demandeur a été soigné gratuitement dans des institutions entretenues et
gérées par la Couronne et n'a donc pas subi de dommages spéciaux.
Par conséquent, l'unique question à trancher est celle de la responsabilité de la Couronne.
Dans l'arrêt Timm c. La Reine [1965] 1 R.C.É. 174 à la p. 178, j'ai exposé en ces termes le principe de la responsabilité de la Couronne envers les détenus des institutions pénitentières:
L'article 3(1)a) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.C. 1952-53, c. 30, édicte ce qui suit:
3. (1) La Couronne est responsable in tort des domma- ges dont elle serait responsable, si elle était un particulier en état de majorité et capacité,
a) à l'égard d'un acte préjudiciable commis par un préposé de la Couronne, .. .
et l'article 4(2) décrète:
4. (2) Il ne peut être ouvert de procédures contre la Couronne, en vertu de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 3, relativement à quelque acte ou omission d'un préposé de la Couronne, à moins que l'acte ou omission, indépendamment des dispositions de la présente loi, n'eût entraîné une cause d'action in tort contre le préposé en question ou son représentant personnel.
La responsabilité que cette Loi impose à la Couronne est une responsabilité du fait d'autrui. Voir Le Roi c. Anthony et Thompson, [1946] R.C.S. 569. Pour que la Couronne soit responsable, le requérant doit établir qu'un fonctionnaire du pénitencier, agissant dans l'exercice de ses fonctions, comme je conclus que c'est le cas du gardien en l'espèce, a fait une chose qu'un homme raisonnable dans sa situation n'aurait pas faite, créant ainsi un risque prévisible de bles- sure pour un détenu, et que ce fonctionnaire est personnelle- ment responsable envers le requérant.
Les autorités de la prison ont envers le requérant l'obliga- tion de prendre des précautions raisonnables pour sa sécu- rité, à titre de personne dont elles ont la garde; c'est unique- ment si les employés de la prison omettent de prendre ces précautions que la Couronne peut être tenue responsable, voir Ellis v. Home Office, [1953] 2 All E.R. 149.
Dans l'arrêt MacLean c. La Reine [1973] R.C.S. 2, le juge Hall qui prononçait le jugement unanime de la Cour suprême du Canada a cité ces observations la page 6) en les qualifiant d'exposé correct des principes juridiques gou- vernant cette question.
Le demandeur est présentement détenu à Millhaven, une institution pénitentiaire à sécu- rité moyenne dans la région de Kingston, mais.. avant son incarcération dans cette institution, il purgeait une peine de prison, consécutive à une infraction dont il avait été trouvé coupable, au
pénitencier à sécurité maximum de Kingston. Il avait été incarcéré dans cette institution le 3 décembre 1965.
Il est évident qu'il connaissait la procédure et les usages de cette institution, parce qu'un mois après son arrivée, il a demandé aux autorités administratives d'être affecté dans un dortoir.
Bell, autrefois sous-directeur à Kingston et maintenant sous-directeur à Millhaven, a déclaré dans sa déposition que le système des dortoirs avait été institué en 1954 à la suite de l'augmentation du nombre des détenus. En 1967, deux dortoirs étaient utilisés. Il ressort des témoignages que la plupart des détenus pré- fèrent vivre en dortoir plutôt que dans un pavil- lon cellulaire, à cause de la plus grande liberté et des commodités dont ils y bénéficient.
A la suite de sa demande d'affectation à un dortoir, présentée peu après son arrivée au péni- tencier le 3 décembre 1965, le demandeur a été affecté le 6 octobre 1966, soit environ neuf mois plus tard, au dortoir G.
Le dortoir G est une grande pièce rectangu- laire qui contient quarante-cinq lits de camp. Elle peut donc recevoir un maximum de qua- rante-cinq prisonniers, bien que ce nombre soit sujet à variations. Chaque prisonnier a droit à une armoire, à une table et à une chaise. Il y a aussi une plaque chauffante, sur laquelle les occupants peuvent faire du café et cuire les aliments qu'ils ont pu obtenir de la cuisine, et un appareil de télévision à la disposition de tous.
Chaque prisonnier a aussi la permission de travailler à une occupation de son choix. Les autorités pénitentières permettent aux détenus d'effectuer ces travaux dans leur cellule, ce qui leur fait une distraction ou une occupation pen dant leur temps libre, c'est-à-dire lorsqu'ils ne sont pas occupés par des travaux ou des cours de formation obligatoires. Les occupants des dortoirs y ont aussi la permission de travailler à leur occupation favorite. Ils peuvent utiliser pour ces travaux les tables individuelles four- nies à chaque détenu ou l'une des tables com munes de leur dortoir, auxquelles trois person- nes peuvent travailler. Ces occupations comprennent la menuiserie, le travail des
métaux, celui du cuir, le petit point ... etc. Il faut des outils pour plusieurs de ces occupations autorisées et les prisonniers les gardent au dor- toir. Il s'agit notamment de couteaux, de ciseaux, de scies, de marteaux, de pierres dont la plupart pourraient servir d'armes offensives.
Quelque temps après l'instauration, en 1954, du système de dortoirs, un garde a été assassiné dans un dortoir. Son corps mutilé et lacéré a été découvert dans les toilettes. On n'a jamais découvert les responsables du meurtre, l'en- quête se heurtant à un mur de silence.
Après cet événement, on s'est efforcé d'assu- rer une meilleure protection aux gardes.
Au dortoir G, on a construit à cette fin un mur de béton de quatre pieds de haut sur toute la longueur de la pièce. Ce mur en blocs de béton est surmonté d'un fort grillage métallique d'une hauteur de neuf pieds qui va jusqu'au plafond. Un couloir de quatre pieds de large est ainsi formé sur toute la longueur du dortoir; de là, on voit parfaitement tous les coins de la pièce. Le seul accès à ce couloir est un portillon qui se trouve à une des extrémités du couloir et qui donne sur le couloir central. Il existe aussi un portillon qui permet d'aller dans le dortoir.
Le garde fait sa ronde dans le couloir dont le portillon est fermé à clé. Le portillon donnant sur le dortoir est aussi fermé à clé.
S'il se produit dans le dortoir un incident qui nécessite que le garde du couloir pénètre dans le dortoir, il doit appeler le garde qui se trouve dans le couloir principal et qui détient les clés des portillons. Dès qu'il entend l'appel, ce garde doit ouvrir le portillon du couloir pour libérer le garde de faction, et doit ensuite ouvrir le portil- lon qui donne sur le dortoir. D'ordinaire, le garde en faction dans le couloir faisait régulière- ment une ronde dans le dortoir proprement dit; il était alors couvert par le garde du couloir principal. Quand le garde du couloir s'absentait pour de courtes périodes, le garde du couloir principal le remplaçait.
Au dortoir G, un détenu était chargé de l'ap- pareil de télévision. Son rôle était de faire voter les détenus sur le choix des émissions. On a procédé normalement à cette opération au cours de la soirée du vendredi 22 septembre 1967. Il semble que la plupart des détenus, y compris le demandeur, ont décidé de regarder un certain film à 23 heures. Toutefois, au cours du pro gramme, un autre détenu du nom de David Jepson, alias David Finton, a changé d'émission. Le demandeur a déclaré qu'il ne savait pas qui avait changé d'émission mais que, n'étant pas intéressé par cette émission, il était allé se coucher.
Le lendemain, le samedi, il s'est plaint avec aigreur au détenu préposé à l'appareil de télévi- sion. D'après les propres termes du demandeur, il l'a copieusement engueulé. Il lui a fait savoir très clairement qu'il pensait que quelqu'un d'au- tre devrait s'occuper de la télévision. Il ne s'est pas plaint à Jepson et a prétendu ne pas savoir que c'était Jepson qui avait changé d'émission. Il est certain que tous les autres détenus, y compris Jepson, étaient au courant des vigou- reuses protestations du demandeur au préposé à la télévision.
Le dimanche 24 septembre 1967, les détenus du dortoir G ont reçu leur plateau du soir et sont revenus au dortoir pour manger. Il semble que ceci soit un privilège accordé aux occupants du dortoir. Ensuite, le demandeur et trois autres détenus, dont Jepson, ont installé une table à carte et ont commencé une partie de bridge «entre amis».
Vers 19h10 environ, le préposé à la télévision est venu à la table avec une feuille de papier pour prendre les votes au sujet du film de la soirée. Après avoir pris le vote des trois autres joueurs de bridge, il s'est approché du deman- deur. Celui-ci a rendu le papier au préposé, en disant que cela ne servait à rien de voter si n'importe qui pouvait changer d'émission. Il a refusé de voter en lui disant de laisser tomber, qu'il ne voulait pas se mêler de ça, et a rendu le papier au détenu. Ceci s'est passé en présence de Jepson.
Jepson a alors demandé à un autre détenu de jouer ses cartes à sa place. Le demandeur n'a rien soupçonné d'anormal et a pensé que Jepson voulait quitter la partie pour un moment parce qu'il avait quelque chose à faire.
Ensuite, le demandeur, qui était toujours assis, a senti un coup dans le dos près de l'épaule gauche. Il a senti que l'objet touchait son omoplate. Le coup n'était pas très profond et il a senti qu'on retirait l'objet et a senti ensuite un autre coup plus bas mais beaucoup plus profond. Il est resté assis, pensant que son assaillant ne pouvait pas lui faire beaucoup plus de mal de ce côté, que la chaise le protégeait un peu et que, s'il bougeait, le couteau pourrait provoquer des blessures internes plus graves. Il s'est donc préparé à une attaque frontale, peut être à la gorge. Il s'est protégé la gorge avec le bras. Le coup est venu, mais de derrière lui, dirigé vers son ventre. Le demandeur a alors saisi le poignet de l'assaillant et retiré l'arme, sachant maintenant qu'il s'agissait d'un couteau, puis a saisi son assaillant à la gorge et l'a jeté contre un pilier. Il l'a alors clairement reconnu: c'était Jepson. D'autres détenus sont venus à la rescousse de Jepson en retenant le demandeur. D'après les explications du demandeur, ils avaient pensé qu'il attaquait Jepson plutôt que le contraire, parce qu'ils n'avaient pas vu le couteau de Jepson.
Le demandeur n'a appelé le garde du couloir à son aide ni après le premier coup ni par la suite.
J'ai étudié les expertises médicales concer- nant les blessures subies par le demandeur, qui ont été versées au dossier d'un commun accord; je partage l'opinion des avocats des parties, suivant laquelle une indemnité de $5,000 serait suffisante.
Les paragraphes 6 et 7 de la pétition de droit contiennent les allégations de négligence con- cernant le défaut des autorités pénitentiaires de prendre les mesures raisonnables pour assurer la sécurité du demandeur en qualité de personne sous leur garde:
[TRADUCTION] 6. Le requérant soutient que les agents et les préposés de l'intimée ont été négligents en ce qu'ils n'ont
pas pris les précautions suffisantes pour assurer que ledit David Finton ne commette pas d'acte de violence contre les autres détenus du pénitencier de Kingston. Le requérant soutient aussi que les agents et employés de l'intimée savaient ou auraient savoir que David Finton était capa ble de commettre des actes graves de violence et n'aurait pas être affecté à un dortoir.
7. Le requérant soutient en outre que les agents et employés de l'intimée ont été négligents en ce qu'ils ne se sont pas assurés que les détenus ne détenaient pas d'armes dangereu- ses tel que le couteau utilisé au cours de l'agression.
Il est allégué au paragraphe 5 de la pétition de droit que les autorités pénitentiaires de la prison de Kingston savaient que Jepson, ou Finton comme on l'appelle aussi, avait commis de nom- breux actes de ce genre et qu'il avait été interné dans une institution pour criminels aliénés à cause de ces dispositions à la violence.
Au début du procès, l'avocat du demandeur a déclaré qu'il ne pouvait apporter aucune preuve à l'appui des allégations de fait contenues dans le paragraphe 5 et il n'en a pas apporté. Par conséquent, il ne faut tenir aucun compte de ces prétentions.
Au cours de son argumentation, l'avocat du demandeur a apporté des précisions aux alléga- tions de négligence exposées en termes géné- raux aux paragraphes 6 et 7.
Ces précisions portaient sur 2 points:
(1) l'organisation des dortoirs était dange- reuse. Un nombre important de détenus y étaient rassemblés et avaient facilement accès à de nombreux outils pouvant servir d'armes et, à cause de mesures de sécurité visant principalement la protection des gardes, ceux-ci ne pouvaient intervenir assez rapide- ment en cas d'incident mettant aux prises des détenus.
(2) le détenu Jepson ayant subi des examens psychiatriques les 27 janvier 1956, ler février 1956, 29 février 1956 et 14 février 1958 et ayant été examiné par des psychologues du pénitencier les 25 avril 1958 et 4 juillet 1963, les autorités pénitentiaires auraient soup- çonner, étant donné justement qu'il avait subi ces examens, que Jepson avait des disposi tions particulières à la violence, beaucoup plus fortes que celles du détenu moyen, et pour cette raison, la procédure de sélection
appliquée par les autorités pénitentiaires avant l'affectation au dortoir aurait être plus sévère pour Jepson; bref, la procédure de sélection a été mal appliquée dans le cas de Jepson.
Compte tenu du fait que les détenus admis dans un dortoir ne l'étaient qu'après une longue période d'observation et que ce privilège était réservé aux détenus que l'on croyait capables de vivre en communauté, je ne pense pas que la mise sur pied et l'utilisation d'un système de dortoirs constituait une négligence de la part des autorités pénitentiaires, si l'on prend pour acquis que la décision d'admettre les requérants étaient basés sur des motifs raisonnables.
La politique générale du pénitencier était de permettre aux prisonniers certaines occupations dans leur cellule, dans le but de stimuler et de conserver leur vitalité intellectuelle et de les occuper.
Si l'on admet que les occupants des dortoirs étaient des personnes capables de vivre ensem ble en bonne entente, le fait de leur permettre de garder les outils dont ils ont besoin pour leurs occupations durant leurs loisirs ne saurait constituer une négligence de la part des autori- tés de la prison.
Je ne pense pas non plus que la construction d'un couloir d'où un garde peut surveiller le dortoir en toute sécurité constitue une négli- gence. Il est vrai que le passage du couloir au dortoir est retardé par le fait que le garde du couloir principal est seul à détenir les clés des portillons, mais ce retard est minime et justifié par les exigences de la sécurité. De plus, le garde du couloir surveille constamment les occupants du dortoir et peut exercer un certain contrôle en les rappelant verbalement à l'ordre.
Le but principal de la construction du couloir était de fournir une protection aux gardes à la suite du meurtre brutal et sauvage de l'un d'en- tre eux. Je pense que le risque d'agression par des détenus est plus grand dans le cas d'un garde que d'un détenu, et que la protection qu'on leur a fournie était à la fois raisonnable et nécessaire.
Le garde faisait des rondes dans le dortoir proprement dit, mais sous la protection d'un garde armé.
De plus, d'après deux administrateurs de prison bien placés pour le savoir, il n'y a eu à part le cas présent aucun incident violent entre détenus dans un dortoir depuis le début de ce système en 1954.
Pour ces motifs, le système de dortoir ne saurait être en soi la causa causans du présent incident.
J'estime que la question à trancher est celle de savoir si les autorités pénitentiaires savaient ou auraient savoir que Jepson était un pri- sonnier qui risquait de se livrer à des voies de fait, s'il n'était pas surveillé de près. Si les autorités connaissaient ou auraient connaître ce fait, elles n'auraient alors pas admettre Jepson au dortoir.
Il est vrai que Jepson a subi des examens psychiatriques et psychologiques. Même s'il avait été prouvé que Jepson était un malade mental, ce qui n'a pas été prouvé, l'aliénation mentale se manifeste sous de nombreuses formes et un malade mental ne risque pas plus de commettre des voies de fait qu'une personne en pleine possession de ses facultés mentales. Le fait déterminant est qu'après avoir examiné Jepson, les médecins n'ont pas ordonné qu'il soit affecté à une unité psychiatrique ou dans un service analogue, au pénitencier ou ailleurs, mais qu'ils lui ont permis de retourner dans la section générale du pénitencier.
Ceci étant, il est logique d'en déduire que les examens n'ont rien révélé qui aurait pu amener les autorités médicales à soupçonner un carac- tère violent. Si le personnel médical n'a rien soupçonné de tel, il n'y a aucune raison pour que les autorités de la prison puissent prévoir des voies de fait de la part de Jepson et pour qu'elles le surveillent étroitement ou qu'elles prennent des mesures de précaution exception- nelles en ce qui le concerne.
Par conséquent, il en résulte que, lorsque Jepson a fait une demande d'admission dans un dortoir, les autorités pénitentiaires n'avaient aucune raison de soumettre cette demande à des critères différents de ceux utilisés d'ordinaire.
La procédure d'admission au dortoir a été décrite par Fleming, qui est le sous-directeur adjoint des services de sécurité du pénitencier et qui était le 24 septembre 1967 adjoint au sous-directeur de la prison, chargé de la surveil lance. A cette époque, il y avait deux dortoirs.
Le détenu devait déposer une demande écrite d'admission.
La demande était soumise à l'agent de classi fication qui s'occupait du requérant et au pre mier agent de correction, pour qu'ils émettent un avis. Deux critères étaient utilisés (1) les risques quant à la sécurité ou la possibilité que le détenu tente de s'évader et (2) le mode de comportement dans l'institution. Étaient auto- matiquement exclus à raison de leur comporte- ment, les récidivistes, les homosexuels, les déte- nus violents et les drogués. Par ailleurs, le demandeur lui-même a décrit les détenus admis au dortoir comme étant des gars très bien, la crème des condamnés, faciles à vivre et ne causant pas de problèmes.
Bell a décrit les caractères positifs des déte- nus acceptés pour l'affectation au dortoir dans les termes suivants: certains ont des instincts grégaires, de l'aptitude à s'associer aux autres pour des activités communes, par exemple pour jouer aux cartes; d'autres désirent un peu plus de liberté pour se consacrer à leurs occupations. Ceux qui faisaient des demandes avaient norma- lement ces caractères, tandis que ceux qui pré- féraient la solitude ou étaient anti-sociaux et introvertis ne présentaient généralement pas de demande.
Tenant compte de ces considérations, le con- seil formé de l'agent de classification et du premier agent de correction étudiait chaque demande et donnait un avis favorable ou non à l'admission. Cette recommandation était ensuite transmise à Fleming. Si l'avis était défavorable, il s'en écartait rarement.
En ce qui concerne l'utilisation d'instruments, tels que des couteaux pour les travaux manuels, le demandeur lui-même a déclaré qu'il croyait justifiable de confier des couteaux aux occu pants du dortoir.
Fleming a déclaré qu'il a examiné l'avis favo rable du conseil concernant Jepson et qu'il l'a entériné.
Jepson a été incarcéré au pénitencier le 18 février 1965 et a été admis au dortoir le 3 août 1967. Il a été en cellule pendant deux ans et demi avant d'être admis au dortoir. Le deman- deur et lui se sont trouvés en même temps au dortoir pendant environ deux mois.
Lorsque Jepson a été admis au dortoir, il a été facilement accepté dans la bande dont faisait partie le demandeur. Il semble que le deman- deur ait jugé que Jepson était une personne acceptable. Il le connaissait pour l'avoir rencon- tré dans les sections communes du pénitencier, les prisonniers étaient rassemblés. Par consé- quent, le demandeur avait porté un jugement favorable sur Jepson dans des conditions diffé- rentes de celles dans lesquelles le conseil l'a évalué.
Les examens psychiatriques de Jepson ont eu lieu avant le 18 février 1965, au cours d'une précédente période de détention. Il se peut qu'ils aient été subis au pénitencier de Kingston ou dans une autre institution. Il est établi que Jepson a été admis dans un dortoir au péniten- cier de Kingston lors d'une précédente incarcé- ration dans cette institution.
Il s'agit de savoir si l'on a appliqué à Jepson des mesures de sélection suffisantes avant son admission au dortoir, le 3 août 1967. Pour les motifs que j'ai exposés plus haut, je ne pense pas que le fait que Jepson ait subi des examens psychiatriques ait obligé les autorités péniten- tiaires à prendre des mesures spéciales à son égard. Je ne pense pas non plus que les autorités pénitentiaires aient eu la preuve d'un comporte- ment qui aurait entraîner le rejet de sa demande d'admission au dortoir.
Le critère à appliquer est le suivant: les auto- rités pénitentiaires auraient-elles prévoir qu'à la suite de l'admission de Jepson au dortoir, le demandeur risquerait de subir les blessures qui lui ont effectivement été infligées?
D'après les faits établis, les autorités péniten- tiaires n'avaient aucune raison de croire que Jepson infligerait des blessures au demandeur.
J'estime par conséquent que le demandeur n'a pas établi qu'une faute a été commise; il n'a donc pas droit au redressement qu'il demande.
Sa Majesté la Reine a droit aux dépens, si elle juge opportun d'en exiger le paiement.
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