James H. Brooker (Requérant)
c.
Le procureur général du Canada (Opposant)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Cameron —Ottawa,
les 3 et 4 avril 1973.
Fonction publique—Sélection des fonctionnaires—Consti-
tution du comité de sélection—Composition non limitée aux
fonctionnaires—Loi sur l'emploi dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-32, art. 6(1) et (5), 10.
Un candidat non reçu à un poste de la Fonction publique
demande l'annulation de la décision d'un comité d'appel
rejetant son appel. Il a soutenu que le comité de sélection
constitué par le ministère pour le concours était irrégulier
car un de ses membres n'était pas fonctionnaire.
Arrêt: sa demande est rejetée.
Dans l'exercice des fonctions que lui confère l'article 10
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique pour choisir
les personnes à nommer à des postes de la Fonction publi-
que, la Commission de la Fonction publique peut avoir
recours à un comité de sélection et elle n'est pas tenue de
limiter sa composition à des fonctionnaires. Quand, en vertu
de l'article 6(1), la Commission délègue ses pouvoirs de
sélection à un sous-chef ou qu'en vertu de l'article 6(5), ce
dernier les délègue à son tour à une personne sous son
autorité, le sous-chef ou cette personne peuvent aussi avoir
recours à un comité de sélection dont la composition est tout
aussi libre.
DEMANDE.
AVOCATS:
M. W. Wright, c.r., et J. L. Shields pour le
requérant.
I. G. Whitehall et P. Bétournay pour
l'opposant.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Killeen et
Greenberg, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada, pour
l'opposant.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Il
s'agit d'une demande, présentée en vertu de
l'article 28*, tendant à l'annulation d'une déci-
sion rendue le 11 septembre 1972 par un comité
constitué par la Commission de la Fonction
publique pour mener une enquête en vertu de
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonc-
tion publique sur l'appel interjeté par le requé-
rant contre la nomination, effective ou envisa
gée,' du candidat reçu au concours pour le poste
de directeur adjoint des services d'éducation du
ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien pour le district de London (Ontario).
A l'audience le requérant a soutenu à l'appui
de sa demande que cette nomination effective
ou envisagée se fonde sur une liste d'admissibi-
lité établie à la suite du rapport du comité de
sélection constitué par le ministère pour le con-
cours en question, et que ce comité de sélection
a été constitué illégalement parce que l'un de
ses membres n'était pas un employé de la Fonc-
tion publique fédérale.
Il y a lieu de rappeler certains faits pour faire
comprendre la question en litige:
a) en vertu de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, la
Commission de la Fonction publique possède
de façon exclusive, sous réserve de quelques
exceptions qui sont ici sans intérêt, le droit et
l'autorité de nommer à des postes de la Fonc-
tion publique des personnes qui sont déjà
membres de la Fonction publique ou qui n'en
font pas partie; ces nominations doivent être
faites selon «une sélection établie au mérite»
à la suite d'un concours ou autrement (article
10),
b) pour permettre la «sélection» en question,
la Commission de la Fonction publique peut
établir des comités de sélection ou des jurys
d'examen, qui constituent ses intermédiaires
dans l'exercice de ses compétences,' et
c) un «sous-chef» ou une personne placée
sous son autorité peut être autorisée à exercer
l'un des pouvoirs, fonctions ou devoirs de la
Commission de la Fonction publique'
(article 6).
Les dispositions en question se lisent comme
suit:
8. Sous réserve de la présente loi, la Commission possède
de façon exclusive le droit et l'autorité de nommer à des
postes de la Fonction publique des personnes qui sont déjà
membres de la Fonction publique ou qui n'en font pas
partie, dont aucune autre loi du Parlement n'autorise ou ne
prévoit la nomination.
10. Les nominations à des postes de la Fonction publique,
faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des
personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon
une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la
Commission. La Commission les fait à la demande du sous-
chef en cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre
méthode de sélection du personnel établie afin de détermi-
ner le mérite des candidats que la Commission estime la
mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.
6. (1) La Commission peut autoriser un sous-chef à exer-
cer, de la manière et aux conditions qu'elle fixe, tout pou-
voir, fonction et devoir que la présente loi attribue à la
Commission, sauf les pouvoirs, fonctions et devoirs que la
Commission détient en ce qui concerne les appels prévus
aux articles 21 et 31 et les enquêtes prévues à l'article 32.
(5) Sous réserve du paragraphe (6), un sous-chef peut
autoriser une ou plusieurs personnes placées sous son auto-
rité à exercer l'un des pouvoirs, fonctions ou devoirs que lui
confère la présente loi, y compris, sous réserve de l'appro-
bation de la Commission et en conformité de l'autorité par
elle attribuée en vertu du présent article, l'un des pouvoirs,
fonctions et devoirs que la Commission a autorisé le sous-
chef à exercer.
Si j'ai bien compris l'argument du requérant,
ce dernier soutient que, lorsque la Commission
a délégué au sous-chef concerné un pouvoir se
rapportant à la nomination à un poste de la
Fonction publique, ce pouvoir doit être exercé
par le sous-chef lui-même ou par une personne
placée sous son autorité à laquelle il a dûment
délégué ce pouvoir; de cette affirmation évi-
dente par elle-même, le requérant conclut que si
l'on a nommé au comité de sélection ou au jury
d'examen une personne qui n'est pas sous l'au-
torité du sous-chef, ce comité ou ce jury est
illégalement constitué et la sélection qu'il a
effectuée est nulle. Il ne peut en être ainsi que si
un membre d'un comité de sélection ou d'un
jury d'examen exerce en cette qualité des pou-
voirs appartenant à la Commission de la Fonc-
tion publique qu'il ne peut exercer qu'en vertu
d'une autorisation d'exercer les pouvoirs et
fonctions ou d'accomplir les devoirs de la Com
mission, donnée conformément à l'article 6 ou à
quelque disposition similaire. Voilà, telle qu'elle
m'apparaît, la thèse du requérant.
Pour apprécier la valeur des arguments du
requérant, il convient d'examiner d'abord les
dispositions législatives visant le cas où c'est la
Commission elle-même qui exerce le pouvoir de
nomination. La disposition applicable 4 est l'arti-
cle 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, dont les passages pertinents se lisent
ainsi:
10. Les nominations à des postes de la Fonction publique,
faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des
personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon
une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la
Commission. La Commission les fait à la demande du sous-
chef en cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre
méthode de sélection du personnel établie afin de détermi-
ner le mérite des candidats que la Commission estime la
mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.
Cet article me paraît exiger
a) premièrement, une «sélection établie au
mérite, ainsi que le détermine la Commis
sion», et
b) deuxièmement, une nomination par la
Commission, fondée sur cette «sélection».
La question en l'espèce n'est pas de savoir
comment est organisée la procédure de «sélec-
tion». L'article indique clairement que cette
sélection peut être effectuée par concours ou
selon telle autre méthode de sélection du per
sonnel permettant de déterminer le mérite des
candidats que la Commission estime la mieux
adaptée aux intérêts de la Fonction publique. La
question consiste bien plutôt à savoir qui peut
appliquer cette procédure. La «sélection» doit
être «déterminée» par la Commission; ce que
nous devons analyser ici est la nature des agents
ou des intermédiaires auxquels peut éventuelle-
ment avoir recours la Commission pour procé-
der au concours ou appliquer les autres métho-
des de sélection du personnel qu'elle doit
utiliser pour se mettre en mesure de faire une
«sélection».
Dès le départ, il m'apparaît que le Parlement
n'avait manifestement pas l'intention de charger
personnellement les trois membres de la Com
missions de procéder eux-mêmes à chaque con-
cours et d'appliquer eux-mêmes les méthodes de
sélection du personnel qu'ils pouvaient éven-
tuellement choisir. Il est évident que l'effectif
de la Fonction publique, en 1967, au moment où
la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique a
été adoptée, était si considérable, que le Parle-
ment devait nécessairement envisager que ces
trois commissaires aient recours aux services de
très nombreuses personnes pour procéder à la
sélection. Si l'on pouvait encore douter de cette
intention, elle ressort clairement de l'article 12
de la loi, qui autorise la Commission «en déter-
minant ... le principe de l'évaluation du mérite
en ce qui concerne tout poste» à «prescrire des
normes de sélection ...».
Quelles étaient donc, dans l'esprit du législa-
teur, les personnes auxquelles la Commission
pouvait avoir recours pour procéder aux con-
cours ou appliquer les autres méthodes de sélec-
tion? Un examen de la loi ne fait apparaître
aucune disposition prévoyant expressément la
création au sein de la Fonction publique d'un
service chargé d'aider la Commission à s'acquit-
ter des lourdes responsabilités que lui impose la
loi; toutefois, cette possibilité y est manifeste-
ment envisagée; ce service a effectivement été
créé et constitue l'intermédiaire principal de la
Commission dans l'exercice de ses fonctions . 6
La loi confie par contre expressément à la Com
mission le pouvoir «d'engager des personnes
compétentes qui aideront la Commission dans
l'accomplissement de ses fonctions» (article
5c)). Je pense que cette disposition confère à la
Commission le pouvoir de conclure des contrats
de louage de services, sans que ses co-contrac-
tants deviennent des employés de la Commis
sion. Il me paraît certain que la Commission
peut utiliser soit ses propres employés soit des
personnes engagées en vertu de l'article 5 c)
pour appliquer les méthodes de sélection que
vise l'article 10. De plus, ni la lettre, ni l'esprit
de la loi n'astreignent la Commission à n'utiliser
que ces personnes pour appliquer ses méthodes
de sélection. De toute évidence, l'impossibilité
pour la Commission d'inviter un fonctionnaire
compétent appartenant à l'un ou l'autre des
divers ministères ou organismes gouvernemen-
taux à faire partie d'un comité de sélection, que
ce ministère ou organisme en particulier soit ou
non concerné par la nomination en question,
constituerait une entrave inutile aux pouvoirs de
la Commission. J'irais jusqu'à déclarer qu'il me
paraît n'y avoir aucune limite quant aux catégo-
ries de personnes dont on peut utiliser les servi
ces à cette fin, pourvu simplement qu'elles
soient en mesure et désireuses de promouvoir
les buts de cette loi. Il se peut fort bien qu'une
personne étrangère à la Fonction publique soit
capable d'apporter un concours efficace à la
«sélection» en vue d'une «nomination» à un
poste important de la Fonction publique, même
si sa situation à l'extérieur de la Fonction publi-
que ne lui permettrait pas d'accepter un engage
ment dans les conditions envisagées par l'article
5c) de la loi. Le texte de la loi ne me paraît pas
susceptible de limiter la possibilité pour la Com
mission de recourir aux services de diverses
personnes pour l'application de ses méthodes de
sélection, ni aux seules personnes faisant partie
de la Fonction publique, ni d'ailleurs à quelque
catégorie de personnes que ce soit; ne voyant
d'autre part aucune raison contraignante de con-
sidérer qu'une telle limitation figure implicite-
ment dans la loi, j'estime qu'il n'y a pas lieu de
retenir l'hypothèse d'une limitation implicite à
cet égard.
Au total, donc, quelles que soient les person-
nes employées par la Commission pour procé-
der aux concours ou appliquer d'autres métho-
des de sélection, la «sélection» qui en résulte
doit, en droit, être une sélection «que détermine
la Commission». La question de savoir si cela
exige une ratification après que la méthode de
sélection a été élaborée, ou s'il est également
possible de procéder par ratification à l'avance,
ne me paraît pas devoir nécessairement être
tranchée pour le moment.
Il ressort de cette analyse que, pour ce qui est
de la question en litige, bien que les jurys d'exa-
men ou les comités de sélection jouent en prati-
que un rôle important dans le processus de
sélection, ils ne constituent en cela qu'un rouage
du mécanisme créé par la Commission pour
exercer les pouvoirs et fonctions et accomplir
les devoirs que lui confère la loi. La Commis
sion ne les a pas autorisé à exercer ces pouvoirs
ou fonctions ou à accomplir ces devoirs; elle les
utilise à titre d'intermédiaires pour exercer ses
fonctions. C'est ce qui se passe chaque fois
qu'une loi impose des responsabilités d'une telle
ampleur à un ministre ou à un organisme gou-
vernemental; c'est là un moyen, parfaitement
valide en droit, d'exercer des pouvoirs d'origine
législative.'
Toutefois, lorsque c'est un sous-chef qui
exerce les pouvoirs de la Commission, la situa
tion juridique change complètement. En vertu
de l'article 6(1), le sous-chef est alors autorisé
«à exercer tous pouvoirs, fonctions et devoirs
que la présente loi attribue à la Commission».
Dans la mesure de cette autorisation', c'est le
sous-chef et non la Commission qui établit la
sélection et fait les nominations, parce qu'en
vertu de la loi, c'est lui qui a la compétence de
les faire, même si, comme la Commission elle-
même, il doit recourir à l'aide d'autres person-
nes pour appliquer les méthodes de sélection.
Il en est de même lorsqu'une personne sous
l'autorité d'un sous-chef exerce les pouvoirs de
la Commission; cette personne est autorisée par
l'article 6(5) «à exercer l'un des pouvoirs, fonc-
tions et devoirs que la Commission a autorisé le
sous-chef à exercer»; et dans la mesure de cette
autorisation, c'est cette personne, sous l'autorité
du sous-chef, et non le sous-chef ou la Commis
sion, qui établit la sélection et fait les nomina
tions, parce qu'en vertu de la loi, c'est elle qui a
compétence pour les faire même si, comme le
sous-chef et la Commission, elle doit recourir à
d'autres personnes pour appliquer les méthodes
de sélection.
Si c'est à bon droit que j'ai conclu que la
Commission n'est pas limitée, comme on le pré-
tend, dans le choix des personnes qu'elle désire
utiliser lorsqu'elle procède à un concours en vue
d'une nomination en vertu de l'article 10, il me
paraît s'ensuivre qu'il n'intervient aucune res
triction de ce genre lorsqu'un sous-chef ou une
personne sous l'autorité d'un sous-chef procède
à un concours en vue d'une nomination en vertu
des pouvoirs que lui confère l'article 6. Pour
autant que je sache, il n'est pas obligatoire que
les attributions d'un ministère soient exercées
par son personnel, à l'exclusion de personnes
étrangères au ministère, qui fourniraient ces ser
vices en vertu d'un contrat ou à titre gratuit; 9 et
je ne connais pas de règle juridique interdisant à
un ministère d'utiliser les services de personnes
désireuses de mettre leur compétence particu-
lière à la disposition de l'État, en siégeant à des
comités de sélection ou des jurys d'examen,
qu'elles le fassent à titre onéreux ou gratuit.'°
J'estime que la requête doit être rejetée.
* * *
LE JUGE PRATTE et LE JUGE SUPPLÉANT
CAMERON ont sous c rit à l'avis.
* L'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, dont voici le
paragraphe (1):
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de
toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour enten-
dre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une
décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordon-
nance de nature administrative qui n'est pas légalement
soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire,
rendue par un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office,
une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que
l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée
d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la
lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une
conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou
arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa
connaissance.
' Le requérant a interjeté appel par une lettre en date du
18 juillet 1972, qui se veut un appel de la décision prise à la
suite du concours. Toutefois, cet appel a été considéré à
tous les échelons comme un appel en vertu de l'article 21 de
la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, qui se lit ainsi:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne
est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est
choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat
non reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances
d'avancement, de l'avis de la Commission, sont ainsi
amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de
la nomination à un comité établi par la Commission pour
faire une enquête au cours de laquelle il est donné à
l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représen-
tants, l'occasion de se faire entendre. La Commission
doit, après avoir été informée de la décision du comité par
suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la
révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
2 Voir l'arrêt Nanda c. Commission de la Fonction publi-
que [1972] C.F. 277, p. 297.
Cette affirmation comporte certaines exceptions qui
sont ici sans intérêt.
° Je n'ignore pas l'existence des dispositions législatives
visant le déroulement des concours, mais j'estime que la
question en litige dans la présente affaire est plus générale et
porte sur les moyens dont dispose la Commission pour
appliquer les processus de sélection des employés.
Voir l'article 3 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique.
Le personnel de la Fonction publique qui est rattaché à
ce service peut être considéré, sans prétendre à la précision,
comme le personnel de la Commission.
Voir l'arrêt Local Government Board c. Arlidge [1915]
A.C. 120, pp. 132 et suiv.
Voir aussi l'ouvrage de S. A. de Smith Judicial Review of
Administrative Action, deuxième édition, pages 290-292, où
il analyse la jurisprudence en la matière dans les termes
suivants:
[TRADUCTION] Lorsqu'un fonctionnaire d'un ministère
exerce un pouvoir conféré par une loi au Ministre ou au
ministère, il faut tenir compte de certaines considérations
particulières. Ce fonctionnaire est l'alter ego du Ministre
ou du ministère; puisqu'il est soumis au contrôle de son
supérieur hiérarchique, le pouvoir qu'il exerce n'est géné-
ralement pas qualifié de pouvoir délégué. (Bien sûr, le
problème se pose différemment lorsqu'un texte législatif
confère explicitement des pouvoirs à un fonctionnaire ou
les lui délègue.) Les tribunaux ont admis que «les devoirs
et les pouvoirs attribués aux Ministres sont normalement
exercés sous leur direction par les fonctionnaires du
ministère. L'administration ne pourrait fonctionner, s'il en
était autrement.» Par conséquent, en général, le Ministre
n'est pas obligé d'examiner personnellement les questions
qui sont de sa compétence en vertu d'une loi: il peut
autoriser un fonctionnaire de son ministère à le faire à sa
place. Il n'est pas nécessaire que le Ministre accorde
lui-même ce pouvoir au fonctionnaire; ce pouvoir peut
être accordé au fonctionnaire d'une manière générale et
sans formalité par ses supérieurs hiérarchiques. Il n'est
pas certain que le fonctionnaire autorisé doive mentionner
explicitement qu'il agit au nom du Ministre. Toutefois,
certaines questions sont d'une importance telle que le
Ministre doit les examiner lui-même directement. Il
semble que les décisions affectant la liberté des person-
nes—c.-à-d. les ordonnances d'expulsion des étrangers,
les ordonnances d'incarcération rendues en vertu des
règlements de sécurité en temps de guerre et peut-être
aussi les ordonnances discrétionnaires pour la remise aux
autorités compétentes des criminels en fuite—fassent
partie de cette catégorie. Le Ministre ou le chef du
ministère doit s'opposer lui-même à la production de
documents au cours d'une instance judiciaire, au motif
que leur production pourrait être contraire à l'intérêt
public; il doit alors certifier qu'il a examiné lui-même les
documents en question. On a déjà affirmé que lorsque,
dans le cas d'opposition à une ordonnance de désignation
d'une ville nouvelle, le Ministre est tenu d'examiner le
rapport de l'inspecteur à ce sujet, il doit effectivement
examiner lui-même ce rapport et les oppositions; mais il
n'est pas certain que, dans ce cas précis ou dans d'autres
situations, la délégation de ces fonctions à un haut fonc-
tionnaire du ministère entraînerait la nullité de l'ordon-
nance. De plus, comme nous l'avons déjà fait remarquer,
il ne semble pas qu'il soit de règle que les Ministres
doivent examiner eux-mêmes les affaires lorsqu'il s'agit
d'exercer des fonctions de caractère judiciaire. Il n'est pas
non plus nécessaire que le Ministre agisse lui-même lors-
qu'il exerce des pouvoirs de nature législative; de fait, les
textes réglementaires sont signés par des hauts fonction-
naires du ministère, qui agissent en vertu d'une délégation
générale de pouvoirs de la part du Ministre concerné.
8 D'après l'économie de l'article 6(1), lorsque la Commis
sion autorise un sous-chef à exercer ses pouvoirs etc., elle
peut imposer certaines restrictions à l'autorisation qu'elle
donne au sous-chef; mais en l'espèce, on n'a pas cherché à
prétendre que les restrictions qu'on a effectivement impo
sées à l'autorité administrative dont nous examinons la
décision aient une incidence sur la solution du litige soulevé
par cette requête.
9 Évidemment, il se pourrait qu'interviennent certaines
dispositions législatives ou contractuelles dont je ne connais
pas l'existence ou qui ne me viennent pas à l'esprit; mais on
n'a pas prétendu qu'une telle réglementation particulière
s'applique en l'espèce.
' b On a donné à entendre, sans en tirer formellement
argument, que si l'on tient compte des considérations ayant
présidé, selon l'opinion traditionnellement reçue, à la créa-
tion de la Commission de la Fonction publique et de ses
prédécesseurs—c'est-à-dire l'élimination du favoritisme poli-
tique—, on serait justifié de mettre certaines restrictions à la
possibilité pour les fonctionnaires des ministères de faire
appel à des compétences extérieures, restrictions qui ne
s'appliqueraient pas à la Commission elle-même. On peut à
mon avis répondre à cela que lorsqu'il a prévu la possibilité
de rendre aux ministères un certain pouvoir de recrutement,
le Parlement a donné expressément à la Commission des
moyens de contrôle: d'abord, par les paragraphes (1) et (5)
de l'article 6, la faculté d'apporter des restrictions aux
pouvoirs délégués aux ministères; et ensuite, par les para-
graphgs (2), (3) et (4) de l'article 6, des pouvoirs d'annula-
tion et de révocation. Le Parlement ayant ainsi explicite-
ment prévu certains mécanismes de contrôle, il ne me paraît
pas justifiable de chercher des restrictions implicites aux
pouvoirs rendus aux ministères.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.