Moffat Broadcasting Ltd. (Requérante)
c.
Le procureur général du Canada et le Vancouver-
New Westminster Newspaper Guild (Intimés)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Sheppard et Bastin —Vancouver (C.-B.),
les 3 et 4 mai 1973.
Relations ouvrières—Code canadien du travail, art.
115(2)a) et b)—Accréditation d'une unité de négociation—
Examen judiciaire—Annulation de l'accréditation.
Le syndicat intimé a présenté au Conseil canadien des
relations ouvrières une demande d'accréditation à titre
d'agent négociateur d'une unité d'employés de la requérante.
Elle comprenait alors sept employés dont six étaient mem-
bres du syndicat; deux employés ont démissionné avant
l'audition de la demande et, à l'audience, les affidavits de
trois autres employés ont été présentés dans lesquels ils
affirmaient n'être pas membres du syndicat ou avoir cessé
de l'être. Le Conseil a refusé d'ordonner un vote des
employés et a accrédité le syndicat intimé à titre d'agent
négociateur.
Arrêt: il convient d'annuler l'accréditation. Aucune des
conditions d'accréditation prévues à l'article 115(2)a) et b)
du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, n'a été
remplie. Il n'y avait pas eu le vote prévu à l'alinéa b) et le
Conseil ne pouvait déduire des pièces portées à sa connais-
sance qu'une majorité des employés de l'unité de négocia-
tion étaient membres en règle du syndicat, comme l'exige
l'alinéa a).
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
E. A. Alexander, c.r., pour la requérante.
N. D. Mullins, c.r., pour le procureur géné-
ral du Canada.
W. H. Deverell pour le Vancouver-New
Westminster Newspaper Guild.
PROCUREURS:
Robson, Alexander et Guest, Vancouver,
pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
le procureur général du Canada.
Deverell, Harrop, Morrison, Wood et
Powell, Vancouver, pour le Vancouver-New
Westminster Newspaper Guild.
LE JUGE THURLow (oralement)—La présente
affaire porte sur une demande introduite en
vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale aux fins d'obtenir l'examen et l'annula-
tion de l'accréditation que le Conseil canadien
des relations ouvrières a accordée le 28 novem-
bre 1972 en vertu du Code canadien du travail,
S.R.C. 1970, c. L-1, à l'intimé, le Vancouver-
New Westminster Newspaper Guild (local 115
du Newspaper Guild) à titre d'agent négociateur
d'une unité d'employés de la requérante, travail-
lant au service des informations du poste CKLG
de Vancouver, à l'exclusion du directeur des
informations.
Le 21 juin 1972, date à laquelle la demande
d'accréditation a été déposée, l'unité en ques
tion comprenait sept employés dont six étaient
membres du syndicat intimé. Toutefois, deux de
ces employés avaient déposé leur démission qui
devait prendre effet au 30 juin 1972 et, par
suite, à compter du ler juillet, l'unité se compo-
sait de cinq employés dont quatre ou cinq
étaient membres du syndicat.
Le 13 juillet, la requérante a déposé une
réponse à la demande d'accréditation par
laquelle elle contestait l'habileté de l'unité de
négociation à négocier collectivement et elle a
demandé une audience. Toutefois, elle n'a ni
admis ni nié la déclaration du syndicat portant
qu'une majorité des employés de l'unité étaient
membres du syndicat. La demande d'audience a
été accueillie et la date en a été fixée au 24
octobre 1972, à Ottawa.
Le 19 octobre 1972, la requérante a fait
savoir par telex au Conseil qu'à l'audience, elle
avait l'intention de soulever la question de
savoir si une majorité des employés de l'unité
étaient des membres en règle du syndicat ou si
une majorité de ceux-ci souhaitait que la requé-
rante devienne leur agent négociateur.
A l'audience, le Conseil a admis sous réserve
des objections du syndicat intimé, des affidavits
que la requérante avait obtenus de trois mem-
bres de l'unité de négociation.
L'un de ces affidavits a été signé par un
employé du nom de Vidler, qui était antérieure-
ment directeur de la production dans un autre
secteur des affaires de la requérante et qui avait
été muté au service de l'information à titre de
journaliste le 17 octobre 1972, c.-à-d. une
semaine avant la date fixée pour l'audience.
L'auteur de cet affidavit déclare qu'il n'a jamais
été membre du syndicat et qu'il ne souhaite pas
que le syndicat soit accrédité comme son agent
négociateur. Il nie également que la compagnie
l'ait menacé ou qu'elle soit intervenue aux fins
de l'empêcher de devenir membre du syndicat.
Le second affidavit a été déposé par un
employé du nom de Farr. Celui-ci déclare qu'il
est devenu membre du syndicat en avril 1972,
qu'il l'a quitté en juillet 1972 et qu'il a obtenu
un remboursement de cotisations d'environ
$3.00. Il a également déclaré qu'il ne souhaite
pas que le syndicat soit accrédité comme son
agent négociateur et que la requérante ne l'a pas
menacé ou cherché à l'intimider.
Le troisième affidavit a été déposé par un
employé du nom de Johnson. Il a déclaré qu'il
est devenu membre du syndicat en avril 1972 et
que, le 13 octobre 1972, il a fait parvenir au
syndicat une lettre de résignation.
Le syndicat n'a déposé aucune preuve aux
fins de s'opposer à ces affidavits qui établissent
qu'au moment de l'audience, aucun de ces
employés n'était membre du syndicat.
Le Conseil est arrivé à la conclusion que,
pour des motifs sérieux qu'il est inutile de répé-
ter ou d'analyser, ces affidavits ne sont pas une
manifestation des volontés véritables de leurs
auteurs. Toutefois, le Conseil n'a pas fait droit à
l'opposition du syndicat intimé à leur recevabi-
lité et il ne les a pas rejetés comme inadmissi-
bles. Il n'a pas conclu non plus que ces affida
vits ne pouvaient pas être utilisés comme
preuve du fait que leurs auteurs n'étaient pas
des membres du syndicat au moment de
l'audience.
Le Conseil a ensuite examiné et rejeté une
demande de la requérante visant à obtenir que le
Conseil ordonne un scrutin secret aux fins de
déterminer les volontés des employés de l'unité
de négociation et il a conclu:
[TRADUCTION] ... que, vu les circonstances, la preuve du
fait qu'une majorité des employés de l'unité de négociation
sont des membres en règle de la requérante (le syndicat)
constitue une preuve valable des désirs des employés de
l'unité de négociation que le Conseil a jugé habile à négocier
collectivement.
Par conséquent, il est pris une ordonnance accréditant la
requérante comme agent négociateur de l'unité d'employés
que le Conseil juge habile à négocier, savoir une unité
d'employés de l'intimé travaillant au service des informa-
tions du Poste CKLG à Vancouver (C.-B.), à l'exclusion du
directeur des informations.
Dans ses motifs, le Conseil avait déjà conclu
qu'au moment du dépôt de la demande d'accré-
ditation, l'unité de négociation se composait de
sept membres dont six étaient membres du syn-
dicat, ce qui ne fait aucun doute, mais nulle part
il n'a fait valoir qu'une majorité des employés
étaient membres du syndicat au moment de
l'audience. Également, aucune preuve ne per-
mettait de conclure que plus de trois des six
employés qui constituaient l'unité à ce moment
étaient à ce même moment membres du syndi-
cat. De plus, les affidavits établissent que trois
des six employés n'étaient pas membres du
syndicat.
Toutefois, le certificat du Conseil énonce
notamment que le Conseil [TRADUCTION] «est
convaincu qu'une majorité des employés dudit
employeur qui constituent l'unité sont des mem-
bres en règle du syndicat demandeur».
Examinons maintenant les dispositions légis-
latives en cause. Aux termes de l'article 115(1),
le Conseil doit prendre les mesures qu'il estime
appropriées pour déterminer les désirs des
employés dans l'unité quant au choix d'un agent
négociateur devant agir en leur nom. Ces désirs
constituent certainement des faits pertinents
dont le Conseil doit tenir compte dans l'exercice
du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré
aux fins d'accorder ou de refuser l'accréditation
à un demandeur. Toutefois la compétence du
Conseil en matière d'accréditation est définie
par les termes exprès de l'article 115(2) qui
énonce:
115. (1) ...
(2) Lorsque, conformément à une demande d'accrédita-
tion prévue dans la présente Partie et faite par un syndicat,
le Conseil a décidé qu'une unité d'employés est habile à
négocier collectivement
a) si le Conseil est convaincu que la majorité des
employés de l'unité sont membres en règle du syndicat, ou
b) si, par suite d'un vote des employés de l'unité, le
Conseil est convaincu qu'une majorité d'entre eux a choisi
le syndicat comme agent négociateur en leur nom,
le Conseil peut accréditer ce syndicat comme agent négocia-
teur des employés de l'unité.
D'après mon interprétation, cet article énonce
deux moyens d'obtenir l'accréditation. En vertu
de l'alinéa b), le Conseil peut accréditer un
demandeur en se fondant sur les désirs de la
majorité des employés d'une unité de négocia-
tion, que la majorité des employés soient mem-
bres du syndicat ou non, si, et uniquement dans
ce cas, il y a eu un vote et si, en conséquence, le
Conseil est convaincu qu'une majorité des
employés de cette unité a choisi le syndicat
comme agent négociateur en leur nom. Cet
alinéa ne peut être invoqué en l'espèce aux fins
d'appuyer le certificat car aucun vote n'a été
pris.
La seule autre façon d'obtenir l'accréditation
est 'de convaincre le Conseil, aux termes de
l'alinéa a), qu'une majorité des employés de
l'unité de négociation sont des membres en règle
du syndicat demandeur. Dans la présente
affaire, le certificat énonce que le Conseil a
acquis une certitude sur ce point mais, à mon
avis, les documents dont disposait le Conseil ne
justifiaient pas cette conclusion en droit ni au
moment de l'audience, ni par la suite. Je crois
que les termes de l'article 115(2)a), où le verbe
«être» est employé au présent, ainsi que les
arrêts Toronto Newspaper Guild c. Globe Print
ing Company [1953] 2 R.C.S. 18, et Re Bakery
and Confectionary Workers International Union
of America and Rotary Pie Service Ltd. (1962)
32 D.L.R. (2e) 576, établissent que l'existence,
au moment de l'audience, d'une majorité d'em-
ployés membres du syndicat est essentielle à
l'existence du pouvoir du Conseil d'accorder
l'accréditation en vertu de l'article 115(2)a).
Donc, vu que l'accréditation résulte d'une
conclusion qui ne pouvait être tirée à bon droit
du dossier soumis au Conseil, celui-ci a, à mon
avis, commis une erreur de droit au sens de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale en
rendant sa décision et il y a donc lieu d'annuler
l'accréditation qu'il a accordée.
LES JUGES SUPPLÉANTS SHEPPARD et BASTIN
ont souscrit à l'avis.
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