Robin A. McPherson (Requérante)
c.
Le procureur général du Canada (Opposant)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Sheppard et Bastin —Vancouver (C.-B.),
les l er et 3 mai 1973.
Assurance-chômage—La requérante quitte son emploi par
suite de sa grossesse—Durée du droit aux prestations—Loi
sur l'assurance-chômage, art. 30(2).
Malade par suite de sa grossesse, la requérante a quitté
son emploi le 13 août 1971. Son accouchement était prévu
pour le 3 février 1972. Elle a reçu des prestations d'assu-
rance-chômage pendant 15 semaines à compter du 15 août
1971 mais on a refusé de lui verser des prestations pour les
10 semaines suivantes; or elle prétend y avoir droit.
Arrêt: la décision du juge-arbitre est confirmée; aux
termes de l'article 30(2) de la Loi sur l'assurance-chômage,
la requérante n'a pas droit aux prestations durant ces 10
semaines.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
David W. Mossop pour la requérante.
G. C. Carruthers et W. T. Begg pour
l'opposant.
PROCUREURS:
D. W. Mossop, Vancouver, pour la
reanérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'opposant.
LE .,UGE THURLow—En vertu de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale, la requérante
dépose cette demande d'examen et d'annulation,
pour erreur de droit, de la décision d'un juge-
arbitre nommé en vertu de la Loi sur l'assu-
rance-chômage. Cette décision confirmait le
refus opposé par le conseil arbitral à la demande
de la requérante tendant à faire reconnaître ses
droits aux prestations d'assurance-chômage
pour la période de dix semaines commençant le
12 décembre 1971.
Enceinte et malade à cause de sa grossesse, la
requérante quitta son emploi le 13 août 1971.
Son accouchement était prévu pour le 3 février
1972. Conformément à la Loi sur l'assurance-
chômage, elle déposa une demande et reçut les
prestations pendant une période de quinze
semaines à partir du 15 août 1971. On lui refusa
les prestations pour les dix semaines suivantes,
au motif que cette période n'entrait pas dans ce
que la loi appelle sa «période initiale de
prestations.»
En général, on peut dire que la Loi sur l,'assu-
rance-chômage est un système donnant droit à
des prestations, pendant des périodes précises,
pour les personnes prêtes à travailler et capa-
bles de le faire mais qui ne peuvent trouver un
emploi qui leur convient. Ce système prévoit
également des prestations, durant une période
plus restreinte, pour les personnes qui sont inca-
pables de travailler par suite de maladie, bles-
sure, ou mise en quarantaine.
A cet effet, l'article 160 des Règlements édic-
tés le 6 juillet 1971 dispose que par «maladie,
blessure ou mise en quarantaine» on entend
toute maladie, blessure ou mise en quarantaine
qui rend le prestataire incapable de travailler.
Le système établi par la loi prévoit que l'éten-
due des droits aux prestations d'une personne
sans emploi, qui remplit les conditions requises
pour les recevoir, est établie par rapport à une
«période initiale de prestations» fixée par les
articles 19 et 20. D'une manière générale, elle
débute le dimanche de la semaine au cours de
laquelle survient l'arrêt de rémunération ou de
la semaine ou cours de laquelle est formulée la
demande initiale de prestations. La durée de la
période initiale de prestations est fonction du
nombre de semaines d'emploi assurable du pres-
tataire au cours de sa période de référence.
Dans la présente affaire, la requérante avait
droit à une période initiale de prestations de 29
semaines. Toutefois, elle ne pouvait recevoir les
prestations initiales que pour un maximum de
quinze semaines pendant sa période initiale de
prestations; cette période, en vertu de l'article
20(6) de la loi, devait prendre fin quand la
requérante avait perçu des prestations pour le
maximum de quinze semaines de cette période,
savoir le 11 décembre 1971.
La loi prévoit à cette période initiale de pres-
tations un complément de dix semaines, pendant
lesquelles des prestations peuvent être versées à
une personne capable de travailler et disponible
à cette fin mais qui ne peut obtenir d'emploi
convenable. Mais la loi ne prévoit pas le verse-
ment de ces prestations pendant cette période
additionnelle à des personnes incapables de tra-
vailler en raison de maladie, blessure ou mise en
quarantaine.
Quant à l'arrêt de rémunération qu'entraîne
une grossesse, l'article 46 dispose:
46. Sous réserve de l'article 30, une prestataire, en cas de
grossesse, n'est pas admissible au bénéfice des prestations
durant la période qui débute huit semaines avant la semaine
présumée de son accouchement et se termine six semaines
après celle de son accouchement.
A mon avis, cette article restreint le droit aux
prestations pour la période en question aux
prestations prévues à l'article 30, nonobstant la
cause de l'arrêt de rémunération pendant cette
période.
A cet égard, l'article 30(2) apporte les préci-
sions suivantes au sujet des prestations paya-
bles à une prestataire de la première catégorie:
30. (2) Les prestations prévues au présent article sont
payables à une prestataire pour chaque semaine de chômage
comprise dans la plus brève des périodes suivantes:
a) la période de quinze semaines qui débute huit semaines
avant la semaine présumée de l'accouchement, ou
b) la période qui débute huit semaines avant la semaine
présumée de l'accouchement et qui prend fin six semaines
après la semaine de l'accouchement,
si cette semaine tombe dans la période initiale de prestations
établie pour la prestataire en application de l'article 20, à
l'exclusion de tout complément établi en vertu de
l'article 32.
C'est justement sur l'interprétation de cette
disposition qu'on a autorisé l'appel de la requé-
rante devant le juge-arbitre. C'est encore sur ce
point que porte la requête présentée à la Cour.
La requérante avait reçu des prestations pen
dant quatorze semaines dans la période initiale
de prestations au début de la période mention-
née à l'article 46. Elle avait donc tout de suite
droit aux prestations prévues à l'article 30(2).
Sa période initiale de prestations prit fin après
une seule semaine de prestations versées en
vertu de l'article 30(2), au motif que cela faisait
les quinze semaines de prestations auxquelles
elle avait droit pour cette période. La question
est de savoir si la clause conditionnelle qui se
trouve à la fin de l'article 30(2) lui retire le droit
de toucher des prestations supplémentaires pen
dant le complément de cette période initiale de
prestations, savoir une période de dix semaines.
Selon l'avocat de la requérante, il faut enten-
dre par les mots «cette semaine», à l'article
30(2), une semaine faisant partie de la période
de quinze semaines définie à l'alinéa a) ou une
semaine de la période définie à l'alinéa b). Selon
lui, la clause en question veut simplement dire
que si cette semaine tombe pendant la période
initiale de prestations, c'est la plus courte des
deux périodes qui doit être retenue et, que cette
clause impose ou non la plus courte période, la
requérante a droit aux prestations pendant
chaque semaine du complément de la période de
prestations.
Je suis d'accord avec le savant juge-arbitre
quand il dit qu'on ne peut interpréter l'article
30(2) de cette manière. A mon sens, l'expres-
sion «cette semaine» se réfère à une «semaine
de chômage», expression qui figure dans la pre-
mière partie du paragraphe. La clause litigieuse
limite la période de prestations à la période
initiale de prestations décrite dans le paragra-
phe. Ainsi interprété, ce paragraphe s'accorde
avec les dispositions qui limitent à cette même
période initiale de prestations la période de
prestations pendant les arrêts de rémunération
pour cause de maladie, blessure ou mise en
quarantaine. Si on l'interprète différemment, ce
paragraphe pourrait donner aux femmes encein-
tes une période de prestations beaucoup plus
longue que dans les cas de maladie, de blessure
ou de mise en quarantaine.
Grammaticalement, il me semble possible
d'interpréter la version anglaise de l'article 30(2)
à la fois comme je l'ai fait et aussi comme
voulant dire que si une semaine de chômage fait
partie de la période initiale de prestations, le
prestataire aura droit aux prestations pendant
toute la période applicable (soit a) soit b)) ; Je
pense pourtant que cette interprétation doit être
rejetée d'abord parce qu'elle ne s'accorde pas
avec les autres dispositions portant sur les pres-
tations, ensuite parce que l'admissibilité ou l'ex-
clusion serait prononcée sans raison ou motif
apparent et, enfin, parce que la version fran-
çaise de la loi n'est pas, à mon avis, susceptible
d'une pareille interprétation.
L'avocat a également soutenu que la clause
en question de l'article 30(2) était une clause
d'exclusion et que, par conséquent, conformé-
ment au principe d'interprétation des clauses
d'exclusion des contrats d'assurance, elle devait
être interprétée d'une manière restrictive vis-à-
vis la Couronne. A mon sens, cette prétention
est sans fondement. La loi n'est pas un contrat
d'assurance rédigé et offert par une compagnie
d'assurance; elle doit être interprétée comme
toutes les autres lois, selon les principes recon-
nus d'interprétation. J'ajoute qu'à mon avis, l'ar-
ticle 30(2) n'est pas une clause d'exclusion mais
une clause qui confère des droits et le problème
est simplement de savoir quelle est, d'après sa
rédaction, l'étendue des droits ainsi conférés.
La demande est rejetée.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD—Je souscris
à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN—Je souscris à
ces motifs.
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