The Robert Simpson Montreal Ltd. (Demande-
resse)
c.
Hamburg-Amerika Linie Norddeutscher, Lloyd
Ernst Russ et Montreal Shipping Co. Ltd.
(Défenderesse)
et
Hamburg-Amerika Linie Norddeutscher et Lloyd
Ernst Russ (Tierces parties demanderesses)
et
Warnock Hersey International Ltd. et Montreal
Shipping Co. Ltd. (Tierces parties défenderesses)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 19 mars; Ottawa, le 26 mars 1973.
Droit maritime—Compétence—Parties—Action pour perte
de la cargaison intentée contre le navire—Navire réclamant
une indemnité au gardien de quai—Compétence—Loi sur la
Cour fédérale, art. 22.
La demanderesse a intenté une action contre un transpor-
teur et armateur au motif qu'à l'arrivée du navire à Mon-
tréal, la demanderesse a constaté que sa cargaison était
endommagée et qu'il en manquait une partie. Le transpor-
teur et armateur nie toute responsabilité et soutient que les
dommages se sont produits après la remise de la cargaison
aux soins de l'entreprise de manutention et, par voie d'avis à
tierce partie, il demande une indemnité à cette dernière.
Arrêt: l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale ne confère
pas à la Cour la compétence nécessaire pour connaître d'une
réclamation introduite par l'armateur et propriétaire contre
l'entreprise de manutention. Les avis à tierce partie sont
donc radiés.
REQUÊTE des défenderesses en radiation des
avis à tierce partie.
AVOCATS:
V. Prager pour la demanderesse.
E. Baudry pour les défenderesses.
D. Marier pour les tierces parties
défenderesses.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier et Robb,
Montréal, pour la demanderesse.
Brisset, Reycraft, Bishop et Davidson,
Montréal, pour les défenderesses.
Chauvin, Marier, Dion et Saucier, Mon-
tréal, pour les tierces parties défenderesses.
LE JUGE WALSH—Cette action découle de la
perte ou des dommages subis par une partie de
la cargaison de tapis et de lainages transportés
d'Anvers à Montréal. Le paragraphe 3 de la
déclaration est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 3. A l'arrivée du navire dans le port de Mon-
tréal (Québec), Canada, la demanderesse constata que sa
cargaison était endommagée et détériorée et qu'il lui man-
quait de la marchandise. Elle notifia ces dommages aux
défenderesses et des expertises conjointes furent effectuées.
C'est sur la responsabilité contractuelle et délic-
tuelle des défenderesses que la demanderesse
fonde sa réclamation. Les défenderesses, Ham-
burg-Amerika Linie Norddeutscher et Lloyd
Ernst Russ, dans leur défense, rejettent toute
responsabilité de la part du navire. Elles enten-
dent se prévaloir de la clause du connaissement
les dégageant de toute responsabilité découlant
de la perte ou l'avarie survenue après le déchar-
gement. Elles déclarent en effet que la cargaison
fut entreposée dans un hangar de quai du port
de Montréal par la Eastern Canada Stevedoring
Division of Warnock Hersey International Ltd.,
et que la cargaison avait été remise aux soins et
sous la garde de ladite compagnie et de la Mont-
real Shipping Company Limited, locataire de
l'entrepôt. Ces deux compagnies étaient alors
associées dans une entreprise de manutention et
effectuaient leurs opérations sous le nom de
Montreal Shipping Terminals. En somme, c'est
à elles, affirment les défenderesses, qu'incom-
bait la responsabilité de la cargaison pendant la
période allant du déchargement à la livraison.
Les défenderesses notifièrent la codéfende-
resse, la Montreal Shipping Company Ltd., et
envoyèrent un avis à tierce partie à la Eastern
Canada Stevedoring Division of Warnock
Hersey International Ltd. portant qu'au cas où
elles perdraient leur procès, elles se retourne-
raient contre les tierces parties et réclameraient
une indemnité pour les pertes ou les avaries
qu'avaient subies les marchandises alors
qu'elles se trouvaient en leur possession.
Les tierces parties défenderesses m'ont
adressé une requête demandant que les avis à
tierce partie soient rejetés étant donné que la
Loi sur la Cour fédérale n'accorde pas à la Cour
la compétence nécessaire pour connaître d'une
telle réclamation.
A l'appui de cette thèse, l'avocat des tierces
parties soutient que la demanderesse n'a pour-
suivi que le transporteur et les propriétaires et
qu'à aucun moment on n'a essayé d'alléguer que
la perte a eu lieu après la livraison. Il affirme en
outre que les seules dispositions de la Loi sur la
Cour fédérale qui puissent donner compétence à
la Division de première instance de cette Cour à
l'égard des débardeurs ou des opérations de
manutention seraient les alinéas e), j), h) ou i) de
l'article 22(2) et qu'un examen détaillé de
chacun des alinéas de cet article montre qu'au-
cun n'est applicable dans les circonstances
actuelles. L'article 22(2)f) dispose que:
22. (2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe
(1), il est déclaré pour plus de certitude que la Division de
première instance a compétence relativement à toute
demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont
ci-après mentionnés:
f) toute demande née d'une convention relative au trans
port à bord d'un navire de marchandises couvertes par un
connaissement direct ou pour lesquelles on a l'intention
d'établir un connaissement direct, pour la perte ou l'avarie
de marchandises survenue à quelque moment ou en quel-
que lieu en cours de route;
Mais personne n'affirme en l'espèce qu'un con-
naissement direct couvrait la perte ou l'avarie à
quelque moment ou en quelque lieu en cours de
route. Or, si la demanderesse avait eu l'intention
de poursuivre les débardeurs ou les employés
des entrepôts, elle aurait dû faire une déclara-
tion afin de donner compétence aux termes de
cet article. L'alinéa e) ne s'applique que quand il
y a avarie au navire ou imputable à la perte de
ce dernier; dans ce cas, on peut inclure les
avaries subies par la cargaison. Les alinéas h) et
i) se rapportent aux réclamations pour la perte
ou l'avarie de marchandises, ou découlant d'une
convention relative au transport de marchandi-
ses «à bord d'un navire». On a considéré que les
termes «transport de marchandises dans un
navire» figurant à l'article 18(3) de l'ancienne
Loi sur l'Amirauté étaient trop étroits pour
inclure une affaire relative aux avaries subies
par des marchandises déchargées d'un navire
plutôt que transportées (voir l'affaire The
Toronto Harbour Com'rs c. The «Robert C.
Norton» [1964] R.C.É. 498). L'avocat des tier-
ces parties défenderesses a soutenu que la loi
n'avait pas été modifiée par l'adoption de la Loi
sur la Cour fédérale puisque l'article 42 de cette
dernière prévoit que:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le 1" juin 1971 reste en vigueur sous réserve des
modifications qui peuvent y être apportées par la présente
loi ou toute autre loi.
Il soutient que l'article 22(2)h) et i) de la Loi sur
la Cour fédérale n'est qu'une nouvelle rédaction
de l'article 18(3) de l'ancienne Loi sur l'Ami-
rauté et que la jurisprudence établie sous le
régime de ladite loi est toujours applicable.
Cette jurisprudence fut examinée dans l'affaire
Maag and Company Limited et autres c. East
ern Canada Stevedoring Limited, arrêt non
publié de la Cour de l'Échiquier en date du 20
octobre 1969. Cette affaire portait sur la
requête introduite par la défenderesse Eastern
Canada Stevedoring Limited visant à obtenir
une ordonnance rejetant l'action intentée contre
elle au motif que la Cour ne pouvait pas connaî-
tre des réclamations fondées sur la perte ou
l'avarie de marchandises survenue après déchar-
gement et non imputable au navire. On y men-
tionnait l'arrêt The «Sparrow's Point» c. Greater
Vancouver Water District [1951] R.C.S. 396,
qui avait rapporté la situation scandaleuse
découlant de l'obligation d'intenter deux
actions, l'une contre le navire en la Cour de
l'amirauté et l'autre contre le Conseil des ports
dans une autre Cour, et déclaré que toute récla-
mation découlant d'avaries causées par le navire
devrait être réglée dans une même action. Dans
cette affaire, toutefois, il n'y avait aucune indi
cation permettant de déterminer quel défendeur
était responsable de l'avarie. En rendant le juge-
ment dans l'affaire Maag, j'ai déclaré:
[TRADUCTION] Il semble dans cette affaire que les faits qui
ont motivé l'action contre la défenderesse, l'Eastern Canada
Stevedoring Limited, sont inextricablement liés à ceux qui
ont motivé l'action contre les autres défendeurs. A ce stade,
il n'est pas encore possible de dire quel défendeur est
responsable de la perte de la cargaison ou si cette responsa-
bilité est contractuelle ou délictuelle. Les affirmations con-
tenues dans la déclaration indiquent l'intention de prouver
que la défenderesse, l'Eastern Canada Stevedoring Limited,
et les autres codéfendeurs sont conjointement et solidaire-
ment responsables à titre délictuel. Vu les circonstances de
cette affaire, il ne semble pas du tout réaliste ni même
souhaitable d'obliger la demanderesse à intenter une action
contre les armateurs devant la Cour de l'Échiquier, siégant
en amirauté, et contre la défenderesse Eastern Canada
Stevedoring Limited devant la Cour supérieure de la pro
vince de Québec.
La présente affaire est tout à fait différente cal
non seulement la demanderesse n'a-t-elle pas
décidé de poursuivre les tierces parties défende-
resses, puisqu'elle ne poursuit en responsabilité
que les trois parties citées comme défenderes-
ses, mais elle s'oppose même à l'intervention au
procès des tierces parties défenderesses. Son
avocat se joint à l'avocat des tierces parties
défenderesses pour demander que soit rejetée la
procédure relative à tierce partie. La demande-
resse est tout à fait satisfaite de ne faire porter
sa réclamation que sur les parties poursuivies et
n'entend pas élargir l'action ni la retarder en
faisant intervenir les tierces parties qui, de toute
manière, ne seraient responsables des marchan-
dises en question qu'après déchargement et la
demanderesse prétend que ces marchandises
n'ont jamais été déchargées.
Pour leur part les défenderesses prétendent
que la perte s'est produite après déchargement
et elles ne sont pas tout à fait convaincues de la
validité de ce moyen de défense dans les pour-
suites intentées contre elles. Elles soutiennent
que la jurisprudence établie sous le régime de
l'ancienne Loi sur l'Amirauté n'est plus applica
ble et que la compétence de la Cour fédérale ne
se limite pas aux cas énoncés à l'article 22(2) de
la Loi sur la Cour fédérale. L'avocat des défen-
deresses se base sur l'article 22(1) qui dispose
comme suit:
22. (1) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre-
ment, dans tous les cas où une demande de redressement est
faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi
du Canada en matière de navigation ou de marine mar-
chande, sauf dans la mesure où cette compétence a par
ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
et sur la définition du «droit maritime canadien»
donnée par l'article 2 de la loi qui dispose:
2. Dans la présente loi
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'applica-
tion relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa
juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté
ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette
Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence
illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu
des modifications apportées à ce droit par la présente loi
ou par toute autre loi du Parlement du Canada;
Il s'appuie sur les termes «compétence illimitée
en matière maritime et d'amirauté». Pour
appuyer sa thèse selon laquelle la compétence
de la Cour ne se limiterait pas à l'avarie de
marchandises transportées à bord d'un navire,
quand il interprète l'article 22(2)h), il se réfère à
l'article 657 de la Loi sur la marine marchande
du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, aux termes
duquel les transporteurs sont responsables «non
seulement des marchandises reçues à bord de
leurs bâtiments, mais aussi de celles qui leur
sont livrées pour être transportées par l'un de
ces bâtiments». Il soutient que les Règles de La
Haye permettent de déroger à la limitation nor-
male de la responsabilité du navire pendant la
période qui va du chargement au déchargement
afin de pouvoir inclure les avaries subies avant
chargement ou après déchargement et se rap-
porte au jugement de la Cour d'appel du Québec
rendu le 5 juillet 1972 (n° du greffe 11,506) et
non encore publié, dans l'affaire de Fjell-oranje
Lines & Fjell Line c. Oranje Lijn (Maatschapij
Zee -Transport) N.V. et autres dans lequel le
juge Owen déclarait à la page 6:
[TRADUCTION] Ce n'est pas la même chose de dire que le
risque est transféré du transporteur au destinataire quand les
marchandises sont déchargées que de dire que le contrat de
transport prend fin dès le déchargement. Le contrat s'appli-
que encore et le transporteur a encore l'obligation de livrer
au destinataire les marchandises déchargées.
L'avocat des défenderesses a soutenu qu'en
application de ce raisonnement, le fait d'affir-
mer que les marchandises avaient bien été
déchargées pouvait ne pas constituer une
défense suffisante et qu'elles pourraient encore
être tenues responsables. Par conséquent, il
était nécessaire de faire intervenir les tierces
parties défenderesses afin de régler tous les
points en litige entre les parties. Dans l'affaire
précitée, le connaissement prévoyait qu'après
déchargement des marchandises, le destinataire
assumait tous les risques et l'action intentée
contre le transporteur fut rejetée. Il déclara qu'à
ce stade de la procédure, on ne pouvait pas
indiquer qu'une telle disposition figurait au con-
naissement. Cet argument est assez spécieux car
les défenderesses sont parfaitement au courant
des clauses du connaissement et, comme elles
l'ont déjà déclaré dans leurs défenses, elles se
reportent à la clause sur la non-responsabilité
pour toute perte ou avarie se produisant après
déchargement. L'avocat des défenderesses a
ensuite invoqué les dispositions de la Règle
1715(2)b) des règles de la Cour fédérale qui
dispose:
Règle 1716. (2) La Cour peut, à tout stade d'une action,
aux conditions qu'elle estime justes, et soit de sa propre
initiative, soit sur demande,
b) ordonner que soit constituée partie une personne qui
aurait dû être constituée partie ou dont la présence devant
la Cour est nécessaire pour assurer qu'on pourra valable-
ment et complètement juger toutes les questions en litige
dans l'action et statuer sur elles;
toutefois, nul ne doit être constitué codemandeur sans son
consentement notifié par écrit ou de telle autre manière que
la Cour peut juger adéquate dans les circonstances.
et la Règle 1729(2) qui dispose:
Règle 1729. (2) La Cour, après l'audition d'une telle
demande, pourra radier l'avis à tierce partie ou pourra
ordonner que la question de l'obligation, entre la tierce
partie et le défendeur qui a donné l'avis, soit instruite, lors
de l'instruction de l'action ou par la suite, de la manière que
la Cour pourra prescrire, et elle pourra accorder à la tierce
partie la faculté de contester l'action, aux conditions qui
peuvent être justes, ou de comparaître à l'instruction et d'y
participer, et en général, pourra ordonner d'engager les
procédures et donner les instructions qui peuvent lui paraî-
tre à propos afin que le litige entre le défendeur et la tierce
partie soit jugé de la manière qui convient le mieux, et
donner des instructions quant à la nature et à l'étendue de
l'obligation à laquelle la tierce partie sera tenue aux termes
du jugement rendu dans l'action.
Il soutient que ces règles suggèrent qu'il est
souhaitable que toutes les parties concernées
par l'issue de l'action comparaissent devant la
Cour afin que toutes les questions en litige
puissent être réglées de façon appropriée. Il
invoque également la Règle 1726(1) qui porte
que:
Règle 1726. (1) Lorsqu'un défendeur prétend avoir droit
de recevoir d'une personne qui n'est pas partie à l'action une
contribution ou une indemnité, ou prétend avoir droit de
demander un redressement contre cette personne (ci-après
appelée la «tierce partie»), il peut déposer un document
appelé «avis à la tierce partie».
On doit également rejeter cet argument. Même
dans les affaires où il est souhaitable d'adjoin-
dre des tierces parties, et je ne prétends pas que
ce soit le cas en l'espèce, les règles n'autorisent
pas leur adjonction, à moins qu'en vertu de la
loi l'objet de la demande relève de la compé-
tence de la Cour. Ceci a été très clairement
établi par la Cour suprême dans l'affaire Con
solidated Distilleries Limited c. Consolidated
Exporters Corporation Ltd. [1930] R.C.S. 531, à
la p. 536, dans laquelle le juge en chef Anglin a
déclaré:
[TRADUCTION] A notre avis, il n'est pas de la compétence
du Parlement de légiférer directement pour permettre à la
Cour de l'Échiquier de faire appliquer un tel droit entre les
parties et il me semble clair que telle n'a pas été son
intention. Ce que le Parlement ne peut pas faire en rendant
la Cour de l'Échiquier compétente, celle-ci ne peut pas le
faire en adoptant une règle. Il s'ensuit que même si, à
première vue, la règle 262 de la Cour de l'Échiquier semble
assez large pour s'appliquer à la procédure relative au tiers
dans une affaire telle que celle qui nous est soumise, il est
impossible que ce soit le but recherché car une telle inter-
prétation aurait pour effet d'attribuer à la Cour de l'Échi-
quier l'intention de se donner elle-même, au moyen de ses
règles, une compétence qui dépasserait ce que le Parlement
avait le pouvoir de lui conférer.
Pour ce motif péremptoire, le présent appel doit être
rejeté.
Alors qu'il pourrait être pratique dans certains cas de
permettre à la Cour de l'Échiquier d'exercer, par le biais de
la procédure relative à la tierce partie, une compétence
similaire à celle qu'on invoque en l'espèce, on ne peut
certainement pas dire que l'exercice de la compétence con-
férée par le Parlement à cette cour «implique nécessaire-
ment» (La cité de Montréal c. La Compagnie de tramways
de Montréal [1912] A.C. 333, aux pp. 344 à 346) qu'elle
détienne le pouvoir de traiter ces questions, même si elles se
posent alors que la cour statue sur une affaire relevant de sa
compétence. Par ailleurs, et très probablement en l'espèce, il
serait extrêmement inopportun que la Couronne subisse un
retard dans le recouvrement des dommages que la défende-
resse est tenue de lui verser pendant que cette dernière
poursuit une tierce partie pour se faire indemniser, réclama-
tion qui peut être longue à régler.
Cette déclaration se rapporte directement à
notre affaire non seulement parce que les tier-
ces parties défenderesses soutiennent que la
Cour n'a pas compétence pour statuer sur le
recours dont elles font l'objet s'il était prouvé
que la perte s'est produite après le décharge-
ment, mais aussi parce que la demanderesse
soutient elle-même qu'il serait extrêmement
inopportun qu'elle subisse un retard dans le
recouvrement des dommages contre les défen-
deresses pendant que ces dernières poursuivent
les tierces parties pour se faire indemniser récla-
mation qui peut être longue à régler.
Dans cette affaire, si la demanderesse n'avait
pas réussi à déterminer l'époque ou les circon-
stances des avaries et avait choisi de poursuivre
non seulement le navire et les armateurs mais
également les débardeurs et les employés des
entrepôts, il n'y a aucun doute que la Cour se
serait déclarée compétente à l'égard de toutes
les parties ainsi qu'elle le fit dans l'affaire Maag
(précitée). Mais la demanderesse a choisi de
défendre la thèse selon laquelle les pertes ont eu
lieu avant le déchargement des marchandises et
elle s'en tient à ce moyen et ne poursuit que les
défenderesses citées. Rien ne justifie que les
défenderesses tentent d'élargir le champ de ces
poursuites et augmentent par là même les frais
de justice en essayant de faire intervenir des
tierces parties défenderesses. Les défenderesses
ont déjà affirmé en leur défense que les pertes
n'ont pas eu lieu pendant le transport et qu'elles
n'en sont pas responsables, la responsabilité
incombant plutôt aux tierces parties qui avaient
la garde des marchandises après déchargement.
Si ce moyen de défense est accueilli, la deman-
deresse sera déboutée et les défenderesses n'au-
ront pas besoin de faire intervenir les tiers.
C'est la demanderesse qui devra alors introduire
une action contre les tierces parties, si elle
désire le faire, auprès d'un autre tribunal. D'un
autre côté, si la demanderesse obtient gain de
cause contre les défenderesses, ce sera parce
qu'elle aura réussi à établir que la perte ou les
avaries se sont produites pendant le transport,
auquel cas la demande d'indemnités des défen-
deresses contre les tierces parties serait rejetée
et des frais de justice superflus auraient été
encourus si on les avait adjointes à titre de
parties à l'action principale. En tout cas je ne
vois pas la nécessité de les adjoindre à ce stade
des procédures. En outre, je ne retiens pas la
thèse des défenderesses selon laquelle la Loi sur
la Cour fédérale a pour effet d'étendre la com-
pétence de la Cour aux réclamations pour perte
et avarie de marchandises après déchargement.
Selon les dispositions de l'article 22(2)f), la
Cour n'est compétente en la matière que dans le
cas où a été établi un connaissement direct; or,
en l'absence d'affirmation à cet effet, on ne peut
présumer l'existence d'un tel document en
l'espèce.
La requête des tierces parties défenderesses
visant à faire rejeter la procédure intentée
contre elles est accueillie avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.