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Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Appelant)
c.
Nathi Ram (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants MacKay et Sweet —Toronto, le 30
avril 1973.
Immigration—Étranger admis au Canada après le dépôt d'une somme fixée par le fonctionnaire de l'immigration— S'agit-il d'un «non-immigrant»—Ordonnance d'expulsion infirmée par la Commission d'appel de l'immigration—Loi sur l'immigration, art. 63(1).
L'appelant, citoyen de l'Inde, s'est vu refuser l'entrée au Canada et, par suite d'une audition devant un enquêteur spécial, a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion car il avait omis de consigner $1,000 comme le fonctionnaire de l'immigration responsable le jugeait nécessaire, en vertu de l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration, pour garantir son départ du Canada dans le délai prescrit. La Commission d'appel de l'immigration a infirmé la décision de l'enquêteur spécial au motif que l'appelant n'était pas un «non-immi grant» au sens de l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration mais plutôt une personne cherchant à entrer au Canada comme «non-immigrant».
Arrêt: la décision de la Commission d'appel de l'immigra- tion est infirmée; selon l'interprétation correcte de l'article 63(1), l'appelant était un «non-immigrant».
APPEL d'une décision de la Commission d'ap- pel de l'immigration.
AVOCATS:
E. A. Bowie et A. G. Bryant pour l'appelant.
Paul D. Copeland pour l'intimé. PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Copeland et King, Toronto, pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le présent appel est interjeté par le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration d'une déci- sion de la Commission d'appel de l'immigration faisant droit à un appel d'une ordonnance d'expulsion.
Pour bien comprendre les circonstances du cas, il faut garder présentes à l'esprit les disposi-
tions suivantes de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, qui établissent la procédure à suivre pour donner effet aux dispositions de fond de cette loi:
11. (1) Les fonctionnaires supérieurs de l'immigration sont des enquêteurs spéciaux, et le Ministre peut nommer les autres fonctionnaires à l'immigration qu'il juge nécessai- res pour agir en qualité d'enquêteurs spéciaux.
(2) Un enquêteur spécial a le pouvoir d'examiner la ques tion de savoir si une personne doit être admise à entrer au Canada ou à y demeurer ou si elle doit être expulsée, et celui de statuer en l'espèce.
19. (1) Quiconque, y compris un citoyen canadien et une personne ayant un domicile canadien, cherche à entrer au Canada doit, en premier lieu, paraître devant un fonction- naire à l'immigration, à un port d'entrée ou à tel autre endroit que désigne un fonctionnaire supérieur de l'immigra- tion, pour un examen _ permettant de déterminer s'il est admissible ou non au Canada ou s'il est une personne pouvant y entrer de droit.
22. Lorsqu'un fonctionnaire à l'immigration, après avoir examiné une personne qui cherche à entrer au Canada, estime qu'il serait ou qu'il peut être contraire à quelque disposition de la présente loi ou des règlements de lui accorder l'admission ou de lui permettre autrement de venir au Canada, il doit la faire détenir et la signaler à un enquê- teur spécial.
23. (2) Lorsque l'enquêteur spécial reçoit un rapport prévu par l'article 22 sur une personne autre qu'une per- sonne mentionnée au paragraphe (1), il doit l'admettre ou la laisser entrer au Canada, ou il peut la faire détenir en vue d'une enquête immédiate sous le régime de la présente loi.
26. (3) L'enquêteur spécial peut, à l'audition, recevoir toute preuve qu'il estime digne de foi dans les circonstances particulières à chaque cas, et fonder sa décision sur cette preuve.
(4) Lors d'une enquête portant sur une personne qui cherche à entrer au Canada, il incombe à cette personne de prouver qu'il ne lui est pas interdit d'entrer au Canada.
27. (1) A la conclusion de l'audition d'une enquête, l'en- quêteur spécial doit rendre sa décision le plus tôt possible et, si les circonstances le permettent, en présence de la per- sonne intéressée.
(2) Lorsque l'enquêteur spécial décide que la personne intéressée
a) peut de droit entrer ou demeurer au Canada;
b) dans le cas d'une personne cherchant l'admission au Canada, n'est pas membre d'une catégorie interdite; ou
c) dans le cas d'une personne au Canada, n'est pas recon- nue, par preuve, une personne décrite à l'alinéa 18(1)a),b),c),d) ou e),
il doit, en rendant sa décision, admettre ou laisser entrer cette personne au Canada, ou y demeurer, selon le cas.
(3) Dans le cas d'une personne autre que celle dont le paragraphe (2) fait mention, l'enquêteur spécial doit, en rendant sa décision, émettre contre elle une ordonnance d'expulsion.
Il est également nécessaire de garder présentes à l'esprit les dispositions suivantes qui ont trait à la question de fond soulevée par la décision de la Commission d'appel de l'immigration dont il est fait appel:
2. Dans la présente loi
«non-immigrant» signifie une personne qui est membre de l'une quelconque des catégories désignées aux paragra- phes 7(1) et (2);
5. Nulle personne, autre qu'une personne mentionnée au paragraphe 7(2), ne doit être admise au Canada si elle est membre de l'une des catégories suivantes.
t) les' personnes qui ne peuvent remplir ni observer, ou qui ne remplissent ni n'observent, quelque condition ou prescription de la présente loi ou des règlements, ou des ordonnances légitimement établies aux termes de la pré- sente loi ou des règlements.
7. (1) I1 peut être permis aux personnes suivantes d'en- trer et de demeurer au Canada, à titre de non-immigrants, savoir:
c) Les touristes ou visiteurs;
63. (1) Le fonctionnaire supérieur de l'immigration à un port d'entrée peut exiger de tout non-immigrant ou de tout groupe ou organisation de non-immigrants arrivant à ce port, le dépôt entre ses mains de la somme d'argent qu'il estime nécessaire comme garantie du départ du Canada, dans le délai qu'il a prescrit comme condition d'entrée, de ce non- immigrant ou de ce groupe ou organisation de non-immigrants.
(2) Lorsque le non-immigrant ou le groupe ou organisa tion de non-immigrants ne quitte pas le Canada dans le délai prescrit, le fonctionnaire supérieur de l'immigration peut ordonner la confiscation de la somme ainsi déposée, laquelle est dès lors confisquée, et, lorsque la personne ou les personnes en cause quittent le Canada dans le délai prescrit, le montant déposé doit être retourné, moins les frais de détention, d'entretien, de traitement, de transport ou autres subis par Sa Majesté à l'égard de cette personne ou de ces personnes ou de l'une quelconque d'entre elles.
L'intimé, un citoyen de l'Inde, est arrivé au Canada le 24 mai 1972. Il a été interrogé par un fonctionnaire à l'immigration qui a déposé, en
vertu de l'article 22 de la Loi sur l'immigration, un rapport dans les termes suivants:
[TRADUCTION] 1. Conformément à l'article 22 de la Loi sur l'immigration, je dois signaler que j'ai interrogé NATHI RAM, qui désire entrer au Canada à titre de NON-IMMIGRANT. A mon avis, il n'est pas citoyen canadien et il n'a pas acquis un domicile canadien.
2. Je suis également d'avis qu'il serait contraire à la Loi sur l'immigration et aux Règlements d'admettre cette personne au Canada à titre de NON-IMMIGRANT aux motifs
a) qu'il (ou elle) est membre de la catégorie interdite de personnes visée à l'alinéa 5t) de la Loi sur l'immigration vu:
qu'il ne peut remplir ni observer ou ne remplit ni n'ob- serve les conditions ou prescriptions énoncées au paragra- phe 63(1) de, la Loi sur l'immigration du fait qu'il n'a pas déposé entre les mains du fonctionnaire supérieur de l'immigration au port d'entrée (savoir, l'aéroport interna tional de Toronto), après que ce dernier l'eut requis de le faire, la somme de $1,000.00, somme que ledit fonction- naire a jugée nécessaire pour garantir qu'il quitterait le Canada dans le délai prescrit par ce fonctionnaire comme condition de son entrée au Canada.
Lors de l'enquête tenue ultérieurement par l'enquêteur spécial, on a lu et expliqué à l'intimé le rapport déposé en vertu de l'article 22; mais, par la suite, son avocat a prétendu que ce rap port était nul et que, de ce fait, l'enquêteur spécial n'avait pas «competence» pour procéder à l'enquête. Néanmoins, l'enquêteur spécial a procédé à l'enquête mais l'intimé, sur l'avis de son avocat, n'a répondu à aucune question et n'a déposé aucune preuve ou renseignement devant l'enquêteur spécial. Par suite, l'enquê- teur spécial a rendu contre l'intimé une ordon- nance d'expulsion ainsi motivée:
[TRADUCTION] Vous êtes membre de la catégorie interdite de personnes visée à l'alinéa 5t) de la Loi sur l'immigration vu que vous ne pouvez remplir ni observer ou ne remplissez ni n'observez les conditions ou prescriptions énoncées au paragraphe 63(1) de la Loi 'sur l'immigration du fait que vous n'avez pas déposé entre les mains du fonctionnaire supérieur de l'immigration au port d'entrée (savoir, l'aéro- port international de Toronto), après que ce dernier vous eut requis de le faire, la somme de $1,000.00, somme que ledit fonctionnaire a jugée nécessaire pour garantir que vous quitteriez le Canada dans le délai prescrit par lui comme condition de votre entrée au Canada.
L'extrait qui suit des motifs de la décision de la Commission d'appel de l'immigration annu- lant cette ordonnance d'expulsion semble donner le fondement de cette décision:
[TRADUCTION] L'article de la Loi sur l'immigration en cause, savoir l'article 63(1), a remplacé l'article 67(1). Cet
article, invoqué comme motif d'expulsion, a été porté à l'attention de la Commission pour la première fois dans l'affaire Hugo De Jesus Garces ALVAREZ c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, A.I.A. 70-695, 15 avril 1970 (décision non publiée), dans laquelle la Commission a déclaré:
Notons que l'article en question ne s'applique qu'à «tout non-immigrant ou organisation de non-immigrants». L'ap- pelant n'entre dans aucune de ces catégories, mais il désirait entrer au Canada en qualité de non-immigrant et, vu qu'il ne tombe manifestement pas sous le coup de cet article, ce motif d'expulsion est contraire à la Loi sur l'immigration et aux Règlements et est donc nul.
Dans les motifs qu'elle a exposés dans l'affaire Prem Chand SHARMA c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, A.I.A., 73-3300, 14 décembre 1970 (décision non publiée), la présidente, Mademoiselle Scott, a déclaré:
Dans l'affaire Sanchez c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (C.A.I. 1e 1 mai 197 . 0, décision non publiée), la Commission s'est fondée sur l'affaire Alvarez pour décider qu'un rapport en vertu de l'article 23 est nul lorsqu'il est fondé uniquement sur l'article 67(1) de la loi, et que, dès lors, toutes les procédures ultérieures à celui-ci sont nulles. Ceci vient s'ajouter aux motifs justifiant la Commission de faire droit au présent appel.
Depuis ces décisions, la Commission a fréquemment suivi le principe énoncé dans celles-ci et elle a donc accueilli les appels lorsque l'ordonnance était fondée uniquement sur l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration.
Ces motifs se réfèrent à une affaire antérieure dans laquelle une ordonnance d'expulsion a été annulée au motif que le fonctionnaire à l'immi- gration avait agi de manière arbitraire en deman- dant un cautionnement comme condition d'en- trée au Canada, mais il a été décidé que ce motif ne s'applique pas à la présente affaire parce que l'intimé n'a fourni aucun renseignement à l'en- quêteur spécial concernant sa situation financière.
La Commission d'appel de l'immigration a énoncé les motifs de sa décision en l'espèce dans les termes qui suivent:
[TRADUCTION] Toutefois, la Commission fait droit à l'ap- pel au motif que l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration n'est pas, dans sa formulation actuelle, un motif d'expulsion valable. L'appel est donc accueilli en vertu de l'article 14 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
La seule question que doit trancher la Cour dans le présent appel est donc celle de savoir si une personne désirant entrer au Canada à titre de non-immigrant a le droit d'être admise au Canada, alors même que le fonctionnaire supé- rieur de l'immigration au port d'entrée elle
s'est présentée a exigé qu'elle dépose entre ses mains la somme «qu'il juge nécessaire» pour garantir son départ du Canada dans le délai prescrit comme condition d'entrée et qu'elle n'a pas effectué ce dépôt.
En appel, on n'a pas soulevé la question de savoir si, dans le cas présent, la demande de cautionnement était justifiée aux termes de l'ar- ticle 63(1). Si l'intimé avait contesté les faits sur lesquels est fondée l'ordonnance d'expulsion, il aurait vraisemblablement assumer la charge de la preuve, conformément à l'article 26(4) précité. Comme nous l'avons déjà indiqué, l'in- timé ne s'est pas prévalu du droit qu'il avait de déposer des preuves ou d'autres renseignements devant l'enquêteur spécial.'
Je n'ai pu trouver, dans les motifs exposés par la Commission, qu'une seule raison pour laquelle elle a conclu que «l'article 63(1) de la Loi sur l'immigration n'est pas, dans sa formula tion actuelle, un motif d'expulsion valable», à savoir: que cet article, ne s'appliquant qu'aux «non-immigrants», ne peut s'appliquer à «une personne cherchant à entrer au Canada comme non-immigrant».
En pratique, l'article 63(1) ne peut avoir d'au- tre effet que de permettre au fonctionnaire supérieur de l'immigration au port d'entrée, après qu'il a la certitude que la personne «arri- vant à ce port» peut être autorisée à entrer au Canada à titre de non-immigrant, d'exiger qu'elle dépose une somme d'argent à titre de cautionnement.
Toutefois, la Commission d'appel de l'immi- gration semble dire qu'une personne qui demande la permission d'entrer au Canada à titre de non-immigrant ne devient un non-immi grant qu'après avoir reçu cette permission et que, l'article 63(1) ne pouvant être invoqué que contre un «non-immigrant», il ne peut l'être contre cette personne avant le dépôt du rapport en vertu de l'article 22. Si cette interprétation est valable, l'article 63 ne peut avoir qu'un effet très limité, à supposer même qu'il en ait un.
A mon avis, il ne fait aucun doute, selon une interprétation raisonnable de l'article 63(1), que le Parlement a eu l'intention, par cette disposi tion, de donner au fonctionnaire supérieur de
l'immigration se trouvant à un port d'entrée le pouvoir discrétionnaire d'exiger le dépôt d'une caution de toute personne «arrivant à ce port» après qu'il a acquis la certitude que cette per- sonne peut être autorisée à entrer au Canada à titre de non-immigrant. Il faut donner effet à cette interprétation, même si le terme «non- immigrant» est employé à l'occasion dans un sens imprécis, vu l'arbitraire de la définition qui en est donnée à l'article 2. Si ce terme n'a pas ce sens, il n'a, selon moi, aucun sens dans le cadre pratique établi par la Loi sur l'immigration. A mon avis, lorsqu'il est possible d'interpréter une telle disposition de manière à lui donner quelque effet, il faut le faire, même si ceux qui sont chargés d'interpréter la loi ne sont pas parfaite- ment d'accord, ou sont nettement en désaccord, avec la politique qui sous-tend ladite disposition.
De plus, à mon avis, le sens que j'ai indiqué est celui qui se dégage naturellement des termes employés dans la disposition en question, eu égard à la définition arbitraire du terme «non- immigrant». L'article 7(1) énonce qu'il peut être permis aux personnes faisant partie des catégo- ries qui y sont indiquées d'entrer au Canada «à titre de non-immigrants». Par conséquent, pour être admise, une personne doit d'abord apparte- nir à l'une de ces catégories. Or, l'article 2 définit ainsi le «non-immigrant»: «une personne qui est membre de l'une quelconque des catégo- ries désignées aux paragraphes 7(1) et (2)». Il s'ensuit qu'une personne ne peut pas être admise si elle n'est pas déjà un «non-immi grant». Il n'est donc pas possible, selon moi, de soutenir que l'intimé en l'espèce n'était pas un «non-immigrant ... arrivant» au port d'entrée lorsqu'on lui a demandé de déposer le caution- nement qu'il a refusé de verser.
Il s'ensuit qu'en refusant de faire ce dépôt, l'intimé se classait parmi les personnes qui ne «remplissent ni n'observent quelque ... pres cription de la présente loi» et que son admission au Canada était prohibée par l'article 5 t) de la Loi sur l'immigration?
Je suis donc d'avis que l'appel doit être accueilli, la décision de la Commission d'appel de l'immigration infirmée et l'ordonnance d'ex- pulsion rétablie. Je suis également d'avis que
cette Cour doit, ainsi qu'elle a le pouvoir de le faire aux termes de l'article 52 de la Loi sur la Cour fédérale, lu en corrélation avec l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration, décréter que l'ordonnance d'expulsion soit exécutée le plus tôt possible.
J'ai considéré la requête de l'intimé que le dossier soit renvoyé devant la Commission d'ap- pel de l'immigration aux fins qu'il lui soit permis de déposer d'autres preuves et que la Commis sion rende une décision en vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration. Toutefois, l'appel devant cette Cour ne porte que sur une question de droit ou de com- pétence et la Cour doit statuer en conséquence. Si l'intimé avait soulevé certaines questions devant la Commission d'appel de l'immigration et si cette dernière avait omis de statuer sur celles-ci par suite d'une conclusion erronée, il est très possible que l'intimé eût pu obtenir le redressement qu'il recherche. Mais, en l'absence de questions laissées en suspens par la Commis sion, je suis d'avis que la Cour ne peut donner suite à cette requête.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à l'avis.
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LE JUGE SUPPLÉANT SwEET—Je souscris aux motifs et au jugement de l'honorable juge en chef, mais je voudrais néanmoins ajouter quel- ques observations.
Si l'intimé en l'espèce avait le droit d'entrer et de demeurer au Canada, ce ne pourrait être qu'en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur l'immigration. Ce paragraphe prévoit un certain nombre de catégories de personnes qui peuvent être admises à entrer au Canada. Toutefois, les personnes qui tombent dans l'une ou l'autre des catégories prévues au paragraphe 7(1) ne peu- vent pas être admises si elles tombent dans l'une ou l'autre des catégories interdites énoncées à l'article 5. L'une de ces catégories comprend
5. t) les personnes qui ne peuvent remplir ni observer, ou qui ne remplissent ni n'observent, quelque condition ou prescription de la présente loi ou des règlements, ou des
ordonnances légitimement établies aux termes de la présente loi ou des règlements.
Le paragraphe 63(1) énonce que:
Le fonctionnaire supérieur de l'immigration à un port d'en- trée peut exiger de tout non-immigrant ou de tout groupe ou organisation de non-immigrants arrivant à ce port, le dépôt entre ses mains de la somme d'argent qu'il estime nécessaire comme garantie du départ du Canada, dans le délai qu'il a prescrit comme condition d'entrée, de ce non-immigrant ou de ce groupe ou organisation de non-immigrants.
L'intimé a été requis de déposer la somme de $1000 en vertu de ce paragraphe mais il ne l'a pas fait.
En faisant droit à l'appel interjeté de l'ordon- nance d'expulsion rendue par l'enquêteur spé- cial, la Commission d'appel de l'immigration a suivi sa propre jurisprudence en la matière, éta- blie depuis l'affaire Alvarez c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration A.I.A., 70-695. Dans cette affaire également, l'appelant avait fait défaut de déposer un cautionnement en argent, malgré l'ordre qui lui en avait été donné.
Dans sa décision sur l'affaire présente, la Commission a cité l'extrait suivant de son juge- ment dans l'affaire Alvarez:
[TRADUCTION] Notons que l'article en question ne s'applique qu'à «tout non-immigrant ou organisation de non-immi grants». L'appelant n'entre dans aucune de ces catégories, mais il désirait entrer au Canada en qualité de non-immi grant et, vu qu'il ne tombe manifestement pas sous le coup de cet article, ce motif d'expulsion est contraire à la Loi sur l'immigration et aux Règlements et est donc nul.
La Commission a également cité un extrait de sa décision dans l'affaire Sharma c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration A.I.A. 70-3300:
[TRADUCTION] Dans l'affaire Sanchez c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (C.A.I. 1" mai 1970, décision non publiée), la Commission s'est fondée sur l'af- faire Alvarez pour décider qu'un rapport en vertu de l'article 23 est nul lorsqu'il est fondé uniquement sur l'article 67(1) de la loi, et que, dès lors, toutes les procédures ultérieures à celui-ci sont nulles. Ceci vient s'ajouter aux motifs justifiant la Commission de faire droit au présent appel.
L'«article» 67(1) a été remplacé par le para- graphe 63(1) actuel.
La Commission a apparemment considéré que, lorsque le terme «non-immigrant» est employé dans la loi, il ne désigne pas une per-
sonne qui désire entrer au Canada mais plutôt une personne qui a reçu l'autorisation d'y entrer. Je ne suis pas de cet avis.
Le terme «non-immigrant» est défini à l'arti- cle 2 de la loi comme «une personne qui est membre de l'une quelconque des catégories désignées aux paragraphes 7(1) et (2).» Cette définition ne contient aucune mention expresse ou implicite nous permettant de dire que, pour répondre à cette définition, une personne doit avoir reçu l'autorisation d'entrer, en plus d'être membre d'une des catégories désignées.
Cette assertion est confirmée par les termes du paragraphe 63(1):
Le fonctionnaire supérieur de l'immigration ... peut exiger de tout non-immigrant .. , arrivant ... le dépôt .. .
Le terme «non-immigrant» est employé avec le mot «arrivant» et cet emploi me semble renfor- cer l'idée que, à l'arrivée et avant de recevoir la permission d'entrer, une personne membre de l'une des catégories énoncées aux paragraphes 7(1) et (2) est, à ce moment (l'arrivée), un «non- immigrant» au sens de la loi.
L'article 45f) énonce:
les obligations et devoirs des compagnies de transport de s'assurer que les immigrants ou non-immigrants qu'elles transportent au Canada ne tombent pas dans les catégo- ries interdites, ainsi que l'examen médical et les dossiers des immigrants et non-immigrants qu'elles transportent au Canada;
Par conséquent, le terme «non-immigrant» est employé pour désigner les personnes «transpor- tées» au Canada et les personnes ainsi «trans- portées» au Canada ne sont évidemment pas encore arrivées.
Je fais droit à l'appel.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à l'avis.
Je ne vois pas à quel titre l'intimé prétend, dans son autre argument, que l'enquêteur spécial n'avait pas «compé- tence» pour procéder à l'enquête. Selon toute vraisem- blance, cet argument est fondé sur la proposition voulant que le défaut de déposer un cautionnement aux termes de l'article 63(1) ne peut justifier le rejet de la demande d'en- trée et qu'il ne constitue pas un moyen distinct. Quoi qu'il en soit, il me semble que, même si le rapport prévu à l'article
22 est, par erreur, fondé sur un motif de refus qui n'est pas valable, il faut que l'enquêteur spécial ait «compétence» pour procéder à une enquête, si l'on veut qu'il puisse per- mettre à l'intéressé d'entrer au Canada, ainsi que le prévoit l'article 27(2), lorsqu'il n'existe aucun motif valable de lui refuser l'admission.
2 Je sais que la Commission a déclaré dans l'affaire Sharma (jugement du 14 décembre 1970) que le dépôt du cautionnement prévu dans la disposition en cause constituait [TRADUCTION] «une exigence d'un fonctionnaire supérieur de l'immigration et non une exigence prévue dans la Loi sur l'immigration ou des Règlements». A mon avis, il s'agit d'une interprétation trop littérale de cette disposition. Il est impossible de ne pas conclure que, lorsque le Parlement donne à un fonctionnaire le pouvoir d'exiger le versement d'un cautionnement d'un non-immigrant arrivant à un port d'entrée, ce pouvoir implique clairement que le non-immi grant doit verser ce cautionnement lorsqu'on lui demande de le faire et que cela constitue une condition d'entrée. Quoi qu'il en soit, il y a lieu de souligner qu'aux termes de l'article 5t) font partie des catégories interdites non seulement les personnes qui ne remplissent pas ou ne peuvent pas remplir l'une quelconque des conditions ou prescriptions de la loi ou des Règlements, mais également celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se conformer aux ordonnances légitime- ment établies aux termes de la loi et des Règlements.
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