RBM Equipment Limited (Appelante)
c.
Philips Electronics Industries Limited (Intimée)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Cameron et Bastin —Ottawa, le 8 janvier
1973.
Dessins industriels—Plaidoiries—Action en violation
introduite par le cessionnaire—La défense allègue que la
cession avait pour but un complot visant à restreindre le
commerce—Requête en radiation—Prétentions obscures,
sans rapport, confuses et insuffisamment détaillées-Règle
419 de la Cour fédérale.
L'intimée, cessionnaire de deux dessins industriels relatifs
à des machines à dicter, a poursuivi l'appelante en violation
en réclamant des dommages-intérêts, une injonction et la
remise des articles en violation. Dans sa défense, l'appelante
soutient notamment que la cession des dessins à l'intimée
était invalide car elle avait pour but un complot illégal pour
astreindre des personnes, en menaçant de leur retirer leur
concession, à soutenir les prix de vente. En outre, l'intimée
a refusé de vendre à l'appelante, dont elle avait annulé la
concession pour avoir refusé de soutenir les prix. L'intimée
a présenté une requête en radiation des allégations.
Arrêt: la décision du juge en chef adjoint est confirmée.
Les allégations étaient obscures, presque sans aucun rapport
et insuffisamment détaillées. Elles doivent donc être radiées
conformément à la Règle 419.
Arrêts analysés: Philco Products Ltd. c. Thermionics
Ltd. [1940] R.C.S. 501; [1943] R.C.S. 396; Massie &
Renwick Ltd. c. Underwriters' Survey Bureau Ltd.
[1937] R.C.S. 265; [1940] R.C.S. 218.
APPEL d'une décision du juge en chef adjoint
Noël.
Voici le jugement du juge en chef adjoint:
Par les présentes, la demanderesse sollicite,
conformément a la Règle 419, une ordonnance
en radiation des paragraphes 3 et 4 de la
défense et des parties des paragraphes 11 et 12
qui s'appuient sur les faits énoncés aux paragra-
phes 3 et 4, au motif qu'ils ne révèlent. aucune
défense raisonnable, qu'ils ne sont pas essen-
tiels, qu'ils sont scandaleux, futiles et vexatoires
et qu'ils peuvent causer préjudice, gêner ou
retarder l'instruction équitable de l'action ou
constituer un emploi abusif des procédures de la
Cour.
Voici les paragraphes 3 et 4 de la défense:
[TRADUCTION] 3. La demanderesse vend des appareils à
dicter de marque Philips, y compris les machines à dicter et
les microphones décrits par les dessins industriels enregis-
trés sous les numéros 34112 et 34113; pendant les dix
dernières années au moins, elle a astreint ou engagé ou tenté
d'astreindre ou d'engager certaines personnes à revendre ces
appareils à dicter à un prix non inférieur à un prix minimum
spécifié par la demanderesse, en violation de l'article 34(2)
de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, en mena-
çant de leur retirer leur concession. Le 19 novembre 1971,
la demanderesse a annulé la concession de la défenderesse
et refusé de vendre à la défenderesse ces appareils à dicter,
pour le motif que la défenderesse refusait de revendre ou
d'offrir en revente ces appareils à dicter à un prix non
inférieur à un prix minimum spécifié par la demanderesse en
violation de l'article 34(3) de la Loi relative aux enquêtes
sur les coalitions.
4. Les prétendues cessions de ces dessins industriels,
enregistrées en faveur de la Philips Electronics Industries,
ont été faites en exécution ou à la suite directe d'un complot
ou d'une entente entre la Philips Electronics Industries Ltd.
et la N.V. Philips Gloenlampenfabrieken visant à permettre
à la Philips Electronics Industries Limited d'exercer les
activités illégales mentionnées au paragraphe précédent;
elles sont donc nulles ou du moins ne peuvent conférer à la
demanderesse des droits opposables à la défenderesse.
Il s'agit d'une requête en radiation des para-
graphes susmentionnés de la défense au motif
que le titre de la demanderesse ou son droit
d'actionner découle d'un ou plusieurs accords
qui, selon la défenderesse, constituent une vio
lation de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions comme étant une coalition visant à
restreindre le commerce.
L'avocat de la demanderesse [sic] a allégué
qu'il avait expressément soutenu au paragraphe,
4 de la défense que «les prétendues cessions de
ces dessins industriels enregistrées en faveur de
la Philips Electronics Industries ont été faites en
exécution ou à la suite directe d'un complot ou
d'une entente entre ...» (les italiques sont de
moi) et qu'il avait ainsi entendu viser l'existence
d'une situation où, comme le laissait entendre le
juge en chef Duff dans l'arrêt Philco Products
Limited c. Thermionics Limited [1943] R.C.S.
396, il serait très difficile à un demandeur d'ap-
puyer une réclamation sur un tel titre.
Il se peut que dans certaines circonstances,
l'existence d'un complot illégal visant à restrein-
dre le commerce puisse constituer une défense à
une action en contrefaçon d'un dessin étant
donné qu'une action ne peut être fondée sur une
fraude. Toutefois, la jurisprudence indique clai-
rement qu'un tel principe ne s'applique à une
action en contrefaçon qu'au seul cas où le
demandeur doit nécessairement démontrer, pour
établir son droit d'action, qu'il était partie à un
complot illégal sur lequel est fondé sa cause
d'action. Ceci ressort clairement des termes uti-
lisés par le juge en chef Duff dans son analyse
des mots «en exécution ou à la suite directe
d'un complot ou d'une entente ...», qui sont
précisés par ces mots qui les précèdent: [TRA-
DUCTION] «Donc, si le demandeur dans une
action en contrefaçon doit pour justifier de son
droit prouver l'existence d'une coalition ainsi
que sa participation à ce complot, et si les droits
auxquels il prétend sont basés sur cette entente
ou «y font directement suite», je pense qu'il lui
serait très difficile d'avoir gain de cause.» Le
juge en chef Duff a d'ailleurs eu l'occasion
d'exposer de nouveau son opinion sur cette
question dans l'arrêt Thermionics [ 1943] R.C.S.
396. Il y a déclaré, à la page 407:
[TRADUCTION] . . . La coalition illégale, en supposant que
c'en était bien une, à laquelle participaient ces compagnies
n'a pas entraîné la déchéance des droits qu'elles détenaient
sur les brevets en vertu de la loi. En supposant que les
opérations commerciales entre ces compagnies et la Ther-
mionics Ltd. étaient illégales et nulles, les brevets leur
appartiennent encore et je pense qu'elles ont le droit de faire
respecter ces droits ... la défense exposée au paragraphe 7
est mal fondée.
C'est un principe de droit bien établi que,
dans une action en violation de la propriété
industrielle, le fait d'alléguer que le demandeur
participe à un complot illégal visant à restrein-
dre le commerce ne constitue pas une défense
valide lorsque le détenteur du droit n'invoque
pas ce complot ou cette entente illicite à l'appui
de sa cause d'action; et un défendeur qui est le
contrefacteur ne peut échapper à sa responsabi-
lité pour ce motif, même si le droit du deman-
deur en tant que propriétaire du dessin en ques
tion découle d'un accord que l'on prétend
constituer une violation du droit.
Dans le cas présent, le droit de la demande-
resse sur le dessin qu'elle a acquis en vertu d'un
accord valide ne découle nullement d'un com-
plot ou d'une entente illicite, mais repose entiè-
rement sur ses droits en tant que propriétaire du
dessin en vertu des articles 7(3), 9 et 13 de la
Loi sur les dessins industriels et les étiquettes
syndicales.
Il s'ensuit donc que les paragraphes 3 et 4 et
les parties des paragraphes 11 et 12 de la
défense qui s'appuient sur les faits énoncés aux
paragraphes 3 et 4 sont sans rapport avec la
cause d'action et n'offrent aucune défense vala-
ble. Il faut donc les radier.
La défenderesse déclare au paragraphe 11 de
sa défense que la demanderesse n'a pas droit à
une injonction par suite des faits énoncés aux
paragraphes 3 et 4 de la défense.
Si je comprends bien, cette défense est
fondée sur la prétention que la Loi sur les
dessins industriels et les étiquettes syndicales ne
contient aucun article prévoyant des injonctions
et que, si le droit d'une demanderesse ne se
fonde que sur l'equity, cette dernière doit alors
avoir eu une attitude irréprochable pour obtenir
ce redressement.
On ne peut pas examiner l'affaire d'après les
plaidoiries dans leur présentation actuelle. La
Cour pourra statuer à cet égard si l'on apporte
les modifications propres à faire ressortir les
faits sur lesquels la défenderesse appuie sa pré-
tention. La demanderesse aura droit aux dépens
de cette demande, quelle que soit l'issue de la
cause.
AVOCATS:
David Watson pour l'appelante.
J. D. Kokonis et Nicholas Fyfe pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour
l'appelante.
Smart et Biggar, Ottawa, pour l'intimée.
LE JUGE THURLOW—Le présent appel porte
sur une ordonnance de la Division de première
instance radiant certaines parties d'une défense
dans une action en contrefaçon de deux dessins
industriels, au motif qu'elles ne révélaient
aucune cause raisonnable de défense et n'é-
taient pas pertinentes. Ces dessins portent sur
des machines à dicter et ont été enregistrés en
juillet 1971 au nom de la N.V. Philips Gloen-
lampenfabrieken d'Eindhoven (Pays-Bas), que
j'appellerai ci-après la compagnie néerlandaise.
Dans sa déclaration, l'intimée affirme que la
compagnie néerlandaise lui a cédé la propriété
enregistrée de ces dessins et réclame des dom-
mages-intérêts, une injonction et la remise des
marchandises constituant l'infraction.
L'appelante est une compagnie ontarienne qui
exploite une entreprise de vente d'équipement
commercial et notamment de machines à dicter
et de matériel de dictée. Dans sa défense, elle
nie que l'intimée ait un droit quelconque sur ces
dessins et soutient aux paragraphes 3, 4, 11 et
12 ce qui suit:
[TRADUCTION] 3. La demanderesse vend des appareils à
dicter de marque Philips, y compris les machines à dicter et
les microphones décrits par les dessins industriels enregis-
trés sous les numéros 34112 et 34113; pendant les dix
dernières années au moins, elle a astreint ou engagé ou tenté
d'astreindre ou d'engager certaines personnes à revendre ces
appareils à dicter à un prix non inférieur à un prix minimum
spécifié par la demanderesse, en violation de l'article 34(2)
de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, en mena-
çant de leur retirer leur concession. Le 19 novembre 1971,
la demanderesse a annulé la concession de la défenderesse
et refusé de vendre à la défenderesse ces appareils à dicter,
pour le motif que la défenderesse refusait de revendre ou
d'offrir en revente ces appareils à dicter à un prix non
inférieur à un prix minimum spécifié par la demanderesse en
violation de l'article 34(3) de la Loi relative aux enquêtes
sur les coalitions.
4. Les prétendues cessions de ces dessins industriels,
enregistrées en faveur de la Philips Electronics Industries,
ont été faites en exécution ou à la suite directe d'un complot
ou d'une entente entre la Philips Electronics Industries Ltd.
et la N.V. Philips Gloenlampenfabrieken visant à permettre
à la Philips Electronics Industries Limited d'exercer les
activités illégales mentionnées au paragraphe précédent;
elles sont donc nulles ou du moins ne peuvent conférer à la
demanderesse des droits opposables à la défenderesse.
11. La demanderesse n'est pas fondée à obtenir une
injonction, puisque les droits de la demanderesse n'ont pas
été violés et parce que la demanderesse n'y est pas admissi
ble, du fait des activités mentionnées aux paragraphes 3 et 4
de la présente défense.
12. La demanderesse n'est pas fondée à obtenir la remise
des marchandises, puisque les droits de la demanderesse
n'ont pas été violés, que la Cour n'a pas compétence pour
accorder ce redressement et que la demanderesse n'est pas
admissible à recevoir ce redressement, du fait des activités
mentionnées aux paragraphes 3 et 4 de la présente défense.
Les dispositions de la Loi relative aux enquê-
tes sur les coalitions dont l'appelante indique
dans son exposé des faits et du droit qu'il s'agit
des articles 34(2) et 34(3) semblent provenir du
c. 314 des S.R.C. de 1952, et se trouvent être
maintenant les articles 38(2) et 38(3) du c. C-23
des S.R.C. de 1970. Ils prévoient que:
34. (2) Nul marchand ne doit directement ou indirecte-
ment, par entente, menace, promesse ou quelque autre
moyen, astreindre ou engager une autre personne, ni tenter
d'astreindre ou d'engager une autre personne, à revendre un
article ou produit
a) à un prix spécifié par le marchand ou établi par
entente;
b) à un prix non inférieur à un prix minimum spécifié par
le marchand ou établi par entente;
c) moyennant une majoration ou un rabais spécifié par le
marchand ou établi par entente;
d) moyennant une majoration non inférieure à une majo-
ration minimum spécifiée par le marchand ou établie par
entente; ou
e) à un rabais non supérieur à un rabais maximum spécifié
par le marchand ou établi par entente;
que cette majoration ou rabais, ou majoration minimum ou
rabais maximum, soit exprimée en pourcentage ou
autrement.
(3) Nul marchand ne doit refuser de vendre ou de fournir
un article ou produit à une autre personne pour le motif que
celle-ci
a) a refusé de revendre ou d'offrir en revente l'article ou
le produit
(i) à un prix spécifié par le marchand ou établi par
entente,
(ii) à un prix non inférieur à un prix minimum spécifié
par le marchand ou établi par entente,
(iii) moyennant une majoration ou un rabais spécifié
par le marchand ou établi par entente,
(iv) moyennant une majoration non inférieure à une
majoration minimum spécifiée par le marchand ou éta-
blie par entente, ou
(v) à un rabais non supérieur à un rabais maximum
spécifié par le marchand ou établi par entente; ou
b) a revendu ou offert de revendre l'article ou le produit
(1) à un prix moindre qu'un prix ou un prix minimum
spécifié par le marchand ou établi par entente,
(ii) moyennant une majoration inférieure à une majora-
tion ou une majoration minimum spécifiée par le mar-
chand ou établie par entente, ou
(iii) à un rabais supérieur à un rabais ou rabais maxi
mum spécifié par le marchand ou établi par entente.
Les paragraphes 3 et 4 de la défense et les
parties des paragraphes 11 et 12 qui s'appuient
sur les faits énoncés aux paragraphes 3 et 4 ont
été radiés en vertu de l'ordonnance dont il est
fait appel. Le juge de première instance a
affirmé dans les motifs de l'ordonnance:
[TRADUCTION] L'avocat de la demanderesse [sic] a allégué
qu'il avait expressément soutenu au paragraphe 4 de la
défense que «les prétendues cessions de ces dessins indus-
triels enregistrées en faveur de la Philips Electronics Indus
tries ont été faites en exécution ou à la suite directe d'un
complot ou d'une entente entre ...» (les italiques sont de
moi) et qu'il avait ainsi entendu viser l'existence d'une
situation où, comme le laissait entendre le juge en chef Duff
dans l'arrêt Philco Products Limited c. Thermionics Limited
[1943] R.C.S. 396, il serait très difficile à un demandeur
d'appuyer une réclamation sur un tel titre.
Il se peut que dans certaines circonstances, l'existence
d'un complot illégal visant à restreindre le commerce puisse
constituer une défense à une action en contrefaçon d'un
dessin étant donné qu'une action ne peut être fondée sur une
fraude. Toutefois, la jurisprudence indique clairement qu'un
tel principe ne s'applique à une action en contrefaçon qu'au
seul cas où le demandeur doit nécessairement démontrer,
pour établir son droit d'action, qu'il était partie à un complot
illégal sur lequel est fondé sa cause d'action. Ceci ressort
clairement des termes utilisés par le juge en chef Duff dans
son analyse des mots «en exécution ou à la suite directe
d'un complot ou d'une entente ...», qui sont précisés par
ces mots qui les précèdent: «Donc, si le demandeur dans
une action en contrefaçon doit pour justifier de son droit
prouver l'existence d'une coalition ainsi que sa participation
à ce complot, et si les droits auxquels il prétend sont basés
sur cette entente ou «y font directement suite», je pense
qu'il lui serait très difficile d'avoir gain de cause.» Le juge
en chef Duff a d'ailleurs eu l'occasion d'exposer de nouveau
son opinion sur cette question dans l'arrêt Thermionics
[1943] R.C.S. 396. Il y a déclaré, à la page 407:
... La coalition illégale, en supposant que c'en était bien
une, à laquelle participaient ces compagnies n'a pas
entraîné la déchéance des droits qu'elles détenaient sur les
brevets en vertu de la loi. En supposant que les opérations
commerciales entre ces compagnies et la Thermionics
Ltd. étaient illégales et nulles, les brevets leur appartien-
nent encore et je pense qu'elles ont le droit de faire
respecter ces droits.... la défense exposée au paragra-
phe 7 est mal fondée.
C'est un principe de droit bien établi que, dans une action
en violation de la propriété industrielle, le fait d'alléguer que
le demandeur participe à un complot illégal visant à restrein-
dre le commerce ne constitue pas une défense valide lorsque
le détenteur du droit n'invoque pas ce complot ou cette
entente illicite à l'appui de sa cause d'action; et un défen-
deur qui est le contrefacteur ne peut échapper à sa responsa-
bilité pour ce motif, même si le droit du demandeur en tant
que propriétaire du dessin en question découle d'un accord
que l'on prétend constituer une violation du droit.
Dans le cas présent, le droit de la demanderesse sur le
dessin qu'elle a acquis en vertu d'un accord valide ne
découle nullement d'un complot ou d'une entente illicite,
mais repose entièrement sur ses droits en tant que proprié-
taire du dessin en vertu des articles 7(3), 9 et 13 de la Loi
sur les dessins industriels et les étiquettes syndicales.
Les conclusions auxquelles est parvenu le
savant juge quant au droit et à l'application du
droit aux faits allégués ont été attaquées en
appel au motif qu'elles sont erronées et incom
patibles avec les observations du juge en chef
Duff dans l'arrêt Philco Products, Ltd. c.
Thermionics, Ltd. [1940] R.C.S. 501. On a sou-
tenu en particulier que la compagnie néerlan-
daise étant le premier propriétaire, les droits que
l'intimée peut posséder sur ces dessins ne
découlent pas de la loi mais des actes de ces
sion, dont on soutient qu'ils sont entachés de
nullité en raison du prétendu complot entre la
compagnie néerlandaise et l'intimée. On a aussi
soutenu que les faits allégués indiquent que la
demande de redressement en equity présentée
par l'intimée constitue une étape dans l'exécu-
tion du complot ou de l'entente; que le tribunal
ne peut prêter la main à l'exécution d'un arran
gement illégal; et que l'intimée perd donc de ce
fait tout droit à un redressement.
La plupart des arrêts portant sur l'exception
d'illégalité dans les affaires civiles portent sur
des affaires dans lesquelles on examine la possi-
bilité d'exécuter des contrats qui sont illégaux
en eux-mêmes ou qui, sous une apparence de
légalité, ont en fait une cause contraire à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs. Ces affaires ont
été décidées à la lumière des circonstances par-
ticulières de ces affaires et ne peuvent par con-
séquent être d'un grand secours, quand elles ne
sont pas tout à fait inutiles, pour l'application du
principe fondamental qu'exprime la maxime ex
dolo malo non oritur actio à des actions en
violation de la propriété industrielle. De plus,
dans les arrêts Massie & Renwick, Ltd. c.
Underwriters' Survey Bureau Ltd. [1937] R.C.S.
265, et Philco Products, Ltd. c. Thermionics,
Ltd. [1940] R.C.S. 501, c'est-à-dire les deux.
principaux arrêts où ce problème s'est présenté
à propos d'une action en contrefaçon, on a
soulevé la question d'une manière qui n'exigeait
pas un exposé complet des modalités ou des
circonstances d'application de ce principe.
Dans l'arrêt Massie & Renwick (précité)' il
s'agissait notamment d'une action en violation
d'un droit d'auteur, à laquelle on avait opposé
un certain nombre d'exceptions, et notamment
celle que mentionne le juge Hudson dans le
passage suivant de son jugement (à la page
267):
[TRADUCTION] . .. On soutient aussi que les demanderesses
ne peuvent obtenir gain de cause, au motif qu'elles ont
comploté ou formé une coalition pour empêcher la défende-
resse de leur faire concurrence dans le commerce de l'assu-
rance-incendie et au motif que leur comportement depuis
vingt-cinq ans environ, particulièrement en ce qui concerne
certains accords avec les détenteurs originaires du droit
d'auteur en question, ainsi que certaines actions en justice,
notamment la présente action, découlent d'une intention
d'atteindre le but de ce complot et de cette coalition (les
italiques sont de moi). La défenderesse invoque l'article 498
du Code criminel et les dispositions de la Loi relative aux
enquêtes sur les coalitions; ces deux textes visent les com-
plots et les coalitions en matière d'assurance. Les demande-
resses ont demandé la radiation de l'allégation de complot et
lors de l'examen de cette demande, la cour a décidé que
cette question, ainsi qu'une question soulevée par la défen-
deresse quant à l'application des lois de prescription dans le
cas des documents contrefaits, serait entendue au préalable
à titre de question de droit.
Le président de la Cour de l'Échiquier a donné à la
première de ces questions une réponse favorable aux
demanderesses et à la deuxième une réponse favorable à la
défenderesse. Les deux parties interjettent appel devant
cette cour.
La première des questions posées était la suivante:
Deviendrait-il impossible pour les demanderesses d'avoir
gain de cause dans cette action si le défendeur démontrait
l'exactitude des allégations contenues aux paragraphes 7,
8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 22 et 23 de la défense,
qui portent sur des agissements des demanderesses ou de
certaines d'entre elles à la suite d'un complot?
Les demanderesses sollicitent la protection par la cour
d'un droit de propriété, mais le redressement qu'elles
demandent, c'est-à-dire une injonction, est en partie un
redressement d'equity.
Les principes applicables à la décision d'un tribunal d'ac-
corder ou de refuser une injonction sont clairement exposés
dans l'ouvrage d'Ashburner, Principles of Equity (2e édition,
1933), à la page 343:
[TRADUCTION] Lorsqu'un tribunal a compétence pour
accorder une injonction, il a le pouvoir discrétionnaire de
l'accorder ou de la refuser. Il n'est pas obligé d'accorder
une injonction pour le seul motif que A menace et a
l'intention d'enfreindre un droit légitime de B. Mais la
tendance qui se dégage des arrêts récents est de limiter le
pouvoir discrétionnaire du tribunal; on peut affirmer que
toute violation imminente d'un droit de propriété qui
donnerait, si elle était commise, un droit d'action à la
personne lésée, crée en faveur de celle-ci l'apparence d'un
droit à une injonction; il incombe alors au défendeur de
repousser cette présomption favorable à l'injonction en
démontrant la possibilité d'indemniser suffisamment le
demandeur du préjudice qu'il a subi au moyen de domma-
ges-intérêts, ou en démontrant que, pour quelque autre
motif, il n'a pas droit à un redressement d'equity.
Quant à savoir s'il existe des motifs de refuser ce redres-
sement, le tribunal tiendra compte sans aucun doute de la
conduite des demandeurs et particulièrement du fait, en le
supposant établi, que la demande d'injonction ne constitue
qu'une étape dans la mise à exécution d'un arrangement que
les demanderesses ont mis sur pied pour atteindre un but
illégal et préjudiciable au défendeur. Dans cette optique, je
ne pense pas que le tribunal doive décider pour le moment si
les allégations contenues aux paragraphes susmentionnés de
la défense suffisent à justifier le refus de la cour d'accorder
une injonction. La question doit être renvoyée au procès,
sans émettre pour le moment d'opinion sur la valeur des
allégations contenues dans la défense.
Le Conseil privé a adopté cette interprétation lorsqu'il a
rejeté l'appel de la décision de cette cour dans l'arrêt
McLean c. Le Roi (1907) 38 Can. R.C.S. 542. La décision
du Conseil privé n'est pas publiée, mais a été rendue le 10
juillet 1908. Le lord chancelier Loreburn a prononcé le
jugement ences termes:
[TRADUCTION] La question en appel a été soulevée par
une exception péremptoire. Si, par une analyse justifiable
de la pétition de droit présentée par l'intimé, on peut
démontrer l'existence d'une cause d'action, l'intimé (le
requérant) est fondé à obtenir gain de cause. C'est au juge
du procès de décider, une fois les faits établis, s'il existe
ou non une cause d'action, mais leurs Seigneuries n'ont
pas à exprimer une opinion à l'avance, dans l'état actuel
du dossier, sur ce point.
Par conséquent, leurs Seigneuries recommandent hum-
blement à Sa Majesté de rejeter cet appel. Conformément
à la promesse donnée au nom du procureur général du
Canada, au moment où a été accordée l'autorisation spé-
ciale de faire appel, l'appelant paiera les honoraires d'avo-
cat de l'intimé pour cet appel.
L'appel est donc accueilli pour ce qui est de la première
question et l'ordonnance du Président est annulée, les
dépens à suivre la cause.
II convient de remarquer que c'est la réponse du
juge de première instance à la question de droit
qui a été annulée. La valeur des arguments
invoqués n'a pas été examinée. Lors du procès,
ce moyen de défense a été rejeté, car on n'a pas
établi l'existence du prétendu complot. Lorsque
le juge eu chef Duff a examiné cette question
lors de l'appel interjeté par la suite devant la
Cour suprême ([1940] R.C.S. 218), il a déclaré
(à la page 244):
[TRADUCTION] Je pense que le juge de première instance a
conclu à bon droit qu'il n'y avait pas, en fait, de complot
criminel et je crois inutile d'examiner cette question plus
avant, si ce n'est pour ajouter que si, dans une action en
violation d'un droit d'auteur, le demandeur est contraint,
pour établir son droit, d'invoquer une entente, que cette
entente constitue un complot criminel et que son droit
découle de cette entente ainsi que d'actes auxquels leur
rattachement à cette entente confère un caractère criminel,
je comprends mal, étant donné les principes fondamentaux
du droit, comment une telle action pourrait prospérer.
Dans l'arrêt Phitco Products, Ltd. c. Therm-
ionics, Ltd. [1940] R.C.S. 501, il s'agissait d'une
action en contrefaçon de deux brevets qui
avaient été cédés à la Thermionics Ltd. par les
codemanderesses de la Thermionics Ltd. Les
défenderesses ont sollicité la permission de
modifier leur défense pour y soutenir que les
demanderesses étaient parties à un complot ou
une coalition illégale «contrairement au droit de
la Puissance du Canada et plus précisément en
violation de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions» et du Code criminel, que les deman-
deresses ne pouvaient obtenir un redressement
parce que les cessions en vertu desquelles elles
revendiquaient certains droits sur les brevets,
n'avaient été opérées qu'en exécution ou à la
suite de ce complot ou de cette coalition et ne
pouvaient dès lors transmettre ces droits ou
subsidiairement, parce que ces droits, même
s'ils avaient été acquis, avaient été utilisés, dans
les circonstances visées par cette action ou en
d'autres occasions, pour exécuter ce complot ou
cette coalition, de sorte que les demanderesses
ne pouvaient obtenir gain de cause. Lorsqu'a été
entendue la demande de permission d'amender
la défense, les parties ont convenu qu'une
ordonnance soit rendue formulant la question de
droit à débattre en ces termes: dans une action
en contrefaçon d'un brevet, une telle exception
peut-elle faire rejeter la demande? Le président
Maclean a donné à cette question une réponse
négative (1939) 1 Fox P.C. 166. II a déclaré (à la
page 207):
[TRADUCTION] A mon avis, la requête des défenderesses
doit être rejetée. L'objet apparent de la Loi sur les brevets
et de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions est de
protéger les droits exclusifs et spéciaux que confèrent les
brevets et de soustraire ceux-ci à l'application des disposi
tions de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et du
Code criminel qui interdisent et répriment les actes de
coalition ou de complot visant à la restriction du commerce
et susceptibles de nuire à l'intérêt public. Si certains titulai-
res de brevet formaient une coalition contrairement à l'in-
tention et à l'esprit des dispositions pertinentes de la Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions et du Code criminel,
hypothèse tout à fait concevable, la procédure à utiliser
serait celle qu'énoncent ces lois, et non pas une exception
dans une action en contrefaçon d'un brevet ou de plusieurs
brevets; je ne pense pas qu'on ait jamais eu l'intention qu'il
en aille autrement. Même si l'on établit l'existence d'une
coalition ou d'un complot concernant un certain article
breveté, il n'en découlerait pas nécessairement, d'après moi,
l'impossibilité de contrefaire cet article ou la nullité de ce
brevet. Ce cas n'est envisagé ni par la Loi relative aux
enquêtes sur les coalitions ni par le Code criminel; il semble-
rait déraisonnable qu'il le soit. La contrefaçon d'un brevet
est une chose, et le fait de savoir si les titulaires de ce brevet
ont mis sur pied une coalition ou un complot restrictif du
commerce en est une autre. J'en conclus que les amende-
ments que l'on veut apporter à la défense ne peuvent
constituer une exception dans une action en contrefaçon et
doivent être rejetés avec dépens aux demanderesses.
En appel, la Cour suprême en a décidé autre-
ment ([1940] R.C.S. 501). Le juge en chef Duff,
parlant au nom de la Cour, a déclaré (à la page
503):
[TRADUCTION] Il est un principe qui pourrait justifier l'ex-
ception qui a fait l'objet du débat, si elle était rigoureuse-
ment soutenue et établie; il s'agit de l'axiome: ex dolo malo
non oritur actio. Ce principe est énoncé en ces termes dans
le jugement de Lord Buckley dans l'arrêt Gordon c. Chief
Commissioner of Metropolitan Police [1910] 2 K.B. 1080, à
la p. 1098:
[TRADUCTION] Il est de droit incontesté qu'un tribunal ne
peut exiger l'exécution d'un contrat illégal ou d'obligations
résultant d'un contrat illégal; et je conviens que ce prin-
cipe ne se limite pas au domaine des contrats. Un deman-
deur qui ne peut démontrer l'existence d'une cause d'ac-
tion sans invoquer une opération illégale ne peut obtenir
gain de cause; ceci vaut même si le défendeur ne lui
oppose pas l'illégalité de cette opération. Si la Cour a
connaissance de l'illégalité, elle doit refuser d'intervenir.
Le fondement de cette règle ne réside pas dans la possibi-
lité pour l'une et l'autre des parties de se prévaloir de
cette illégalité, comme par exemple en soulevant une
exception d'illégalité. C'est une règle d'ordre public. Lord
Mansfield a déclaré dans l'arrêt Holman c. Johnson
(1775) 1 Cowp. 341, à la p. 343: «Ex dolo malo non oritur
actio. Un tribunal ne saurait porter secours à qui fait
reposer sa cause d'action sur un acte immoral ou illégal.»
Ce passage a été repris par le maître des rôles Lord
Wright dans l'arrêt Berg c. Sadler [1937] 2 K.B. 158, aux pp.
166-167.
Je ne vois pas pourquoi ce principe ne s'appliquerait pas
dans une situation où un demandeur doit, pour démontrer sa
cause d'action, prouver qu'il est partie à un complot illégal
sur lequel repose cette cause d'action; je ne vois pas non
plus pourquoi ce principe ne s'appliquerait pas dans une
action en contrefaçon d'un brevet. Si le droit du demandeur
repose sur une convention équivalent à un complot criminel,
à laquelle il est partie et dont il doit prouver l'existence pour
établir son droit, il ne peut obtenir gain de cause. J'estime
que rien, dans les dispositions de la Loi sur les brevets
mentionnées au cours des débats, ne modifie l'application de
ce principe fondamental.
Je ne peux accepter que l'existence d'une coalition illégale
ne puisse jamais constituer un moyen de défense contre une
telle action. Une décision récente de la Cour suprême des
États-Unis illustre bien ma thèse. Les deux premiers para-
graphes du sommaire de l'arrêt Ethyl Gasoline Corp. c.
États-Unis d'Amérique (1940) 84 Law. ed. 559 se lisent
ainsi:
[TRADUCTION] 1. La fixation des prix et la suppression
de la concurrence entre les acheteurs d'un article breveté
ne sont pas permises par le monopole conféré au titulaire
d'un brevet par le droit des brevets.
2. Un système de permis, utilisé par le propriétaire d'un
brevet concernant un carburant amélioré pour automobi-
les, en vertu duquel les revendeurs qui ne respectent pas
les politiques de distribution et les prix adoptés par les
grandes compagnies de carburant peuvent être rayés de la
liste de ceux à qui les raffineries autorisées à fabriquer ce
carburant peuvent le vendre, et utilisé pour forcer le
respect de ces prix et de ces politiques n'est pas permis
par le monopole conféré par les brevets et constitue une
restriction indue du commerce de ces carburants entre les
États et une violation de l'Anti-trust Act fédéral.
Donc, si le demandeur dans une action en contrefaçon
doit pour justifier de son droit prouver l'existence d'une
coalition ainsi que sa participation à ce complot, et si les
droits auxquels il prétend sont basés sur cette entente ou y
font directement suite, je pense qu'il lui serait très difficile
d'avoir gain de cause.
Je n'examinerai pas cette question plus avant. Le principe
posé par le savant président dans son jugement ne saurait
être appliqué si largement qu'il soit incompatible avec ce
que je viens de dire.
Plus loin, en examinant la question de droit que
soulevait le projet d'amendement, le juge a aussi
déclaré, aux pages 505-506:
[TRADUCTION] . . . Il semble qu'on ait envisagé cette ques
tion comme s'il s'agissait de savoir si, en toute circonstance,
l'existence d'un complot illégal restrictif du commerce, pour
faire augmenter les prix par exemple, pourrait constituer un
moyen de défense dans une action en contrefaçon d'un
brevet. Cette affirmation permet notamment de dire que
dans une telle action un demandeur peut obtenir gain de
cause même si son droit d'action repose directement sur un
crime auquel il a participé; elle est par conséquent trop
large; ... .
Après qu'on ait apporté à la défense un amen-
dement formulé en termes légèrement diffé-
rents, qui attaquait la validité des seules ces
sions faites à la Thermionics Ltd., l'affaire a été
entendue par le président Maclean, qui a à nou-
veau rejeté l'exception fondée sur le caractère
prétendument illégal de la convention. (Voir
(1941) 1 Fox P.C. 166 aux pages 196 et seq.) En
appel, le juge en chef Duff, les autres membres
de la Cour étant d'accord avec lui sur ce point, a
statué sur cette exception dans les termes sui-
vants ([1943] R.C.S. 396 à la page 406):
[TRADUCTION] Les faits invoqués par les appelantes éta-
blissent hors de tout doute que les intimées ont conclu un
accord pour restreindre la concurrence entre elles en ce qui
concerne les lampes de radio; et je présume que lorsque A
et B concluent un accord pour supprimer la concurrence
concernant des articles de commerce ils ne peuvent, pour la
seule raison que ces articles sont protégés par des brevets,
échapper à l'application de l'article 498 du Code criminel. Je
suppose aussi que le juge de première instance aurait dû
permettre aux appelantes d'apporter des preuves visant à
établir l'existence d'une telle coalition, c'est-à-dire d'une
coalition constitutive de l'infraction criminelle prévue à l'ar-
ticle 498.
Je dois résoudre le problème suivant. Avant les accords
de 1936, qui sont attaqués dans l'exception présentée par les
appelantes, le brevet Langmuir était la propriété de la Gen
eral Electric Company—en fait le brevet canadien était émis
au nom de la Canadian General Electric Company—et le
brevet Freeman était détenu par la compagnie Westing-
house, au nom de laquelle il avait été émis. La coalition
illégale, en supposant qu'il s'agit bien de cela, dont ces
compagnies faisaient partie n'a pas entraîné la déchéance
des droits découlant des brevets. En supposant que les
transactions entre ces compagnies et la Thermionics Ltd.
étaient illégales et nulles, elles détenaient encore les brevets
et j'estime qu'elles sont fondées à faire respecter ces droits.
En vertu des articles 54 à 57 de la Loi sur les brevets, le
titulaire d'un brevet, de même que ses ayants droit, est
fondé à recevoir des dommages-intérêts en cas de contrefa-
çon ainsi qu'à obtenir une injonction, le cas échéant. Pour ce
motif, je suis obligé d'en arriver à la conclusion que l'excep-
tion soulevée au paragraphe 7 doit être rejetée.
Je ne pense pas qu'il découle de ce passage,
dont le juge de première instance a cité un
extrait à l'appui de son interprétation du droit,
que dans une action en contrefaçon, on ne peut
fonder une exception sur l'illégalité de l'accord
ou des opérations par lesquels la demanderesse
a acquis le droit qu'elle prétend détenir ou sur
celle de l'intention qui a présidé à cet accord ou
à ces opérations. Je pense plutôt que, comme
l'indiquent les décisions antérieures de la Cour
suprême, ii existe toujours une possibilité de
fonder une exception sur une illégalité de ce
genre. Il ressort du premier arrêt dans l'affaire
Massie & Renwick [1937] R.C.S. 265, que lors-
que l'action est intentée ou le redressement
demandé en exécution d'un arrangement illégal,
le tribunal se refusera à accorder ce qui est
demandé. De plus, il me semble que le deuxième
arrêt Massie & Renwick [1940] R.C.S. 218 à la
page 244, et le premier arrêt Philco [1940]
R.C.S. 501, montrent qu'une action en contrefa-
çon peut être rejetée lorsque le droit du deman-
deur repose sur un acte criminel, bien qu'on ne
soit pas allé jusqu'à dire dans ces arrêts qu'un
acte de cession en bonne et due forme, passé
librement par le propriétaire et ne constituant
pas une infraction, serait insuffisant pour accor-
der un droit au bénéficiaire, qui pourrait alors
l'opposer au contrefacteur même si l'objet de la
cession était de permettre au bénéficiaire d'utili-
ser ce bien dans le but d'exécuter une opération
illégale sans rapport avec la contrefaçon. La
question de savoir si, dans une action en contre-
façon, un tribunal refusera un redressement à
une personne détenant un droit de propriété
industrielle dans le seul cas où le but véritable
de l'action est l'exécution ou la poursuite d'un
complot ou d'une entente illégale n'est pas
encore résolue.
De plus, il ressort du premier arrêt Philco
[1940] R.C.S. 501, que lorsqu'en cours d'ins-
tance on découvre une illégalité qui pourrait
conduire au rejet de l'action, elle sera sanction-
née, que l'exception d'illégalité ait été soulevée
ou non; mais si une partie choisit de la soulever
dans ses conclusions, elle doit le faire en respec-
tant les règles de présentation des conclusions
écrites. C'est ainsi que le juge en chef Duff a
déclaré à la page 505:
[TRADUCTION] . . . Le projet d'amendement n'énonce pas la
nature du prétendu complot illégal; on se borne à soutenir en
termes vagues qu'il est contraire au droit fédéral. Pour ce
seul motif, on aurait dû refuser dès le départ l'autorisation
de verser cette modification au dossier. Le président a
décidé, avec l'accord des parties, que cette vague allégation
soulevait une question de droit au sens de la Règle 151. S'il
apparaissait au cours du procès que la demande est basée
sur une transaction illégale à laquelle le demandeur est
partie, dans le sens indiqué plus haut, il serait du devoir du
juge du procès d'en prendre connaissance d'office et de
rejeter l'action; mais les appelants ont l'intention d'inclure
cette exception dans leur plaidoirie écrite; dès lors, ils
doivent respecter les règles de présentation des conclusions
écrites, alléguer les faits constitutifs de l'illégalité qu'ils
soulèvent et mettre en évidence le rapport entre la cause
d'action de la demanderesse et cet acte illégal.
Il me reste à examiner les arguments avancés
dans la présente instance. Ils m'apparaissent
compliqués, confus, et dans une large mesure
sans rapport avec l'affaire; j'estime que le juge
aurait pu à bon droit les radier, dans la mesure
où ils représentent une complication inutile de
l'instance et donc un emploi abusif des procédu-
res de la Cour, au sens de la Règle 419.
Du reste, l'interprétation la plus favorable que
je puisse donner aux paragraphes 3 et 4 consiste
à y voir une vague affirmation de la nullité des
actes de cession, du fait qu'ils ont été conclus
en exécution ou à la suite d'un complot, pour
permettre à la demanderesse de commettre les
actes illégaux mentionnés au paragraphe 3,
savoir (1) engager certaines personnes, par des
menaces d'annulation de leur concession, à
revendre à un prix spécifié des marchandises
vendues par la demanderesse; et (2) refuser de
vendre à la défenderesse. Ces paragraphes n'in-
diquent nullement de quelle manière ces ces
sions pouvaient être utilisées pour «permettre»
à la demanderesse de commettre les actes illé-
gaux, ni quel était l'élément illégal ou criminel
dans le fait que le propriétaire ait cédé certains
droits; je ne pense pas que le contenu de ces
paragraphes constitue seulement une allégation
de complot ou d'entente contraire au droit du
Canada entre la compagnie néerlandaise et l'ap-
pelante, visant à l'utilisation des droits en ques
tion pour engager «certaines personnes» par la
menace à respecter certains prix de vente ou
pour toute autre fin rattachée au prétendu refus
de la demanderesse de vendre à la défenderesse
en novembre 1971. On n'a pas établi de rapport
entre la prétendue contrefaçon et les circonstan-
ces dont on prétend qu'elles éteignent le droit de
la demanderesse. On a soutenu qu'il y avait un
rapport entre ces paragraphes et le paragra-
phe 6, dans lequel la défenderesse reconnaît
avoir vendu des articles portant les dessins et
soutient ensuite que ces articles ont été fabri-
qués à l'étranger par ou pour la compagnie
néerlandaise. D'après moi, cependant, le para-
graphe 6 n'invoque pas l'existence d'une licence
ou d'un autre document qui permettrait de justi-
fier ces actes à l'encontre d'une action en con-
trefaçon par l'un des deux propriétaires possi
bles des dessins. Par conséquent, on n'y
soutient aucunement qu'il existe un rapport
entre la contrefaçon et l'entente ou le complot
mentionné aux paragraphes 3 et 4. On n'y allè-
gue pas non plus que les cessions ont été effec-
tivement utilisées pour exécuter un projet illégal
ou que la présente action ou la demande inci-
dente d'injonction ou d'un autre redressement
d'equity constituent elles-mêmes des étapes
dans l'exécution de ce projet.
Je pense donc que les paragraphes en ques
tion ne révèlent aucun moyen de défense et que
l'appelante doit être débouté, mais sans exclure
la possibilité que le défendeur demande au juge
de première instance la permission de modifier
sa défense en y ajoutant des modifications cor-
rectement formulées. Les dépens de l'appel sui-
vront les dépens de l'intimée dans la cause.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON —Je souscris.
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN—Je souscris.
' La question se présente ici à peu près de la même
manière, c'est-à-dire au cours d'une étape préliminaire, où il
n'est pas nécessaire d'élaborer une définition complète mais
simplement de déterminer si les faits allégués pourraient
justifier le refus du redressement que demande l'intimée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.