La Reine (Demanderesse)
c.
Stanley A. Vineberg (Défendeur)
et
La Reine (Demanderesse)
c.
Val Royal Corporation (Défenderesse)
et
La Reine (Demanderesse)
c.
Harlaw Investments Ltd. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy —
Montréal, le 14 novembre; Ottawa, le 21 décem-
bre 1973.
Impôt sur le revenu—Convention d'assurance-location—
Option d'achat après le paiement d'une somme déterminée—
Paiement en sus—Réacquisition des droits de propriété par
les défendeurs par remboursement versé à la demanderesse—
Est-ce déductible à titre de dépense d'entreprise ou est-ce une
dépense de capital—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 12(1)a).
Les contrats d'assurance-location passés entre la Société
centrale d'hypothèques et de logement et les défendeurs, en
tant que propriétaires d'immeubles d'habitation, accordaient
à la Société une option d'achat des biens après paiement
d'un montant fixé au titre de l'assurance-location. Lorsque
la Société signifia l'avis qu'elle allait exercer son option
d'achat, elle avait déjà versé un montant supérieur à la limite
prévue. Les parties fixèrent, par compromis, l'excédent à la
somme de $105,000; elles convinrent que sur rembourse-
ment de ladite somme par les défendeurs à la Société, cette
dernière n'exercerait pas son droit à l'obtention du titre de
propriété.
En établissant la cotisation, le Ministre décida que le
remboursement de ladite somme par les défendeurs n'était
pas déductible de leur revenu. Lors de l'appel interjeté par
les défendeurs à la Commission de révision de l'impôt, elle
décida que lesdits paiements étaient déductibles.
Arrêt: la décision de la Commission de révision de l'impôt
est infirmée et la dépense est déclarée ne pas être déducti-
ble. En ce qui concerne le premier critère de déductibilité,
on a admis que la dépense engagée par les défendeurs
contribuables visait bien à tirer un revenu de biens au sens
de l'article 12(1)a), de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148. Mais quant au second critère, savoir si le
paiement était une dépense de capital ou de revenu, il fut
décidé que le paiement était avant tout une somme globale
pour permettre aux défendeurs de réacquérir les droits de
propriété perdus et donc une dépense de capital.
Arrêts examinés: British Columbia Electric Railway Co.
Ltd. c. M.R.N. 58 DTC 1022; Mandrel Industries Inc. c.
M.R.N. [1966] R.C.É. 277; Atherton c. British Insulated
and Helsby Cables Ltd. (1925) 10 T.C. 155 (H.L.);
Commissioners of Inland Revenue c. Fleming & Co.
(Machinery) Ltd. (1951) 33 T.C. 57; Duke of Westmin-
ster c. C.I.R. (1934-35) 19 T.C. 490.
APPEL d'une décision de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
H. Richard et C. Bonneau pour la
demanderesse.
P. Vineberg pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
la demanderesse.
Phillips et Vineberg, Montréal, pour les
défendeurs.
LE JUGE ADDY—Il s'agit d'un appel, par voie
de procès de novo, d'une décision de la Com
mission de révision de l'impôt en faveur des
contribuables ci-dessus mentionnés. Il a été
ordonné de juger les trois affaires en même
temps.
La meilleure façon de présenter les faits en
litige est de reproduire ci-dessous l'exposé con
joint des faits versé au dossier avec l'accord des
parties au début du procès. Une liste des docu
ments a en outre été versée d'un commun
accord au dossier pendant le procès. Voici l'ex-
posé des faits:
[TRADUCTION] 1. Les défendeurs sont propriétaires, à
St-Laurent, de divers immeubles d'habitation connus sous le
nom de Norgate Housing Development. Selon des contrats
de syndicat intervenus entre eux, ils les administrent et les
exploitent en commun.
2. Chaque défendeur a passé, avec la Société centrale d'hy-
pothèques et de logement (SCHL), une convention
d'assurance-location;
3. Diverses unités de logement n'ayant pu être louées, la
SCHL a versé des prestations d'assurance-location d'un
montant de $407,579.95 aux défendeurs. Les années où ils
ont été perçus, ces paiements ont été inclus dans le revenu
imposable des défendeurs et imposés en conséquence;
4. Les locataires étaient concentrés dans certains immeubles
et les logements vides dans d'autres. Selon cette technique,
appelée «entassement», certains immeubles étaient pleins
alors que d'autres étaient partiellement vides. II en résulte
que, vu la co-assurance minimum fixée pour chaque immeu-
ble, les paiements d'assurance-location versés par la SCHL
ont été plus élevés qu'ils ne l'auraient été si les logements
vides avaient été plus ou moins uniformément répartis entre
les immeubles. Les défendeurs ont toutefois prétendu que la
technique employée rendait la gestion des immeubles plus
efficace;
5. Aux termes des conventions susdites, les défendeurs ont
reçu de la SCHL, au titre des appartements vacants, d'im-
portants paiements d'assurance-location que voici:
Plafond Total des Excédent
Immeubles locatif paiements payé
4-R1-33 $ 37,864.00 $ 53,486.70 $ 15,622.70
4- $1-34 37,864.00 97,033.17 59,169.17
4-R1-35 37,864.00 64,559.39 26,695.39
4-$1-36 37,864.00 114,118.99 76,254.99
151,456.00 329,198.25 177,742.25
(178,187.00)
38,054.00 78,381.70 40,327.70
$189,510.00 $407,579.95 $ 218,069.95
($ 219,524.00)
6. Après discussions entre les parties quant à leurs conven
tions d'assurance-location respectives, la SCHL a signifié un
avis aux défendeurs conformément aux clauses desdites
conventions, a fait enregistré ces avis au Bureau d'enregis-
trement et a déposé chez le notaire les chèques nécessaires,
correspondant au montant prévu dans les conventions d'as-
surance-location pour l'achat des immeubles;
7. Des négociations ont alors eu lieu entre les parties et il a
été finalement convenu que les propriétaires paieraient à la
Société centrale d'hypothèques et de logement une somme
de $105,000.00;
8. Le chiffre de $105,000.00 résulte d'un compromis décou-
lant de propositions et de contre-propositions faites par les
parties dans le cours normal de la négociation;
9. La question en litige dans la présente affaire est le sort
fiscal de ces $105,000.00;
10. Les parties s'entendent pour que cette question soit
résolue sur la base du présent exposé des faits et sur la base
des documents produits. Il est entendu que ces documents
sont en eux-mêmes concluants et qu'il n'existe pas de faits
pouvant les contredire;
11. Les parties admettent que, si la Cour est d'avis que les
acomptes versés sur les $105,000.00, selon l'entente, ne
pouvaient être déduits lors du calcul du revenu des défen-
deurs, l'appel doit alors être accueilli avec dépens et, au
contraire, si la Cour est d'avis que lesdits versements sont
déductibles, l'appel doit alors être rejeté avec dépens.
Pour déterminer si une dépense donnée peut
être déduite du revenu, il existe un double cri-
tère qui semble bien établi. On doit d'abord
déterminer si, conformément à l'article 12(1)a)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952,
c. 148, la somme déboursée ou dépensée l'a été
par le contribuable en vue de gagner ou de
produire un revenu tiré d'un bien ou d'une
entreprise. L'avocat de la demanderesse a tout
de suite concédé ce point. Ceci étant acquis, il
faut ensuite se demander si le paiement doit être
considéré comme une dépense de revenu ou une
dépense de capital, puisqu'une dépense de capi
tal, même si elle est faite pour produire un
revenu, ne peut être déduite à titre de dépense
de revenu. Voir British Columbia Electric Rail
way Company Limited c. M.R.N. 58 DTC 1022
aux pages 1027-28:
[TRADUCTION] L'objectif essentiel présumé de toute entre-
prise commerciale étant la recherche d'un profit, toute
dépense consentie «dans le but de gagner ou de produire un
revenu» s'inscrit dans le cadre de l'art. 12(1)a), qu'il s'agisse
d'une dépense de revenu ou d'une dépense de capital.
Dès qu'il est acquis qu'une dépense donnée est engagée
dans le but de gagner ou de produire un revenu, il faut
ensuite, pour rechercher s'il y a assujettissement à l'impôt
sur le revenu, déterminer si une telle dépense constitue une
dépense de revenu ou une dépense de capital. Les principes
sous-jacents à une telle distinction reviennent à dire, en fait,
que, le revenu aux fins de l'impôt étant calculé sur une base
annuelle, une dépense de revenu est une dépense engagée
dans le but de gagner le revenu au cours de l'année où elle a
été consentie, et elle doit être déduite du revenu brut de
l'année en question.
Je suis pleinement d'accord avec l'exposé que
mon collègue, le juge Cattanach, a fait du droit,
ainsi que de la jurisprudence dans l'affaire Man-
drel Industries, Inc. c. M.R.N. [1966] R.C.É.
277 à la page 285:
[TRADUCTION] Pour déterminer si un débours donné repré-
sente une dépense de capital, on a proposé plusieurs critè-
res, dont celui du lord président Clyde dans l'affaire Robert
Addie & Sons' Collieries Ltd c. I.R. 8 T.C. 671, à la p. 676.
Est-ce une dépense engagée dans le but de percevoir
des profits? Ou, au contraire, est-ce une dépense de
capital? Est-ce une dépense nécessaire à l'acquisition de
biens ou de droits durables, dont la possession est une
condition de la continuation de son commerce?
La déclaration la plus remarquable et la plus fréquemment
citée sur ce qui constitue une dépense de capital est celle du
vicomte Cave dans l'affaire British Insulated and Helsby
Cables Limited c. Atherton [1926] A.C. 205, à la p. 213:
... Mais quand on fait des dépenses non seulement une
fois pour toutes, mais encore dans le but d'apporter un
élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice durable
d'un commerce, je pense qu'il y a de très bonnes raisons
(en l'absence de circonstances particulières conduisant à
une conclusion contraire) de traiter une telle dépense
comme si elle était à juste titre imputable non pas au
revenu mais au capital.
Dans l'affaire Vallambrosa Rubber Co. Ltd. c. Farmer 5
T.C. 529, lord Dunedin déclarait notamment ceci à la page
536:
Je ne dis pas que ce critère est absolu et déterminant.
D'une manière générale, toutefois, aux fins de déterminer
si une dépense constitue une dépense d'exploitation, je
crois qu'il est utile de dire qu'une dépense de capital est
unique et qu'une dépense d'exploitation est engagée
chaque année.
Si j'applique les critères classiques susmentionnés à la
présente affaire, je ne puis m'empêcher de penser que le
paiement dont il est question ici est une dépense de capital.
Ce que l'appelant a fait ici, c'est un paiement une fois pour
toutes dans le but d'apporter un avantage durable au com
merce. Il n'est pas douteux que le paiement a été fait une
fois pour toutes.
Voir aussi l'affaire Atherton c. British Insulated
and Helsby Cables, Ltd. [1926] A.C. 205, où le
vicomte Cave, lord chancelier, a établi, à la page
213, qu'un critère pratique pour déterminer si
un débours est une dépense de capital, consiste
à se demander s'il a été effectué une fois pour
toutes ou s'il est de nature à se reproduire
chaque année (ce n'est évidemment pas un cri-
tère absolu). Toutefois, il ajoutait que lors-
qu'une dépense est en outre faite dans le but
d'apporter un élément d'actif ou un avantage
pour le bénéfice durable d'un commerce, il y
aurait normalement «de très bonnes raisons (en
l'absence de circonstances particulières condui-
sant à une conclusion contraire) de traiter une
telle dépense comme si elle était à juste titre
imputable non pas au revenu mais au capital.»
La Cour suprême du Canada a précisément
approuvé ce critère dans l'arrêt British
Columbia Electric Railway Co. Ltd. c. M.R.N.,
(précité), en le considérant comme un guide
utile mais non exclusif.
Les défendeurs ont invoqué un accord, versé
au dossier au cours du procès et mentionné au
paragraphe 7 de l'exposé conjoint des faits sus-
mentionnés, aux termes duquel la somme de
$105,000.00 versée par les défendeurs à la
Société centrale d'hypothèques et de logement
l'était «à titre de remboursement d'assurance-
location.» On a prétendu que cela signifiait sim-
plement qu'il s'agissait là d'un remboursement
de paiements au lieu de loyers, lesquels paie-
ments constituaient manifestement un revenu
imposable au moment où les défendeurs les
avaient reçus; en conséquence, le rembourse-
ment doit être déduit dans le calcul du revenu.
Les défendeurs ont également prétendu que,
puisqu'il s'agissait d'une entente en bonne et
due forme, qu'elle avait de toute évidence été
conclue de bonne foi et qu'elle ne laissait en
outre apparaître aucun lien de dépendance,
cette entente est concluante en elle-même et la
Cour ne doit ni ne peut juridiquement aller
au-delà des termes propres de l'entente pour
tenter de trouver au paiement d'autres raisons,
motifs ou buts que ceux exprimés. Voir l'affaire
Commissioners of Inland Revenue c. Fleming &
Co. (Machinery), Ltd. (1951) 33 T.C. 57 où le
lord président Cooper déclarait à la page 63:
[TRADUCTION] Comme on l'a démontré dans l'arrêt Duke of
Westminster, 19 T.C. 490, [1936] A.C. 1, il n'est pas légitime
de dépasser la forme et les stricts effets juridiques d'une
transaction pour découvrir sa prétendue «substance» afin
d'imposer à un contribuable une obligation qui autrement ne
serait pas exécutoire à son encontre ... .
Le contrat initial d'assurance-location pré-
voyait qu'après le paiement d'un montant déter-
miné, la demanderesse aurait la faculté d'ache-
ter les terrains et les immeubles des défendeurs
à un prix calculé selon une formule fixée
d'avance et que, pour exercer cette option, la
demanderesse devait faire enregistrer un avis.
C'est ce qui a été fait et, conformément au
contrat d'assurance initial, la demanderesse a
acquis le droit de se faire transférer la propriété
des terrains et des immeubles en question. Fina-
lement, après négociations, l'entente invoquée
par les défendeurs a été conclue.
Le contrat initial d'assurance-location, l'avis
d'exercice de l'option et l'entente constituent
autant d'actes que les parties ont incontestable-
ment passés de bonne foi et avec l'intention d'y
donner suite; ce ne sont pas des documents
utilisés pour couvrir une autre transaction. Il
faut donc donner à l'entente intervenue sa
pleine signification; on ne peut l'ignorer ou lui
faire produire des effets différents de ceux
exprimés par les parties. Je suis également plei-
nement d'accord avec l'avocat des défendeurs,
en ce sens que, dans un tel cas, on doit tirer le
sens véritable de la transaction d'une interpréta-
tion appropriée de l'entente elle-même, sans
recourir à des preuves ou à des documents
extérieurs qui ne seraient pas incorporés à l'acte
ou mentionnés dans celui-ci. Voir l'arrêt Duke of
Westminster c. C.I.R. (1934-35) 19 T.C. 490 aux
pages 521, 524 et 528.
Toutefois, lorsqu'on interprète un document
pour en déterminer le but et les effets, savoir,
dans le cas présent, la raison du paiement de la
somme de $105,000.00, il faut avoir deux prin-
cipes fondamentaux à l'esprit: premièrement, il
faut considérer l'entente en entier et pas seule-
ment un mot ou une phrase en particulier, isolés
de leur contexte; deuxièmement, on doit égale-
ment considérer le contenu et les effets juridi-
ques de tout document expressément mentionné
dans l'entente et conformément auquel celle-ci
est déclarée avoir été conclue (en l'espèce, la
convention initiale d'assurance-location qui
accordait un droit d'option, et l'avis enregistré
par lequel la demanderesse était censée exercer
son option).
Pour ce qui est d'abord des deux derniers
documents, la convention d'assurance-location
contient clairement une option d'achat sans
réserve des immeubles après paiement d'un
montant déterminé à titre d'assurance-location.
Cette option n'apparaît en aucune façon comme
étant une sûreté garantissant des fonds avancés,
pour la bonne raison que les fonds avancés en
vertu du contrat ne sont pas un prêt mais qu'au
contraire le propriétaire des immeubles y a un
droit absolu et peut les garder. Les passages
pertinents de la clause 3 de la convention ini-
tiale d'assurance-location se lisent ainsi:
[TRADUCTION] 3. a) En contrepartie du paiement de ladite
prime annuelle et quand la réclamation sera établie de la
manière prévue aux présentes, la Société paiera au construc-
teur, pour chaque année d'exploitation, la différence entre
les loyers bruts et les loyers assurés. Les loyers assurés sont
ceux décrits à l'annexe «A» de ce contrat, augmentés ou
diminués, pour chaque année d'exploitation, d'un montant
égal à la différence, en plus ou en moins, entre l'augmenta-
tion ou la diminution des impôts et taxes à la charge du
projet (de nature générale, spéciale, municipale, religieuse
ou scolaire) et la somme de six mille cent cinquante dollars
($6,150.00) ... .
Il est manifeste que la demanderesse a une
obligation absolue de payer. La clause 7 de la
convention d'assurance-location se lit comme
suit:
[TRADUCTION] 7. Dès que la somme de trente sept mille
huit cent soixante-quatre dollars ($37,864.00) aura été payée
par la Société conformément à ce contrat, celle-ci aura le
droit, à son option, d'acheter le projet, après un avis de
soixante jours donné par écrit au propriétaire du projet, au
prix de trois cent mille dollars ($300,000.00), moins 2i pour
cent de ladite somme par année, du premier décembre 1949
jusqu'à la date où l'achat sera effectué et la propriété du
projet transférée à la Société, et moins la somme nécessaire
pour purger ou radier toutes les hypothèques, privilèges et
autres charges grevant le projet; le propriétaire transférera
le projet à la Société, libre et clair de toutes hypothèques,
privilèges et autres charges, exception faite d'une première
hypothèque constituée en vertu de l'article 8B de la loi et il
signera tous les documents et accomplira tous les actes
nécessaires au transfert.
Quand le titre de propriété du projet aura été transféré à
la Société, celle-ci sera déliée de toute obligation en vertu du
présent contrat.
Il est prévu que si la Société n'exerce pas ladite option
dans les deux ans à compter de la date à partir de laquelle
elle aurait pu l'être, l'option sera suspendue jusqu'à ce que
le constructeur fasse une réclamation, passé ce délai de
deux ans, auquel cas l'option d'achat pourra être exercée à
tout moment.
Il résulte donc clairement de cette clause que
l'option est absolue, si elle est exercée aux
conditions prévues: elle est absolue, en ce sens
qu'elle n'a pas pour but de garantir le paiement
d'une avance et également en ce sens, qu'une
fois exercée, elle confère un droit absolu et
irrévocable sur les immeubles, la seule obliga
tion qui subsiste étant celle incombant aux
défendeurs de signer les actes nécessaires pour
parfaire le titre de la demanderesse quant au
transfert de propriété.
Quant à l'avis d'exercice de l'option, les deux
parties reconnaissent qu'il a été donné et régu-
lièrement signifié et enregistré. Dès ce moment,
la demanderesse avait un droit absolu sur le titre
et la seule obligation demeurant à la charge des
parties était celle des défendeurs d'accomplir les
formalités nécessaires à l'exécution de l'entente.
Après des négociations, qui ne font pas partie
de l'entente et n'y sont d'ailleurs pas mention-
nées, de sorte qu'on ne peut en tenir compte
pour l'interpréter, l'entente elle-même fut
signée. Outre la déclaration selon laquelle les
$105,000.00 doivent être payés «à titre de rem-
boursement d'assurance-location» en cinq ver-
sements annuels, l'entente contient notamment
les stipulations suivantes: une reconnaissance
du droit de la demanderesse aux présentes à
devenir propriétaire absolu des immeubles et à
s'en faire donner acte; un engagement de la part
de la Société de ne pas exercer son droit d'obte-
nir le titre définitif si les propriétaires font les
paiements prévus dans l'entente, auquel cas la
demanderesse s'engage également à annuler les
avis d'exercice de l'option et à renoncer à ses
droits acquis; finalement, l'entente prévoit des
modifications à certaines clauses des conven
tions initiales d'assurance-location.
Ce sont, aux termes de cette entente ou des
documents qui y ont été incorporés, les seules
contreparties accordées par la demanderesse
aux défendeurs pour le paiement des $105,-
000.00. M'en tenant aux termes mêmes de l'en-
tente, ainsi que l'avocat des défendeurs me l'a
recommandé, je ne puis en venir à la conclusion
que les $105,000.00 ont été payés dans le but
autre que celui «d'apporter un avantage pour le
bénéfice durable du commerce des défendeurs».
Cet argent a été versé pour rentrer en posses
sion de «droits durables, dont la possession est
une condition de la continuation de son com
merce ou de son entreprise» et «dans le but
d'apporter un élément actif ou un avantage pour
le bénéfice durable d'un commerce». Le paie-
ment n'est pas une dépense de revenu dans le
but d'augmenter les revenus pour une année en
particulier ni un élément du processus visant
l'acquisition des revenus.
La qualification d'un paiement en tant que
dépense de revenu ou de capital dépend de sa
nature et de son but et non de la seule classifica
tion que les parties, même sans arrière-pensée,
lui ont donnée, pourvu évidemment que, dans le
cas d'une convention conclue de bonne foi, le
but véritable de l'opération puisse ressortir de la
convention elle-même. Si la présente entente
avait simplement déclaré qu'il y avait eu un
paiement de loyers en trop et que la demande-
resse avait droit à un remboursement le résultat
aurait été différent. Mais l'acte, considéré seul
et avec l'appui des documents auxquels il ren-
voie et en considération desquels on prétend
l'avoir conclu, indique clairement qu'il ne pou-
vait s'agir réellement d'un remboursement d'as-
surance-location, au sens habituel du mot rem-
boursement, c'est-à-dire, au sens de remise, de
restitution des versements d'assurance. Il con-
vient d'ailleurs de souligner qu'il n'y a aucune
formule mathématique, aucun calcul, aucune
indication qui permette d'établir combien de
primes mensuelles d'assurance seraient ainsi
remboursées ou la façon dont on est arrivé au
montant indiqué.
Les documents eux-mêmes m'obligent donc à
conclure que le paiement des $105,000.00 n'est
de toute évidence et dans son essence qu'un
paiement forfaitaire effectué par les défendeurs
pour recouvrer les droits de propriété qu'ils
avaient perdus et qu'il s'agit, en conséquence,
d'une dépense de capital. Jugement est donc
rendu en faveur de la défenderesse qui a droit,
en outre, à ses dépens. Toutefois les dépens ne
sont accordés que pour une seule affaire, excep
tion faite des débours.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.