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Hewlett-Packard (Canada) Ltd., et X-Ray and Radium Limited (Appelantes)
c.
Burton Parsons Chemicals, Inc. et Burton Par sons and Company of Canada Limited (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow et le juge suppléant MacKay — Toronto, les 7, 8 et 9 mars; Ottawa, le 11 avril 1973.
Brevets—Validité—Émulsion nécessaire à la prise de car- diogrammes—Défaut d'une revendication de préciser une restriction essentielle—Cette restriction peut-elle se déduire du mémoire descriptif— Loi sur les brevets, art. 36(1) et (2).
Les intimées ont poursuivi les appelantes en contrefaçon de brevet relativement à un produit émulsionné qui est appliqué sur le corps humain lors de la prise d'électrocardio- grammes. Les appelantes ont fait valoir que les revendica- tions figurant dans les brevets allaient au-delà de l'invention du fait qu'elles viseraient notamment des produits qui ne seraient pas compatibles avec une peau normale et d'autres qui seraient d'un emploi difficile, en raison de leur consis- tance trop liquide ou trop solide. Les intimées ont répondu que pour un homme de l'art, le texte des revendications, lu en regard de celui du mémoire descriptif, contient des restrictions implicites sur les produits émulsionnés suscepti- bles d'être employés.
Arrêt, infirmant la décision du juge en chef adjoint Noël, (le juge suppléant MacKay, dissident): les revendications étaient invalides et il y a lieu de rejeter l'action en contrefaçon.
Le juge en chef Jackett et le juge Thurlow: même si une divulgation signale clairement qu'une certaine caractéristi- que est essentielle à l'invention (en l'espèce, une restriction relative à l'émulsion), la revendication est invalide si cette caractéristique n'y figure pas.
Arrêts suivis: B.V.D. Co. c. Canadian Celanese Ltd. [1936] R.C.S. 221; Minerals Separation North Ameri- can Corp. c. Noranda Mines Ltd. (1952) 49 R.P.C. 81; Electric and Musical Industries Ltd. c. Lissen Ltd. (1938) 56 R.P.C. 23; Norton and Gregory Ltd. c. Jacobs (1937) 54 R.P.C. 271; distinction faite avec les arrêts suivants: Metalliflex Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft [1961] R.C.S. 117; Henriksen c. Tallon Ltd. (1965) R.P.C. 434.
Le juge suppléant MacKay, dissident: Correctement inter- prétées, les revendications figurant dans le brevet ne visent que des substances compatibles avec la peau humaine et qui sont faciles à appliquer et à enlever.
APPEL d'un jugement du juge en chef adjoint Noël.
AVOCATS:
D. F. Sim, c.r., et R. Hughes pour les appelantes.
D. J. Wright, c.r., et D. Plumley pour les intimées.
PROCUREURS:
D. F. Sim, Toronto, pour les appelantes.
Wright, Ridout et Maybee, Toronto, pour les intimées.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—Appel est inter- jeté d'un jugement rendu en faveur des deman- deresses par la Division de première instance dans une action en contrefaçon de brevet insti- tuée en vertu de la Loi sur les brevets; on fait d'autre part appel du rejet par ce jugement de la demande reconventionnelle présentée par les défenderesses et visant à faire déclarer le brevet invalide.
Lorsqu'on fait subir à une personne un car- diogramme ou certains autres examens du même genre, il est généralement nécessaire d'étendre sur les régions du corps sont pla cées les électrodes une substance qui aide à conduire le courant électrique du corps du patient aux instruments servant à l'examen. Jus- qu'au moment de l'invention visée par le brevet dont il est question en l'espèce, on se servait à cette fin de substances ayant des propriétés indésirables. On pourrait croire que l'élimination de ces propriétés indésirables, par l'utilisation d'une substance crémeuse à base de produit émulsionné, aurait été considérée à l'époque comme une solution assez évidente, mais tel n'était pas le cas; en effet, même s'il était alors venu à l'esprit d'une personne oeuvrant dans ce domaine d'employer une telle crème, l'idée en aurait été rejetée puisque, croyait-on, l'introduc-
tion du sel nécessaire à faire de la substance un conducteur d'électricité ferait cesser l'émulsion.
Les pâtes et les gelées employées à ces fins jusqu'au moment de l'invention en question contenaient souvent de fortes quantités de sel et, en forte quantité, le sel aurait fait cesser une émulsion.
Le 21 novembre 1961 fut délivré le brevet 631,424, qui constatait l'invention dont il est question aux présentes. On y lit notamment que l'emploi d'un sel d'une certaine catégorie, ajouté à une émulsion dans des proportions variant de 1% à 10% de l'ensemble du produit, confère à celui-ci la propriété recherchée, soit celle d'être un bon conducteur du courant électrique, sans pour autant faire cesser l'émulsion. Il s'ensuit que ce produit, n'étant pas impropre à l'usage sur le corps humain et ayant une consistance suffisamment crémeuse pour qu'il soit facile à étendre et suffisamment épaisse pour qu'il ne coule pas lors de son application sur la peau, permet de remplacer de façon satisfaisante les substances employées jusqu'alors et d'en éviter les propriétés indésirables. Le brevet en ques tion me semble donc décrire un produit ayant les propriétés suivantes:
a) il est à base d'une émulsion, dont la divul- gation donne plusieurs exemples,
b) il contient un sel convenable, dont la divul- gation donne plusieurs exemples, formant de 1% à 10% du produit fini, et
c) sa consistance est telle qu'on peut l'éten- dre facilement sur la peau sans qu'il risque de couler.
En 1965 fut présentée une requête en redéli- vrance du brevet 631,424 et, conformément à cette requête, le brevet 734,862, qui consti- tuait une redélivrance du brevet 631,424, fut délivré le 24 mai 1966. La divulgation figurant au brevet redélivré diffère quelque peu de celle du brevet initial, mais les différences ne me semblent pas reliées à la question qu'il s'agit selon moi d'examiner ici. Certaines revendica- tions du brevet initial ne se retrouvent pas au brevet redélivré, mais plusieurs y sont reprises
sans modification; le brevet redélivré contient en outre certaines revendications nouvelles.
L'action qui s'est terminée en première ins tance par les jugements dont il est interjeté appel était une action en contrefaçon des reven- dications 3, 4, 5, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 21 et 22 du brevet redélivré, les défenderesses ayant vendu au Canada une crème qui correspond effectivement à l'une ou plusieurs de ces reven- dications. La contestation de la validité desdites revendications est la seule véritable défense qui ait été présentée, du moins dans le cadre du présent appel. Appel a en outre été interjeté du rejet de la demande reconventionnelle qui visait à faire déclarer l'invalidité du brevet, mais les appelantes se contentent de demander dans cette partie de leur appel un jugement déclarant invalides les seules revendications sur lesquelles se fonde l'action en contrefaçon.
Les arguments invoqués par les appelantes pour faire déclarer invalide le brevet redélivré relèvent de trois chefs principaux, à savoir:
a) elles soutiennent que le brevet initial était invalide et que, par conséquent, le brevet redélivré l'est aussi;
b) elles font valoir que les dispositions de l'article 50 de la Loi sur les brevets, relatives à la délivrance d'un brevet redélivré, n'ont pas été respectées et que, par conséquent, le brevet redélivré est invalide; et
c) elles soutiennent que le brevet redélivré lui-même est invalide.
Ayant conclu au bien-fondé de l'un de ces motifs d'invalidité du brevet redélivré, je ne crois pas devoir examiner les autres, non plus que les motifs d'invalidité du brevet initial ou de la procédure de redélivrance.
Avant d'examiner l'argument qui, selon moi, doit être accueilli, je signale qu'il ne me semble y avoir aucune contestation sérieuse du fait que les mémoires descriptifs des brevets révèlent effectivement une invention. A mon avis, l'es- sentiel de l'invention est révélé par la divulga- tion suivante: lorsque certains sels sont employés avec une émulsion et qu'ils représen- tent au moins 1 pour cent et au plus 10 pour cent du produit fini, ils donnent à celui-ci la conductibilité électrique voulue sans pour
autant faire cesser l'émulsion, si bien que lors- que ce produit convient en outre à l'usage sur la peau humaine et que sa consistance est telle qu'on peut l'appliquer facilement sur la peau sans qu'il coule, il constitue une substance, sus ceptible d'être employée aux fins de la prise de cardiogrammes, nettement supérieure aux sub stances employées jusque-là à cette fin.
Selon moi, les revendications énumérées plus haut sont invalides du fait qu'elles ne sont pas conformes au paragraphe (2) de l'article 36 de la Loi sur les brevets, qu'il faut lire au regard de l'article 35 et du paragraphe (1) de l'article 36 de ladite loi. Les articles en question portent que:
35. Le demandeur doit insérer, dans sa demande de brevet, le titre ou nom de l'invention et transmettre, avec sa demande, un mémoire descriptif en double exemplaire de l'invention et une copie additionnelle ou troisième copie de la revendication ou des revendications.
36. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'inven- teur, et exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, cons- truire, composer ou utiliser l'objet de l'invention. S'il s'agit d'une machine, le demandeur doit en expliquer le principe et la meilleure manière dont il a conçu l'application de ce principe. S'il s'agit d'un procédé, il doit expliquer la suite nécessaire, s'il en est, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions. Il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention.
(2) Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le deman- deur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.
Le cas échéant, le brevet qui sera délivré se fondera sur le mémoire descriptif prévu aux articles 35 et 36. Voir l'article 46 de la Loi sur les brevets.
Ce qu'exige le paragraphe (1) de l'article 36, c'est que la personne qui demande la délivrance d'un brevet décrive dans le mémoire son inven tion de façon à permettre à un homme de l'art d'utiliser l'objet de l'invention; l'auteur de la demande doit aussi indiquer précisément et
revendiquer distinctement «la partie, le perfec- tionnement ou la combinaison» qu'il réclame comme son invention. Après avoir ainsi décrit son invention et, comme l'exige l'article 36(1), avoir indiqué et revendiqué, dans la partie du mémoire descriptif d'ordinaire appelée la divul- gation, la partie, le perfectionnement ou la com- binaison qu'il réclame comme son invention, le demandeur, aux termes de l'article 36(2), doit ajouter à la fin du mémoire descriptif une ou plusieurs «revendications» exposant distincte- ment et en termes explicites «les choses ou combinaisons» qu'il considère comme nouvelles «et dont il revendique la propriété ou le privi- lège exclusif».
Il est bien établi en droit que les revendica- tions formulées à la fin d'un mémoire descriptif conformément à l'article 36(2) fixent les limites du monopole dont bénéficiera l'inventeur suite à la délivrance du brevet. Si ces revendications sont rédigées de façon telle que leur portée soit plus restreinte que l'invention décrite dans le mémoire descriptif, le brevet ne donnera au breveté aucun droit à l'égard de ce qui a été omis dans les revendications. Si, d'autre part, une de ces revendications est rédigée de façon à dépasser la portée de l'invention décrite dans le mémoire descriptif, cette réclamation sera tota- lement invalide.'
Comme je l'ai déjà signalé, l'un des compo- sants de la substance visée par le brevet redéli- vré est un produit émulsionné ou une émulsion. Les revendications contestées décrivent ce composant comme [TRADUCTION] «un composé aqueux d'un produit émulsionné de type non ionique» (revendications nos 3, 4, 5, 11, 12 et 13) ou comme [TRADUCTION] «une émulsion aqueuse stable qui est anionique, cationique ou non ionique» (revendications nos 17, 18, 19, 21 et 22). Je me bornerai ici à renvoyer à deux de ces revendications. La revendication 3 est rédigée de la façon suivante:
[TRADUCTION] 3. Le mode de fabrication d'un composé conducteur d'électricité servant à la prise d'électrocardio- grammes, d'électroencéphalogrammes et à d'autres exa- mens semblables, comprenant la mise au point d'une solution aqueuse d'un produit émulsionné de type non ionique; le réglage de la conductibilité électrique de cette solution par l'ajout d'un sel très ionisable; et l'addition
d'une solution-tampon pour assurer un pH se maintenant, en gros, entre 4 et 8.
Voici le texte de la revendication 17:
[TRADUCTION] 17. Une crème pour électrocardiographes, à utiliser avec les électrodes de contact avec la peau, qui soit compatible avec une peau normale, comprenant une émulsion aqueuse stable, anionique, cationique ou non ionique, et contenant suffisamment de sel très ionisable pour assurer une bonne conductibilité électrique.
Si l'on interprète ces revendications à la lettre, chacune d'elles vise tous les produits comportant une émulsion qui correspond aux termes de la revendication (dès lors que cette émulsion est combinée aux autres composants requis), quelle que soit sa concentration, bien qu'il ressorte clairement du témoignage de l'ex- pert des intimées qu'on trouverait au nombre de ces produits, outre ceux constituant l'invention divulguée par le mémoire descriptif, des pro- duits qui ne seraient pas compatibles avec une peau normale et d'autres qui seraient d'un emploi difficile, soit en raison de leur consis- tance trop liquide pour leur permettre de rester à l'endroit ils seraient appliqués, soit en raison d'une consistance trop solide? Par consé- quent, si l'on interprète le texte des revendica- tions de façon littérale, il s'agit de revendica- tions invalides du fait qu'elles vont plus loin que l'invention réalisée et divulguée par l'inventeur.
Si j'ai bien compris, l'avocat des intimées a reconnu que si l'on se borne à définir le type d'émulsions susceptibles d'être utilisées par les mots «une solution aqueuse d'un produit émul- sionné de type non ionique» ou par les mots «une émulsion aqueuse stable, anionique, catio- nique ou non ionique», les revendications vont plus loin que l'invention et, par conséquent, elles sont invalides. Si j'ai bien compris, la réponse des intimées à cet argument consiste à dire que les revendications, si on les interprète correctement, ne couvrent pas les produits à base de n'importe quelle émulsion ou solution aqueuse d'un produit émulsionné de ce type, mais seulement ceux à base de certaines de ces émulsions, soit celles qui sont de nature à donner au produit les propriétés requises pour qu'il ait les effets que lui prête l'inventeur.
Si je comprends bien ce qu'affirment les inti- mées, c'est qu'il faut lire le texte des revendica- tions en regard de celui du mémoire descriptif et
qu'il devient dès lors manifeste à un homme de l'art que le texte des revendications restreint implicitement le type et la concentration du produit émulsionné susceptible d'être utilisé.' Si c'est la façon correcte d'interpréter les reven- dications et si les restrictions apportées à l'éven- tail des types de produits émulsionnés utilisa- bles et de leurs concentrations sont de nature à entraîner nécessairement le choix d'un type et d'une concentration qui ne peuvent produire que l'objet de l'invention décrite dans le mémoire, les dispositions de l'article 36(2) sont respectées.
La partie du mémoire descriptif qui précède l'énoncé des revendications n'est pas longue; pour rendre justice à l'argument des intimées, je la reproduis donc au complet:
[TRADUCTION] La présente invention porte sur des compo- sés conducteurs d'électricité et particulièrement sur un nou- veau composé amélioré destiné à être utilisé avec des élec- trodes en cardiographie.
Les différentes parties de la surface du corps présentent des résistances différentes au passage du courant électrique. Certaines peaux sont sèches et épaisses tandis que d'autres sont moites et minces, et d'autres huileuses. De plus, la pilosité de la peau varie énormément. Toutes ces caractéris- tiques cutanées influent sur le passage du courant électrique du corps du patient à l'électrode de l'électrocardiographe ou de l'électroencéphalographe, donnant ainsi lieu à des tracés irréguliers.
Un des buts de la présente invention est de fournir un composé conducteur d'électricité facile à appliquer et sus ceptible d'être enlevé sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage.
Un autre but de l'invention est de fournir un composé qui, en plus de nettoyer la peau, assure une conductibilité élevée entre la peau et les électrodes de l'électrocardiographe.
Un autre but de l'invention est de fournir un composé qui, appliqué sur le corps du patient, soit compatible avec une peau normale, diminuant ainsi les risques de dermatite locale.
Un autre but de la présente invention est de fournir un composé dans lequel la prolifération des bactéries, des moi- sissures ou des levures puisse être inhibée.
Une des caractéristiques de la présente invention est de fournir un composé aqueux à base de produit émulsionné de type anionique, cationique ou non ionique.
Une autre caractéristique de l'invention est l'addition à cette base d'un sel susceptible d'agir comme conducteur d'électricité entre une électrode et le corps du patient.
Une autre caractéristique possible de l'invention est l'em- ploi d'une solution-tampon dans le composé de manière à
assurer un degré d'acidité correspondant à peu près à l'aci- dité cutanée du corps.
Enfin, il est loisible d'ajouter des inhibiteurs empêchant la prolifération des bactéries, des moisissures ou des levures, quoique ces inhibiteurs ne soient pas nécessaires si le com- posé est conditionné dans un récipient distributeur sous pression du type couramment appelé «aérosol».
Les buts susmentionnés, les autres buts et les caractéristi- ques nouvelles de l'invention ressortiront à la lecture du mémoire descriptif qui suit.
La base du composé qui constitue la présente invention comprend un composé aqueux d'un produit émulsionné, c'est-à-dire une émulsion qui peut être de type anionique, cationique ou non ionique. Il peut s'agir de l'un des produits non ioniques suivants: les acides gras polyglycols, les «Spans» 2 et les «Tweens» 2 , le monostéarate de glycérile, ou tout autre produit de ce genre.
La conductibilité souhaitée du composé peut être obtenue en utilisant un sel susceptible d'agir comme conducteur d'électricité de l'électrode au corps du patient, comme par exemple:
le chlorure de sodium 1 - 10%
le chlorure de potassium 1 - 10%.
le sulfate de sodium 1 - 10%
ou tout autre sel très ionisable à des concentrations permet- tant d'atteindre une conductibilité convenable.
Même si l'émulsion, constituée d'un composé aqueux d'un produit émulsionné et d'un sel très ionisable, peut être employée seule, l'on désire obtenir un composé dont le pH correspond à peu près à l'acidité cutanée du corps, on peut choisir parmi un certain nombre de solutions-tampon, notamment les solutions-tampon au citrate de sodium, à l'acide citrique ou au phosphate. Il faut utiliser une quantité appropriée de solution-tampon, de manière à obtenir un pH compris à peu près entre 4 et 8.
Si le composé est conditionné dans des récipients le produit est exposé à l'atmosphère en cours d'utilisation, des mesures destinées à empêcher la prolifération des bactéries, des moisissures ou des levures s'imposeront peut-être. On pourra utiliser à cette fin des produits tels que les esters de l'acide p-hydroxybenzoïque ou autres inhibiteurs appropriés. Toutefois, l'utilisation des inhibiteurs susdits peut ne pas être nécessaire si l'émulsion est conditionnée dans un réci- pient distributeur sous pression du type appelé «aérosol».
Voici quelques exemples d'émulsions stables s'appli- quent les principes de la présente invention:
Émulsions de type non ionique Pourcentage
Mélange non ionique de dérivés époxydiques
de la lanoline, les dérivés étant constitués
d'alcools gras à chaîne longue 6.0
Alcool cétylique 2.0
Chlorure de sodium 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Glycérine 5.0
Solution-tampon de pH 5' 81.9
Émulsions de type cationique Pourcentage
Méthylène bis-stéarmide 10.0
Stéarylpolyoxyéthylamine 1 .7
Acide acétique glacial 0.3
Chlorure de sodium 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Glycérine 5.0
Solution-tampon de pH 5' 77.9
Émulsions de type anionique Pourcentage
Laurylsulfate de sodium 1 .0
Monostéarate de glycérile (exempt de savon) 11.0
Alcool cétylique 1.0
Chlorure de sodium 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Glycérine 5.0
Eau distillée ou déminéralisée 76.9
Les composés susmentionnés, qui étaient de consistance crémeuse, ont été conditionnés en contenants de six onces renfermant 142 grammes chacun de produit puis portés à une pression interne de 90 lbs/po 2 avec de l'azote.
Même si les diverses caractéristiques du nouveau com- posé conducteur d'électricité amélioré ont été décrites en détail de manière à révéler pleinement plusieurs principes de l'invention, il est évident qu'on peut apporter de nombreux changements aux aspects non essentiels de l'invention et que le produit peut ne comporter que certaines caractéristi- ques de l'invention sans que cela aille à l'encontre des principes de celle-ci.
' Voir T. C. Macllvaine, J. Biol. Chem. 49, 183 (1921) et C.J. Schollenberger, The Chemist-Analyist, 19, 3, 8 (1930).
«Span» est la marque déposée de l'Atlas Chemical Industries, Inc. pour une série d'agents tensio-actifs non ioniques constitués d'acides gras à longue chaîne partielle- ment estérifiés par des anhydrides d'hexitol, incluant les sorbitans, les sorbides, les mannitans et les mannides.
2 «Tween» est la marque déposée de l'Atlas Chemical Industries, Inc. pour une série d'agents tensio-actifs non ioniques constitués de dérivés de type polyoxyalkylène d'acide gras à chaîne longue partiellement estérifiés par l'anhydride d'hexitol.
Dans la mesure ils sont utiles à l'étude des moyens d'invalidité soulevés à l'encontre du brevet, que je suis en train d'analyser, voici les points saillants du mémoire descriptif:
1. l'invention a pour objet la mise au point d'un «composé conducteur d'électricité» facile à appliquer et à enlever sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage, qui nettoie la peau et assure une conductibilité élevée entre la peau et les électrodes servant à la prise d'électrocardiogrammes, et qui soit compati ble avec une peau normale, diminuant ainsi les risques de dermatite;
2. l'une des caractéristiques de l'invention est de fournir «un composé aqueux à base de
produit émulsionné de type anionique, catio- nique ou non ionique»;
3. la base du composé qui constitue l'inven- tion comprend un composé aqueux d'un pro- duit émulsionné, c'est-à-dire une émulsion, qui peut être de type anionique, cationique ou non ionique. Il peut s'agir de l'un des produits non ioniques suivants: les acides gras polygly- cols, les «Spans» et les «Tweens», le monos- téarate de glycéryle, ou tout autre produit de ce genre; et
4. on énumère à titre d'exemples certaines «émulsions stables» s'appliquent les prin- cipes de cette invention et à l'égard desquels sont précisées la nature des produits émul- sionnés et leurs proportions, lesquelles émul- sions, affirme-t-on, ont «une consistance crémeuse».
J'ai beau lire le plus attentivement possible la partie du mémoire descriptif traitant des objets de l'invention, ainsi que celle constituant la divulgation, je n'y vois rien qui dise que la mise au point d'un composé conducteur d'électricité susceptible de produire les effets escomptés dépend du choix d'une émulsion à l'intérieur de la catégorie mentionnée. Or, si cette précision n'apparaît ni dans la divulgation, ni dans l'énu- mération des objets de l'invention, on ne saurait prétendre que cette indispensable restriction de la portée des revendications est implicitement contenue dans ces textes même s'il était par ailleurs possible de le faire.
D'autre part, même si le mémoire descriptif signalait la nécessité de choisir, au nombre des émulsions de la catégorie mentionnée, une émul- sion convenant à la mise au point du produit envisagé (et même si ces indications étaient suffisamment précises pour permettre à l'homme de l'art de faire ce choix), j'estime que l'absence dans cette revendication de toute mention de la nécessité de limiter ainsi l'éventail d'émulsions utilisables emporte l'invalidité de la revendication.
Selon mon interprétation des principes de droit applicables, même si . une divulgation signale clairement qu'une certaine caractéristi- que est une caractéristique essentielle de l'in- vention, la revendication est invalide si cette caractéristique n'y figure pas. Il en a été décidé
ainsi par la Cour suprême du Canada dans l'ar- rêt The B.V.D. Company, Limited c. Canadian Celanese Limited [1937] R.C.S. 221. Le juge Davis, prononçant au nom de la Cour un juge- ment unanime, y fait aux pages 233 et suivantes un relevé exhaustif de- la jurisprudence relative à cette question. A la page 233, le juge Davis souligne le fait qu'en l'espèce, il était fait men tion à plusieurs reprises dans le mémoire des- criptif d'une des caractéristiques essentielles de l'invention et il se pose ensuite la question: [TRADUCTION] «Dans ce cas, pourquoi l'a-t-on omise dans les revendications?» Après avoir reconnu qu'il pouvait s'agir [TRADUCTION] «d'une erreur involontaire du rédacteur» ou «d'une omission voulue», le juge a passé en revue la jurisprudence et en est arrivé aux con clusions suivantes en ce qui concerne le brevet dont il s'agissait alors la page 237]:
[TRADUCTION] Dans le brevet canadien mis en cause dans le présent appel, l'inventeur a omis d'énoncer dans les revendications la caractéristique essentielle de ce qui consti- tue vraiment l'objet de son invention, alors que, d'autre part, cette caractéristique est énoncée dans les revendications des brevets britannique et américain. Aucune explication n'est donnée de cet état de choses. On nous demande de dégager de l'ensemble de ce long mémoire descriptif l'objet véritable de l'invention, et de le retrouver dans le texte très général des revendications. Mais il se trouve que les revendications semblent claires et complètes. Il n'est pas nécessaire de se reporter au contexte et il n'y a pas lieu d'interpréter les revendications à la lumière du contexte. Il est possible de prétendre que, même si la caractéristique essentielle de l'invention n'est pas énoncée dans les revendications, le procédé qu'on y décrit comporte nécessairement cette caractéristique essentielle. La Cour ne peut restreindre la portée des revendications en décidant simplement que l'in- venteur a vouloir viser ce qu'il venait de décrire. Les revendications vont en fait beaucoup plus loin que l'inven- tion. Pour ce motif, le brevet est invalide.
L'avocat des intimées fait valoir que la règle selon laquelle mention des caractéristiques essentielles de l'invention doit être faite dans une revendication ne s'applique que lorsqu'il ressort de la divulgation qu'aucune restriction particulière n'est nécessaire. J'ai relu dans cette optique la jurisprudence sur l'application de cette règle, du moins les arrêts dont j'avais connaissance, mais j'ai constater qu'aucun arrêt d'un tribunal d'appel ne fait état d'une telle réserve dans l'application de cette règle. Au contraire, il existe plusieurs arrêts, dont l'arrêt B.V.D. lui-même, l'application de la règle a
précisément empêché de considérer des termes tout à fait clairs de la divulgation comme des restrictions de la portée des revendications.
Ayant examiné les arrêts postérieurs à l'af- faire B.V.D., j'ai constaté qu'on ne s'est jamais affranchi de cette exigence fondamentale selon laquelle une revendication doit, d'une façon ou d'une autre, donner toutes les précisions néces- saires pour en restreindre la portée à ce qui a été véritablement inventé. Dans l'arrêt Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines Ltd. (1952) 69 R.P.C. 81, Lord Reid, à la page 95, a de nouveau énoncé cette règle, bien que dans un contexte différent:
[TRADUCTION] Un autre motif d'exclusion des xanthates de cellulose a été proposé au cours de la présente affaire. On a prétendu que, pour diverses raisons d'ordre pratique, un homme de l'art ne tenterait jamais de se servir de ces xanthates pour faire flotter une mousse et que, par consé- quent, on n'avait pas à en tenir compte. Dans sa plaidoirie devant leurs Seigneuries, toutefois, l'avocat des défenderes- ses a renoncé à faire valoir cet argument. Il est bien établi que, lorsque la portée d'une revendication s'étend à une méthode non susceptible d'application, cette revendication ne peut être déclarée valide du seul fait qu'on réussit à prouver qu'un homme de l'art ne chercherait jamais à utili- ser cette méthode.
Dans l'arrêt Electric and Musical Industries Ld. c. Lissen Ld. [1939] 56 R.P.C. 23 à la page 39, Lord Russell of Killowen a énoncé le principe général dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Les revendications servent à définir claire- ment et avec précision le monopole revendiqué, de façon que tous puissent connaître les lignes de démarcation préci- ses du domaine sur lequel ils ne peuvent empiéter. Leur objet premier est de limiter et non d'étendre le monopole. L'inventeur renonce à ce qu'il omet de revendiquer. Bien sûr, il faut lire les revendications à la lumière de l'ensemble du document et non pas comme s'il s'agissait d'un document distinct; toutefois, on doit être capable de trouver dans le texte des revendications, sans avoir à chercher ailleurs, la délimitation du champ du monopole revendiqué. Selon moi, on ne peut, en s'autorisant de parties du mémoire descriptif qui précèdent les revendications, modifier le sens d'une revendication qui porte manifestement sur un certain objet pour en faire une revendication portant sur un objet autre et différent; or, c'est justement ce qu'on fait lorsqu'on déplace les lignes de démarcation du champ du monopole. Même s'il décrit une invention dans le cadre du mémoire descriptif, le breveté n'obtient aucun monopole s'il ne reven- dique pas l'objet de l'invention dans les revendications. Comme l'a déclaré Lord Cairns, on ne peut contrevenir à l'esprit d'un brevet (Dudgeon c. Thomson, L.R. 3 App. Cas. 34).
Enfin, il existe un jugement qui, selon moi, tranche une question parfaitement identique à la question soulevée en l'espèce par le fait de mentionner dans les revendications «... un pro- duit émulsionné ...» et «une émulsion aqueuse stable ...», alors qu'un certain nombre de ces produits ne conviennent pas à la réalisation de l'invention. Je veux parler de l'arrêt Norton and Gregory Ld. c. Jacobs (1937) 54 R.P.C. 271, la revendication était rédigée de la façon sui- vante la page 276]:
[TRADUCTION] I. Un procédé de fabrication de papiers diazo par exposition sous un original transparent d'une couche sensible contenant un composé diazoïque décompo- sable par la lumière qui est ensuite développée, la photogra- phie ainsi produite contenant un agent réducteur. [C'est moi qui souligne.]
Dans cette affaire, un certain nombre d'agents réducteurs ne convenaient pas à la réalisation de l'invention; Lord Greene a déclaré à ce sujet, aux page 276 et 277:
[TRADUCTION] Si on lit la revendication 1 en faisant abstraction du reste du mémoire descriptif et si on donne aux mots employés leur sens ordinaire, il semble bien que n'importe quel agent réducteur conviendrait. Il n'est fait mention dans la revendication d'aucune caractéristique par- ticulière que devrait posséder l'agent réducteur utilisable, non plus que d'aucun effet précis qu'il devrait produire. Si l'on s'en tenait à cela, la revendication serait indubitable- ment invalide. Mais on soutient (et c'est la partie essen- tielle de l'argumentation des appelantes) qu'il faut interpré- ter le texte de la revendication de façon à exclure tous les agents réducteurs qu'un chimiste d'une compétence normale saurait être impropres à produire l'effet recherché, même ceux relativement auxquels il lui faudrait faire une expé- rience pour s'en assurer. Nous ne pouvons accepter cet argument. C'est une chose de dire qu'un chimiste expéri- menté voulant se servir du procédé faisant l'objet de l'inven- tion saurait que certains agents conducteurs ne seraient pas utilisables; ce n'est pas du tout la même chose de dire qu'il faut interpréter les dispositions d'une revendication de manière à exclure du champ d'application de celle-ci les agents réducteurs qu'un chimiste expérimenté n'utiliserait pas. Ce serait non pas interpréter le mémoire descriptif, mais le modifier, et, à notre avis, ce serait nous leurrer que d'en décider autrement. Le breveté doit formuler sa revendi- cation de façon à délimiter avec clarté le champ de son monopole; la revendication est la partie essentielle du mémoire descriptif, le breveté cherche à atteindre ce but, et il est très important d'en tenir compte dans l'interpréta- tion de ce texte. On ne peut rogner la portée d'une revendi- cation rédigée de façon claire en lui prêtant des sens et des restrictions tirés du corps du mémoire descriptif, dont le rôle est essentiellement différent de celui de la revendication. Il faut interpréter chaque partie du document en fonction du rôle qui lui est propre. De même, nous sommes d'avis qu'on ne peut rogner la portée du texte clair de la revendication—
les mots ont été choisis, il faut le supposer, en fonction du rôle précis de la revendication—en prêtant à ce texte des sens et des restrictions tirés du fait qu'un chimiste expéri- menté ne s'aventurerait pas dans certaines parties de ce qui, au sens ordinaire des mots utilisés dans la revendication, constitue le champ de l'invention. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas tenir compte du fait que la revendication, tout comme le corps du mémoire descriptif, s'adresse à l'homme de l'art et doit être interprétée en conséquence. L'argument de l'avocat, en l'espèce, va toutefois bien plus loin; sous prétexte d'interpréter la revendication, on cherche en fait à la modifier?
L'avocat des intimées a renvoyé à des arrêts tels que Metalliflex Limited c. Rodi & Wienen- berger Aktiengesellschaft [1961] R.C.S. 117 et Henriksen c. Talion Ltd. (1965) R.P.C. 434. Aucun de ces deux arrêts ne constitue une déro- gation à la règle de base selon laquelle toute restriction importante doit figurer dans les revendications; on n'y donne nulle part à enten- dre qu'il est possible de considérer comme fai- sant partie de la revendication des restrictions figurant dans la divulgation, lorsque la revendi- cation elle-même n'en fait aucunement état. Dans l'arrêt Metalliflex, on a jugé que la règle ne s'appliquait pas en l'espèce parce qu'on n'avait pas omis d'inclure dans la revendication toutes les caractéristiques essentielles de l'invention. Dans l'arrêt Henriksen, le litige portait sur la signification des mots employés dans la revendication.
Pour bien comprendre la portée de cette règle, il faut se rappeler qu'elle n'est en aucune façon incompatible avec la règle qui permet de se servir de la divulgation comme d'un dictionnaire donnant le sens des mots employés dans les revendications, non plus qu'avec la règle qui veut que l'on interprète les revendications en tenant compte de l'état de l'art à l'époque de l'invention ainsi que de ce qui a été révélé par le reste du mémoire descriptif. Tout cela ne change cependant rien à la règle fondamentale voulant que la revendication soit rédigée de façon à en restreindre la portée à l'objet de l'invention.'
Les intimées soutiennent enfin qu'aux termes de la revendication 17, notamment, le com- posé doit être à base d'une émulsion convenable produite par certaines substances réunies dans des proportions appropriées. Elles fondent cette prétention sur le fait que ce qui est revendiqué
est «une crème pour électrocardiographes, à utiliser avec les électrodes de contact avec la peau, qui soit compatible avec une peau nor- male». Il va de soi, ajoutent-elles, que les pro- duits utilisés sont ceux qui conviennent à la fabrication d'un tel composé.
Pour comprendre pourquoi on ne peut accep- ter ce dernier argument, même s'il était possible de conclure à la nécessité d'un tel choix malgré l'absence de toute indication en ce sens dans la divulgation, je renvoie à l'ensemble de la reven- dication, dont voici le texte:
[TRADUCTION] 17. Une crème pour électrocardiographes, à utiliser avec les électrodes de contact avec la peau, qui soit compatible avec une peau normale, comprenant une émul- sion aqueuse stable, anionique, cationique ou non ionique, et contenant suffisamment de sel très ionisable pour assurer une bonne conductibilité électrique.
Si je donne à cette revendication le seul sens qu'il soit possible de lui donner, l'inventeur y prétend avoir inventé un produit qui est une invention en raison de son caractère nouveau et utile dans la prise des électrocardiogrammes, que cette crème est destinée à être utilisée avec les électrodes de contact avec la peau et qu'elle est compatible avec une peau normale; il ressort en outre de la revendication que le produit visé est celui qui est défini par tous les mots suivant le mot «comprenant». Ce dernier mot sépare la partie de la revendication qui a pour objet le «bornage» du monopole de celle qui explique l'usage du produit inventé. Si l'on considère que les affirmations constituant la première partie de la revendication limitent la portée de l'inven- tion décrite, le public peut, de cette façon, être complètement privé de la protection à laquelle il a droit en vertu de l'article 36(2). Selon moi, l'objet de l'article 36(2) est de contraindre l'in- venteur à préciser lui-même la portée de son invention; si, d'une part, il ne serait pas très sage de la part des tribunaux de supprimer un texte susceptible de faire comprendre la nature de l'invention, il reste d'autre part que, pour définir un produit utile à certaines fins, il ne s'agit pas d'en définir les éléments en les ratta- chant à des catégories plus vastes, englobant un grand nombre d'autres éléments susceptibles d'entrer dans un produit utile à ces mêmes fins. J'ai essayé sans succès de trouver un arrêt l'on aurait jugé que les restrictions nécessaires relatives aux éléments de l'invention pouvaient
se déduire de la partie de la revendication trai- tant des usages du produit inventé. Au con- traire, les arrêts Minerals Separation et Norton et Gregory sont des exemples d'affaires dont l'issue aurait été tout à fait différente si c'était un usage acceptable de cette partie d'une revendication.
J'estime qu'il y a lieu d'accueillir l'appel, avec les dépens encourus aussi bien devant la Divi sion d'appel que devant la Division de première instance, d'annuler les jugements dont on a fait appel, de rejeter l'action en contrefaçon du brevet et de faire droit à la demande reconven- tionnelle en déclarant invalides les revendica- tions 3, 4, 5, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 21 et 22 du brevet 734,862.
* * *
LE JUGE THuRLow—Les principaux faits, et notamment le texte intégral de la partie du mémoire descriptif du brevet en cause consti- tuant la divulgation, apparaissent aux motifs du juge en chef, que j'ai eu l'occasion de lire; je n'ai donc pas à les énoncer à nouveau. Je désire toutefois souligner qu'à mon avis ce qui, aux termes de la divulgation, constitue l'objet de l'invention, n'est pas un moyen d'assurer une conductibilité électrique plus grande ou plus efficace. Il m'a paru, à la lecture des documents versés au dossier, que les pâtes et les gelées en usage avant la mise sur le marché de la crème dont il est question en l'espèce conduisaient l'électricité aussi bien et peut-être mieux que cette crème. La contribution de l'inventeur au progrès de la science m'apparaît plutôt consister dans l'invention d'une crème susceptible de con- duire l'électricité de façon satisfaisante, quoique peut-être pas aussi efficace que les pâtes et gelées, mais préférable à celles-ci parce qu'elle élimine d'une part la nécessité d'employer de la ponce ou du grès pour enlever par frottement la couche superficielle de l'épiderme du patient afin d'améliorer le contact entre l'électrode et la peau, et d'autre part la nécessité de nettoyer les régions du corps concernées après usage. Les objets pertinents de l'invention énumérés dans la divulgation, c'est-à-dire ce que le produit inventé est censé accomplir, consistent à fournir un composé qui
a) est facile à appliquer et susceptible d'être enlevé sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage;
b) en plus de nettoyer la peau, assure une conductibilité élevée entre la peau et les élec- trodes; et
c) appliqué sur le corps du patient, est com patible avec une peau normale, diminuant ainsi les risques de dermatite locale.
Je souscris à l'interprétation qu'a donnée le juge en chef des revendications du brevet ainsi qu'aux motifs qu'il a invoqués à l'appui. C'est bien là, me semble-t-il, la méthode correcte d'in- terprétation des revendications d'un brevet; on aboutirait à des résultats pour le moins saugre- nus s'il fallait admettre que soit revendiquée, par exemple, «une plume qui écrit, comprenant etc.», et laisser dire par la suite que la revendi- cation est valide au motif qu'elle ne vise absolu- ment pas les plumes qui n'écrivent pas. Ce principe me semble ressortir implicitement du passage suivant du jugement de Lord Reid dans l'arrêt Henriksen c. Talion Ltd. (1965) R.P.C. 434 à la page 441, à la ligne 26:
[TRADUCTION] Il me faut maintenant analyser et interpré- ter la revendication 1; en effet, aussi bien dans les cas le litige porte sur la validité du brevet que dans ceux une partie allègue contrefaçon, il est bien établi qu'il faut en premier lieu interpréter la revendication. Celle-ci s'adresse à l'homme de l'art qui connaît bien l'état antérieur de la technique; c'est pourquoi la Cour doit être informée de toutes les données pertinentes et doit en tenir compte en interprétant la revendication.
La revendication porte sur un stylo à bille. L'un des arguments de la demanderesse consiste à dire que ces mots désignent notamment un instrument servant à écrire qu'il ne faut pas placer sens dessus dessous, car l'encre s'en échap- perait. Je ne crois pas cet argument valable. Les stylos à bille étaient d'usage courant et rien n'indique qu'un instru ment aussi étrange ait jamais été fabriqué. Sauf le cas des termes techniques, il faut donner' aux mots leur sens ordi- naire; or il me paraît que le mot «stylo» désigne manifeste- ment ici un stylo au sens ordinaire de ce mot, c'est-à-dire un stylo qu'on peut au moins poser à plat lorsqu'on ne s'en sert pas. Le litige ne porte ni sur la bille, ni sur le réservoir tubulaire ni sur l'évent. C'est uniquement la dernière partie de la revendication qui suscite la difficulté.
Le breveté déclare donc à Sa Majesté pour obtenir le brevet, et à l'homme de l'art une fois le brevet délivré, que si ce dernier suit les directives du breveté, il arrivera à fabri- quer un instrument utile (pour être utile, il faudra à tout le moins que l'instrument fonctionne). Dans une assez large mesure, le breveté peut laisser à l'homme de l'art le soin de choisir, au sein de la catégorie de substances qu'il aura
précisée, celles qui conviendront, dès lors qu'il indique clairement qu'il lui laisse le choix des substances. Dans la présente affaire, on ne conteste pas le droit du breveté de laisser à l'homme de l'art le soin de choisir parmi les substances de la catégorie ou des catégories précisées celle qui a) ne se mélangeront pas à l'encre et b) serviront de régulateur qui (i) descendra à mesure que baissera le niveau de l'encre dans le stylo (ii) empêchera l'air d'entrer en contact avec la surface de l'encre. La question est de savoir quelle(s) catégorie(s) de substances le breveté a précisée(s). Le mémoire descriptif porte qu'il faut placer entre l'encre et l'air «un liquide ou un corps visqueux ou de nature pâteuse».
Si l'on se demande quelle catégorie de sub stances l'inventeur a mentionnée dans les présen- tes revendications, il me semble que les seules précisions données à ce sujet sont, dans la revendication 3, les mots «un composé aqueux d'un produit émulsionné de type non ionique» et, dans la revendication 17, les mots «une émulsion aqueuse stable qui est anio- nique, cationique ou non ionique». Dans un cas comme dans l'autre, la revendication ne men- tionne aucune qualité particulière ou aucun résultat particulier susceptibles de préciser la nature de cette substance. (Voir les motifs du maître des rôles Lord Greene, dans l'arrêt Norton c. Gregory (1937) 54 R.P.C. 271, à la page 276, ligne 26.) On ne précise notamment pas qu'il doit s'agir de substances faciles à appli- quer et susceptibles d'être enlevées sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage, et qui ont pour effet de nettoyer la peau. Il faut donc en conclure, me semble-t-il, que l'inventeur a voulu désigner toutes les émulsions correspondant au sens des mots employés.
Il faut ensuite se demander si, d'après les faits présentés, on a établi l'existence, parmi les émulsions visées par les revendications, selon l'interprétation qu'on a donnée de celles-ci, de certaines émulsions impropres à cette utilisa tion.
Sur cette question, je souscris également à l'opinion du juge en chef selon laquelle le témoi- gnage de Shansky, le témoin expert cité par les intimées, montre qu'il existe des solutions aqueuses de produits émulsionnés de type non ionique et des émulsions aqueuses, stables et non ioniques, qui sont impropres à cette utilisa tion, et qu'il faut choisir, au nombre des sub stances mentionnées dans les revendications3 et
17, celles qui sont susceptibles de produire les effets désirables que l'on attribue à l'invention. Les mots employés dans les revendications, en l'absence de toute restriction implicite, sont tou- tefois assez larges pour englober toutes les substances de ce genre, même celles qui sont impropres à cette utilisation. Or, si j'ai bien compris, on a reconnu au cours des plaidoiries que si la portée des revendications, interprétées dans le sens que j'ai indiqué, s'étend aussi à des substances impropres à cette utilisation, les revendications sont invalides. Sur cette ques tion, les intimées ont fait valoir que si l'on interprète correctement les revendications, les substances impropres à cette utilisation sont automatiquement exclues du nombre de celles que désignent les revendications, car l'homme de l'art, en fonction de qui est rédigé le mémoire descriptif, saura quelle substance retenir et quelle autre rejeter. Cette analyse me semble toutefois avoir été écartée, du moins en ce qui concerne la façon d'interpréter la partie du mémoire descriptif qui expose les revendica- tions, par le jugement du Conseil privé dans l'affaire Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines (1952) 69 R.P.C. 81 à la page 95; 12 Fox P.C. 123 à la page 137, Lord Reid a déclaré:
[TRADUCTION] Un autre motif d'exclusion des xanthates de cellulose a été proposé au cours de la présente affaire. On a prétendu que, pour diverses raisons d'ordre pratique, un homme de l'art ne tenterait jamais de se servir de ces xanthates pour faire flotter une mousse et que, par consé- quent, on n'avait pas à en tenir compte. Dans sa plaidoirie devant leurs Seigneuries, toutefois, l'avocat des défenderes- ses a renoncé à faire valoir cet argument. Il est bien établi que, lorsque la portée d'une revendication s'étend à une méthode non susceptible d'application, cette revendication ne peut être déclarée valide du seul fait qu'on réussit à prouver qu'un homme de l'art ne chercherait jamais à utili- ser cette méthode.
Je suis donc d'avis qu'au nombre des revendi- cations en cause se trouvent des revendications visant l'emploi de substances impropres à cette utilisation et que, pour ce motif, elles sont invalides.
Je trancherais donc la question dans le même sens que l'a fait le juge en chef.
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY—Appel est interjeté d'un jugement du juge en chef adjoint
concluant à la contrefaçon par les défenderesses du brevet 734862 redélivré aux demanderes- ses et rejetant la demande reconventionnelle présentée par les défenderesses pour faire déclarer ce brevet invalide.
Les principes applicables en matière de vali- dité et de contrefaçon de brevets sont énoncés dans l'ouvrage de Fox sur les brevets, 4e édition, aux pages 204 et suivantes, dont voici un extrait:
[TRADUCTION] (1) Pour savoir si le mémoire descriptif donne assez de précisions, il faut se demander si, en suivant les directives qui y sont données, les personnes à qui s'adresse ce mémoire seraient en mesure de reconsti- tuer la chose inventée.
(2) Le mémoire descriptif doit s'interpréter comme un tout.
(3) Le mémoire descriptif s'interprète selon l'état de l'art ou de la technique à la date du brevet.
(4) L'interprétation n'a pas pour objet de démontrer la validité ou l'invalidité du brevet; toutefois, si la rédaction en est ambiguë, la cour doit chercher à l'interpréter dans un sens favorable à sa validité.
(5) Les mots employés dans le mémoire descriptif doivent s'interpréter selon leur sens ordinaire et courant, sauf les mots techniques, auxquels il faut donner le sens que leur attribuent les spécialistes du domaine technique dont relève l'invention.
Pour savoir si un mémoire descriptif donne assez de précisions, il faut se demander si les personnes à qui il s'adresse, lisant ce mémoire en fonction de l'état de l'art à l'époque et avec l'intention d'en comprendre le sens, par- viendraient nécessairement à reconstituer l'invention et seraient en mesure d'en tirer efficacement parti. Les person- nes à qui s'adresse la revendication sont les «praticiens ordinaires», ayant une compétence normale dans le domaine technique dont relève l'invention et possédant les connais- sances normales dans le métier en question. Pour bien interpréter le brevet, il faut se demander quel sens aurait donné à la divulgation et aux revendications un praticien compétent qui aurait lu le mémoire descriptif le jour de sa rédaction.
Il appartient au tribunal, à qui l'on a fourni les données nécessaires, de se substituer à l'homme de l'art. Le sens du mémoire descriptif doit être dégagé des éléments qu'il renferme.
Pour l'application de cette règle, l'expression «mémoire descriptif» désigne non seulement le texte descriptif, mais aussi les revendications et les dessins; il faut tenir compte de tous ces éléments pour déterminer en quoi consiste l'invention et si cet objet a été correctement décrit et revendiqué. Il faut d'abord lire le corps du mémoire descrip- tif, car, quoi que disent les revendications du breveté, il faut les interpréter dans le contexte de ce qu'a décrit le breveté.
L'introduction énonçant la nature de l'invention et le mémoire descriptif s'interprètent l'un en regard de l'autre. Il faut cependant la distinguer de la description proprement dite. Comme l'intitulé a toujours fait partie intégrante du mémoire descriptif, il doit être interprété dans le contexte du mémoire; il peut contribuer à préciser le domaine dans lequel il faut examiner l'état de l'art.
Si une partie du mémoire descriptif corrige ce qui est manifestement une erreur dans une autre partie, la correc tion devra être interprétée en ce sens et l'erreur n'invalidera pas le mémoire.
Le fond de la question peut donc être formulé ainsi: Quel est le véritable sens du mémoire descriptif, tel qu'il est rédigé?
Pour interpréter le mémoire descriptif, la cour doit donc arbitrer de façon juste et impartiale entre les intérêts du breveté et ceux du public. L'interprétation doit être raison- nable, équitable, logique, et conforme au principe selon lequel tout document écrit doit être interprété en fonction de l'intention véritable de son auteur. Ni le breveté ni le pré- tendu contrefacteur ne doivent bénéficier d'une présomption favorable; la cour cherchera toutefois à établir la validité d'un brevet s'il est possible de le faire sans contrevenir à l'équité ni à la justice et sans faire violence au texte, car il est raisonnable de présumer qu'un breveté ne formulerait pas de réclamations susceptibles d'invalider son brevet.
Il faut néanmoins que le principe de l'interprétation équita- ble soit appliqué de façon à donner effet à l'intention exprimée ou clairement implicite de l'inventeur, telle que la comprendrait la personne à qui le brevet est censé s'adres- ser. La jurisprudence des plus hautes instances pose en principe général d'interprétation qu'il faut rejeter une inter- prétation dont les conséquences sont absurdes.
Le cas échéant, il faut donner le bénéfice du doute au breveté. C'est ainsi que si le texte est rédigé de façon ambiguë et qu'aucune interprétation ne laisse aucun doute quant à son sens, la cour doit s'efforcer de dégager l'inten- tion véritable du breveté et de donner au brevet une inter- prétation favorable à sa validité plutôt qu'à son invalidité, si toutefois l'équité et le bon sens lui permettent de retenir cette interprétation. Ce n'est pas de subtilité intellectuelle dont il faut faire preuve en interprétant le brevet, mais bien d'un désir de reconnaître, en se conformant aux préceptes du droit, la validité d'une invention vraiment utile, si une interprétation raisonnable du brevet permet de le faire.
Les demanderesses prétendent que les défen- deresses, en vendant au Canada une crème pour électrocardiographes connue sous le nom de «crème Sanborn Redux», ont contrefait le brevet 734862, redélivré aux demanderesses.
Voici les passages du mémoire descriptif et les revendications du brevet des demanderesses qui sont pertinents au litige:
[TRADUCTION] La présente invention porte sur des compo- sés conducteurs d'électricité et particulièrement sur un nou- veau composé amélioré destiné à être utilisé avec des élec- trodes en cardiographie.
Les différentes parties de la surface du corps présentent des résistances différentes au passage du courant électrique. Certaines peaux sont sèches et épaisses tandis que d'autres sont moites et minces, et d'autres huileuses. De plus, la pilosité de la peau varie énormément. Toutes ces caractéris- tiques cutanées influent sur le passage du courant électrique du corps du patient à l'électrode de l'électrocardiographe ou de l'électroencéphalographe, donnant ainsi lieu à des tracés irréguliers.
Un des buts de la présente invention est de fournir un composé conducteur d'électricité facile à appliquer et sus ceptible d'être enlevé sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage.
Un autre but de l'invention est de fournir un composé qui, en plus de nettoyer la peau, assure une conductibilité élevée entre la peau et les électrodes de l'électrocardiographe.
Un autre but de l'invention est de fournir un composé qui, appliqué sur le corps du patient, soit compatible avec une peau normale, diminuant ainsi les risques de dermatite locale.
Un autre but de la présente invention est de fournir un composé dans lequel la prolifération des bactéries, des moi- sissures ou des levures puisse être inhibée.
Une des caractéristiques de la présente invention est de fournir un composé aqueux à base de produit émulsionné de type anionique, cationique ou non ionique.
Une autre caractéristique de l'invention est l'addition à cette base d'un sel susceptible d'agir comme conducteur d'électricité entre une électrode et le corps du patient.
Une autre caractéristique possible de l'invention est l'em- ploi d'une solution-tampon dans le composé de manière à assurer un degré d'acidité correspondant à peu près à l'aci- dité cutanée du corps.
Enfin, il est loisible d'ajouter des inhibiteurs empêchant la prolifération des bactéries, des moisissures ou des levures, quoique ces inhibiteurs ne soient pas nécessaires si le com- posé est conditionné dans un récipient distributeur sous pression du type couramment appelé «aérosol».
Les buts susmentionnés, les autres buts et les caractéristi- ques nouvelles de l'invention ressortiront à la lecture du mémoire descriptif qui suit.
La base du composé qui constitue la présente invention comprend un composé aqueux d'un produit émulsionné, c'est-à-dire une émulsion qui peut être de type anionique, cationique ou non ionique. Il peut s'agir de l'un des produits non ioniques suivants: les acides gras polyglycols, les «Spans» 2 et les «Tweens» 2 , le monostéarate de glycérile, ou tout autre produit de ce genre.
La conductibilité souhaitée du composé peut être obtenue en utilisant un sel susceptible d'agir comme conducteur d'électricité de l'électrode au corps du patient, comme par exemple:
le chlorure de sodium 1 - 10%
le chlorure de potassium 1 - 10%
le sulfate de sodium 1 - 10%
ou tout autre sel très ionisable à des concentrations permet- tant d'atteindre une conductibilité convenable.
Même si l'émulsion, constituée d'un composé aqueux d'un produit émulsionné et d'un sel très ionisable, peut être employée seule, l'on désire obtenir un composé dont le pH correspond à peu près à l'acidité cutanée du corps, on peut choisir parmi un certain nombre de solutions-tampon, notamment les solutions-tampon au citrate de sodium, à l'acide citrique ou au phosphate. Il faut utiliser une quantité appropriée de solution-tampon, de manière à obtenir un pH compris à peu près entre 4 et 8.
Si le composé est conditionné dans des récipients le produit est exposé à l'atmosphère en cours d'utilisation, des mesures destinées à empêcher la prolifération des bactéries, des moisissures ou des levures s'imposeront peut-être. On pourra utiliser à cette fin des produits tels que les esters de l'acide p-hydroxybenzoïque ou autres inhibiteurs appropriés. Toutefois, l'utilisation des inhibiteurs susdits peut ne pas être nécessaire si l'émulsion est conditionnée dans un réci- pient distributeur sous pression du type appelé «aérosol».
Voici quelques exemples d'émulsions stables s'appli- quent les principes de la présente invention:
Émulsions de type non ionique Pourcentage
Mélange non ionique de dérivés époxydiques
de la lanoline, les dérivés étant constitués
d'alcools gras à chaîne longue 6.0
Alcool cétylique 2.0
Chlorure de sodium 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Glycérine 5.0
Solution-tampon de pH 5' 81.9
Émulsions de type cationique Pourcentage
Méthylène bis-stéarmide 10.0
Stéarylpolyoxyéthylamine 1 .7
Acide acétique glacial 0.3
Chlorure de sodium 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Glycérine 5.0
Solution-tampon de pH 5' 77.9
Émulsions de type anionique Pourcentage
Laurylsulfate de sodium 1.0
Monostéarate de glycérile (exempt de savon) 1 1.0
Alcool cétylique 1 .0
Chlorure de sodium 5.0
Glycérine 5.0
Nitrite de sodium 0.1
Eau distillée ou déminéralisée 76.9
Les composés susmentionnés, qui étaient de consistance crémeuse, ont été conditionnés en contenants de six onces renfermant 142 grammes chacun de produit puis portés à une pression interne de 90 lbs/po 2 avec de l'azote.
Même si les diverses caractéristiques du nouveau com- posé conducteur d'électricité amélioré ont été décrites en détail de manière à révéler pleinement plusieurs principes de
l'invention, il est évident qu'on peut apporter de nombreux changements aux aspects non essentiels de l'invention et que le produit peut ne comporter que certaines caractéristi- ques de l'invention sans que cela aille à l'encontre des principes de celle-ci.
' Voir T.C. Macllvaine, J. Biol. Chem. 49, 183 (1921) et C.J. Schollenberger, The Chemist-Analyist, 19, 3, 8 (1930).
2 «Spart» est la marque déposée de l'Atlas Chemical Industries, Inc. pour une série d'agents tensio-actifs non ioniques constitués d'acides gras à longue chaîne partielle- ment estérifiés par des anhydrides d'hexitol, incluant les sorbitans, les sorbides, les mannitans et les mannides.
2 «Tween» est la marque déposée de l'Atlas Chemical Industries, Inc. pour une série d'agents tensio-actifs non ioniques constitués de dérivés de type polyoxyalkylène d'acide gras à chaîne longue partiellement estérifiés par l'anhydride d'hexitol.
3. Le mode de fabrication d'un composé conducteur d'électricité servant à la prise d'électrocardiogrammes, d'électroencéphalogrammes et à d'autres examens sembla- bles, comprenant la mise au point d'une solution aqueuse d'un produit émulsionné de type non ionique; le réglage de la conductibilité électrique de cette solution par l'ajout d'un sel très ionisable; et l'addition d'une solution-tampon pour assurer un pH se maintenant, en gros, entre 4 et 8.
4. La méthode revendiquée aux revendications nos 1, 2 ou 3, le sel constituant de 1% à 10% environ du composé.
5. La méthode revendiquée aux revendications nO5 1, 2 ou 3, le sel étant choisi dans le groupe comprenant le chlo- rure de sodium, le chlorure de potassium et le sulfate de sodium et constituant de 1% à 10% environ du composé.
11. Le mode de fabrication d'un composé conducteur d'électricité servant à la prise d'électrocardiogrammes, d'électroencéphalogrammes et à d'autres examens sembla- bles, comprenant la mise au point d'une solution aqueuse d'un produit émulsionné de type non ionique et le réglage de la conductibilité électrique de cette solution par l'ajout d'un sel très ionisable.
12. La méthode revendiquée aux revendications n" 9, 10 ou 11, le sel constituant de 1% à 10% environ du' composé.
13. La méthode revendiquée aux revendications nos 9, 10 ou 11, le sel étant choisi dans le groupe comprenant le chlorure de sodium, le chlorure de potassium et le sulfate de sodium et constituant de 1% à 10% environ du composé.
17. Une crème pour électrocardiographes, à utiliser avec les électrodes de contact avec la peau, qui soit compatible avec une peau normale, comprenant une émulsion aqueuse stable, anionique, cationique ou non ionique, et contenant suffisamment de sel très ionisable pour assurer une bonne conductibilité électrique.
18. Une crème pour électrocardiographes, semblable à celle de la revendication 17, le sel constituant de 1% à 10% environ de l'ensemble du composé.
19. Une crème pour électrocardiographes, semblable à celle de la revendication 18, dont le pH est entre 4 et 8 environ.
21. Une crème pour électrocardiographes, semblable à celle de la revendication 19, dont le sel est choisi dans le groupe comprenant le chlorure de sodium, le chlorure de potassium et le sulfate de sodium.
22. Une crème pour électrocardiographes, semblable à celle de la revendication 17, l'émulsion est de type non ionique.
Si on lit le mémoire descriptif et les revendi- cations en regard les uns des autres, il me paraît ressortir que les revendications contestées por tent uniquement sur un composé conducteur d'électricité
1. susceptible d'être utilisé pour la prise d'électrocardiogrammes et d'électroencépha- logrammes;
2. consistant en une émulsion aqueuse à base d'une substance anionique, cationique ou non ionique, à laquelle on ajoute un sel très ionisa- ble dans une proportion de 1% à 10% du produit et, dans le cas de certaines des reven- dications, à laquelle on ajoute une solution- tampon qui donne un pH de 4 à 8 environ, et, dans le cas de certaines revendications, à laquelle on ajoute des inhibiteurs tels que les esters de l'acide p-hydroxybenzoïque pour empêcher la prolifération des bactéries, des moisissures ou des levures;
3. constitué de celles, parmi les substances entrant dans la catégorie générale décrite par l'inventeur, qui sont compatibles avec une peau humaine normale en même temps que faciles à appliquer et susceptibles d'être enle- vées sans qu'il faille procéder par la suite à un nettoyage.
Je suis d'avis que ces restrictions quant à l'emploi de la chose inventée et quant aux sub stances susceptibles d'être utilisées, constituent une réponse satisfaisante à l'objection soulevée par les appelantes, selon laquelle certaines des substances faisant partie des catégories énumé- rées dans le brevet seraient dangereuses si on les employait sur la peau humaine. Le brevet ne prétend pas que l'on puisse utiliser indifférem- ment n'importe quelle émulsion ou n'importe quel sel très ionisable.
Venons-en maintenant à la prétention selon laquelle l'expression «sel très ionisable» est
ambiguë. Je ne crois pas que ce soit le cas. L'expert des demanderesses, le Dr Shansky, a donné une définition de cette expression; et même si on a reconnu l'existence de sels dont le classement sous cette définition ne ferait pas l'unanimité des experts, ce qui constitue une question de fait, cela ne change rien au fait que beaucoup de sels correspondent à cette défini- tion et que seuls ces sels étaient visés par le brevet.
Le Murray's English Dictionary définit le mot compatible de la façon suivante:
[TRADUCTION] Qui se tolèrent l'un l'autre; susceptibles d'être admis en même temps ou de coexister dans un même sujet; concordant, cohérent, conforme, congru; .. . qui peuvent exister ensemble ou s'entendre; ... s'ils ne s'excluent pas mutuellement ... .
Le dictionnaire Webster donne pour sa part la définition suivante du mot compatible:
[TRADUCTION] ... susceptibles de coexister harmonieuse- ment; qui se conviennent, qui s'agréent mutuellement; .. .
(employé comme adverbe)
... de façon compatible, convenable, comme il faut .. .
Le Murray's English Dictionary définit de la façon suivante le mot emulsion (domaine de la pharmacie):
[TRADUCTION] Un liquide laiteux constitué d'eau tenant en suspension de minuscules parcelles d'huile ou de résine à l'aide d'une substance albumineuse ou visqueuse.
Dans l'affaire Henriksen c. Talion Ltd. (1965) R.P.C. 434, il a été décidé que le brevet était valide, la revendication en cause était rédigée de la façon suivante:
[TRADUCTION] 1. Un stylo à bille, comprenant un réser- voir d'encre muni à l'une de ses extrémités d'un méca- nisme à bille et à l'autre extrémité d'un évent. Dans ce réservoir, entre la colonne d'encre et l'évent, se trouve un liquide ou un corps visqueux ou pâteux qui ne se mélange pas à l'encre et forme un obturateur qui, restant à la surface de la colonne d'encre, en suit les mouvements et empêche l'air d'entrer en contact avec la surface de l'encre.
Les substances désignées sous la catégorie générale «liquide ou corps visqueux ou pâteux» se restreignent à celles formant un obturateur qui ne se mélange pas à l'encre et qui, «à mesure que la colonne d'encre baissera, suivra
le mouvement de celle-ci et empêchera l'air d'entrer en contact avec la surface de l'encre».
Dans la présente affaire, compte tenu à la fois du mémoire descriptif et des revendications, il me semble manifeste que les seules substances utilisables sont celles qui, tout en relevant de cette catégorie générale, sont en même temps compatibles avec une peau humaine normale, faciles à appliquer et susceptibles d'être enle- vées sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage.
A la page 441 de l'arrêt Henriksen, Lord Reid a déclaré:
[TRADUCTION] Le breveté déclare donc à Sa Majesté pour obtenir le brevet, et à l'homme de l'art une fois le brevet délivré, que si ce dernier suit les directives du breveté, il arrivera à fabriquer un instrument utile (pour être utile, il faudra à tout le moins que l'instrument fonctionne). Dans une assez large mesure, le breveté peut laisser à l'homme de l'art le soin de choisir, au sein de la catégorie de substances qu'il aura précisée, celles qui conviendront, dès lors qu'il indique clairement qu'il lui laisse le choix des substances. Dans la présente affaire, on ne conteste pas le droit du breveté de laisser à l'homme de l'art le soin de choisir parmi les substances de la catégorie ou des catégories précisées celles qui a) ne se mélangeront pas à l'encre et b) serviront de régulateur qui (i) descendra à mesure que baissera le niveau de l'encre dans le stylo et (ii) empêchera l'air d'entrer en contact avec la surface de l'encre. La question est de savoir quelle(s) catégorie(s) de substances le breveté a préci- sée(s). Le mémoire descriptif porte qu'il faut placer entre l'encre et l'air «un liquide ou un corps visqueux ou de nature pâteuse».
. aussi bien dans les cas le litige porte sur la validité du brevet que dans ceux une partie allègue contrefaçon, il est bien établi qu'il faut en premier lieu interpréter la reven- dication. Celle-ci s'adresse à l'homme de l'art, qui connaît bien l'état antérieur de la technique; c'est pourquoi la cour doit être informée de toutes les données pertinentes et doit en tenir compte en interprétant la revendication.
A la page 442, Lord Reid a renvoyé au pas sage suivant de l'arrêt Norton & Gregory Ld. c. Jacobs (1937) 54 R.P.C. 271 (où l'on a décidé que le brevet était invalide):
[TRADUCTION] La décision ne me semble pas constituer un précédent. Dans le brevet, on disait clairement à l'homme de l'art, c'est-à-dire au chimiste compétent, qu'il pouvait se servir d'un agent réducteur. Or, certains agents réduc- teurs étaient de nature à produire le résultat recherché, mais d'autres ne l'étaient pas; au nombre de ces derniers, il s'en trouvait qui étaient expressément recommandés dans le corps du mémoire descriptif. Il était impossible de donner à la revendication une interprétation selon laquelle
elle aurait laissé à l'homme de l'art le choix d'un agent réducteur convenable, et je n'ai pas à me demander s'il aurait été possible de rédiger la revendication de façon qu'elle soit valide. On a donc décidé que si, aux termes d'une revendication, on doit pouvoir employer n'importe quel agent réducteur et qu'il se révèle que certains ne sont pas utilisables à cette fin, la revendication ne peut être déclarée valide du seul fait que l'homme de l'art saurait quel agent serait utilisable et éviterait d'employer les autres.
Je n'ai pas l'intention de renvoyer, sur cet aspect de l'appel, aux nombreux autres arrêts cités par les avocats et à ceux mentionnés dans l'ouvrage de Fox sur les brevets, car j'estime que les parties ne contestent pas les principes de droit applicables et que nous devons fonder notre décision sur l'application de ces principes aux faits de l'espèce tels qu'établis par le savant juge de première instance et sur l'interprétation du texte du mémoire descriptif et des revendica- tions du brevet 734862.
En l'espèce, les brevetés, dans leur mémoire descriptif et leurs revendications, n'affirment pas que tout sel très ionisable ou toute émulsion aqueuse convient à l'emploi qu'on veut faire du produit. Ils précisent, ou du moins laissent clai- rement entendre, que l'homme de l'art devra choisir, à l'intérieur de catégories générales, les substances qui conviendront aux fins de l'inven- tion et à l'usage qu'on veut faire du produit en question, ce qui restreint le choix aux seules substances des catégories énumérées qui sont compatibles avec la peau humaine, faciles à appliquer et susceptibles d'être enlevées sans qu'il faille ensuite procéder à un nettoyage.
Je suis d'avis que les précisions données dans le mémoire descriptif et les revendications sont suffisantes, de sorte que ces documents sont conformes à l'article 36(1) de la Loi sur les brevets, et que l'homme de l'art n'aurait aucune peine à trouver les substances à employer, leurs proportions et leur consistance.
Les appelantes ont fait valoir que ni le mémoire descriptif ni les revendications ne pré- cisent la consistance de l'émulsion et qu'il appert que celle-ci ne serait pas efficace si elle était trop liquide ou trop épaisse, mais il y a lieu de signaler qu'elles n'ont pas plaidé ce moyen d'appel.
Venons-en maintenant aux moyens invoqués à l'appui de l'appel:
a) le brevet initial est invalide;
b) le brevet redélivré est en lui-même inva- lide; et
c) les dispositions de l'article 50 de la Loi sur les brevets concernant la délivrance d'un brevet redélivré n'ont pas été respectées, et, par conséquent, le brevet redélivré est invalide.
Quant à la prétention selon laquelle le para- graphe (1) de l'article 50 de la Loi sur les brevets n'a pas été respecté dans le cas du brevet redéli- vré, je souscris aux motifs et aux conclusions du savant juge de première instance.
La demande de redélivrance a été présentée dans le délai prévu à cette fin. Les corrections et modifications apportées au brevet initial figu- rent dans le brevet redélivré aux États-Unis, qui a été délivré avant la délivrance du premier brevet canadien. Les agents de brevets ont négligé d'apporter ces corrections à la demande de délivrance du brevet initial canadien. D'après les preuves figurant au dossier, le commissaire des brevets et le savant juge de première ins tance étaient fondés à conclure - que le fait qu'on ait omis de corriger les erreurs figurant au brevet canadien initial était imputable à l'inad- vertance des agents de brevets de l'auteur de la demande. Pour ces motifs et pour les motifs exposés par le savant juge de première instance, je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE EN CHEF JACKETT
'Je renvoie à l'ouvrage de Fox, Canadian Patent Law and Practice, 4e éd., aux pages 195 et 196:
[TRADUCTION] Le président Thorson a étudié les princi- pes applicables aux revendications dans l'arrêt Minerais Separation North American Corpn. c. Noranda Mines Ltd., [1947] R.C.É. 306 à la p. 352; [1950] R.C.S. 36; 12 Fox Pat. C. 123: «Les revendications du brevet consti tuent les bornes du monopole de l'inventeur et servent à mettre en garde contre tout empiétement. Ces bornes doivent être bien en vue de façon à constituer une mise en garde efficace; la zone ainsi délimitée ne doit pas empiéter sur le terrain du voisin. Le texte d'une revendication doit, dans la mesure du possible, ne comporter aucune équivo- que, aucun aspect obscur, et ne pas se prêter à des interprétations multiples; il doit être rédigé en termes clairs et précis, de façon que tout le monde connaisse non seulement les limites du domaine sur lequel il est interdit
d'empiéter mais aussi celles du domaine l'on peut s'aventurer sans crainte. (Voir l'arrêt United Merchants & Mfrs. Inc. c. A. J. Freiman Ltd. et al., (1965) 30 Fox Pat. C. 206, à la p. 216). Si une revendication ne respecte pas ces exigences, elle ne peut être valide. (Je renvoie aux paroles de Lord Loreburn dans l'arrêt Natural Colour Kinematograph Co. Ltd. c. Bioschemes Ltd. (1915), 32 R.P.C. 256, à la p. 266, et à celles de Lord Parker dans le même arrêt, à la p. 269; je renvoie en outre à l'arrêt General Railway Signal Co. Ltd. c. Westinghouse (1939), 56 R.P.C. 295, à la p. 382, et à l'arrêt Whatmough c. Morris Motors Ltd. (1940), 57 R.P.C. 177, à la p. 198) ... L'inventeur peut restreindre à sa guise la portée de ses revendications dans les limites de son invention, mais il ne peut leur donner une portée plus grande que l'inven- tion. Il ne peut revendiquer ce qu'il n'a pas inventé, car il placerait alors ses bornes sur un terrain qui ne lui appar- tient pas. En conséquence, il y a lieu de rejeter une revendication qui, en plus de revendiquer ce qui est nouveau et utile, revendique quelque chose qui est déjà connu ou qui est inutile.» (Vidal Dyes Syndicate Ltd. c. Levinstein Ltd. (1912), 29 R.P.C. 245, aux pp. 268 et 270; Natural Colour Kinematograph Co. Ltd. c. Bioschemes Ltd. (1915), 32 R.P.C. 256, aux pp. 266 et 268).
z C'est ce qui ressort des paragraphes 19a)(i) et 29a) de l'affidavit du Dr Shansky ainsi que de son témoignage au cours du contre-interrogatoire et du nouvel interrogatoire.
Il est vrai qu'aux termes de l'article 36(1), la divulgation doit décrire l'invention d'une façon qui permette «à toute personne versée dans l'art ou la science» de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention. En ce sens, le mémoire descriptif s'adresse à l'homme de l'art. Cela ne veut cependant pas dire qu'il faut l'interpréter comme le ferait un homme de l'art. Voir l'arrêt Northern Electric Co. Ltd. et autres c. Photo Sound Corporation et autres, (1936) R.C.S. 649, prononcé par le juge en chef Duff, aux pages 676 et suivantes. Remarquons notamment que le témoin expert (c'est-à-dire l'homme de l'art) peut donner son avis sur l'état de l'art à un moment donné, sur le sens de termes techniques, sur la possibilité pour un techni- cien expérimenté de mettre à exécution ce qui est divulgué dans un mémoire descriptif «dans l'hypothèse celui-ci aurait tel ou tel sens», ou sur ce qu'une phrase donnée, à un moment précis, lui aurait appris ou laissé entendre en tant qu'homme de l'art, «dans l'hypothèse elle aurait tel ou tel sens», mais qu'il ne peut exprimer d'opinion sur le sens du mémoire descriptif, ni sur la façon dont il l'interprète en tant qu'homme de l'art.
4 La prétention de l'avocat des intimées, selon laquelle ce raisonnement ne vaut que dans les cas le mémoire descriptif contient des affirmations fausses, se trouve réfu- tée par le paragraphe suivant du jugement de Lord Greene, dont voici le texte:
[TRADUCTION] Si le breveté, en l'espèce, avait voulu viser tous les agents réducteurs mentionnés dans sa reven- dication, il n'aurait pu mieux choisir ses mots et nous ne voyons aucune raison de restreindre la portée du texte dans le sens proposé. Il existe une autre raison—superflue peut-être—de rejeter cet argument. Le breveté lui-même, dans un passage cité ci-dessus, donne à titre d'exemple d'agent réducteur convenable les «aldéhydes» et les
«composés polyhydroxylés». Or un grand nombre de substances faisant partie de ces deux catégories (par exemple, dans la première catégorie, les aldéhydes à chaîne longue, et, dans la seconde, certains sucres) sont inutilisables; les termes de la revendication sont cepen- dant assez généraux pour désigner toutes ces substances. Selon l'argument des appelantes, il faudrait, par voie d'interprétation, ajouter des mots qui auraient pour effet d'exclure certains éléments de ces catégories. Une telle méthode d'interprétation nous semble très peu souhaitable.
5 (Voir, par exemple, l'arrêt Ingersoll Sergeant Drill Com pany c. Consolidated Pneumatic Tool Company Ld., (1908) 25 R.P.C. 61, motifs du Lord chancelier Loreburn, aux pages 82 et 83:
[TRADUCTION] L'état du droit est très clair. Dans un mémoire descriptif, chaque revendication est indépen- dante, et dans une action en contrefaçon de brevet, le demandeur doit démontrer qu'on a contrefait une inven tion, dont la revendication, correctement interprétée, don- nait une description satisfaisante. A ma connaissance, il n'existe aucune règle spéciale relative à l'interprétation des mémoires descriptifs. De plus, je suis incapable d'ac- cepter, telles du moins qu'elles m'apparaissent, certaines redoutables généralisations faites au cours des plaidoiries au sujet des principes d'interprétation applicables aux revendications. Bien sûr, l'ensemble du mémoire descrip- tif peut aider à comprendre et à interpréter une revendica- tion, mais cette dernière doit énoncer, soit en termes explicites, soit au moyen d'un renvoi très précis, en quoi consiste l'objet de l'invention que l'on cherche à protéger: Il nous paraît inadmissible de permettre à un breveté de rédiger une revendication en termes très généraux et, par la suite, de restreindre, d'élargir ou de modifier la portée de ces mots à partir de telle ou telle notion tirée du mémoire descriptif. C'est là, me semble-t-il, une préten- tion fort singulière.
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