Dymo of Canada Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Division de première instance, le juge Walsh—
Toronto, le 6 mars; Ottawa, le 15 mars 1973.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—Paie-
ments pour se libérer d'un accord de vente inadéquat—
S'agit-il de dépenses de capital ou de dépenses en vue de
gagner un revenu?
Avant 1962, C et W, qui avaient constitué une société de
personnes, vendaient au Canada des produits d'une compa-
gnie américaine. En 1962, la compagnie appelante a com-
mencé à fabriquer le produit au Canada; par suite d'un
accord avec l'appelante, C et W ont continué à vendre le
produit en recevant une commission de 40%. C et W
n'avaient pas de droits de vente exclusifs sur le produit. En
décembre 1963, l'appelante a convenu avec C et W de
mettre fin audit accord le 31 décembre 1963. Aux termes de
l'accord, C et W ont cessé de distribuer les produits de
l'appelante, ils lui ont cédé leurs effets à recevoir, vendu
leur mobilier de bureau, le matériel publicitaire et les circu-
laires et ils ont signé une clause de non-rétablissement
portant qu'ils ne feraient pas concurrence à l'appelante
pendant trois ans. En contrepartie, l'appelante s'engageait à
verser à C et W un pourcentage du revenu des ventes
pendant trois ans. Au cours de ladite période, l'appelante
versa à ce titre plus de $27,500 à Cet W.
Arrêt: l'appelante pouvait déduire ces versements dans le
calcul de son revenu pour lesdites années. Les versements
avaient principalement pour but de mettre fin au contrat
non-exclusif de C et W, dégageant ainsi l'appelante de
l'obligation de leur fournir les marchandises en leur consen-
tant une commission de 40% et lui permettant de les vendre
avec une plus grande marge de profit.
Distinction entre cet arrêt et l'arrêt Mandrel Industries
Inc. c. M.R.N. [1965] C.T.C. 233; arrêts mentionnés:
Mitchell c. B. W. Noble Ltd. 11 T.C. 372; Anglo-Per-
sian Oil Co. c. Dale 16 T.C. 253.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
A. D. McAlpine, c.r. et H. D. Stewart pour
l'appelante.
R. B. Thomas pour l'intimé.
PROCUREURS:
A. D. McAlpine, c.r., Toronto, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE WALSH—L'appelante est une corpo
ration canadienne engagée dans la fabrication, la
vente et la distribution de différents articles à
marquer et à étiqueter, et plus précisément de
machines à gaufrer, de machines à écrire des
adresses sur ruban, d'étiquettes autocollantes et
de stencils vendus sous le nom «Dymo» et sous
d'autres noms ainsi qu'un système de marquage
avec stencil vendu sous le nom commercial de
«Sten-C-Labl». Elle achète certains de ces arti
cles à sa société mère américaine, la Dymo
Industries Inc. qui fabrique de son côté d'autres
produits au Canada. Certains produits sont
vendus par son propre personnel de vente mais
elle fait aussi appel à des distributeurs (elle en a
environ 500 au Canada). En l'espèce, le seul
article en cause est le Sten-C-Labl: il se com
pose d'une petite feuille de papier à stencil,
d'une feuille de papier carbone et d'une feuille
support, reliées par le haut au moyen d'un ruban
adhésif. Une unité d'encrage applique cette éti-
quette et permet à l'encre de passer au travers.
L'adresse tapée sur cette étiquette est repro-
duite sur l'emballage en lettres imprimées, lors-
qu'on applique l'étiquette sur cet emballage.
Avant 1962, les articles Sten-C-Labl étaient
vendus au Canada par deux particuliers, S.
Chapman et K. West, constitués en société de
personnes faisant le commerce sous la dénomi-
nation sociale de Sten-C-Labl Company of
Canada, avec la permission de la société améri-
caine, la Sten-C-Labl Inc. La marque Sten-C-
Labl a été déposée aux États-Unis le 15 avril
1952 et est utilisée au Canada depuis le ler
juillet 1946. Cette marque de commerce a été
déposée au Canada le 17 juin 1960 mais MM.
Chapman et West n'ont jamais été des utilisa-
teurs enregistrés en vertu de la Loi sur les
marques de commerce. Vers la fin 1961, la
société mère de l'appelante est devenue proprié-
taire de la Sten-C-Labl Inc. Jusqu'alors MM.
Chapman et West avaient acheté l'article en
cause à la Sten-C-Labl Inc., aux États-Unis,
mais après être devenus propriétaires de la
Sten-C-Labl Inc., la société mère de l'appelante
a décidé que cet article serait vendu au Canada
exclusivement par sa filiale canadienne, -c'est-à-
dire l'appelante.
L'appelante a commencé son activité au prin-
temps 1961 par l'importation d'étiqueteuses sur
rubans et de rubans, produits eux aussi par la
société mère aux États-Unis. En 1962, elle a
déménagé dans des locaux plus vastes où elle a
commencé 'à monter ces machines. A cette fin,
elle a recruté 15 employés additionnels. En juil-
let ou en août 1962, M. Harold Staines, qui était
à l'époque secrétaire et administrateur de l'ap-
pelante, a décidé, après avoir rendu visite à la
société mère, que le Sten-C-Labl pouvait être
fabriqué au Canada. Il s'est alors mis en contact
avec MM. Chapman et West et leur a fait savoir
qu'ils ne pourraient plus s'approvisionner
auprès de la société des États-Unis. Il a offert
d'acheter leur stock d'invendus en leur précisant
que l'appelante exécuterait leurs commandes en
leur accordant une commission de 40% et expé-
dierait les articles directement aux clients.
Aucun contrat de représentation exclusive n'a
été consenti à MM. Chapman et West. M. Chap-
man a transféré l'adresse professionnelle de la
société de personnes au siège social de l'appe-
lante en septembre 1962 (M. West étant resté en
dehors des activités de la Sten-C-Labl depuis un
certain temps) et l'appelante lui a permis d'utili-
ser ses services de secrétariat et de comptabi-
lité. Toutes les commandes étaient expédiées
directement par l'appelante; à la fin de chaque
mois, les ventes étaient comptabilisées et l'appe-
lante facturait à la société de personnes 60% du
total. Ce contrat était légèrement différent de
ceux que l'appelante passait d'ordinaire avec ses
distributeurs; ceux-ci achetaient normalement le
produit à prix de gros et le revendaient au prix
qu'ils fixaient eux-mêmes. M. Staines considé-
rait que M. Chapman était plus un agent com
mercial de la compagnie qu'un distributeur, bien
qu'à l'époque ce dernier n'ait pas été employé
par la compagnie. Au bout d'un certain temps,
vers septembre 1963, M. Staines est arrivé à la
conclusion que M. Chapman manquait d'agressi-
vité et n'était pas un bon administrateur; il a
donc décidé de résilier le contrat tout en esti-
mant que la société de personnes avait droit à
une indemnité de résiliation puisqu'elle vendait
le Sten-C-Labl depuis un certain nombre d'an-
nées, qu'elle utilisait ce nom commercial dans sa
dénomination sociale, et qu'elle était même le
seul distributeur de Sten-C-Labl au Canada à
l'époque. Il a donc été décidé de leur verser, par
paiements échelonnés sur une période de quatre
ans, une somme minimum de $18,000 qui, selon
les estimations, représentait approximativement
les 40% de commission qu'aurait perçus la
société de personnes pendant six mois. On a
rédigé un contrat daté du 27 décembre 1963
stipulant que les associés (appelés distributeurs)
continueraient à encaisser leurs effets à recevoir
jusqu'au 31 décembre 1963, date à laquelle ils
les revendraient alors à l'appelante pour leur
montant nominal, moins une provision raisonna-
ble pour créances douteuses. On prévoyait éga-
lement un autre rajustement dans les trois ans
pour toutes les sommes versées par l'appelante
aux distributeurs et que celle-ci ne pourrait
recouvrer. La clause 2 du contrat stipulait:
[TRADUCTION] 2. Les distributeurs doivent remettre à la
Dymo toutes les listes de clients, toutes les commandes non
exécutées ainsi que les fiches et les dossiers concernant la
vente des produits, les échantillons et le matériel
publicitaire.
La clause 3 prévoyait que la Dymo verserait
aux distributeurs un pourcentage dégressif sur
les ventes des articles Sten-C-Labl au Canada
pour les années 1964, 1965 et 1966, la somme
totale devant être au minimum de $18,000.
D'autres clauses stipulaient que le distributeur
cesserait d'agir à titre de distributeur de la
Dymo au 31 décembre 1963 et qu'il s'engageait
à signer une clause de non-rétablissement.
D'après le témoignage de M. Staines, ces_
clauses de non-rétablissement ont été ajoutées
sur la proposition des avocats de l'appelante.
Elles ont été signées à titre personnel par M.
Chapman et M. West le 3 janvier 1964. Il était
convenu que ces derniers s'engageaient, pour
une période de trois ans, à ne pas entreprendre,
que ce soit à titre personnel, en société avec
d'autres personnes, par l'intermédiaire d'une
entreprise quelconque ou par un autre moyen, la
vente d'articles susceptibles d'entrer en concur
rence avec les articles alors vendus et distribués
par l'appelante et qu'ils ne permettraient pas
que leur nom soit utilisé à ces fins.
Dans un second temps, les effets à recevoir
de la société de personnes Sten-C-Labl, d'un
montant de $11,308.31, ont été cédés à l'appe-
lante le 3 janvier 1964. Le 31 décembre 1963,
du matériel de bureau, d'une valeur de $330 a
été vendu à l'appelante. Le contrat stipulait en
outre:
[TRADUCTION] En ce qui concerne les articles Sten-C-Labl,
toutes les listes de clients, commandes non exécutées, l'en-
semble des fiches et des dossiers concernant la vente de ces
articles ainsi que les échantillons et le matériel publicitaire.
Aucune contrepartie n'a cependant été fixée à
ce titre. D'autre part, par une lettre du 27
décembre 1963, l'appelante a engagé M. Chap-
man moyennant un salaire de $1,000 par mois
pour les mois de janvier, février et mars 1964,
au motif suivant:
[TRADUCTION] Le présent contrat a pour objet de nous
assurer votre entière collaboration: vous devez informer les
clients et faciliter la transition de manière à ce que nous
bénéficions au maximum de votre connaissance personnelle
de la clientèle en tant que distributeur de nos produits.
M. Chapman devait être défrayé de ses déplace-
ments et il était stipulé qu'il serait considéré
comme un employé aux fins des déductions
d'impôt uniquement et à nulle autre fin comme,
par exemple, le régime de retraite de la
compagnie.
Aux termes de ce contrat, les versements
suivants ont été faits à la société de personnes:
$7,030.31 en 1964, $11,467.71 en 1965 et $9,-
026.21 en 1966, soit un total de $27,524.23
(non compris bien sûr lé salaire versé à M.
Chapman). Dans ses déclarations d'impôt pour
les années en question, l'appelante a déduit ces
dépenses mais le Ministre a refusé cette déduc-
tion au motif qu'il s'agissait d'une dépense de
capital. Postérieurement, le Ministre a permis
une déduction de $2,000 pour l'année fiscale
1964 à titre de contrepartie de la cession et de la
vente d'échantillons et de matériel publicitaire à
l'appelante, ce qui a réduit à $5,030.31 la
somme que le Ministre cherche à inclure dans le
revenu imposable pour l'année fiscale en ques
tion. L'objet du présent appel est la nature de
ces versements effectués par l'appelante à la
société de personnes: la Cour doit déterminer
s'il s'agit d'une dépense d'exploitation normale
résultant de la résiliation du contrat avec la
société de personnes et, par suite, d'une
dépense faite par l'appelante pour gagner un
revenu ou si, au contraire, il s'agit d'une
dépense en capital visant à assurer des revenus
durables à l'entreprise.
L'appelante a commencé son activité en jan-
vier 1964: elle a engagé deux vendeurs et
nommé un représentant à Vancouver et vers le
mois de mars 1964 elle avait quinze distribu-
teurs de l'article Sten-C-Labl. Les ventes de
Sten-C-Labl sont montées en flèche, passant de
$58,804 en 1963 à $118,501 en 1964, $170,603
en 1965, $242,345 en 1966 et finalement $285,-
129 en 1967, et l'appelante s'est trouvée libérée
de l'obligation de verser la commission de 40%.
Le 31 décembre 1963, l'appelante a acheté la
Elliott Business Machine Company qui vendait
une machine utilisant un stencil très répandu.
Cette dernière possédait une usine à Lachine et
des bureaux commerciaux à Toronto. Aux
États-Unis, la Elliott Company était une filiale
de la société mère de l'appelante. La Elliott
vendait directement aux détaillants et elle pos-
sédait de ce fait sa propre équipe de vendeurs;
en avril 1964, les ventes de Sten-C-Labl ont été
confiées à la Elliott. M. Staines a cependant
insisté sur le fait qu'il n'y avait aucun rapport
entre sa décision de résilier le contrat avec la
société de personnes et l'acquisition de la Elliott
Business Machine Company. Il a cherché à
bénéficier des connaissances et de l'expérience
de M. Chapman dans la vente de l'article
Sten-C-Labl puisque l'appelante n'avait à l'épo-
que aucune expérience de la vente aux détail-
lants et désirait s'assurer les services de M.
Chapman au cours de la période transitoire.
Sur ces faits, l'appelante a soutenu que la
société de personnes était l'unique distributrice
des articles Sten-C-Labl avant l'arrivée de l'ap-
pelante elle-même sur le marché après l'acquisi-
tion de la Sten-C-Labl Inc. par sa société mère
mais que la société de personnes n'avait cepen-
dant jamais obtenu un contrat de représentation
exclusive et que rien n'empêchait l'appelante de
vendre cet article directement ou de nommer
d'autres distributeurs ou représentants, selon
qu'elle le jugeait à propos. Cependant, d'après
l'équité et la jurisprudence en la matière, par
exemple, l'affaire Robinson c. Galt Chemical
Products Ltd. [1933] O.W.N. 502, il était rai-
sonnable de verser une indemnité aux deux
associés à la résiliation du contrat commercial
passé avec eux et il s'agit-là de la raison princi-
pale de l'indemnité versée par l'appelante. Les
autres arrangements, tels que la reprise des
effets à recevoir de la société de personnes,
l'achat du matériel de bureau, du matériel publi-
citaire, des brochures et dec listes de clients
ainsi que la clause de non-rétablissement inter-
disant aux deux associés toute concurrence pen
dant les trois années pour lesquelles l'appelante
devait verser une indemnité n'étaient que des
mesures accessoires à cet objet principal. Quant
aux listes de clients, elles n'ont jamais été remi-
ses comme telles à l'appelante et celle-ci ne les a
jamais réclamées étant donné que M. Chapman
a travaillé à partir d'août 1962 dans les locaux
de l'appelante en utilisant les services de secré-
tariat et de comptabilité de celle-ci et puisque
l'appelante expédiait directement les marchandi-
ses aux clients. L'appelante a pratiqué ce sys-
tème pendant un an et demi. A ce moment, elle
connaissait parfaitement les clients et il lui était
inutile de demander ces renseignements aux
associés. Aucune somme n'a donc été affectée
spécialement au paiement de ces listes. Le fait
que M. Staines a inscrit le paiement dans les
livres de la compagnie à titre de contrepartie des
listes de clients ne modifie en rien la véritable
nature de cette somme. Voir l'affaire The
Seaham Harbour Dock Company c. Crook
(H.M. Inspector of Taxes) 16 T.C. 333: Lord
Hanworth a déclaré à la page 347:
[TRADUCTION] . . . le mode de paiement ou le système de
comptabilité ne modifient pas la nature des sommes per-
çues;.. ..
Et à la page 345:
[TRADUCTION] Nous sommes donc amenés à examiner la
véritable nature de l'objet ...
L'appelante soutient d'autre part que l'on ne
saurait prétendre qu'elle a acheté l'achalandage
de la société de personnes. La valeur d'achalan-
dage résultant du commerce de la société de
personnes s'attache au nom commercial
«Sten-C-Labl» et vu que ce dernier appartient à
la société mère de l'appelante et non à la société
de personnes, la valeur d'achalandage est nulle
pour cette dernière. La valeur d'achalandage
attachée à M. Chapman de par ses contacts avec
la clientèle a été compensée par l'appelante lors-
que celle-ci l'a engagé moyennant un salaire
pendant trois mois afin qu'il forme ses ven-
deurs, leur ménage des entrevues avec les
clients et leur enseigne des méthodes de travail.
Ces conclusions se dégagent clairement de la
lettre d'engagement. Il est par ailleurs constant
que l'achalandage d'une société ne peut être
évalué séparément aux fins d'impôt lors de la
vente d'une entreprise active et cela même si le
prix total est ventilé de manière à prévoir un
poste d'achalandage (voir l'affaire Southam
Business Publications Ltd. c. M.R.N. [1966]
R.C.É. 1055 ainsi que les affaires y mention-
nées: Dominion Dairies Ltd. c. M.R.N. [1966]
C.T.C. 1, Schacter c. M.R.N.71962] C - .T.C. 437
et Trego c. Hunt [1896] A.C. 7). Dans ces
affaires, la Cour a jugé qu'il s'agissait d'une
dépense de capital vu que la vente avait porté
sur des entreprises actives, achetées soit pour
en continuer l'exploitation, soit pour leur faire
cesser leur activité et éliminer par là-même des
concurrents. Toutefois, dans la présente affaire,
il n'était pas nécessaire à l'appelante d'acquérir
la société de personnes pour lui faire cesser son
activité puisqu'elle avait au Canada le contrôle
absolu des ventes et de la distribution de l'arti-
cle Sten-C-Labl, le seul article vendu par la
société de personnes. Par conséquent, il est
impensable de soutenir que le prix de vente a
été payé dans le but d'éliminer un concurrent.
D'autre part, la clause de non-rétablissement ne
modifie aucunement la véritable nature de la
transaction. Un problème semblable s'est posé
dans l'affaire Anglo-Persian Oil Company, Lim
ited c. Dale (H.M. Inspector of Taxes) 16 T.C.
253, sur laquelle l'appelante s'appuie fortement.
Dans cette affaire, une compagnie a nommé un
représentant pour un certain nombre d'années
mais a finalement mis fin au contrat contre une
indemnité forfaitaire lorsqu'elle s'est rendue
compte que les commissions perçues par son
représentant étaient beaucoup plus fortes que
prévu. La Cour a décidé que la somme était
régulièrement déductible de l'impôt sur le
revenu bien que celle-ci ait été considérable
(£300,000). Lord Romer a déclaré dans son
jugement (pages 275-76):
[TRADUCTION] Aucun élément ne me permet de penser que la
compagnie ait recherché une plus-value de capital durable;
on n'a d'ailleurs pas prétendu que cette plus-value serait
réalisée dans les faits. Il est vrai que les administrateurs
mandatés pour négocier avec la Strick, Scott & Co. ont
rapporté le 28 septembre 1922 que la résiliation du contrat
ferait faire des économies considérables à la compagnie, et
qu'elle lui procurerait en plus d'autres avantages mais ils
n'ont pas précisé en quoi ceux-ci pourraient consister. Ils
pouvaient simplement consister en une augmentation des
revenus: c'est l'hypothèse la plus probable. En ce qui me
concerne, je ne vois pas de toute façon quelles autres
plus-values la compagnie aurait pu retirer de cette résilia-
tion. Le seul résultat serait simplement que la compagnie
serait représentée dans l'Est par une société autre que la
Strick, Scott & Co. car il est clair qu'en tant que personne
morale elle devait être représentée d'une façon ou d'une
autre dans cette partie du pays. Ces représentants allaient
être sans aucun doute employés à des conditions plus favo-
rables à la compagnie que celles qui étaient prévues par le
contrat du 6 mai 1914 et la compagnie allait vraisemblable-
ment se réserver sur ces nouveaux représentants un contrôle
plus grand que celui qu'elle avait sur la Strick, Scott & Co.
Tous ces facteurs aboutiraient à des économies et à des
diminutions des charges d'exploitation mentionnées par
Lord Inchcape. Nous n'avons aucune preuve de l'existence
de quelque autre avantage. A ma connaissance, si l'on
excepte la substitution de représentants, l'activité de la
compagnie restait exactement la même. Je ne trouve aucune
plus-value ou moins-value de capital résultant de la dépense
de ces £300,000. Le seul avantage me semble être une
augmentation des revenus.
La Cour a tiré une conclusion semblable dans
l'affaire B.W. Noble, Ltd. c. Mitchell (H.M.
Inspector of Taxes) 11 T.C. 372: dans cette
affaire, une somme de £19,500 a été versée à un
administrateur nommé à vie à qui on a demandé
de démissionner. Celui-ci possédait par ailleurs
un nombre important d'actions de la compagnie
ainsi que des obligations participantes: dans le
cadre du contrat les actions ont été vendues à la
valeur nominale aux administrateurs et les obli
gations ont été cédées à la société. Dans cette
affaire le juge Rowlatt a déclaré (page 414):
[TRADUCTION] S'il n'était question que du paiement d'un
salaire d'un mois ou de six mois afin de compenser le renvoi
d'un employé qui, selon l'opinion de son employeur, ne peut
être gardé plus longtemps parce qu'il détourne la clientèle de
l'entreprise, il s'agirait-là d'un cas très simple. En l'espèce,
les faits sont tout à fait particuliers et les sommes en cause
sont très considérables; il s'agit donc de déterminer si ces
faits sont susceptibles de produire un effet spécial.... A
mon avis on a versé cette somme considérable (bien que ce
soit dans des circonstances très particulières) dans le simple
but de se débarrasser de l'administrateur. A cela sont venus
s'ajouter d'autres éléments qui ne sont intervenus que pour
renforcer les mesures que la société devait prendre. Il est
exact que l'accord stipule que l'administrateur a convenu
avec la compagnie de transférer ses actions à leur valeur
nominale aux autres administrateurs et qu'il s'est engagé
d'autre part à céder ses certificats de participation à la
compagnie ou à tout dépositaire désigné par elle. J'estime
toutefois que cette stipulation n'est que l'expression de
l'obligation qui reposait sur lui, du fait qu'il avait été dédom-
magé au titre de ces pertes, de se comporter avec la compa-
gnie conformément à ce que celle-ci attendait de l'indemnité
qu'elle avait versée, savoir la cession de ces valeurs mobiliè-
res. Je ne pense pas que l'on puisse décomposer cette
somme en deux éléments: une indemnité au titre de la perte
de salaire et le prix d'achat des actions et des obligations
participantes. Je crois que cette interprétation est fausse.
J'estime au contraire que la somme considérée dans son
ensemble était destinée à le pousser à partir. En d'autres
termes, on voulait se débarrasser de lui. En conséquence, il
m'apparaît que cette somme représente une dépense
d'exploitation.
Nous devons donc maintenant examiner la question de
savoir s'il s'agissait d'une dépense de capital. Je crois que
cette affaire est tout à fait différente des cas où une somme
globale a été versée pour éliminer une dépense d'exploita-
tion périodique. En l'espèce, il n'est ni question d'une
dépense d'exploitation périodique ni du débours de capital
visant à éliminer celle-ci. Le problème est mal posé. A mon
avis, ce moyen n'est d'aucune utilité à l'assujetti aux fins
d'établir qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une dépense de
capital. Mais existe-t-il un autre moyen de l'établir? Ainsi
que l'a souligné Lord Cave, toujours dans l'affaire Atherton
c. British Insulated and Helsby Cables, Limited (10 T.C. à la
p. 192), il y a dépense de capital lorsque l'entreprise acquiert
un actif ou une source de revenus durable. Ce n'est pas le
cas en l'espèce et rien de semblable ne s'est produit.
Il ajoute aux pages 415-16:
[TRADUCTION] L'importance des sommes en cause et la
nature particulière des circonstances peuvent nous laisser
perplexes mais il m'apparaît qu'il s'agit simplement d'une
dépense faite dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise
au cours de l'année de l'apparition du conflit pour libérer
l'entreprise d'un employé indésirable. Je ne pense pas qu'il
s'agisse d'une dépense de capital et j'ai déjà conclu qu'il
s'agit d'une dépense faite dans le cours de l'exploitation de
l'entreprise.
Dans l'affaire Johnston Testers Ltd. c.
M.R.N. [1965] C.T.C. 116, le juge Gibson a fait
une étude approfondie de la jurisprudence en
question ainsi que de certains arrêts britanni-
ques importants, savoir Atherton c. British
Insulated and Helsby Cables, Limited (précité)
et Anglo-Persian Oil Company, Limited c. Dale
(précité). Il cite une déclaration de Lord Cave
dans l'arrêt Atherton (page 192):
[TRADUCTION] Lorsqu'une dépense est faite, non seulement
une fois pour toutes, mais en vue de la création d'un actif ou
d'un avantage dans l'intérêt durable d'une entreprise com-
merciale, je crois qu'il y a de bonnes raisons (à défaut de
circonstances particulières conduisant à une conclusion
opposée) d'assimiler une telle dépense, non pas à une
dépense d'exploitation mais à une dépense en capital. [Page
126.]
Le juge Rowlatt a cependant fait remarquer
dans l'affaire Anglo-Persian Oil que le terme
«durable» pouvait créer des ambiguïtés. Il a
déclaré [à la page 262]:
[TRADUCTION] Il est clair que Lord Cave vise un intérêt qui
est durable à la manière des immobilisations; ce qualificatif
ne signifie pas que l'entreprise est libérée d'une dépense
d'exploitation pendant un grand nombre d'années.
Il a ensuite décidé que le rachat d'un contrat à
un prix représentant les gains qu'aurait autre-
ment enregistrés le représentant de commerce
est une dépense faite dans le cours des affaires
de l'entreprise aux fins de l'exploitation de l'en-
treprise. Contrairement à l'affaire qui nous
occupe, celle dont a été saisi le juge Gibson
portait sur le rachat d'un contrat prévoyant le
versement de redevances annuelles qui, n'eût
été le rachat, auraient continué à être versées
pendant encore quelque quatorze années. Le
juge a conclu (page 128) que le rachat avait
pour objet
[TRADUCTION] ... d'éliminer une dépense annuelle impor-
tante relative à une entreprise qu'elle exploitait et qu'elle se
proposait de continuer à exploiter et qu'il a été fait dans le
cours de l'exploitation de l'entreprise. En conséquence, il
n'en a résulté aucune augmentation ou diminution du capital
de l'appelante et, au contraire, l'avantage obtenu était un
revenu de l'entreprise. Cette dépense ne constitue donc pas
un paiement à compte de capital aux termes de l'article
12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Voir également l'arrêt B.P. Australia, Ltd. c.
Commissioner of Taxation (Australia) [1965] 3
All E.R. 209, le juge s'appuie sur l'arrêt Mitchell
c. B.W. Noble, Ltd. (précité), (page 217) et sur
l'arrêt Anglo-Persian Oil Company, Limited c.
Dale (précité), (page 223). Lord Pearce a rendu
le jugement du Conseil privé et il a déclaré au
sujet de cette dernière affaire [à la p. 223]:
[TRADUCTION] Elle a versé à son agent la somme de £300,-
000 comptant, en contrepartie de la résiliation du contrat de
commission. Le juge ROWLATT a décidé qu'il s'agissait d'une
dépense d'exploitation puisqu'il n'y avait eu aucun achat de
clientèle ou constitution d'entreprise et puisqu'on avait sim-
plement cesser d'utiliser une méthode d'exploitation trop
coûteuse. L'entreprise reste la même, que la compagnie
pétrolière se charge elle-même de la distribution ou qu'elle
confie cette tâche à des agents. La Cour d'appel a confirmé
cette décision. Le juge Lord LAWRENCE a conclu:
Le contrat de louage de services passé avec un agent
chargé d'administrer les affaires du contribuable en Perse
ne touche en rien des immobilisations de l'entreprise. Il
s'agit simplement d'un contrat relatif à l'exploitation de
l'entreprise du contribuable et celle-ci peut, à l'occasion,
adopter de nouvelles méthodes de gestion. A mon avis, ni
le contrat lui-même, ni la contrepartie de sa résiliation ne
peuvent être inclus dans le capital de l'entreprise.
Cette proposition appuie la thèse selon laquelle une dépense
résultant d'un changement complet des méthodes de com
mercialisation d'une compagnie ne constitue pas nécessaire-
ment une dépense de capital. Elle réfute tout argument
voulant que lorsque des sommes importantes sont dépen-
sées, lorsque le secteur visé est très étendu et lorsque les
changements ont une grande envergure et que leur objet esi
très important, il s'agit nécessairement d'une dépense de
capital.
Dans l'arrêt Mandrel Industries, Inc. c
M.R.N. [1965] C.T.C. 233, sur lequel l'intimé
s'appuie principalement, une filiale de l'appe-
lante a concédé pour cinq ans un droit exclusif
de distribution de ses produits au Canada. La
filiale a été liquidée et son actif a été cédé à
l'appelante: celle-ci a alors cherché à résilier le
contrat qui ne venait à échéance que trois ans
plus tard. Elle a désintéressé l'agent des droits
qu'il avait aux termes de ce contrat en lui ver-
sant une indemnité de $150,000. Par la même
occasion, elle a acquis l'ensemble du service et
du personnel de son agent. Le sommaire résume
bien les conclusions de la Cour et il se lit en
partie comme suit:
[TRADUCTION] (i) L'appelante a versé cette somme pour
racheter le droit de vendre ses propres produits et d'orga-
niser son propre circuit de commercialisation au Canada.
Cette dépense visait à assurer à l'entreprise un avantage
durable en dépit de la brièveté de la période qui restait
encore à courir sur le contrat de 1956; cette dépense
constitue donc une dépense de capital;
Dans son jugement, le juge Cattanach a cité
(page 242) l'affaire Vallambrosa Rubber Co.
Ltd. c. Fariner (5 T.C. 529) dans laquelle Lord
Dunedin a déclaré à la page 536:
[TRADUCTION] Je ne dis pas que ce critère est- absolu et
déterminant. D'une manière générale, toutefois, aux fins de
déterminer si une dépense constitue une dépense d'exploita-
tion, je crois qu'il est utile de dire qu'une dépense de capital
est unique et qu'une dépense d'exploitation est engagée
chaque année.
Appliquant ce dictum aux circonstances de l'af-
faire dont il était saisi, le juge Cattanach a
déclaré:
[TRADUCTION] En l'espèce, l'appelante a versé une somme
unique pour assurer un avantage durable à son entreprise. Il
est certain que cette somme a été versée une fois pour
toutes. A mon avis, il est également clair que cette somme a
procuré un avantage à l'appelante: elle lui a permis, en effet,
de mettre sur pied son propre service de commercialisation
au Canada sans pour cela violer les droits de représentation
exclusive qu'elle avait précédemment concédés à l'Electro-
Technical Labs. Canada, Ltd.
Il précise ensuite que l'appelante a acquis un
service de ventes et d'après-vente. Il conclut
que l'appelante a acquis le droit de commerciali-
ser elle-même son produit au Canada trois ans
plus tôt qu'elle n'aurait pu le faire autrement
mais que cela constitue néanmoins un «avantage
durable» et «permanent». Le juge a déclaré à la
page 243:
[TRADUCTION] Ces expressions sont apparues dans la juris
prudence pour montrer que le bien ou l'avantage acquis doit
être suffisamment durable pour être considéré comme un
bien de capital. Mais ces expressions ne signifient pas que le
bien doit avoir une «durée illimitée». Les tribunaux ont
souvent décidé qu'un avantage avait un caractère «durable»,
en dépit du fait qu'il n'avait qu'une existence ou une durée
très limitée.
Le juge Cattanach a donné raison au Ministre
sur ce point et il n'a pas jugé nécessaire d'exa-
miner la question de savoir si la somme était
uniquement la contrepartie du rachat ou de la
résiliation du contrat d'exclusivité ou si elle
avait procuré à l'appelante d'autres avantages. Il
a cependant précisé que l'appelante n'aurait pas
réussi à s'acquitter de la charge de prouver que
cette somme est une dépense d'exploitation si
elle en avait tiré d'autres avantages. En l'espèce,
comme je l'ai déjà indiqué, je suis arrivé à la
conclusion que les avantages subsidiaires sont
sans effet sur la nature de la dépense, vu qu'ils
sont négligeables. Le principal objet de cette
somme était la résiliation du contrat conclu avec
la société de personnes.
Dans la présente affaire, la thèse de l'intimé
est subordonnée à deux hypothèses: (1) la
société de personnes constituait une entreprise
distincte et l'appelante a repris son actif, y com-
pris les listes de clients et l'achalandage éven-
tuel, en vue de lui faire cesser son activité et
d'éliminer par là même un concurrent; et (2) la
société de personnes possédait le droit exclusif
de vendre les articles Sten-C-Labl au Canada et
par suite, la dissolution du contrat a procuré un
avantage durable à l'appelante. Dans les cir-
constances de cette affaire, ces hypothèses sont
insoutenables. En droit, la société de personnes
était une entité distincte de l'appelante, même
lorsque M. Chapman travaillait dans les locaux
de l'appelante, puisque, même si la marchandise
était expédiée par l'appelante, elle était facturée
au client par la société de personnes. L'appe-
lante facturait ensuite chaque mois à la société
de personnes 60% des ventes de Sten-C-Labl,
soit le pourcentage qui lui était dû au titre de la
vente du produit Sten-C-Labl par la société de
personnes après retranchement de la commis
sion de 40% due à cette dernière. Il n'en reste
pas moins qu'après le mois d'août 1962, époque
à laquelle l'appelante a entrepris la fabrication
des articles Sten-C-Labl au Canada et a informé
la société de personnes qu'elle devait à l'avenir
s'approvisionner chez elle et non plus chez la
compagnie américaine, la société de personnes
agissait alors plus ou moins comme simple agent
de l'appelante. La loi n'interdit pas à une com-
pagnie d'employer une autre compagnie ou une
société de personnes comme agents et par suite,
le fait que la société de personnes ait eu une
existence autonome ne modifie pas la véritable
situation des parties. Sur ce point, les faits de la
présente affaire sont très semblables à ceux de
l'affaire Anglo-Persian Oil (précitée). De plus, il
est possible que la société de personnes ait été,
au Canada, le seul distributeur des articles
Sten-C-Labl avant que l'appelante ne se charge
elle-même de la distribution mais rien ne nous
permet de croire que la société de personnes ait,
à quelque moment, bénéficié d'un contrat exclu-
sif. En fait, M. Staines l'a nié et nous ne possé-
dons aucune preuve du contraire. La présente
affaire se distingue donc nettement de l'affaire
Mandrel (précitée): dans cette affaire, le contri-
buable ne pouvait entreprendre de vendre lui-
même son produit sans résilier le contrat exclu-
sif. Dans l'affaire qui nous occupe, l'appelante
pouvait, à sa guise, commencer à vendre le
produit directement aux clients ou engager d'au-
tres distributeurs ou agents et, en fait, au début
de 1964, elle a engagé un agent à Vancouver et
deux vendeurs et, en mars 1964, elle avait
quinze distributeurs. Le fait que l'appelante ne
l'a fait qu'après le contrat conclu à la fin 1963
ne signifie pas qu'elle n'aurait pas pu le faire
plus tôt.
En conséquence, je conclus en l'espèce que le
contrat n'a conféré à l'appelante aucun droit ou
avantage de nature durable qu'elle ne possédait
déjà, et que l'appelante n'a pas, non plus, béné-
ficié de l'élimination d'un concurrent, puis-
qu'elle a toujours eu le droit de mettre fin au
contrat conclu avec la société de personnes,
celui-ci ne portant sur aucune période détermi-
née. Les parties sont convenues qu'il était tout à
fait légitime de verser une indemnité à la société
de personnes et je conclus que ces versements
avaient pour objet d'éteindre les droits de la
société de personnes aux termes du contrat
simple que celle-ci avait passé avec l'appelante,
que ce contrat soit ou non considéré comme un
contrat de représentation, de manière à permet-
tre à l'appelante d'augmenter son revenu du fait
qu'elle n'était plus obligée de fournir les articles
en question en consentant une remise de 40%.
Cette opération correspondait en outre à une
orientation différente de la politique de l'entre-
prise: elle se proposait, de vendre directement
au commerce de détail, ce qu'elle a toujours eu
le droit de faire, en plus de fournir les distribu-
teurs. Il s'agit-là d'un simple changement dans la
méthode d'exploitation de l'appelante visant à
augmenter le revenu de celle-ci, comme dans
l'affaire B.P. Australia (précitée). Les sommes
versées à ce titre à la société de personnes sont
donc régulièrement déductibles à titre de
dépense d'exploitation faite dans le but de
gagner un revenu. L'appel de la décision de la
Commission d'appel de l'impôt est donc
accueilli avec dépens.
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