L. & M. Wood Products Ltd., North Battleford
Lumber and Post Sales Ltd., et Glaslyn Forest
Products Ltd. (Demanderesses)
c.
Le ministre du Revenu national (Défendeur)
Division de première instance, le juge Heald—
Saskatoon (Saskatchewan), le 17 novembre;
Ottawa, le 22 novembre 1972.
Impôt sur le revenu—Procédure—Compagnies cotisées à
titre de compagnies associées—Appel interjeté par les com-
pagnies au moyen d'une action unique—Radiation de la
déclaration—Loi de l'impôt sur le revenu de 1972, art.
175(3)—Règles 1714 et 1715 de la Cour fédérale.
Le Ministre a établi les cotisations des trois compagnies
demanderesses en les réputant associées entre elles pour
certaines fins de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les trois
demanderesses contestent cette décision au moyen d'une
action unique.
Arrêt: la déclaration doit être radiée. Compte tenu de
l'article 175(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu de 1972 et
des Règles 1714 et 1715 de la Cour fédérale, chacun des
trois contribuables aurait dû interjeter un appel distinct.
Semble: une fois le dossier en état, l'article 175(3) aurait
permis la jonction des appels.
REQUÊTE.
David W. Beaubier pour les demanderesses.
Frank Dubrule, c.r., et Bob Crump pour le
défendeur.
LE JUGE HEALD—La présente requête, pré-
sentée par voie d'avis de demande, vise à obte-
nir une ordonnance radiant la déclaration dans
la présente instance.
Les trois demanderesses à cette action sont
toutes des compagnies régulièrement consti-
tuées sous le régime des lois de la province de
la Saskatchewan. Les demanderesses L. & M.
Wood Products Ltd. et North Battleford
Lumber and Post Sales Ltd. portent appel des
cotisations à l'impôt sur le revenu que le défen-
deur a établies au titre de leurs années d'imposi-
tion 1968 et 1969. La demanderesse Glaslyn
Forest Products Ltd. fait appel de la cotisation
à l'impôt sur le revenu qu'a établie le défendeur
au titre de son année d'imposition 1969.
Cependant, la difficulté réside dans le fait que
ces cotisations à l'impôt sur le revenu font
l'objet d'une seule action devant la Cour fédé-
rale. La déclaration énonce que le défendeur a
réputé ces trois contribuables associés entre
eux aux fins de l'article 39 de la Loi de l'impôt
sur le revenu, en vertu de l'article 138A(2) de
cette loi, et les trois demanderesses contestent
cette décision au moyen de cette action unique.
La déclaration attaquée est datée du 17 août
1972 et a été déposée le 18 août 1972 devant
cette Cour. Ce sont donc les dispositions de la
Loi de l'impôt sur le revenu de 1972, qui est
entrée en vigueur le ler janvier 1972, qui régis-
sent cette action. La procédure d'appel que
prévoit cette loi figure dans la Partie I, Section
J, et elle est décrite aux articles 169 à 180
inclus.
La déclaration énonce que les trois contribua-
bles se sont toutes opposées aux cotisations en
cause, que le défendeur a rejeté ces oppositions
le 7 juillet 1972 et que l'objet de la présente
action est de porter appel devant cette Cour de
ladite décision du défendeur.
Les articles de la Loi de l'impôt sur le revenu
de 1972 qui doivent être examinés relativement
à cette demande sont les suivants:
165. (1) Un contribuable qui s'oppose à une cotisation
prévue par la présente Partie peut, dans les 90 jours de la
date d'expédition par la poste de l'avis de cotisation, signi-
fier au Ministre un avis d'opposition, en double exemplaire,
dans la forme prescrite, exposant les motifs de son opposi
tion et tous les faits pertinents.
(2) Un avis d'opposition prévu au présent article doit être
signifié par la poste, sous pli recommandé, adressé au
sous-ministre du Revenu national pour l'impôt, à Ottawa.
(3) Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu
du présent article, le Ministre doit,
a) avec toute la diligence possible, examiner de nouveau
la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière
ou établir une nouvelle cotisation, ou
b) lorsqu'un contribuable mentionne dans cet avis d'op-
position qu'il désire interjeter appel immédiatement
auprès de la Commission de révision de l'impôt ou auprès
de la Cour fédérale, et renonce à ce qu'un nouvel examen
soit fait de la cotisation et que le Ministre y consent,
déposer une copie de l'avis d'opposition auprès du regis-
traire de la Commission de révision de l'impôt ou au
greffe de la Cour fédérale, selon le cas,
et en aviser le contribuable par lettre recommandée.
169. Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposi-
tion à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter
appel auprès de la Commission de révision de l'impôt, pour
faire annuler ou modifier la cotisation
a) après que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé
à une nouvelle cotisation, ou
b) après l'expiration des 180 jours qui suivent la signifi
cation de l'avis d'opposition sans que le Ministre ait
notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la
cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation,
mais nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté
après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a
été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article
165, portant que le Ministre a ratifié la cotisation ou pro-
cédé à une nouvelle cotisation.
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120
jours de la date où le registraire de la Commission de
révision de l'impôt transmet par la poste, au Ministre et au
contribuable, la décision concernant un appel basé sur l'arti-
cle 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du
Canada.
(2) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition
à une cotisation visée à l'article 165, il peut, au lieu d'inter-
jeter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt
en vertu de l'article 169, interjeter appel auprès de la Cour
fédérale du Canada à une date où, selon l'article 169, il lui
aurait été permis de le faire à la Commission de révision de
l'impôt.
Dans cette instance, les trois contribuables
demandeurs ont décidé d'interjeter directement
appel devant cette Cour en vertu de l'article
172(2). Selon les plaidoiries, ils ont observé le
délai de 90 jours prévu à l'article 169, puisqu'il
semble que le défendeur a ratifié les cotisations
en cause le 7 juillet 1972, comme le prévoit
l'article 165(3).
La manière d'interjeter appel est prévue à
l'article 175 de la loi, dont les passages qui s'y
rapportent sont les suivants:
175. (1) En vertu de la présente loi, un appel auprès de la
Cour fédérale ... est introduit,
a) dans le cas d'un appel interjeté par un contribuable,
(i) de la manière indiquée à l'article 48 de la Loi sur la
Cour fédérale,
(3) Un appel interjeté en vertu du présent article est
réputé être une action en Cour fédérale à laquelle s'appli-
quent la Loi sur la Cour fédérale et les règles de la Cour
fédérale concernant une action ordinaire, sous réserve des
règles spéciales établies relativement à ces appels et sauf
que
a) les règles concernant la jonction des parties et des
bases d'actions ne s'appliquent que pour permettre la
jonction des appels introduits en vertu du présent article;
L'article 175(1) prévoit que les appels doi-
vent être introduits «de la manière indiquée à
l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale» et
cette disposition prévoit qu'une procédure
contre la Couronne peut être engagée au moyen
d'un acte de procédure en la forme indiquée à
l'annexe A de cette loi, annexe qui contient un
modèle de déclaration où la personne qui
engage ces procédures est appelée le «deman-
deur» et «Sa Majesté la Reine» la «défende-
resse». Cette Cour a décidé qu'en matière d'ap-
pels relatifs à l'impôt sur le revenu que prévoit
l'article 175, il est préférable d'appeler «Sa
Majesté la Reine» comme défenderesse et non
«le ministre du Revenu national». (Voir l'arrêt
Mastino Developments Ltd. c. La Reine [1972]
C.F. 532, jugement du juge en chef adjoint
No61. Voir aussi l'arrêt Weintraub c. La Reine
[1972] C.F. 611, jugement du juge en chef
adjoint Noël, confirmé par la Cour fédérale
d'appel [1972] C.F. 619.)
Dans la présente affaire, le défendeur est «le
ministre du Revenu national». Ceci ne vicie pas
la déclaration mais je l'indique parce que cela
diffère de ce qui est maintenant la procédure
établie devant cette Cour.
J'estime cependant que cette déclaration est
entachée d'un vice qui la rend nulle, parce
qu'elle ne respecte pas l'article 175(3) de la loi.
Le paragraphe (3) rend les règles de la Cour
fédérale applicables à cette procédure, à l'ex-
ception des règles concernant la jonction des
parties et des bases d'action, qui ne s'appliquent
que pour permettre la jonction des appels intro-
duits en vertu de l'article 175.
Les règles de la Cour fédérale qui doivent
s'appliquer sont les Règles 1714 et 1715 qui se
lisent ainsi:
RÈGLE 1714. (1) Un demandeur peut, dans une même
action, demander redressement contre le même défendeur
pour plus d'une cause d'action,
a) si le demandeur poursuit du même chef pour toutes
ces causes d'action et s'il est allégué que le défendeur est
responsable du même chef pour toutes les causes d'ac-
tion, ou
b) avec la permission de la Cour.
(2) Une demande de permission prévue par le paragraphe
(1) peut être faite ex parte avant l'introduction de l'action.
RÈGLE 1715. (1) Deux personnes ou plus peuvent être
jointes en tant que codemandeurs ou en tant que codéfen-
deurs, dans une même action, soit avec la permission de la
Cour, soit
a) lorsqu'une même question de droit ou de fait se pose
dans toutes les actions si des actions distinctes étaient
intentées par ou contre chacune de ces personnes, selon
le cas, ou
b) lorsque tous les droits au redressement demandé dans
l'action (qu'ils soient conjoints, solidaires ou alternatifs)
concernent le même fait, la même question ou la même
chose, ou en découlent.
(2) Lorsque le demandeur dans une action demande un
redressement auquel une autre personne a droit conjointe-
ment avec lui, toutes les personnes ayant ainsi droit à ce
redressement doivent, sous réserve des dispositions de
toute loi et sauf permission contraire donnée par la Cour,
être constituées parties à l'action et celle d'entre elles qui ne
consent pas à être codemandeur doit, sous réserve de toute
ordonnance rendue par la Cour au sujet d'une demande de
permission faite en vertu du paragraphe (1), être mise en
cause à titre de codéfendeur.
N'était l'interdiction particulière que contient
l'article 175(3) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, les demanderesses auraient fort bien pu
se prévaloir de ces dispositions des règles, ce
qui permettrait à plusieurs contribuables d'inter-
jeter appel de leurs cotisations à l'impôt sur le
revenu au moyen d'une seule procédure. Toute-
fois, en rapprochant l'article 175(3) des Règles
1714 et 1715 et en prenant cet article dans le
contexte général de la Loi de l'impôt sur le
revenu, je pense que chaque contribuable doit
«introduire» son appel individuellement et sépa-
rément de tout autre. La loi vise chaque année
d'imposition distincte et chaque contribuable
distinct. Chaque cotisation annuelle constitue, il
me semble, une cause d'action distincte. Le but
des procédures d'appel qu'expose la loi est d'ar-
river à une décision sur les questions qui se sont
élevées entre un contribuable déterminé et le
ministre du Revenu national à propos de son
assujettissement que prévoit la loi au titre d'une
année d'imposition déterminée.
J'estime donc que les trois contribuables dis-
tincts dans cette affaire auraient dû instituer des
appels distincts contre les cotisations à l'impôt
sur le revenu dont ils se plaignent. Ceci fait et si
le Ministre avait présenté une défense à cet
égard, et une fois le dossier en état, je pense
que l'article 175(3)a) aurait permis la jonction
des appels aux fins du procès si, comme l'avo-
cat des demanderesses le soutient, ces trois
appels reposent sur des faits communs et soulè-
vent les mêmes questions de droit.
Je conclus donc de ce qui précède qu'il n'est
pas possible de maintenir la présente déclara-
tion et qu'elle doit être radiée. C'est à regret que
j'arrive à cette conclusion, car les demanderes-
ses ont manifesté de manière non équivoque
leur intention d'interjeter appel des cotisations
du Ministre devant cette Cour dans le délai que
prescrit la loi et il devrait leur être permis de le
faire. Cependant, leur droit d'appel résulte de la
loi et dépend de l'observation des conditions
énoncées dans la partie de la loi qui leur
accorde ce droit d'appel.
Ma décision de radier cette déclaration risque
de laisser les demanderesses dans une situation
difficile, à cause de l'expiration du délai de 90
jours que prévoit l'article 169, n'étaient les dis
positions d'exonération de l'article 167(4), qui
se lisent ainsi:
167. (4) Lorsque aucun appel auprès de la Cour fédérale
du Canada n'a été interjeté en vertu de l'article 172 dans le
délai imparti par cet article, une demande peut être faite à la
Cour fédérale du Canada, au moyen d'un avis déposé à la
Cour et signifié au sous-procureur général du Canada au
moins 14 jours avant la présentation de la demande faite en
vue d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans
lequel un tel appel peut être interjeté, et la Cour peut, si, à
son avis, les circonstances du cas sont telles qu'il serait
juste et équitable de le faire, rendre une ordonnance prolon-
geant le délai d'appel et imposer les conditions qu'elle
estime justes.
Ce paragraphe permet aux demanderesses de
demander la prolongation du délai qu'il prévoit
à condition qu'elles se conforment aux condi
tions énoncées à l'article 167(5).
La présente déclaration doit donc être radiée.
Les dépens n'ont pas fait l'objet d'une demande
et, dans ces conditions, je ne rendrai aucune
ordonnance en ce qui les concerne.
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