In re Norman William Edmonds (Demandeur)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël—Ottawa, les 19 et 22 décembre
1972.
Emprisonnement—Libération conditionnelle—Détenu en
liberté conditionnelle inculpé d'un acte criminel et empri-
sonné en attendant son procès—Déclaration de culpabilité
ultérieure—Période de détention en attendant le procès
retranchée de la période de liberté conditionnelle—Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, S.R. 1970, c. P-2, art.
21(1), amendée par S.R. 1970, c. 31 (1 g' Supp.).
E a été inculpé d'un acte criminel alors qu'il avait quitté
un pénitencier sous libération conditionnelle. Il a été détenu
106 jours avant d'être libéré sous cautionnement. Par la
suite, il a été jugé et trouvé coupable de l'acte criminel et
réemprisonné pour une période de 849 jours, qui restait à
courir sur sa libération conditionnelle, et pour une période
supplémentaire pour l'infraction ultérieure.
Arrêt: nonobstant le fait que sa libération conditionnelle
n'était pas «frappée de déchéance par une déclaration de
culpabilité» au sens de l'article 21(1) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, S.R. 1970, c. P-2,
amendée par S.R. 1970, c. 31 (1e' Supp.) on ne doit pas
interpréter cette loi de façon restrictive. En conséquence, il
faut déduire les 106 jours que E a passé sous garde de la
période de libération conditionnelle restant à courir.
DEMANDE.
K. Cartwright pour le demandeur.
E. R. Sojonky pour le sous-procureur général
du Canada.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL—La pré-
sente affaire porte sur une demande déposée au
nom de Norman William Edmonds et visant à
obtenir un jugement déclaratoire quant aux dis
positions législatives qu'il y a lieu d'appliquer
aux peines d'emprisonnement que le demandeur
purge actuellement.
Les faits ne sont pas contestés. Le deman-
deur est actuellement détenu au pénitencier de
Joyceville, une institution du système péniten-
tiaire canadien. Le 22 avril 1968, Edmonds a
été placé en libération conditionnelle, jusqu'au
13 octobre 1970. Arrêté le 2 février 1970, il a
été accusé d'avoir émis de la fausse monnaie et
emprisonné pendant une période de 106 jours,
soit du 3 février 1970 au 19 mai 1970, date à
laquelle il a été libéré sous cautionnement. Le
26 juin 1970, il a été déclaré coupable d'avoir
émis de la fausse monnaie et condamné à une
peine d'emprisonnement de 15 mois qu'il devait
purger consécutivement à toute autre peine qu'il
purgeait déjà. Il a également été condamné à
une peine additionnelle de 3 mois consécutive, à
Oshawa, le 14 septembre 1971. Il a été informé
que, à compter du 26 juin 1970, il était frappé
d'une nouvelle peine d'emprisonnement égale à
la période de 849 jours qui restaient à courir sur
sa libération conditionnelle, plus 15 mois, plus 3
mois. Il a également été informé qu'il serait
libéré le 11 mars 1973, avec surveillance obliga-
toire pendant 15 mois, ce qui représente la
réduction qui lui a été accordée sur la peine
initiale de 4 ans imposée en 1966, ainsi que la
réduction relative aux peines consécutives de
15 mois et de 3 mois.
Le demandeur prétend (1) que la période de
détention du 3 février 1970 au 19 mai 1970 doit
être retranchée du temps qui restait à courir sur
sa libération conditionnelle et (2) qu'il ne doit
pas être placé en surveillance obligatoire pen
dant la période de réduction statutaire totale qui
lui est accordée pour la totalité des peines, mais
uniquement pendant la période de réduction qui
lui a été accordée pour la nouvelle peine impo
sée le 25 juin 1970 et pour les peines
ultérieures.
La seule question à trancher dans le présent
litige est celle de savoir si le demandeur est
fondé à exiger que les 106 jours qu'il a passés
en détention (du 3 février 1970 au 19 mai 1970)
soient retranchés du reste de sa libération con-
ditionnelle, aux termes de l'article 21(1) de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus
S.R. 1970, c. P-2, amendée par S.R. 1970, c. 31
(ler Supp.), qui se lit comme suit:
21. (1) Lorsqu'une libération conditionnelle est frappée
de déchéance par une déclaration de culpabilité d'un acte
criminel, le détenu à liberté conditionnelle doit purger un
emprisonnement, commençant lorsque la sentence pour
l'acte criminel lui est imposée, d'une durée égale au total
a) de la partie de l'emprisonnement auquel il a été con-
damné qui n'était pas encore expirée au moment de
l'octroi de cette libération, y compris toute période de
réduction de peine inscrite à son crédit, notamment la
réduction de peine méritée,
b) de l'emprisonnement, le cas échéant, auquel il est
condamné sur déclaration de culpabilité de l'acte criminel,
et
c) du temps qu'il a passé en liberté après que la sentence
pour l'acte criminel lui a été imposée, à l'exclusion du
temps qu'il a passé en liberté en conformité d'une libéra-
tion conditionnelle à lui accordée après qu'une telle sen
tence lui a été imposée,
moins le total
d) du temps antérieur à la déclaration de culpabilité de
l'acte criminel lorsque la libération conditionnelle était
suspendue ou révoquée et durant lequel il était sous garde
en raison d'une telle suspension ou révocation, et
e) du temps qu'il a passé sous garde après déclaration de
culpabilité de l'acte criminel avant l'imposition de la sen
tence pour l'acte criminel.
Selon l'avocat de la Commission des libéra-
tions conditionnelles, l'alinéa d) de cet article ne
donne droit à une réduction que lorsque la
libération conditionnelle est suspendue ou révo-
quée et aucune réduction ne peut être accordée
lorsque la libération conditionnelle est frappée
de déchéance en vertu de l'article 17(1) de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
comme c'est le cas dans la présente affaire, le
demandeur ayant été déclaré coupable d'un acte
criminel et, ledit article précisant que la libéra-
tion conditionnelle du détenu est, de ce fait,
frappée de déchéance et que cette déchéance
est censée dater du jour où l'infraction a été
commise.
L'article 17(1) se lit comme suit:
17. (1) Lorsqu'un individu qui est ou qui a été à un
moment un détenu à liberté conditionnelle est déclaré cou-
pable d'un acte criminel punissable d'un emprisonnement
d'au moins deux ans, commis après que la libération condi-
tionnelle lui a été accordée et avant qu'il ait été relevé des
obligations de cette libération conditionnelle ou avant l'expi-
ration de sa sentence, sa libération conditionnelle est, de ce
fait, frappée de déchéance et cette déchéance est censée
dater du jour on l'infraction a été commise.
Si l'on interprète l'article 21 littéralement, le
demandeur ne semble pas visé puisque sa libé-
ration conditionnelle n'a pas été suspendue ou
révoquée par la Commission et qu'il n'était pas
détenu en raison d'une telle suspension ou
révocation.
Toutefois, la véritable question que nous
devons nous poser est la suivante: y a-t-il lieu
d'interpréter restrictivement cet article? Je dois
dire que je ne vois pas pourquoi un détenu
serait, en vertu de l'article 17(1), traité d'une
manière différente qu'en vertu de l'article
21(1)d) en ce qui concerne la réduction de peine
et l'avocat du ministère n'a pas réussi à justifier
cette différence. Le Jowitt's Dictionary of Eng-
lish Law (page 1556) dit de la «révocation»
[TRADUCTION] ... qu'elle est opérée de trois façons: par un
acte de la partie en cause (subjective); par l'application de la
loi (objective) et par une décision des tribunaux (judiciaire).
et, à la page 1557, on trouve que
[TRADUCTION] La révocation objective résulte de l'appli-
cation d'une règle de droit, quelle que soit l'intention des
parties.
Je suis disposé à conclure que le mot «révo-
quée» à l'article 21 comprend notamment une
révocation par l'application de la loi comme
celle qui est prévue à l'article 17(1), puisqu'il ne
me semble y avoir aucune raison valable de
refuser une réduction à un détenu lorsque sa
libération conditionnelle est frappée d'une
déchéance et d'en accorder une lorsque la libé-
ration conditionnelle est suspendue ou révoquée
par la Commission, alors que, dans les trois cas,
le détenu en libération conditionnelle voit cel-
le-ci frappée de déchéance, même si, dans le cas
de l'article 17(1), la personne visée est détenue
à la suite d'une arrestation et non parce que la
Commission a suspendue ou révoquée sa libéra-
tion conditionnelle. A mon avis, ce qui importe
aux termes de l'article 21(1)d), ce n'est pas que
la détention suive la suspension ou la révoca-
tion mais bien que la détention, la suspension
ou la révocation se produisent simultanément. Il
pourrait être difficile d'accorder une réduction
lorsque la déchéance entre en vigueur à comp-
ter de la condamnation, mais les choses sont
plus simples dans la présente affaire vu que la
déchéance est rétroactive à la date à laquelle
l'infraction a été commise, la situation qui
existe étant alors identique à celle que vise
l'article 21(1)d), savoir, que la détention et la
suspension ou déchéance se produisent en
même temps. Il me semble en effet que, dans
les trois cas, le détenu est emprisonné et, à mon
avis, aux fins de la libération conditionnelle il
est sans importance que sa perte résulte d'une
décision de la suspendre ou de la révoquer ou
qu'elle soit la conséquence nécessaire d'une
déclaration de culpabilité ou de l'application de
la loi.
Je conclus donc que la période d'emprisonne-
ment du demandeur allant du 3 février 1970 au
19 mai 1970 doit être retranchée du reste de sa
libération conditionnelle et qu'il ne doit pas être
placé en surveillance obligatoire pendant la
période de réduction statutaire totale qui lui est
accordée pour toutes les peines mais unique-
ment pendant la période de réduction pour la
nouvelle peine qui lui a été imposée le 25 juin
1970 et pour les peines ultérieures.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.