Allied Farm Equipment Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Heald—
Ottawa, les 2 et 9 mars 1972.
Impôt sur le revenu—Compagnies associées—Une asso
ciation avec une compagnie étrangère est-elle suffisante—
Loi de l'impôt sur le revenu, art. 39(4) et (5), art. 139(1)h).
En l'espèce, trois frères étaient respectivement actionnai-
res majoritaires de trois compagnies assujetties à l'impôt
canadien dans lesquelles aucun des deux autres ne détenait
d'actions. Toutefois, les trois frères étaient les seuls action-
naires et détenaient le même nombre d'actions d'une com-
pagnie américaine non assujettie à l'impôt canadien sur le
revenu.
Arrêt: (Confirmant les cotisations de l'impôt sur le revenu
de chacune des trois compagnies canadiennes pour les
années 1960 à 1964.) Pendant la période en cause, les trois
compagnies canadiennes étaient associées les unes aux
autres au sens de l'article 39(5) de la Loi de l'impôt sur le
revenu car, pendant la période en cause, chacune d'elle était
associée à la compagnie américaine au sens de l'article
39(4). Bien que la compagnie américaine ne fût pas imposa-
ble au Canada, il s'agissait néanmoins d'une «corporation»
au sens des dispositions relatives à la définition d'une
«corporation» à l'art. 139(1)h) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Arrêt suivi: International Fruit Distributors Ltd. c.
M.R.N. [1953] R.C.E. 231; distinction à faire avec
l'arrêt Lea -Don Canada Ltd. c. M.R.N. [1969] C.T.C.
85; [1970] C.T.C. 346.
Philip F. Vineberg pour l'appelante.
L. P. Chambers pour l'intimé.
LE JUGE HEALD—Le présent appel porte sur
une décision que la Commission d'appel de l'im-
pôt a rendue le 7 décembre 1970 rejetant l'ap-
pel de l'appelante des nouvelles cotisations
d'impôt sur le revenu relatives à ses années
d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964.
Les parties ont convenu d'exposer dans un
mémoire spécial les points à décider, conformé-
ment à la Règle 475. Ce mémoire spécial se lit
comme suit:
[TRADUCTION] 1. A toutes les époques en cause
(1) l'appelante était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois
de la province du Manitoba,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis-
saient de la façon suivante:
Actions
Actions Actions privilégiées
ordinaires privilégiées de classe A
Alexander J. Kanter .. 400 900
Eugene V. Paskewitz .. 1 —
George Linden Higgins 1 — —
Total des actions .... 100 400 900
(2) La Falcon Equipment Company Limited était une
corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois
de la province de l'Ontario,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis-
saient de la façon suivante:
Actions Actions
ordinaires privilégiées
James I. Kanter 20,005 '500
C. Perry 1
H. Chadwick 1 —
Total des actions 20,007 500
(3) La Northwest Farm Equipment Limited était une
corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois
de la province de l'Alberta,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis-
saient de la façon suivante:
Actions Actions
ordinaires privilégiées
Solomon Kanter 999 400
Dennis Sammen 1 —
Total des actions 1,000 400
(4) La Middle West Farm Equipment Export Corporation
était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois
des États-Unis d'Amérique ou de l'un de ces États,
(ii) un non-résident du Canada qui
(iii) n'exerçait pas une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis-
saient de la façon suivante:
Actions
ordinaires
Alexander J. Kanter 30
James I. Kanter 30
Solomon Kanter 30
Total des actions 90
2. MM. Alexander J. Kanter, James I. Kanter et Solomon
Kanter sont frères.
3. Dans les nouvelles cotisations qui font l'objet de l'ap-
pel de l'appelante, l'intimé a cotisé de nouveau l'appelante
relativement aux années d'imposition 1960, 1961, 1962,
1963 et 1964 au motif qu'à toutes les époques en cause,
l'appelante était associée à la Falcon Equipment Compa
ny Limited et à la Northwest Farm Equipment Limited,
au sens du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de
l'impôt sur le revenu. En effet, à toutes les époques en
cause, chacune des corporations suivantes, soit l'appe-
lante, la Falcon Equipment Company Limited et la North
west Farm Equipment Limited, était associée à la Middle
West Farm Equipment Export Corporation au sens du
paragraphe (4) de l'article 39 de cette loi.
4. L'appelante et l'intimé sont d'accord sur les faits pré-
cédemment exposés.
5. La question que doit trancher la Cour est celle de
savoir si la Middle West Farm Equipment Export Corpo
ration était, à toutes les époques en cause, associée à
chacune des corporations suivantes, soit l'appelante, la
Falcon Equipment Company Limited et la Northwest
Farm Equipment Limited au sens du paragraphe (4) de
l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
6. L'appelante et l'intimé sont d'accord pour dire que:
(1) si la Cour répond affirmativement à cette question,
l'appelante, la Falcon Equipment Company Limited et
la Northwest Farm Equipment Limited étaient alors
associées les unes aux autres conformément aux dispo
sitions du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, l'appel sera donc rejeté et l'intimé
recevra les dépens, et
(2) si la Cour répond négativement à la question, l'appel
sera alors accueilli, l'appelante recevra les dépens et les
nouvelles cotisations relatives aux années d'imposition
1960, 1961, 1962, 1963 et 1964 seront renvoyées à
l'intimé pour qu'il les examine de nouveau et qu'il
établisse de nouvelles cotisations en se fondant sur le
fait que l'appelante n'était pas associée à la Falcon
Equipment Company Limited et à la Northwest Farm
Equipment Limited au sens de l'article 39 de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Lors de l'instruction, les deux parties se sont
entendues pour accueillir un fait supplémentaire
et, pour le prouver, l'avocat de l'appelante a
produit en preuve sous la cote A-1 une lettre
datée du 13 janvier 1972 que l'avocat de l'in-
timé lui avait adressée et dont voici la partie
pertinente:
[TRADUCTION] Je n'ai pas l'intention de plaider que la
Middle West Farm Equipment Export Corporation était
«employée au Canada». De ce fait et du fait non contesté
que la Middle West Farm Equipment Export Corporation
n'était ni un résident du Canada ni n'exerçait une entreprise
au Canada, il résulte donc que cette compagnie n'était pas
imposable au Canada en vertu de la Loi de l'impôt sur le
revenu et je n'ai certainement pas l'intention de plaider
qu'elle est autrement imposable.
Aux fins de l'année d'imposition 1960, voici
le texte de l'article 39(4):
39. (4) Aux fins du présent article, une corporation est
associée à une autre dans une année d'imposition si, à
quelque moment pendant l'année,
a) l'une d'elle possédait directement ou indirectement
soixante-dix pour cent ou plus de toutes les actions ordi-
naires émises du capital social de l'autre ou
b) soixante-dix pour cent ou plus de toutes les actions
ordinaires émises du capital social de chacune d'elles sont
possédées directement ou indirectement par
(i) une personne
(ii) deux personnes ou plus, conjointement, ou
(iii) des personnes ne traitant pas entre elles à distance,
dont l'une possédait, directement ou indirectement, une
ou plusieurs actions de capital social de chaque
corporation.
Aux fins des années d'imposition à compter
de 1961, l'article 39(4) se lit comme suit:
39. (4) Aux fins du présent article, une corporation est
associée à une autre dans une année d'imposition si, à
quelque moment pendant l'année,
a) une des corporations contrôlait l'autre,
b) les deux corporations étaient contrôlées par la même
personne ou le même groupe de personnes,
c) chacune des corporations était contrôlée par une per-
sonne et si la personne qui contrôlait une des corpora
tions était liée à la personne qui contrôlait l'autre, et si
une de ces personnes possédait directement ou indirecte-
ment une ou plusieurs actions de capital social de cha-
cune des corporations,
d) une des corporations était contrôlée par une personne
et si cette personne était liée à chaque membre d'un
groupe de personnes qui contrôlaient l'autre corporation,
et si une de ces personnes possédait directement ou
indirectement une ou plusieurs actions de capital social de
chacune des corporations, ou si
e) chacune des corporations était contrôlée par un groupe
lié et si chaque membre d'un des ernunes liés était lié à
tous les membres de l'autre groupe lié, et si un des
membres d'un des groupes liés possédait directement ou
indirectement une ou plusieurs actions de capital social de
chacune des corporations.
On demande à la Cour de décider si la Middle
West Farm Equipment Export Corporation (ci-
après désignée la Middle West) était, à toutes
les époques en cause, associée à chacune des
corporations suivantes, soit l'appelante, la
Falcon Equipment Company Limited (ci-après
désignée la Falcon) et la Northwest Farm
Equipment Limited (ci-après désignée la North
west), au sens du paragraphe (4) de l'article 39
de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si la Cour
répond affirmativement à cette question, les
parties reconnaissent alors que l'appelante, la
Falcon et la Northwest étaient associées les
unes aux autres conformément aux dispositions
du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de
l'impôt sur le revenu et qu'en ce cas, l'appel doit
être rejeté avec dépens.
L'appelante soutient que les dispositions de
l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu
déterminent le sens de tous les articles subsé-
quents de la Partie I de cette loi.
Voici le texte de l'article 2 de la Loi de
l'impôt sur le revenu:
2. (1) Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il
est prévu ci-après, sur le revenu imposable, pour chaque
année d'imposition, de toute personne résidant au Canada à
quelque époque de l'année.
(2) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du para-
graphe (1) pour une année d'imposition
a) était employée au Canada à quelque époque de l'an-
née, ou
b) exerçait une entreprise au Canada à quelque époque
de l'année,
un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu
ci-après, sur son revenu imposable gagné au Canada pour
l'année, déterminé en conformité de la section D.
(3) Le revenu imposable d'un contribuable pour une
année d'imposition est son revenu pour l'année moins les
déductions permises par la section C.
Ainsi, ledit article 2 assujettit les personnes
suivantes à l'impôt sur le revenu du Canada:
a) toute personne résidant au Canada,
b) toute personne employée au Canada, et
c) toute personne qui exerçait une entreprise
au Canada.
L'appelante a donc prouvé, au paragraphe 4 de
l'exposé des faits et à la pièce A-1, que la
Middle West n'entre dans aucune des catégories
précédentes, imposables en vertu de l'article 2
de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'avocat de l'appelante a présenté la situation
d'une manière plutôt pittoresque. Il a déclaré
que l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu
précisait qui était «client» du ministère du
Revenu national (impôt) et qui ne l'était pas.
Les faits non contestés prouvent indiscuta-
blement que cet article ne vise pas la Middle
West qui, de ce fait, n'est pas une «cliente» du
ministère du Revenu national (impôt) du
Canada.
Dans l'exposé de son argumentation, l'avocat
de l'appelante soutient que les dispositions de
l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu
déterminent le sens des articles 3 et 4 de cette
loi et que, lorsque ceux-ci se réfèrent au revenu
d'un contribuable, il s'agit du revenu et des
contribuables visés par l'article 2.
L'avocat a ensuite porté à mon attention l'ar-
ticle 44 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui
impose à «une corporation» de produire une
déclaration annuelle d'impôt sur le revenu. Il
prétend que le mot «corporation» utilisé dans
cet article ne s'applique qu'aux • corporations
visées par l'article 2 qui en limite la portée de
sorte que les «non-clients» du ministre du
Revenu national, comme il les appelle, ne sont
pas tenus de produire une déclaration.
L'avocat de l'appelante se réfère alors à l'arti-
cle 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu et plaide
que, comme dans le cas des autres articles de la
Partie I, les dispositions de l'article 2 doivent
déterminer le sens de l'article 39 qui doit être lu
à la lumière de celui-là.
L'avocat cite d'abord le paragraphe (1) de
l'article 39 et se réfère aux mots suivants:
«L'impôt exigible d'une corporation, aux termes
de la présente Partie, ...». Il fait remarquer que
la Middle West ne peut être imposée en vertu
de cette Partie, qu'elle n'est pas une «cliente» et
que, par conséquent, le mot «corporation» uti-
lisé à l'article 39(1) ne s'applique évidemment
pas à la Middle West.
Se reportant au paragraphe (2) de l'article 39,
l'avocat en cite les premiers mots: «(2) Lorsque
deux ou plusieurs corporations (les italiques
sont de moi) sont associées les unes aux autres
dans une année d'imposition, l'impôt exigible de
chacune d'elles ...» et se pose alors la ques
tion: [TRADUCTION] «Comment l'article 39(2)
peut-il viser une corporation non imposable?»
L'avocat aborde ensuite l'article 39(3). Ce
paragraphe permet à des corporations associées
de produire au bureau du Ministre une conven
tion dans laquelle elles adoptent le procédé qui
consiste à attribuer à l'une ou plusieurs d'entre
elles un revenu de $35,000 qu'on assujettit à un
taux réduit d'imposition. L'avocat se pose alors
la même question que précédemment: [TRADUC-
TION] «Comment le mot «corporation» utilisé
au paragraphe (3) pourrait-il s'appliquer à une
corporation qui n'est pas imposable au
Canada?»
L'avocat utilise la même argumentation à
propos du paragraphe (3)a). Le paragraphe (3)a)
traite le cas où les corporations associées ne se
sont pas entendues pour attribuer à l'une ou
plusieurs d'entre elles la première tranche de
$35,000 de revenu et, dans ce cas, impose au
Ministre de procéder à cette attribution à l'une
ou plusieurs desdites compagnies associées.
L'avocat plaide que, si le mot «corporation»
qu'on utilise au paragraphe (3)a) désigne toute
corporation, y compris une corporation «non-
cliente» comme la Middle West, le Ministre
pourrait donc imposer à un taux réduit le
revenu d'une corporation comme la Middle
West, alors qu'on ne pourrait utiliser ce taux. Il
soutient que cette interprétation aboutirait à un
résultat ridicule et qu'on ne peut croire que le
législateur ait envisagé une telle conséquence. Il
ajoute qu'il est manifeste que le mot «corpora-
tion» utilisé au paragraphe (3)a) doit désigner
une corporation canadienne pour avoir quelque
signification.
L'avocat de l'appelante a cité un autre article
de la Partie I de la Loi, à savoir l'article 27(1)e).
Ce dernier texte permet à un contribuable de
déduire de son revenu les pertes commerciales
subies pendant les cinq années d'imposition qui
précèdent, et dans l'année d'imposition qui suit,
l'année d'imposition.
Ledit avocat cite l'exemple d'une corporation
américaine qui, pendant trois ans, exerce son
activité uniquement aux États-Unis et qui perd
$100,000 par an. Puis la quatrième année, cette
corporation américaine s'installe au Canada et y
exploite une entreprise. On suppose en outre
qu'au cours de cette quatrième année, cette
corporation gagne $300,000 au Canada. L'avo-
cat ajoute que le mot «corporation», si l'inter-
prétation de l'intimé est correcte, désigne alors
«toute» corporation de «quelque endroit que ce
soit» et qu'en conséquence, d'après ces faits,
lesdites pertes subies par la corporation en
question pendant les années où elle n'était pas
une «cliente» du ministère du Revenu national
(impôt) du Canada pourraient être déduites des
bénéfices réalisés au Canada la quatrième
année, ce qui aboutirait au résultat sensationnel
que ladite corporation étrangère n'aurait aucun
revenu imposable au Canada la quatrième
année.
L'avocat de l'appelante cite cet exemple pour
aller jusqu'au bout de son argumentation et
montrer à quel résultat ridicule mènerait l'inter-
prétation du mot «corporation» de l'article 39
par l'intimé, faussant ainsi le sens de l'article
ainsi que l'intention du législateur.
Par ailleurs, l'avocat de l'intimé reconnaît que
la Middle West n'est pas imposable au Canada.
Il reconnaît également que l'appelante n'est pas
associée à la Falcon et à la Northwest selon les
termes de l'article 39(4) de la Loi de l'impôt sur
le revenu, mais il déclare que l'appelante est
associée à la Falcon et à la Northwest en vertu
de l'article 39(5)à cause des liens qui existent
entre l'appelante et la Middle West.
L'avocat de l'intimé déclare que la question à
trancher en l'espèce est celle de savoir si la
Middle West constitue une «corporation» au
sens de l'article 39(4). Si on donnait à cette
question une réponse affirmative, l'appelante, la
Falcon et la Northwest seraient donc visées par
l'article 39(4)b)(iii) en ce qui concerne l'année
d'imposition 1960 ainsi que par l'article 39(4)d)
en ce qui concerne les années d'imposition à
compter de 1961 et seraient donc considérées
comme associées à la Middle West.
Il prétend également qu'en vertu du paragra-
phe (5) de l'article 39, l'appelante, la Falcon et
la Northwest sont donc censées être associées
les unes aux autres. Le paragraphe (5) de l'arti-
cle 39 se lit comme suit:
39. (5) Lorsque deux corporations sont associées ou sont
considérées, en vertu du présent paragraphe, comme asso-
ciées à la même corporation simultanément, elles sont, pour
l'application du présent article, censées être associées l'une
à l'autre.
J'accepte la thèse de l'avocat de l'intimé vou-
lant que la question clé à décider en l'espèce
soit celle de savoir si le mot «corporation»
utilisé dans l'article 39(4) et (5) est assez large
pour comprendre une corporation comme la
Middle West. J'accepte également son analyse
des conséquences qu'aurait une réponse affir
mative de la Cour.
L'avocat de l'intimé cite la définition du mot
corporation que donne l'article 139(1)h) de la
Loi de l'impôt sur le revenu dont voici le texte:
139. (1)(h) «corporation» comprend une compagnie cons-
tituée et «corporation constituée au Canada» comprend une
corporation constituée dans quelque partie du Canada,
avant que celle-ci fût devenue partie du Canada ou après
qu'elle l'est devenue;
Il cite également à l'appui de sa thèse le
jugement du président Thorson (tel était alors
son titre) dans l'arrêt International Fruit Dis
tributors Ltd. c. M.R.N. [1953] R.C.É. 231. La
Cour suprême du Canada a confirmé cette déci-
sion sans donner de motifs écrits.
Dans cette affaire, toutes les actions émises
de l'appelante ainsi que celles d'une autre com-
pagnie canadienne appartenaient à une compa-
gnie américaine. A cette époque, l'article de la
Loi en vigueur était, à toutes fins utiles, identi-
que à l'article 39(4) applicable en l'espèce pour
l'année d'imposition 1960. L'article 39(5) était
également, à toutes fins utiles, identique à l'arti-
cle actuel. Le président Thorson a décidé dans.
cette affaire que le mot «personne» figurant à
l'article comprenait les corporations étrangères
et qu'en conséquence, l'appelante était une cor
poration liée (selon les termes de la Loi d'alors)
au sens de l'article.
Le président Thorson a déclaré à la page 233
de cet arrêt:
[TRADUCTION] Il me paraît ressortir de cette définition
que le mot «personne» de l'article 39(4)b)(i) de la Loi
comprend sans nul doute une corporation. Naturellement, il
comprend «toute» corporation et il n'y a nullement lieu de
décider qu'il n'inclut pas une corporation étrangère comme
la Pacific Gamble Robinson Company. Il m'est difficile de
trouver quelque ambiguïté dans la signification de ce terme
en raison de l'utilisation du mot «corporation» à l'article
36(5).
Après un examen attentif des faits pertinents
de l'espèce présente, je suis parvenu à la con
clusion qu'ils sont analogues à ceux de la déci-
sion (précitée) International Fruit et que je suis
lié par celle-ci.
Il est vrai que l'affaire International Fruit a
été jugée selon l'article 39(4)b)(i), mais je ne
crois pas qu'elle aurait été jugée différemment
selon l'article 39(4)b)(iii), car ces deux paragra-
phes s'appliquaient à l'année d'imposition 1960.
Je ne crois pas davantage qu'elle aurait été
jugée quelque peu différemment selon l'article
39(4)d) qui s'applique aux années d'imposition à
compter de 1961.
A la page 232 dudit jugement, le président
Thorson a déclaré:
[TRADUCTION] En bref, l'avocat de l'appelante prétend que
le mot «personne» de l'article 36(4)b)(i) n'inclut pas une
corporation où, subsidiairement, une corporation étrangère.
On a fait valoir que, si on interprétait cet article comme
incluant une corporation, l'article 36(5) dont voici le texte:
36. (5) Lorsque deux corporations sont liées ou sont
réputées, en vertu du présent paragraphe, liées à la même
corporation simultanément, elles sont, pour l'application
du présent article, censées être liées entre elles.
constituerait alors une redondance inutile, que, dans cet
article, la référence particulière aux corporations avait pour
effet d'exclure une corporation du sens du mot «personne»
de l'article 36(4)b)(i), que cela en rend le sens ambigu et que
cette ambiguïté doit être décidée en faveur de l'appelante.
Je ne peux souscrire à cette opinion. Ce n'est pas donner
une bonne interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu
que de considérer qu'elle utilise divers termes tout au long de
son texte de façon nécessairement logique ou de prétendre
que le manque d'uniformité dans leur usage leur donne
nécessairement un sens ambigu. (Les italiques sont de moi.)
A mon avis, la partie en italiques de la cita
tion précédente du président Thorson constitue
une réponse complète à la prétention de l'appe-
lante selon laquelle tous les articles de la Partie
I de la Loi de l'impôt sur le revenu suivant
l'article 2 doivent être lus en fonction de ce
dernier. Je pense que cela répond également à
ses observations concernant les paragraphes
(1), (2), (3) et (3a) de l'article 39. On ne me
demande pas en l'espèce d'interpréter le mot
«corporations» dans ces paragraphes. Je m'inté-
resse en l'espèce aux paragraphes (4) et (5) et
j'estime que le mot «corporations» utilisé dans
ces textes doit recevoir le sens simple et cou-
rant que lui attribue la définition de l'article
139(1)h) de la Loi.
Le savant avocat de l'appelante s'est appuyé
sur l'arrêt Lea -Don Canada Ltd. c. M.R.N.
[1969] C.T.C. 85 (Cour de l'Échiquier); con
firmé par la Cour suprême [1970] C.T.C. 346.
L'article de la Loi de l'impôt sur le revenu à
l'étude était l'article 20(4):
20. (4) Lorsque des biens susceptibles de dépréciation
ont appartenu, à toute époque après le commencement de
1949, à une personne (ci-après appelée le propriétaire ini
tial) et que, par une ou plusieurs opérations entre des
personnes ne traitant pas à distance, ils sont dévolus à un
contribuable, les règles suivantes s'appliquent....
En l'espèce, l'appelante essayait de plaider que
le mot «contribuable» comprenait une corpora
tion non résidente et non assujettie à l'impôt sur
le revenu du Canada. Mon collègue, le juge
Cattanach de la Cour de l'Échiquier, et le juge
Hall, qui a rédigé le jugement de la Cour
suprême, ont rejeté cet argument. M. le juge
Hall a décidé que l'article 20(4) ne s'appliquait
qu'aux contribuables ayant droit à une déduc-
tion et non aux personnes non imposables en
vertu de la Partie I.
A mon avis, la décision (précitée) Lea -Don
n'appuie pas la thèse de l'appelante. Première-
ment, elle interprète un paragraphe de la Loi
tout à fait différent et le fait dans le contexte
des mots qu'il utilise. Deuxièmement, la situa
tion de fait est en l'espèce différente en ce sens
que l'application des règles de l'article 39(4) et
(5) à la Middle West n'a pas pour effet de
l'assujettir à l'impôt, tandis que dans l'affaire
Lea -Don (précitée), la Cour traitait d'un article
prévoyant une déduction dont l'application ou
la non-application entraînait ou non l'assujettis-
sement à l'impôt.
L'autre affaire sur laquelle l'appelante s'est
'appuyée se classe dans la même catégorie que
l'affaire (précitée) Lea -Don. Il s'agit de l'arrêt
Office Overload Co. c. M.R.N. 65 DTC 690.
Dans cette affaire également, la Cour devait
interpréter un article prévoyant une déduction,
soit, l'article 85D qui traite des règles applica-
bles en matière de réclamation à titre de déduc-
tion de la partie des dettes actives composée
des mauvaises créances.
Dans chacune de ces affaires, l'interprétation
de l'article ou du paragraphe en question modi-
fiait l'assujettissement à l'impôt des deux orga-
nismes en cause. Cette seule particularité distin-
gue en fait ces deux affaires de l'espèce
présente. Dans celle-ci, l'interprétation deman-
dée, quelle qu'elle soit, n'influera en aucune
façon sur l'assujettissement à l'impôt de la
Middle West.
Dans l'ouvrage Maxwell on Interpretation of
Statutes, douzième édition, on peut lire à la
page 28:
[TRADUCTION] En matière d'interprétation, la première
règle, qui est aussi la plus élémentaire est qu'il faut suppo-
ser que les mots et les expressions des lois techniques sont
utilisés dans leur sens technique s'ils en ont un et autrement
dans leur sens courant; la seconde règle est qu'il faut
interpréter les expressions et les phrases selon les règles de
la grammaire.
et d'autre part à la page 43:
[TRADUCTION] La soi-disant «règle d'or» est en réalité une
modification de la règle littérale. Le baron Parke l'a énoncée
ainsi: «C'est une règle très utile dans l'interprétation d'une
loi que de s'en tenir au sens courant des mots utilisés ainsi
qu'à la construction grammaticale, à moins que cela ne soit
en désaccord avec l'intention du législateur qu'on doit
rechercher dans la loi elle-même, ou ne conduise à quelque
absurdité ou à quelque contradiction manifeste, auquel cas
on peut changer ou modifier le texte des expressions de
façon à éviter cet inconvénient, mais sans aller plus loin».
Il me semble utile de lire les paragraphes (4)
et (5) de l'article 39 en corrélation avec la
définition du mot «corporation» de l'article
139(1)h). Ceci fait, je ne vois pas comment on
peut considérer que le mot «corporation» exclut
une corporation étrangère. Pour ce faire, j'au-
rais dû, à la lecture de l'article 39(4) et (5), y
ajouter un élément qui n'existe pas. La jurispru
dence et la doctrine précisent que je dois
donner à ce mot son sens simple et courant,
sinon j'aboutirais à une absurdité ou à une
contradiction manifeste.
En l'espèce présente, je ne crois pas que cette
absurdité ou cette contradiction manifeste
puisse arriver.
En conclusion et en réponse au paragraphe 5
de l'exposé des faits, la Cour est d'avis que la
Middle West Farm Equipment Export Corpora
tion était, à toutes les époques en cause, asso-
ciée à chacune des corporations suivantes, soit
l'appelante, la Falcon Equipment Company
Limited et la Northwest Farm Equipment Lim
ited, au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de
la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'appel est en conséquence rejeté et l'intimé
recevra les dépens.
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