Margaret Jean Wisener, Robert A. Wisener,
Charles R. Wisener et John T. DesBrisay, exécu-
teurs testamentaires de Philip Atlee Wisener
(Appelants)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance, le juge Kerr—
Toronto, le 19 décembre; Ottawa, le 28 décem-
bre 1972.
Impôt successoral—Police d'assurance contractée par la
compagnie sur la vie de l'employé—Police contractée pour
garantir un prêt pour permettre à l'employé d'acquérir une
propriété—Peut-on inclure le montant de la police dans la
succession de l'employé—Loi de l'impôt sur les biens trans-
mis par décès, 1958, c. 29, art. 3(4b) [actuellement S.R.C.
1970, c. E-9, art. 3(8)].
Le de cujus était président de deux compagnies que ses
frères et lui-même contrôlaient. Pour permettre à ces deux
compagnies d'acquérir une autre entreprise, le de cujus leur
prêta les fonds qu'il avait empruntés à une banque en les
garantissant notamment par une police d'assurance sur sa
vie de $50,000 contractée par l'une des compagnies dans ce
but. Au décès du de cujus, le Ministre inclut les montants
versés au titre de la police d'assurance en cotisant la succes
sion aux fins de l'impôt successoral au motif qu'il s'agissait
d'une assurance contractée sur la vie du de cujus «à l'égard
de sa charge ou occupation actuelle ... au cours ou en vertu
de ladite charge ou occupation à titre d'employé» au sens de
l'article 3(4b) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par
décès, 1958, c. 29 [actuellement S.R. 1970, c. E-9, art. 3(8)].
Arrêt: la décision de la Commission d'appel de l'impôt est
infirmée, le texte législatif ne s'appliquant pas. L'assurance
n'a pas été contracté parce que le de cujus était un employé,
mais parce qu'il prêtait de l'argent.
APPEL d'une décision de la Commission
d'appel de l'impôt.
Pierre Genest, c.r. pour les appelants.
M. Storrow pour l'intimé.
LE JUGE KERR—Le présent appel porte sur
une décision de la Commission d'appel de l'im-
pôt, rendue le 8 décembre 1970, rejetant un
appel des exécuteurs testamentaires de Philip
Atlee Wisener. L'appel portait sur une nouvelle
cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt
sur les biens transmis par décès en vertu de
laquelle un impôt successoral d'un montant de
$26,579.43 a été prélevé sur ladite succession.
Le litige porte sur un montant versé aux
termes d'une police d'assurance sur la vie du de
cujus, Philip Atlee Wisener, contractée par son
employeur, la Wisener and Company Limited,
montant que le Ministre a inclus dans le calcul
de la valeur globale nette des biens transmis au
décès de Wisener.
Le principal point en litige est de déterminer
si ce montant était payable aux termes d'une
police d'assurance-vie contractée sur la vie du
de cujus [TRADUCTION] «à l'égard de sa charge
ou occupation ou au cours ou en vertu de ladite
charge ou occupation à titre d'employé de la
Wisener and Company Limited», au sens de
l'article 3(1)k) et 3(4b) de la Loi de l'impôt sur
les biens transmis par décès (1958, c. 29 et
modifications subséquentes) dont voici les pas
sages pertinents:
3. (1) Dans le calcul de la valeur globale nette des biens
transmis au décès d'une personne, on doit inclure la valeur
de tous les biens, quelle qu'en soit la situation, transmis au
décès de cette personne, y compris, sans restreindre la
généralité de ce qui précède,
k) toute prestation de pension de retraite ou de pension,
ou prestation consécutive au décès, payable ou accordée
(i) sur ou selon toute caisse ou plan établi pour le
paiement de prestations de pension de retraite ou de
pension, ou de prestation consécutive au décès, à des
bénéficiaires, ou
à compter du décès du de cujus, quant audit décès;
(4b) Aux fins de l'alinéa k) du paragraphe (1), tout mon-
tant payable à l'égard du décès d'une personne aux termes
d'une police d'assurance (autre qu'une police d'assurance
possédée ainsi que le décrit l'alinéa m) du paragraphe (1))0
selon laquelle une assurance-vie a été effectuée sur la vie de
ladite personne à l'égard de sa charge ou occupation
actuelle ou antérieure ou au cours ou en vertu de ladite
charge ou occupation à titre d'employé de tout employeur,
sauf toute fraction dudit montant payable aux termes de la
police à
b) un particulier ou une corporation autre
(ii) qu'une corporation, qui a été contrôlée, directement
ou indirectement, soit par la détention de la majorité
des actions de la corporation ou de toute autre corpora
tion soit de quelque autre façon, par cette personne, par
un ou plusieurs particuliers mentionnés au sous-alinéa
(i), par cette personne et par un ou plusieurs de ces
particuliers ou par une autre personne pour son ou leur
compte,
et excepté lorsque la police a été cédée à cette personne et
n'a pas été à quelque moment par la suite cédée à un
employeur mentionné à l'alinéa a), ou à toute personne en
fiducie ou autrement aux fins d'un fonds ou d'un plan établi
en vue du paiement aux bénéficiaires d'une pension de
retraite, d'une pension ou de prestations consécutives au
décès, est réputé une prestation consécutive au décès paya
ble à l'égard du décès de cette personne sur un fonds ou
plan ou aux termes d'un fonds ou plan établi en vue du
paiement de prestations consécutives au décès à des bénéfi-
ciaires. (Les soulignés sont de moi.)
Les parties ont convenu que le dossier du
présent appel serait constitué des documents
suivants:
[TRADUCTION] 1. L'exposé conjoint des faits
déposé devant la Commission d'appel de
l'impôt.
2. Pièce 1—la police d'assurance n° 1478826
de la Manufacturers Life Insurance Company, y
compris le formulaire de demande.
3. Pièce 2—la lettre de la Ronald D. Smith &
Co. Limited à la Bourse de Toronto en date du
27 janvier 1959.
4. Pièce 3—la lettre de P. A. Wisener à la
Banque de Nouvelle-Écosse datée du 30 janvier
1959.
5. Pièce 4—la lettre de convention adressée
par P. A. Wisener à la Banque de Nouvelle-
Ecosse datée du 30 janvier 1959.
6. Pièce 5—la lettre de P. A. Wisener à la
Banque de Nouvelle-Écosse datée du 19
décembre 1958.
7. Témoignage de J. T. DesBrisay devant la
Commission d'appel de l'impôt.
ainsi que des éléments de l'interrogatoire préa-
lable de J. T. DesBrisay versés au dossier par
l'avocat du Ministre.
Voici le texte de l'exposé conjoint des faits
déposés devant la Commission d'appel de
l'impôt:
[TRADUCTION] 1 . Le ministre a inclus dans la valeur impo-
sable des biens transmis au décès du de cujus la somme de
$38,160.97, représentant le montant net payé par la Manu
facturers Life Insurance Company à la Rosehill Holdings
Limited («la Rosehill») en vertu de la police #1478826
d'assurance-vie du défunt dont la Rosehill était bénéficiaire.
Ladite police avait à l'origine été émise en faveur de la
Wisener & Company Limited («Wisener Limited»), en juin
1958; elle avait été vendue par cette compagnie à la veuve
du de cujus, le 25 mai 1961, qui l'avait par la suite revendue
à la Rosehill, le 17 janvier 1967.
La pièce 1 jointe à cet exposé des faits est une copie
conforme de la police et de la proposition d'assurance.
2. Le Ministre est d'avis que ladite somme constitue un
montant payable au décès du de cujus, aux termes d'une
police d'assurance sur sa vie, à l'égard, au cours ou en vertu
de sa charge ou occupation comme employé de la Wisener
Limited, et qu'elle doit dès lors être incluse dans la valeur
imposable des biens transmis au décès du de cujus, selon les
dispositions de l'article 3(4b) de la Loi de l'impôt sur les
biens transmis par décès. La seule question qui se pose dans
cet appel est de déterminer si les dispositions de l'article
3(4b) sont applicables.
3. En 1958, le défunt était président de la Wisener Limi
ted, membre de l'Association canadienne des courtiers en
valeurs mobilières et courtier en placements; il était égale-
ment président de la Mackellar Wisener Limited («Mackel-
lar Limited»), courtier en valeurs mobilières et membre de
la Bourse de Toronto, (ces compagnies sont parfois grou-
pées ci-après sous le nom de «les Compagnies Wisener»).
Le de cujus, son frère, M. C. R. Wisener et son fils, M. R.
A. Wisener, (ci-après dénommées «le Groupe Wisener»),
possédaient la majorité des actions dans les deux
compagnies.
4. Au printemps 1958, le de cujus a entamé des négocia-
tions avec les actionnaires de la Bonald D. Smith & Compa
ny Limited («Smith Limited»), qui était également membre
de la Bourse de Toronto, en vue d'acheter cette compagnie
pour le compte des Compagnies Wisener. La Smith Limited
s'était spécialisée dans les transactions outre-mer et les
Compagnies Wisener disposaient d'importants contacts en
Angleterre et désiraient acquérir l'entreprise de la Smith
Limited afin de pouvoir accroître leurs affaires outre-mer.
Ces négociations ont abouti au début de 1959 lorsque les
compagnies Wisener ont pris possession des affaires de la
Smith Limited.
La pièce 2 est une copie d'une lettre envoyée par la Smith
Ltd. à la Bourse de Toronto pour la mettre au courant du
résultat de la transaction.
5. Au début des négociations, le Groupe Wisener avait
reconnu que s'il obtenait l'entreprise de la Smith Limited,
les Compagnies Wisener devraient nécessairement augmen-
ter leur capital en raison des règlements de la Bourse de
Toronto et de l'Association canadienne des courtiers en
valeurs mobilières, qui exigeaient que les compagnies mem-
bres maintiennent un certain coefficient de capital propor-
tionné à l'importance de l'entreprise qu'elles exploitaient.
Les coefficients requis pour l'exploitation d'une entreprise
faisant des affaires outre-mer étaient beaucoup plus élevés
que ceux qui sont exigés dans le cas des compagnies faisant
des affaires au pays, à cause du retard dans les dates de
livraison, ainsi que des modes de livraison des compagnies
d'outre-mer. Il était donc nécessaire aux Compagnies Wise-
ner d'obtenir l'assurance qu'elles pourraient réunir le capital
supplémentaire requis avant de continuer les négociations.
A cette fin, le Groupe Wisener a entrepris de prêter auxdi-
tes Compagnies Wisener les fonds qui leur étaient nécessai-
res, sur garantie de billets à long terme.
6. Les règlements de la Bourse de Toronto et de l'Asso-
ciation canadienne des courtiers en valeurs mobilières inter-
disent aux compagnies membres de se procurer des capi-
taux à long terme en faisant appel à d'autres que les
actionnaires ou les employés des compagnies membres, ce
qui signifiait que les actionnaires des Compagnies Wisener
constituaient la seule source des capitaux à long terme qui
étaient nécessaires aux compagnies.
7. Le Groupe Wisener a fait en sorte de se procurer les
fonds qu'il avait convenu d'investir dans lesdites Compa-
gnies Wisener, en les empruntant de la Banque de Nouvelle-
Écosse («la Banque») et en donnant en garantie des billets à
long terme des Compagnies Wisener.
Les pièces 3 et 4 de cet exposé sont des lettres que le
défunt avait écrites, le 30 janvier 1959, pour demander à
la Banque d'accorder ce prêt?
8. La Wisener Limited a pris des assurances sur la vie
des membres du Groupe Wisener de la façon suivante:
(i) une police d'assurance d'une valeur nominale de
$50,000 a été prise sur la vie du défunt, le 26 juin 1958,
(il s'agit de l'assurance en question dans cet appel);
(ii) une police d'assurance d'une valeur nominale de
$60,000 a été prise sur la vie de M. Robert A. Wisener, le
24 juin 1958;
(iii) une police d'assurance d'une valeur nominale de
$60,000 a été prise sur la vie de M. Charles R. Wisener, le
24 juin 1958;
Les polices susdites ont été effectivement souscrites quel-
que sept mois avant la conclusion du contrat avec la Smith
Limited, lorsque les membres du Groupe Wisener ont été
jugés assurables quand ils ont présenté leurs demandes, en
juin 1958, (peu après le commencement des négociations),
et les polices ont alors été prises.
9. En janvier 1959, c'est-à-dire au moment de la conclu
sion de la transaction avec la Smith Limited, le Groupe
Wisener a conjointement emprunté de la Banque la somme
de $230,000. A ce moment, il avait été convenu avec la
Banque qu'en cas de décès d'un membre du Groupe Wise-
ner, le produit de l'assurance sur la vie de ce membre,
assurance détenue par les Compagnies Wisener, serait uti-
lisé et employé de façon à permettre à la succession de ce
membre défunt, de rembourser sa part de la somme
empruntée conjointement de la Banque.
10. La somme de $230,000 empruntée de la Banque, par
le Groupe Wisener, ainsi qu'on l'a vu précédemment, a été
employée par le Groupe Wisener pour acheter des billets
des Compagnies Wisener de la manière suivante:
(i) le de cujus et son épouse ont acheté des billets de la
Wisener Limited pour un montant de $70,000
(ii) le de cujus et son épouse ont acheté des billets de la
Mackellar Limited pour un montant de $70,000
(iii) M. C. R. Wisener a acheté des billets de la Wisener
Limited pour un montant de $30,000
(iv) M. C. R. Wisener a acheté des billets de la Mackellar
Limited pour un montant de $20,000
(v) M. R. A. Wisener a acheté des billets de la Wisener
Limited pour un montant de $20,000
(vi) M. R. A. Wisener a acheté des billets de la Mackellar
Limited pour un montant de $20,000
En outre, à la même époque, M. C. Barnaby Benson,
résidant en Angleterre, et ancien actionnaire de la Smith
Limited qui était devenu, au moment de la transaction,
actionnaire de la Mackellar Limited, a acheté des billets de
la Mackellar Limited pour un montant de $50,000.
11. Aussitôt après l'achat desdits billets comme susdit, la
Wisener Limited a utilisé la somme de $35,000 pour rache-
ter les actions privilégiées de cette compagnie qui était
détenues par le de cujus et son épouse.
12. Immédiatement avant que la Banque n'avance l'ar-
gent au Groupe Wisener, la Wisener Limited a donné en
nantissement à la Banque les polices d'assurance décrites au
paragraphe 8 ci-dessus. En outre, la Wisener Limited a
également donné en nantissement à la Banque l'assurance
qu'elle possédait déjà sur la vie du de cujus pour le montant
nominal de $30,000, (assurance que détenait la Wisener
Limited pour lui permettre de racheter les actions privilé-
giées détenues par le de cujus, en cas de décès du de cujus).
L'assurance ainsi déposée en nantissement s'ajoutait à l'as-
surance sur la vie du défunt qui avait également été déposée
en nantissement à la Banque par la Mackellar Limited.
La pièce 5 de cet exposé est une copie d'une lettre écrite
par le de cujus à la Banque, en date du 16 décembre 1958.
14. Au cours de l'été 1959, (c'est-à-dire quelques mois
après l'acquisition des affaires de la Smith Limited), et à
cause de modifications dans les exigences de la Bourse de
Toronto en ce qui concerne la mise de fonds, la Wisener
Limited a acquis l'actif de la Mackellar Limited et a changé
son nom en la Wisener, Mackellar and Company Limited.
Les emprunts des deux compagnies ont été réunis, de
nouveaux billets à ordre ont été souscrits par la Wisener,
Mackellar and Company Limited et les billets précédents
ont été annulés. Immédiatement après, les billets de la
Wisener, Mackellar and Company Limited pour un montant
principal de $40,000 et détenus par le de cujus ont été
vendus à M. S. R. Mackellar, un autre actionnaire de la
compagnie; le 25 mai 1961, la compagnie a vendu à la
veuve du défunt la police d'assurance, dont il est question
dans cet appel, pour la valeur totale de rachat de cette
police. La veuve a ensuite vendu cette police à la compa-
gnie Rosehill, dont toutes les actions émises sont détenues
par les enfants du de cujus, à titre de bénéficiaires.
Dans sa demande de police d'assurance, la
Wisener & Company Limited déclarait que c'é-
tait la vie du président de la compagnie qu'elle
désirait faire assurer et que son intérêt assura-
ble résidait dans le fait qu'il s'agissait d'un de
ses actionnaires.
Les lettres adressées à la Banque de Nou-
velle-Écosse, mentionnées au paragraphe 7 de
l'exposé conjoint des faits et sollicitant un prêt
de $230,000, offrent notamment en garantie du
prêt
a) un billet de P. A. Wisener et J. Wisener, C.
R. Wisener et R. A. Wisener, tous solidaire-
ment responsables;
b) le nantissement des billets qu'on se propo-
sait d'acheter;
c) le nantissement de polices d'assurance-vie,
savoir, $292,000 sur la vie de P. A. Wisener,
$60,000 sur celle de C. R. Wisener et $60,000
sur celle de R. A. Wisener.
On y trouve aussi les observations suivantes:
[TRADUCTION] L'expansion des deux entreprises et les
emprunts que nous envisageons plaident en faveur du
maintien de la participation dominante du groupe
Wisener.
Les assurances-vie cédées à votre Banque et les assuran
ces sur la vie des emprunteurs contractées par les deux
entreprises permettront d'éteindre en grande partie sinon
en totalité la dette de l'un des emprunteurs advenant son
décès.
En outre, on mettra à la disposition des survivants les
sommes nécessaires au rachat de la participation de l'em-
prunteur décédé, de façon à préserver la position domi-
nante du groupe, dans l'intérêt de la Banque.
On se propose de nantir au moyen d'un billet solidaire
tout l'actif du groupe Wisener. Dans le cadre de ces
opérations, toutes les dettes courantes envers votre
Banque seront liquidées.
En fait, votre Banque sera informée, pour ses dossiers, de
la part supportée par chaque participant.
Étant donné que les billets seront souscrits par chacun
des emprunteurs individuellement et qu'en conséquence
l'intérêt courra pour chacun d'eux individuellement, il
devient nécessaire d'adopter cette méthode pour les fins
de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Ce processus vise en outre à couvrir la dette de chacun
des emprunteurs, advenant son décès, au moyen de l'as-
surance nantie auprès de votre Banque par chacun d'entre
eux.
Dans cette éventualité, la succession du défunt serait
seulement tenue de payer le solde impayé de la dette du
de cujus; tout solde reçu par l'intermédiaire de l'assurance
serait versé à la succession, qui serait libérée de toute
obligation.
Me J. T. DesBrisay, dont le témoignage
devant la Commission d'appel de l'impôt fait
partie des preuves admises de part et d'autre
devant la Cour, est l'exécuteur testamentaire du
de cujus et aussi son gendre; il est avocat à la
Cour suprême de l'Ontario et membre du cabi
net juridique Cassels, Brock, à Toronto. Il a
témoigné qu'il avait été consulté au sujet des
négociations du de cujus avec la Compagnie
Smith et qu'il était au fait des dispositions
prises par les Compagnies Wisener pour obtenir
le capital nécessaire. Il a déclaré que l'on avait
convenu, dès le début des négociations, que le
Groupe Wisener emprunterait lui-même l'argent
à la banque et le prêterait à son tour aux Com-
pagnies Wisener, en garantissant cet emprunt
par des billets à long terme; il a ajouté que les
compagnies avaient l'habitude de contracter des
assurances sur la vie des particuliers qui leur
prêtaient de l'argent, pour qu'en cas de décès de
l'un d'eux, le capital additionnel provenant des
assurances-vie permette aux compagnies de
réduire les billets à long terme et que, dans ce
cas précis, il était notamment convenu que le
Groupe Wisener prendrait ses dispositions en
vue du financement de façon à pouvoir acheter
des billets des compagnies, moyennant quoi ces
dernières contracteraient des assurances suffi-
santes et en paieraient les primes pour protéger
la succession des prêteurs en cas de décès. Me
DesBrisay a aussi déclaré que l'assurance avait
été contractée en juin 1958 et que les compa-
gnies Wisener l'ont détenue tant que les négo-
ciations avec la Smith n'ont pas été achevées et
qu'en décembre de la même année, alors qu'il
ne restait plus à régler que quelques formalités
de la transaction, l'ensemble de ces polices,
c'est-à-dire la police en question en l'espèce, les
polices de $60,000 sur la vie de chacun des
autres membres du groupe, plus une police de
$30,000 qui avait été souscrite antérieurement,
en 1954, par la Wisener & Company, ont été
consignées à la banque; par la suite, en janvier
1959, elles ont été nanties en bonne et due
forme auprès de la banque, à titre de garantie
supplémentaire pour les fonds que le groupe
Wisener lui avait emprunté. Lorsqu'on lui a
demandé si la police avait été souscrite pour
servir de garantie au prêt accordé aux compa-
gnies du groupe Wisener par ce dernier, ou si
elle devait servir à faciliter l'emprunt du groupe
Wisener à la banque, Me DesBrisay a répondu
de la façon suivante:
[TRADUCTION] Les deux aspects étaient inséparables. Le
groupe Wisener a tenu à contracter une assurance pour
protéger ses avances à la compagnie, afin qu'en cas de
décès, la banque puisse être remboursée. Vous voyez, ils
ont emprunté une somme de $230,000 à la banque sur des
billets à ordre. A l'origine, la part de M. Wisener s'élevait à
$140,000.00. S'il décédait, la banque réclamerait ces $140,-
000.00 et, autrement, il conserverait une créance à long
terme envers sa compagnie qui lui rembourserait ces $140,-
000.00 dans un délai donné.
Il a ajouté que le de cujus avait fait la proposi
tion suivante à la banque: [TRADUCTION] «Prê-
tez-nous $230,000 et nous garantirons cet
emprunt en reprenant des billets des compa-
gnies Wisener et en contractant une assurance
que les compagnies Wisener paieront». Il a
aussi déclaré que le de cujus avait 59 ou 60 ans
lorsqu'il a contracté la police d'assurance en
question, qu'il s'inquiétait de savoir s'il était
assurable et avait demandé que soient dégagées
les sommes nécessaires dès le début des négo-
ciations car l'organisation du financement en
dépendait; on a contracté la police dès qu'il fut
jugé assurable. Lorsqu'on lui a demandé pour-
quoi, en mai 1961, la police d'assurance avait
été vendue à la veuve du de cujus (avant le
décès de ce dernier), Me DesBrisay a répondu
que le montant que devait personnellement le de
cujus à la banque, pour sa part du billet soli-
daire, avait été réduit, d'une part, par suite de la
vente de certains de ces billets à la Mackellar
et, d'autre part, par suite de remboursements
réguliers de capital effectués sur ces billets pen
dant quelques années, si bien que l'assurance
n'était plus nécessaire pour couvrir la somme
qu'il devait à la banque, ni, par conséquent,
pour couvrir le solde de ce que lui devait la
compagnie; rien ne justifiait donc plus que la
compagnie conserve cette police d'assurance et
continue à en payer les primes. Lors de l'inter-
rogatoire préalable, on a demandé à Mé DesBri-
say pourquoi la police d'assurance n'avait pas
été annulée à la fin de mai 1961, quand elle a
cessé d'être utile à la banque; voici ce qu'il a
répondu:
[TRADUCTION] Il m'est très difficile de faire des conjectu
res sur ce point. Je pense qu'il y a probablement un certain
nombre de raisons: d'abord, je ne sais si M. Wisener a
jamais annulé une police d'assurance au cours de sa vie,
parce qu'il a toujours estimé que c'était un avoir très
valable, pour le cas où sa famille ou lui-même aurait besoin
de faire des emprunts. Oh, je ne pense pas pouvoir avancer
de meilleure explication. Il croyait à l'assurance.
Les parties ont convenu qu'à toutes les épo-
ques en cause, le de cujus était un employé des
compagnies Wisener et personne n'a mis en
doute que le groupe Wisener dirigeait les com-
pagnies Wisener, que la compagnie Rosehill
appartient aux enfants du de cujus et que, lors-
que la veuve du de cujus a racheté la police à la
compagnie Wisener et que la Rosehill l'a par la
suite racheté, l'acheteur a payé dans les deux
cas la pleine valeur de rachat de cette police.
Le Ministre soutient que la Loi de l'impôt sur
les biens transmis par décès vise à faire entrer
dans la valeur nette d'une succession les polices
d'assurance du genre de celles dont il est ques
tion ici et qui, dans ce cas précis, ont abouti
entre les mains des enfants du de cujus. Il
soutient également que la compagnie Wisener
n'avait pas contracté cette police uniquement
pour offrir une garantie à la banque mais aussi
pour protéger et avantager la succession du de
cujus en cas de décès et qu'elle avait été con-
tractée «à l'égard de sa charge ou occupa
tion ... ou au cours ou en vertu de ladite charge
ou occupation» à titre d'employé de la compa-
gnie Wisener, au sens de l'article 3(4b) de la loi;
enfin, il soutient que les termes «au cours de»
se rapportent au temps et ont le même sens que
le mot «pendant».
L'avocat des appelants soutient que la police
a été contractée de façon à permettre l'exécu-
tion de l'obligation du de cujus envers la banque
en cas de décès, qu'on avait contracté cette
police en raison du fait que le de cujus était un
bailleur de fonds de la compagnie, sans tenir
compte du fait qu'il était administrateur ou
employé de la compagnie; il fait aussi valoir que
la police n'a pas été contractée «à l'égard de sa
charge ou occupation ... ou au cours ou en
vertu de» cette charge ou occupation et que ces
termes, tels qu'utilisés dans la loi, impliquent un
lien de causalité directe entre le fait de contrac-
ter une police et la charge ou l'occupation de la
personne assurée en tant qu'employé de la
compagnie.
L'avocat des appelants a cité les arrêts sui-
vants à l'appui de sa plaidoirie: Williams c.
M.R.N. [1955] R.C.É. 12; Hochstrasser c.
Mayes [1959] 3 All E.R. 817; Goldman c.
M.R.N. [1953] 1 R.C.S. 211; Le procureur géné-
ral c. Murray [1904] 1 K.B. 165.
On trouve aussi les mots «à l'égard ... au
cours ou en vertu» d'une charge ou occupation
dans la Loi de l'impôt sur le revenu; on les
utilise par ailleurs dans différents contextes
dans le langage courant; le sens de ces mots
n'est pas précis. Dans certains dictionnaires, les
mots «au cours de» sont synonymes de
«durant» ou «pendant».
En l'espèce, je ne pense pas qu'on puisse dire
que l'assurance a été contractée «à l'égard» ou
«en vertu» de la charge ou occupation du de
cujus, car elle l'a principalement été en tant
qu'accessoire ou élément de la méthode choisie
pour obtenir les fonds nécessaires à la compa-
gnie et parce que le de cujus devenait l'obligé de
la banque en tant qu'emprunteur d'une partie
des fonds prêtés à la compagnie au cours de
l'opération. Les déclarations, dans la demande
d'assurance, concernant sa qualité de président
et l'intérêt assurable de la compagnie, c'est-à-
dire le fait qu'il en soit actionnaire, ne sont pas
incompatibles avec cette analyse. J'estime en
outre que les termes «au cours de» utilisés à
l'article 3(4b) n'ont pas simplement le sens de
«durant» ou de «pendant». Je pense que, lors-
qu'une police est contractée, comme c'est le cas
en l'espèce, parce que le de cujus prêtait de
l'argent à la compagnie et non parce qu'il en
était employé ou administrateur, ce paragraphe
ne s'applique pas à cette police.
En conséquence, l'appel est accueilli avec
dépens et la cotisation est déférée à l'intimé
pour nouvelle cotisation au 'motif que l'article
3(4b) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis
par décès ne s'applique pas à la police en
question.
Lors de l'audition de l'appel devant cette Cour, les
avocats des parties ont convenu que l'article 3(1)m) ne
s'appliquait pas en l'espèce.
2 M. J. Wisener, dont le nom apparaît dans ces lettres,
était l'épouse du de cujus P. A. Wisener.
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