Medi-Data Inc. et Book Bargains Inc.
(Demanderesses)
c.
Le procureur général du Canada (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Thurlow et Walsh—Ottawa, les 12 et 14 avril
1972.
Postes—Interdiction d'utiliser les services postaux signi-
fiés à une personne commettant une infraction au moyen de
la poste—Ordonnance du ministre des Postes—Révision par
la commission de révision—Forme de l'ordonnance—Pou-
voirs de la commission—Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c.
P-14, article 7.
Examen judiciaire—Cour d'appel—Compétence—Inter-
diction d'utiliser les services postaux édictés par le ministre
des Postes—Révision par la commission de révision—Droit
de contester—Loi sur la Cour fédérale, article 28.
Le 4 mars 1971, le ministre des Postes a rendu des
ordonnances prohibitives provisoires en vertu de l'article 7
de la Loi sur les postes interdisant d'utiliser la poste à deux
compagnies américaines au motif qu'elles commettaient des
infractions en envoyant des documents obscènes par la
poste. Quatorze jours plus tard, soi-disant conformément à
l'article 7(2) de la Loi, il en informa les demanderesses.
L'avocat des demanderesses demanda que les ordonnances
fassent l'objet d'une enquête «sous réserve de tous les
droits de ses clientes». Des enquêtes furent menées par les
commissions de révision nommées par le ministre des
Postes en vertu de l'article 7(3) et, par suite des recomman-
dations des commissions, les ordonnances prohibitives pro-
visoires furent déclarées définitives en août 1971. Les
demanderesses demandèrent à cette Cour, en vertu de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'examiner et d'annu-
ler les ordonnances prohibitives provisoires, les recomman-
dations des commissions de révision et les ordonnances
prohibitives définitives.
Arrêt: rejet de la demande.
1. La Cour n'est pas compétente pour annuler les ordon-
nances prohibitives provisoires, rendues avant que la Loi
sur la Cour fédérale n'entre en vigueur le ler juin 1971.
2. Les ordonnances prohibitives provisoires n'étaient pas
nulles du fait qu'elles ne reprenaient pas, dans les termes
utilisés à l'article 7(1), que le ministre des Postes «a des
motifs raisonnables de croire» que les demanderesses com-
mettaient des infractions.
3. Étant donné les pouvoirs étendus accordés à la com
mission de révision lors d'une enquête en vertu de l'article
7, elle était en droit de prendre en considération des docu
ments envoyés par la demanderesse et non mentionnés dans
les ordonnances prohibitives provisoires.
4. Le fait que le ministre des Postes ait omis de notifier
les ordonnances prohibitives provisoires aux demanderesses
dans les cinq jours qui ont suivi leur établissement, comme
l'exige l'article 7(2), n'a pas rendu ces ordonnances nulles,
mais simplement accordé aux demanderesses le droit de les
contester ce qu'elles n'ont pas fait. La lettre de leur avocat
demandant une enquête «sous réserve de tous les droits» de
ses clientes, avait tout au plus pour effet de préserver leur
droit de contester les ordonnances.
DEMANDE d'examen judiciaire.
J. C. Hanson, c.r. pour les demanderesses.
W. J. Trainor pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—La
présente demande vise à faire examiner et
annuler des décisions et recommandations de
certaines commissions de révision qu'a nom-
mées le ministre des Postes conformément à
l'article 7 de la Loi sur les postes, décisions et
recommandations contenues dans des rapports
établis le 6 août 1971, et à faire examiner et
annuler des ordonnances prohibitives définiti-
ves que le ministre des Postes a rendues le 17
août 1971 en vertu de l'article 7 de la Loi sur
les postes'.
L'article 7 de la Loi sur les postes est rédigé
ainsi:
7. (1) Chaque fois que le ministre des Postes a des motifs
raisonnables de croire qu'une personne,
a) au moyen de la poste,
(i) commet ou tente de commettre une infraction, ou
(ii) aide, incite ou pousse une personne à commettre
une infraction, ou,
b) dans l'intention de commettre une infraction, emploie
la poste pour atteindre son but,
le ministre des Postes peut rendre un ordre provisoire (dans
le présent article, appelé «ordre prohibitif provisoire»),
interdisant la livraison de tout courrier adressé à cette
personne (au présent article, appelée «personne en cause»)
ou déposé par cette personne à un bureau de poste.
(2) Dans les cinq jours après l'établissement d'un ordre
prohibitif provisoire, le ministre des Postes doit envoyer à la
personne en cause, à sa dernière adresse connue, une lettre
recommandée l'informant de l'ordre et des raisons invo-
quées et l'avisant qu'elle peut, dans les dix jours de la date à
laquelle la lettre recommandée a été envoyée, ou dans le
délai prorogé que le Ministre des postes spécifie dans la
lettre, demander que l'ordre fasse l'objet d'une enquête, et,
sur réception, dans les dix jours ou dans le délai prorogé,
d'une requête écrite de la personne en cause, demandant
que l'ordre soit l'objet d'une enquête, le ministre des Postes
doit soumettre l'affaire, ainsi que la documentation et la
preuve qu'il a considérées en rendant l'ordre, à une commis
sion de revision composée de trois personnes par lui nom-
mées, et dont l'une doit appartenir à la profession du droit.
(3) La commission de revision doit faire enquête sur les
faits et circonstances qui entourent l'ordre prohibitif provi-
soire et fournir à la personne en cause une occasion raison-
nable de comparaître devant la Commission, de lui faire des
observations et de soumettre une preuve.
(4) La commission de revision a tous les pouvoirs d'un
commissaire aux termes de la Partie I de la Loi sur les
enquêtes, et, outre la documentation et la preuve soumises à
la commission par le ministre des Postes, peut étudier toute
autre preuve, orale ou écrite, qu'elle juge appropriée.
(5) Tout courrier détenu par le ministre des Postes con-
formément au paragraphe (8) peut être livré à la commission
de revision, et, avec le consentement de la personne en
cause, la commission peut l'ouvrir et l'examiner.
(6) La commission de revision, après avoir étudié l'af-
faire qui lui a été soumise, doit présenter un rapport, avec
ses recommandations, au ministre des Postes, ainsi que
toute la preuve et autre documentation dont elle a été saisie,
et, sur réception du rapport de la commission, le ministre
des Postes doit examiner à nouveau l'ordre prohibitif provi-
soire, et il peut le révoquer ou le déclarer ordre prohibitif
définitif selon qu'il le juge opportun.
(7) Le ministre des Postes peut révoquer un ordre prohi-
bitif provisoire ou définitif, lorsqu'il est convaincu que la
personne en cause n'utilisera pas la poste pour l'un quelcon-
que des motifs décrits au paragraphe (1), et, avant de la
révoquer, exiger de celle-ci un engagement à cet effet.
(8) Dès qu'un ordre prohibitif provisoire ou définitif a été
rendu et jusqu'à ce que le ministre des Postes révoque un
tel ordre,
a) aucun employé de la poste ne doit, sans la permission
du ministre des Postes,
(i) remettre du courrier adressé à la personne en cause,
ou
(ii) accepter quelque objet transmissible offert par la
personne en cause pour être transmis par la poste,
b) le ministre des Postes peut détenir ou retourner à
l'expéditeur tout courrier adressé à la personne en cause
et toute chose que cette dernière a déposée à un bureau
de poste, et
c) le ministre des Postes peut déclarer que tout courrier
détenu d'après l'alinéa b) est objet non livrable, et tout
courrier ainsi déclaré non livrable doit être traité selon les
règlements qui s'y rattachent.
En juillet 1970, on a attiré l'attention du
ministère des Postes sur une brochure intitulée
WOMAN: Her Sexual Variations and Func
tions, que la demanderesse Book Bargains Inc.
avait envoyée par la poste à un résident cana-
dien. En décembre 1970, on a attiré l'attention
du ministre des Postes sur une brochure intitu-
lée Sex Education Without Censorship, que la
demanderesse Medi-Data Inc. avait envoyée par
la poste à des résidents canadiens.
Le 4 mars 1971, le sous-ministre des Postes 2
a rendu une ordonnance qui, dans la partie qui
nous intéresse, est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] CONFORMÉMENT AUX dispositions de
l'article 7 de la Loi sur les postes, le soussigné rend, par la
présente, une ordonnance prohibitive provisoire à l'encontre
de:
c) La Medi-Data Inc., dont les adresses postales sont: Case
postale 388, Van Brundt Station, Brooklyn, (N.Y.) 11215,
et Case postale 4399, Grand Central Station, New York,
(N.Y.) 10017, au motif que la Medi-Data Inc. commet une
infraction au moyen de la poste, SAVOIR, envoie une
brochure publicitaire obscène ou indécente intitulée Sex
Education Without Censorship en contravention de l'article
153 du Code criminel du Canada;
CONFORMÉMENT À cette ordonnance, la livraison de
tout courrier adressé à toute personne ou corporation men-
tionnée aux alinéas a) à j) inclus, ou qu'elles déposent dans
un bureau de poste, est interdite.
Le même jour, il a rendu une autre ordonnance
dont voici un extrait:
[TRADUCTION] CONFORMÉMENT AUX dispositions de
l'article 7 de la Loi sur les postes, le soussigné rend, par la
présente, une ordonnance prohibitive provisoire à l'encontre
de:
y) La Book Bargains Inc., dont l'adresse postale est: Case
postale 4040, Grand Central Station, New York (N.Y.)
10017, au motif que la Book Bargains Inc. commet une
infraction au moyen de la poste, SAVOIR, envoie des
brochures publicitaires obscènes ou indécentes intitulées
Woman: her sexual variations and functions, en contraven
tion de l'article 153 du Code criminel du Canada.
CONFORMÉMENT À cette ordonnance, la livraison de
tout courrier adressé à toute personne ou corporation men-
tionnée aux alinéas a) à y) inclus, ou qu'elles déposent dans
un bureau de poste, est interdite.
Le 18 mars 1971, le ministre des Postes a
écrit à la demanderesse Medi-Data Inc. la lettre
suivante:
[TRADUCTION] SACHEZ QUE le 4 mars 1971, le sous-minis-
tre des Postes a rendu une ordonnance prohibitive provi-
soire, conformément aux dispositions de l'article 7 de la Loi
sur les postes, à l'encontre de la Medi-Data Inc., dont les
adresses postales sont: Case postale 388, Van Brundt Sta
tion, Brooklyn, (N.Y.) 11215, et Case postale 4399, Grand
Central Station, New York, (N.Y.) 10017, au motif que la
Medi-Data Inc. commet une infraction au moyen de la
poste, SAVOIR envoie une brochure publicitaire obscène
ou indécente intitulée Sex Education Without Censorship,
en contravention de l'article 153 du Code criminel du
Canada.
SACHEZ EN OUTRE que, conformément à cette ordon-
nance, la livraison de tout courrier qui vous est adressé ou
que vous déposez dans un bureau de poste est interdite.
ET SACHEZ EN OUTRE que, dans les quinze jours à
compter de la date du présent avis, vous pouvez demander
que l'ordonnance provisoire fasse l'objet d'une enquête, et
que sur réception dans les quinze jours d'une requête écrite
de votre part, demandant que l'ordonnance fasse l'objet
d'une enquête, le sous-ministre des Postes soumettra l'af-
faire, ainsi que la documentation et la preuve qu'il a consi-
dérées en rendant l'ordonnance, à une commission de révi-
sion composée de trois personnes nommées par le ministre
des Postes, et dont l'une doit appartenir à la profession du
droit.
ET SACHEZ EN OUTRE que vous trouverez ci-joint, pour
votre information, un exemplaire de l'article 7 de la Loi sur
les postes du Canada.
Une lettre identique a été envoyée le même
jour à la demanderesse Book Bargains Inc.,
comportant les modifications nécessaires pour
tenir compte du fait que l'ordonnance relative à
cette demanderesse était fondée sur la brochure
Woman: Her Sexual Variations and Functions.
Le 25 mars 1971, un avocat newyorkais, M.
Herbert Monte Levy, a écrit une lettre au sous-
ministre des Postes. Cette lettre est rédigée
ainsi:
[TRADUCTION] Nous représentons la Book Bargains, Inc.
qui a reçu votre avis daté du 18 mars 1971, l'informant que,
14 jours avant la date de votre avis, une ordonnance prohi
bitive provisoire avait été rendue.
Au nom de ladite cliente, nous demandons par les présen-
tes que l'ordonnance prohibitive provisoire fasse l'objet
d'une enquête.
Je vous serais aussi reconnaissant de m'indiquer s'il serait
correct ou opportun que je représente la cliente au Canada,
avec ou sans avocat.
Il va de soi que la présente demande est faite sous réserve
de tous les droits de notre cliente.
Il est peut-être possible que nous réglions cette question à
l'amiable. Si les postes canadiennes acceptaient de passer
un accord aux termes duquel les annonces du livre men-
tionné dans votre lettre ne seraient plus envoyées au
Canada par la poste, et qui permettrait tous les autres
envois (excepté la publicité concernant le livre susmen-
tionné), notre cliente serait prête à accepter une telle tran
saction sous réserve, naturellement, qu'il soit entendu
qu'une telle condition ne constituerait pas pour la cliente un
aveu que le livre en question était obscène ni, naturelle-
ment, une reconnaissance de la part du ministère des Postes
qu'il n'était pas obscène.
Je dois en outre ajouter qu'une loi semblable à celle sur
laquelle vous vous appuyez a été unanimement jugée
inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis il y a
quelques semaines dans une affaire connue sous le nom de
Blount c. Rizzi. Naturellement, si nous devons intenter une
action, nous avons l'intention d'amener l'affaire devant les
plus hautes instances judiciaires possibles. Nous avons déjà
pris contact avec un avocat canadien réputé mais nous vous
serions reconnaissants de nous donner à l'avance un avis de
la date de toute audition, pour nous permettre de prendre
des dispositions pour trouver un avocat canadien, car celui
avec qui nous sommes en relation n'est pas dans une
situation géographique qui lui permette de nous être utile.
Le même jour, le même avocat newyorkais a
écrit au sous-ministre des Postes une autre
lettre que voici:
[TRADUCTION] Nous représentons la Medi-Data Inc. qui a
reçu votre avis daté du 18 mars 1971.
Dans cette même enveloppe, nous avons joint une lettre
que nous vous envoyons au nom de notre cliente la Book
Bargains Inc. Nous l'incorporons à la présente en vous
priant de vous y reporter et nous la considérons comme en
faisant partie intégrante, comme si étaient ici exposés inté-
gralement tous les consentements, demandes, objections et
offres qui sont faits dans ladite lettre écrite au nom de la
Book Bargains Inc., étant naturellement bien entendu que
tous ceux-ci sont faits et formulés au nom de la Medi-Data
Inc. et en ce qui concerne la brochure publicitaire dont il est
question dans votre lettre à la Medi-Data Inc.
Ceci comprend évidemment la demande que l'ordonnance
prohibitive provisoire fasse l'objet d'une enquête.
Le 22 avril 1971, le sous-ministre des Postes
a soumis l'affaire Medi-Data Inc. à une commis
sion de révision par le document suivant:
[TRADUCTION] Ayant rendu le 4 mars 1971 une ordonnance
prohibitive provisoire interdisant la livraison de tout cour-
rier adressé à Medi-Data Inc., case postale 388, Van Brundt
Station, Brooklyn, (N.Y.) 11215 et case postale 4399,
Grand Central Station, New York, (N.Y.) 10017, (E. -U.), ou
qu'elle dépose dans un bureau de poste.
Et ladite Medi-Data Inc. ayant demandé que l'ordonnance
prohibitive provisoire fasse l'objet d'une enquête.
Par ces motifs, conformément à l'article 7 de la Loi sur les
postes, je soumets, par les présentes, cette affaire ainsi que
la documentation et la preuve que j'ai considérées en ren-
dant ladite ordonnance prohibitive provisoire à une commis
sion de révision composée des trois personnes suivantes
que je nomme par les présentes:
M. L. A. Couture, c.r.—président
M. E. C. Savage
M. A. S. Whiteley
et le 23 avril 1971, il a soumis par un document
semblable l'affaire Book Bargains Inc. à une
commission de révision composée des mêmes
personnes.
Les commissions de révision ont mené les
enquêtes en conséquence. Le 6 août 1971, la
commission statuant sur l'affaire Medi-Data a
fait un rapport qui se terminait ainsi:
[TRADUCTION] Dans ces conditions et pour les motifs
ci-dessus, la commission de révision constate que l'utilisa-
tion de la poste dans le but de transmettre l'annonce SEX
EDUCATION WITHOUT CENSORSHIP! constitue l'in-
fraction décrite à l'article 153 du Code criminel. La com
mission de révision recommande que l'ordonnance prohibi
tive provisoire soit déclarée définitive.
et le même jour, la commission statuant sur
l'affaire Book Bargains Inc. a fait un rapport
qui se terminait ainsi:
[TRADUCTION] La commission de révision constate que
l'utilisation de la poste dans le but de transmettre l'annonce
WOMAN: Her Sexual Variations and Functions (et l'an-
nonce More Blazing Sex -Films ...) constitue l'infraction
décrite à l'article 153 du Code criminel. La commission de
révision recommande que l'ordonnance prohibitive provi-
soire soit déclarée définitive.
Ces rapports ayant été dûment transmis au
sous-ministre des Postes, le 17 août 1971, ce
dernier a envoyé à M. Levy les lettres dont
voici un extrait:
[TRADUCTION] J'ai le plaisir de vous informer que la com
mission de révision que j'avais nommée pour enquêter sur
les faits et circonstances entourant l'ordonnance prohibitive
provisoire relative aux envois par la poste de votre cliente,
la Medi-Data Inc., a maintenant soumis un rapport avec ses
recommandations au ministre des Postes.
La commission de révision en est venue à la conclusion
que l'utilisation de la poste dans le but de transmettre
l'annonce SEX EDUCATION WITHOUT CENSORSHIP!
constitue l'infraction décrite à l'article 153 du Code crimi-
nel. La commission de révision a recommandé que l'ordon-
nance prohibitive provisoire soit déclarée définitive.
J'ai reconsidéré l'ordonnance prohibitive provisoire et j'ai
l'honneur de vous informer que j'ai accepté la recommanda-
tion de la commission de révision. En conséquence, l'ordon-
nance prohibitive provisoire rendue contre Medi-Data, Inc.
le 4 mars 1971 doit être considérée à compter de ce jour
comme étant une ordonnance prohibitive définitive.
•
et
[TRADUCTION] J'ai le plaisir de vous informer que la com
mission de révision que j'ai nommée pour enquêter sur les
faits et circonstances entourant l'ordonnance prohibitive
provisoire relative aux envois par la poste de votre cliente,
la Book Bargains Inc., a maintenant soumis un rapport avec
ses recommandations au ministre des Postes.
La commission de révision en est venue à la conclusion
que l'utilisation de la poste dans le but de transmettre
l'annonce WOMAN: Her Sexual Variations and Functions
(et l'annonce de More Blazing Sex -Films ...) constitue
l'infraction décrite à l'article 153 du Code criminel. La
commission de révision a recommandé que l'ordonnance
prohibitive provisoire soit déclarée définitive.
J'ai reconsidéré l'ordonnance prohibitive provisoire et j'ai
l'honneur de vous informer que j'ai accepté la recommanda-
tion de la commission de révision. En conséquence, l'ordon-
nance prohibitive provisoire rendue contre la Book Bar
gains, Inc. le 4 mars 1971 doit être considérée à compter de
ce jour comme étant une ordonnance prohibitive définitive.
La Partie II des factums des demanderesses
contient une longue liste des points par lesquels
elles contestent la validité des procédures dans
cette affaire. Toutefois, durant les débats, l'avo-
cat des demanderesses a précisé qu'il ne s'ap-
puyait sur aucune des contestations qui y
étaient énumérées, si ce n'est sur celles qu'il
avait avancées au cours des débats. En particu-
lier, il a précisé qu'il ne mettait pas en question
les conclusions des commissions, selon lesquel-
les l'utilisation de la poste dans le but de trans-
mettre les brochures en question constituait les
infractions qu'indique le Code criminel.
L'avocat des demanderesses a soulevé trois
points que l'on doit prendre en considération:
a) le sous-ministre des Postes n'a exposé dans
aucune des ordonnances prohibitives provi-
soires s'il «avait des motifs raisonnables de
croire» que la demanderesse commettait, au
moyen de la poste, l'infraction en cause,
b) l'introduction dans le rapport de la Com
mission au sujet de l'affaire Book Bargains
Inc. d'une conclusion fondée sur l'envoi
d'une annonce relative à More Blazing Sex -
Films ..., dont il n'était pas question dans
l'ordonnance prohibitive provisoire, et
c) le fait que le ministre des Postes a omis
d'envoyer des lettres recommandées dans le
délai légal de cinq jours prévu à l'article 7(2) 3 .
Je vais étudier ces trois points dans l'ordre
dans lequel je les ai exposés.
En premier lieu, je vais examiner le fait que
l'ordonnance prohibitive provisoire ne contenait
pas d'exposé.
Le seul fondement juridique relatif à l'ab-
sence d'exposé qui, à ma connaissance, peut
entraîner la nullité de l'ordonnance, est que,
sans exposé approprié, on risquerait de devoir
conclure que l'ordonnance en question n'entrait
pas dans le cadre des pouvoirs que confère la
loi au ministre des Postes pour rendre de telles
ordonnances'. Rien à mon avis n'exige un tel
exposé. Dans certaines circonstances, un tel
exposé constituerait tout au moins un commen
cement de preuve de sa teneur et pourrait ainsi
constituer une preuve suffisante des faits essen-
tiels permettant de déterminer la compétence.
Toutefois, la seule question à trancher à cet
égard est de savoir si les faits essentiels permet-
tant de déterminer la compétence existaient
quand l'ordonnance a été rendue [TRADUCTION]
«Le fait que l'exposé ne soit pas complet est ...
sans importance. C'est le fond de l'affaire que
l'on doit examiner» 5 . On n'a pas sérieusement
soutenu au nom des demanderesses que le sous-
ministre des Postes, qui avait pris une consulta
tion juridique sur la question, n'avait pas de
motifs valables de croire que les infractions en
question avaient été commises «au moyen de la
poste». Je suis convaincu qu'il le croyait avant
de signer les ordonnances en question. En
outre, j'estime, après l'avoir examinée, que la
documentation qu'il avait en sa possession
constituait «des motifs raisonnables» de le
croire.
J'en viens au deuxième moyen à examiner,
savoir, le fait que la Commission dans l'affaire
Book Bargains Inc. a fondé son rapport sur
l'envoi d'une brochure More Blazing Sex -Films
..., dont il n'était pas question dans l'ordon-
nance prohibitive provisoire, en même temps
que sur la brochure « WOMAN: Her Sexual
Variations and Functions,» sur l'envoi de
laquelle l'ordonnance prohibitive provisoire se
fondait. Ceci soulève un problème assez
compliqué.
Selon un certain point de vue sur la question,
on a soutenu que l'ordonnance prohibitive pro-
visoire a été rendue contre la demanderesse au
motif que le sous-ministre des Postes avait des
raisons de croire qu'elle commettait une infrac
tion précise (art. 7(1)), qu'elle demandait,
comme l'article 7(2) le lui permettait, que cette
«ordonnance» fasse l'objet d'une enquête, que
le sous-ministre des Postes était tenu de recon-
sidérer cette ordonnance à la lumière des résul-
tats de l'enquête et de la révoquer ou de la
déclarer ordonnance prohibitive définitive (art.
7(6)) et que, dans ces conditions, il serait injuste
d'invoquer, lors de l'enquête, des motifs supplé-
mentaires à l'encontre de la personne contre qui
l'ordonnance provisoire avait été rendue. Toute-
fois, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il s'agit
là d'un point de vue trop étroit sur la question.
A mon avis, le point de vue le plus en accord
avec l'esprit général de l'article 7, est que lors-
que le ministre des Postes a des motifs raison-
nables de croire qu'une personne commet une
infraction, au moyen de la poste et rend une
ordonnance prohibitive provisoire, et que la
personne en cause demande que l'ordonnance
fasse l'objet d'une enquête, la loi envisage une
enquête sur l'ensemble de la question pour
déterminer si les activités pertinentes de cette
personne sont telles qu'elles nécessitent une
ordonnance prohibitive définitive. Normale-
ment, lorsqu'il rend son ordonnance provisoire,
le ministre des Postes ne dispose que de la
preuve concernant quelques incidents. Une
requête peut démontrer que ces incidents peu-
vent s'expliquer de façon à disculper l'intéressé
ou, par contre, elle peut démontrer qu'ils ne
représentent qu'une petite partie d'une activité
criminelle à grande échelle. C'est, à mon avis, le
genre de choses que doit faire ressortir l'en-
quête. Ceci ressort du fait que la commission
doit enquêter sur «les faits et circonstances qui
entourent l'ordonnance prohibitive provisoire»
et pas simplement sur les faits sur lesquels se
fonde l'ordonnance. Elle doit se préoccuper
aussi du fait que non seulement la personne en
cause peut soumettre une preuve (art. 7(3))
mais que la commission «peut étudier toute
autre preuve, orale ou écrite, qu'elle juge appro-
priée» (art. 7(4)). Il ne fait aucun doute dans
mon esprit que la commission doit aussi enquê-
ter sur la quantité des brochures particulières
qu'a distribué la personne qui fait l'objet de
l'ordonnance provisoire et doit aussi enquêter
sur la diffusion criminelle qu'elle fait d'autres
brochures au cours de la même activité d'en-
semble. Je ne dis pas que la commission a
mandat d'explorer des activités sans rapport
avec les premières. En outre, la personne qui
fait l'objet de l'ordonnance est fondée à pouvoir
se défendre équitablement de toute chose allé-
guée à son encontre. En l'espèce, à mon avis, la
brochure secondaire sur laquelle la commission
s'est appuyée, était sans aucun doute, distribuée
au cours de la même activité commerciale d'en-
semble que celle dans laquelle le document que
précise l'ordonnance était distribué et personne
n'a prétendu que l'on avait manqué à l'équité
lors de l'audience.
J'en viens maintenant à la question de savoir
quel est l'effet du fait que le ministre des Postes
a omis d'envoyer aux personnes faisant l'objet
des ordonnances prohibitives provisoires les
avis leur signifiant les ordonnances et les rai-
sons invoquées à l'appui de celles-ci dans le
délai de cinq jours fixé par l'article 7(2) de la
Loi sur les postes.
En l'espèce, le seul effet possible de cette
omission est qu'elle a engendré le droit de
demander l'annulation des ordonnances prohibi-
tives définitives. Étant donné leur attitude, les
demanderesses ne peuvent pas la soulever
comme une objection aux procédures des com
missions d'enquête et les ordonnances prohibiti-
ves provisoires ne sont pas en question devant
la Cour. En outre, il me semble que cette omis
sion de se conformer à la loi ne peut servir de
fondement à un droit d'annulation des ordon-
nances définitives que si, en vertu de cette
omission, il n'y avait plus eu d'ordonnances
provisoires à déclarer définitive en août 1971. Il
en serait ainsi si l'omission de se conformer à
l'article 7(2) rendait automatiquement nulles les
ordonnances provisoires ou avait été par la
suite le fondement de leur annulation avant
qu'elles ne deviennent définitives le 17 août
1971. En conséquence, je me propose d'exami-
ner maintenant quel était l'effet juridique du
retard dans l'envoi des lettres prévues à l'article
7(2) sur la validité des ordonnances prohibitives
primitives, (qui avaient été rendues avant que
ce retard ne se produise).
Tout d'abord, j'estime que l'exigence de l'arti-
cle 7(2) est une partie essentielle de l'esprit
général de la loi 6 et que ce n'est pas une simple
directive. Bien que l'article 7 ne le déclare
expressément nulle part, le fait de ne pas se
conformer du tout aux exigences de l'article
7(2) doit, à mon avis, permettre à la personne
que touche l'ordonnance prohibitive provisoire
de se dégager dans une certaine mesure de son
effet. Déterminer si le fait d'avoir envoyé la
lettre recommandée après l'expiration du délai
de cinq jours suffirait à cet égard, est un point
qu'à mon avis, je n'ai pas à trancher. Aux fins
de la présente discussion, je vais présumer que
le simple retard dans l'envoi de la lettre suffit à
cet égard.
Le second aspect de l'affaire à examiner est
précisément de savoir comment le défaut de se
conformer à l'article 7(2) influe sur l'ordon-
nance prohibitive provisoire. A môn avis, cela
n'entraîne pas automatiquement la nullité d'une
ordonnance parfaitement valide qui, dans l'es-
prit général de cette loi particulière, doit être
entrée en vigueur au moment où le défaut de se
conformer à la Loi se produit. Selon ce point de
vue, omettre de prendre les mesures propres à
assurer à la personne en cause une audition
revient à omettre, dans le cas ordinaire, d'accor-
der une audition équitable avant d'exercer un
pouvoir légal de rendre une ordonnance. Dans
un tel cas, même lorsque le défaut d'accorder
une audition survient avant que l'ordonnance ne
soit rendue, ce défaut d'accorder une audition
n'entraîne pas la nullité de l'ordonnance. Il s'en-
suit simplement que l'ordonnance devient annu-
lable à la demande de la partie qui en fait
l'objet. Cela permet donc à la personne privée
d'une audition de mettre l'ordonnance en ques
tion et de la faire déclarer nulle ab initio dans
son cas. Personne d'autre n'a le droit de la
mettre en question et la personne privée d'une
audience peut s'abstenir de le faire, auquel cas
l'ordonnance continue d'avoir son plein effet.
Comparez avec l'arrêt Durayappah c. Fernando
[1967] 2 A.C. 337, Lord Upjohn aux pp.
352-355.
A mon avis, on peut donc dire que si l'on
admet que le défaut d'envoyer les lettres recom-
mandées dans le délai de cinq jours constituait
le genre de violation de la Loi qui peut donner
lieu à une annulation, cela n'entraînait pas la
nullité des ordonnances prohibitives provisoi-
res, mais permettait simplement aux demande-
resses de les mettre en question pour les faire
annuler'. A mon avis, à moins qu'une telle
action ne soit intentée, et jusqu'à ce qu'elle le
soit, les ordonnances continuent à avoir leur
plein effet.
Toutefois, les demanderesses n'ont rien fait
pour faire annuler les ordonnances. Au con-
traire, elles ont demandé que les ordonnances
fassent l'objet d'une enquête en vertu de l'arti-
cle 7(2), ce qui ne pouvait être fait que si les
ordonnances demeuraient valables.
Il est vrai que, dans les lettres demandant que
les ordonnances prohibitives provisoires fassent
l'objet d'une enquête, les demanderesses ont
déclaré [TRADUCTION] «Il va de soi que la pré-
sente demande est faite sous réserve de tous les
droits de notre cliente». En admettant que cette
façon de s'exprimer ait pour effet de conserver
des droits incompatibles avec la tenue des
enquêtes au sujet des ordonnances, on peut tout
au plus dire que cela préserve le droit de mettre
en question les ordonnances et de les faire
annuler. Il est vrai aussi que, durant les procé-
dures devant les Commissions, on a plus ou
moins discuté de la question de la renonciation,
et il en résulte qu'on peut avancer qu'un accord
était intervenu en vertu duquel on ne devait pas
considérer que les demanderesses renonçaient à
quelque droit découlant du défaut d'envoyer les
lettres dans le délai de cinq jours. En outre,
après avoir lu la transcription de l'audience,
j'estime que ceci n'a rien fait de plus que de
préserver le droit de mettre ultérieurement les
ordonnances en question.
Aucune action visant à mettre les ordonnan-
ces en question et à obtenir leur annulation n'a
été intentée pendant que les commissions fai-
saient leur travail ni à aucun moment avant que
le sous-ministre des Postes n'ait déclaré définiti-
ves les ordonnances prohibitives après récep-
tion des rapports des commissions.
A mon avis, les ordonnances prohibitives pro-
visoires étaient donc toujours valables lorsque
le sous-ministre des Postes a fait, en vertu de
l'article 7(6), les déclarations qui ont eu pour
effet de rendre définitives les ordonnances pro-
hibitives. Il n'y a donc, dans cet aspect de la
question, aucun fondement pour annuler ces
ordonnances prohibitives définitives.
Je n'ai pas négligé le fait que la demande
d'examen et l'annulation instituant ces procédu-
res, demande qui, bien entendu, a été déposée
après que les ordonnances prohibitives définiti-
ves ont été rendues, comportait une requête
visant à obtenir l'annulation des ordonnances
prohibitives provisoires. Toutefois, cette Cour
n'est pas compétente pour annuler ces ordon-
nances et en conséquence, je m'abstiens de me
prononcer sur la question de savoir si les
demanderesses peuvent encore se pourvoir en
ce sens devant un tribunal approprié.
Je conclus donc que les demandes doivent
être rejetées.
* * *
LE JUGE THURLOW (oralement)—Les deman-
deresses ont introduit la présente demande en
vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale pour obtenir une ordonnance annulant
les décisions et recommandations contenues
dans les rapports, datés du 6 août 1971, d'une
commission de révision nommée en vertu de
l'article 7 de la Loi sur les postes et les ordon-
nances prohibitives définitives que le ministre
des Postes a rendues le 17 août 1971 à la suite
de son acceptation des décisions et recomman-
dations de ladite commission. Dans le cas de
chacune des demanderesses, le ministre des
Postes avait rendu le 4 mars 1971 une ordon-
nance prohibitive provisoire mais, bien que
l'avis de demande adressé à cette Cour deman-
dât aussi l'annulation de ces ordonnances prohi-
bitives provisoires, le fait qu'elles aient été ren-
dues avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la
Cour fédérale semble écarter toute réparation de
cette nature, et ne rendre les questions soule-
vées au sujet de leur validité pertinentes que
dans la mesure où elles tendent à en établir la
nullité absolue, ce qui soulèverait ainsi la vali-
dité des décisions qu'auraient prises par la suite
la Commission de révision et le ministre des
Postes.
Il semble en découler que si les décisions du
ministre des Postes du 17 août 1971, déclarant
les ordonnances prohibitives provisoires défini-
tives, étaient annulées, il s'ensuivrait que les
ordonnances prohibitives provisoires resteraient
valables ce qui leur conserverait, le cas échéant,
l'effet qu'elles avaient immédiatement avant la
déclaration du 17 août 1971 et, en outre, que
l'annulation des décisions et recommandations
de la commission d'examen remettrait simple-
ment l'affaire en son état antérieur, c'est-à-dire,
dans la situation existant immédiatement avant
que la commission en fasse son rapport.
L'article 7 de la Loi sur les postes et les
parties appropriées des ordonnances prohibiti-
ves provisoires rendues en vertu de celui-ci à
l'encontre de chacune des demanderesses ont
déjà été présentées et je ne les reprendrai donc
pas. Je n'ai pas l'intention non plus d'examiner
les faits plus qu'il ne me semble nécessaire pour
soulever et traiter les points que l'on a fait
valoir lors des débats.
Dans le cas de chacune des demanderesses,
on a admis au cours de la procédure devant la
commission de révision qu'elles avaient, en fait,
utilisé la poste pour distribuer des brochures
publicitaires, comme l'expose l'ordonnance
rendue à leur encontre, à des destinataires au
Canada. Les avocats n'ont pas prétendu devant
cette Cour que les brochures en question n'é-
taient pas réellement obscènes au sens du Code
criminel du Canada et il serait en tout cas diffi-
cile, sinon impossible, de soutenir sérieusement
qu'elles n'étaient pas obscènes ou indécentes au
sens de l'article 153 du Code criminel du
Canada, ni que la Commission de révision ne
pouvait pas conclure à bon droit qu'elles étaient
obscènes ou indécentes au sens de cet article.
En outre, la preuve présentée à la commission
indiquait que, dans chaque cas, avant de rendre
l'ordonnance prohibitive provisoire, le ministre
des Postes avait obtenu l'avis d'un avocat, selon
lequel les brochures étaient obscènes et que,
dans chaque cas, ces brochures avaient été
envoyées à des destinataires canadiens dans des
enveloppes portant comme adresse de retour
celle de la demanderesse. De même, dans
chaque cas, la documentation contenue dans les
enveloppes proposait la vente des livres annon-
cés dans les brochures et invitait le destinataire
à répondre à la demanderesse.
La première prétention que je me propose de
traiter, était qu'en vertu de l'article 7(1), le
pouvoir du ministre des Postes de rendre une
ordonnance prohibitive provisoire doit se
fonder sur des motifs raisonnables de croire
qu'une personne commet ou tente de commettre
une infraction au moyen de la poste, etc., et que
les ordonnances prohibitives provisoires ren-
dues à l'encontre des demanderesses présen-
taient le défaut de ne pas exposer cette convic
tion. A mon avis, on peut répondre à cet
argument que la Loi ne prescrit aucune forme
pour l'ordonnance et que nulle part la Loi elle-
même n'exige un tel exposé dans l'ordonnance.
La Loi exige seulement que le ministre des
Postes soit convaincu et que l'ordonnance soit
fondée sur des motifs raisonnables. En l'espèce,
à mon avis, il est évident que ces motifs raison-
nables existaient dans le cas de chaque deman-
deresse, que le ministre des Postes les connais-
sait, et on doit déduire sa conviction du fait
qu'il a exercé un pouvoir dont cette conviction
était la condition.
De même l'argument suivant des demanderes-
ses était théorique et soulevait la question de la
manière d'informer les intéressés des ordonnan-
ces prohibitives provisoires qu'on leur a noti
fiées. En effet, les motifs de ces ordonnances
n'étaient pas exposés dans ces avis, comme
l'exige l'article 7(2). Il convient de remarquer
que l'article 7(2) n'exige pas que le ministre des
Postes fasse un exposé de sa conviction ou de
la preuve sur laquelle il la fonde, mais des
motifs de l'ordonnance. En l'espèce, l'avis
adressé à la Medi-Data était le suivant:
[TRADUCTION] SACHEZ que le 4 mars 1971 le sous-ministre
des Postes a rendu une ordonnance prohibitive provisoire,
conformément aux dispositions de l'article 7 de la Loi sur
les postes, à l'encontre de la Medi-Data Inc., dont les
adresses postales sont: Case postale 388, Van Brundt Sta
tion, Brooklyn, (N.Y.) 11215, et Case postale 4399, Grand
Central Station, New York, (N.Y.) 10017, au motif que la
Medi-Data Inc. commet une infraction au moyen de la
poste, SAVOIR envoie une brochure publicitaire obscène
ou indécente intitulée Sex Education Without Censorship en
contravention de l'article 153 du Code criminel du Canada.
Dans le cas de la Book Bargains, l'avis était le
suivant:
[TRADUCTION] SACHEZ que le 4 mars 1971, le sous-minis-
tre des Postes a rendu une ordonnance prohibitive provi-
soire, conformément aux dispositions de l'article 7 de la Loi
sur les postes, à l'encontre de la Book Bargains Inc., dont
l'adresse postale est: Case postale 4040, Grand Central
Station, New York, (N.Y.) 10017, au motif que la Book
Bargains Inc. commet une infraction au moyen de la poste,
SAVOIR envoie une brochure publicitaire obscène ou indé-
cente intitulée Woman: her sexual variations and functions
en contravention de l'article 153 du Code criminel du
Canada.
Il me semble que, dans chaque cas, le motif
de l'ordonnance est exposé de manière expli-
cite, et je ne vois pas en quoi cet exposé ne
suffit pas à remplir l'exigence légale selon
laquelle la personne faisant l'objet de l'ordon-
nance doit être informée des motifs de celle-ci.
La prétention suivante que je vais traiter est
celle selon laquelle la commission de révision a
excédé sa compétence dans le cas de la Book
Bargains Inc., en constatant et en rapportant au
ministre des Postes que l'annonce More Blazing
Sex -Films était obscène et que l'utilisation de la
poste dans le but de la transmettre constituait
l'infraction décrite à l'article 153 du Code crimi-
nel, alors que l'envoi de cette annonce n'était
pas l'objet de l'enquête. Il est bon de remarquer
que la commission, immédiatement après avoir
constaté que l'envoi des annonces Woman et
More Blazing Sex -Films constituait l'infraction
en question, a recommandé que l'ordonnance
prohibitive provisoire soit rendue définitive,
mais qu'elle n'a pas expressément constaté que
la Book Bargains Inc. avait utilisé la poste pour
transmettre cette dernière annonce. La seule
preuve que la Book Bargains Inc. a utilisé la
poste consistait en deux enveloppes portant des
cachets d'oblitération datés respectivement du 5
mai 1971 et du 7 mai 1971 et portant les nom et
adresse de la Book Bargains Inc. comme
adresse de retour, ainsi que les annonces elles-
même qui demandaient que l'on réponde à la
Book Bargains Inc. Dans ce cas, la demande-
resse n'a pas reconnu que les enveloppes ou les
annonces venaient d'elle; mais en l'absence de
preuve contraire et étant donné la preuve que
l'on avait présentée à la commission sur la
nature de l'entreprise de la Book Bargains Inc.
et la manière dont elle mène ses affaires, il était
à mon avis loisible à la commission de consta-
ter, ainsi qu'à mon avis elle l'a fait de manière
implicite, que la Book Bargains Inc. était res-
ponsable de l'envoi de ces enveloppes au
moyen de la poste canadienne.
Si j'ai bien compris, l'avocat soutenait à cet
égard, que la constatation de la commission,
selon laquelle l'annonce More Blazing Sex -
Films était obscène et son envoi par la poste
constituait une infraction en vertu de l'article
153 du Code criminel, était préjudiciable en ce
sens qu'elle tendait à convaincre le ministre des
Postes de rendre l'ordonnance provisoire défini-
tive d'une manière générale, ainsi qu'il l'a fait,
alors que, si la Commission n'avait pas fait cette
constatation, il aurait pu envisager de limiter
l'interdiction.
En vertu de l'article 7(2), ce que le ministre
des Postes doit soumettre à la Commission,
c'est «l'affaire, ainsi que la documentation et la
preuve qu'il a considérées en rendant l'ordre».
J'estime que le mot «affaire» renvoie à l'utilisa-
tion par la personne en cause de la poste pour
commettre une infraction décrite à l'article 7(1)
et que l'expression «la documentation et la
preuve» renvoie aux renseignements et à la
preuve tendant à établir que cette personne a
utilisé la poste dans ce but, ce qui a attiré
l'attention du ministre des Postes et motivé sa
conviction. En conséquence, si c'était là tout ce
que la commission était en droit de considérer,
la prétention des demanderesses risquerait bien
d'avoir un certain poids. Toutefois, les paragra-
phes (3), (4) et (5) de l'article 7 prévoient que
d'autres documents peuvent être présentés à la
commission et le paragraphe (3) prévoit que la
commission doit faire enquête non seulement
sur les faits dont le ministre a pu avoir connais-
sance, mais aussi «sur les faits et circonstances
qui entourent l'ordre prohibitif provisoire». En
outre, en vertu du paragraphe (4), la commis
sion est expressément autorisée à prendre en
considération, en plus de la documentation et de
la preuve que lui soumet le ministre des Postes,
«toute autre preuve, orale ou écrite, qu'elle juge
appropriée».
Il me semble que les directives que donne la
loi à la commission de révision d'enquêter sur
les faits et circonstances qui entourent l'ordon-
nance prohibitive provisoire sont suffisamment
larges pour comprendre non seulement une
enquête sur les faits précis de chaque envoi
particulier qui peut avoir été porté à l'attention
du ministre des Postes, mais aussi pour com-
prendre une enquête sur la nature de l'entre-
prise qu'exploite la personne en cause, le genre
de documentation dont elle s'occupe et la façon
dont elle utilise la poste tant avant qu'après
l'adoption de l'ordonnance prohibitive provi-
soire. Il me semble aussi que le pouvoir de
prendre en considération toute autre preuve
qu'elle juge appropriée permet à la commission
de prendre en considération, relativement à la
documentation qui lui a été soumise, l'attitude
de la partie en cause quand elle utilise la poste
relativement à toutes autres questions au sujet
desquelles la commission a une preuve et, étant
donné qu'elle les a prises en considération, ainsi
qu'elle peut le faire, de parler de toute autre
preuve de cette nature dans son rapport. C'est
au ministre des Postes de décider de l'effet qu'il
lui donnera par la suite. Il n'est évidemment pas
inconcevable que cette preuve supplémentaire
soit nettement favorable à la partie faisant l'ob-
jet de l'ordonnance prohibitive provisoire et
qu'elle puisse servir de motif au ministre des
Postes pour décider d'y mettre fin. Par contre,
son effet peut être contraire, comme en l'es-
pèce. Mais dès lors que la partie en cause a pu
bénéficier d'une audience équitable, comme l'e-
xige le paragraphe (3), au sujet de cette preuve
supplémentaire, ce qui suppose la possibilité
équitable de la réfuter, on ne peut juridique-
ment rien objecter aux commissions qui la
reçoivent et la prennent en considération et, si
la commission a le droit de la prendre en consi-
dération, je ne vois aucune objection valable à
ce qu'elle en fasse rapport. En l'espèce, on ne
se plaint pas qu'il n'y a pas eu d'audition équita-
ble et, à mon avis, l'objection n'est pas
soutenable.
Le dernier point à examiner est la prétention
selon laquelle la commission et le ministre des
Postes ont agi sans compétence, parce que les
avis de l'établissement des ordonnances prohi-
bitives provisoires n'ont pas été adressés dans
le délai de cinq jours que prescrit l'article 7(2).
Au cours des débats, on a discuté le point de
savoir si l'exigence de ce paragraphe était indi
cative ou obligatoire mais, à mon avis, il est
inutile d'essayer de caractériser cette exigence
de cette façon. J'incline à penser qu'elle est
obligatoire mais, même si ce n'est pas le cas, on
peut se demander si l'on a réellement observé
l'article prévoyant un délai de cinq jours en
envoyant l'avis au bout de quatorze jours seule-
ment après avoir rendu l'ordonnance. Mais
qu'elle soit indicative ou obligatoire, cette exi-
gence, à mon avis, profite à la personne en
cause et cette dernière a la possibilité de renon-
cer à son observation stricte. Toutefois, à mon
avis, le défaut de se conformer à l'exigence
prescrite n'a pas ipso facto d'effet sur la validité
de l'ordonnance prohibitive provisoire. Cette
ordonnance est normalement rendue ex parte.
Elle est valide lorsqu'elle est rendue et reste
valide et inattaquable pendant le délai de cinq
jours. A mon avis, elle conserve également ses
effets à l'expiration du délai de cinq jours jus-
qu'à ce qu'elle soit annulée par une autorité
compétente et, pendant ce temps, la personne
en cause a toujours la possibilité de renoncer au
défaut dont elle aurait pu se prévaloir. A mon
avis, une telle renonciation doit s'inférer chaque
fois que la personne en cause, connaissant les
faits, adopte une attitude incompatible avec l'e-
xercice de son droit de demander à l'autorité
compétente, l'annulation de l'ordonnance en
raison du défaut de se conformer à l'exigence
de la loi et, à mon avis, en demandant de
soumettre l'affaire à une commission de révi-
sion, les demanderesses ont en l'espèce renoncé
en fait à leur droit de faire valoir le retard des
avis, sous réserve de ce que je vais ajouter au
sujet de la prétendue réserve de leurs droits.
Cette réserve, dont j'ai parlé, était exposée
dans la lettre par laquelle la Book Bargains Inc.,
par l'intermédiaire de ses avocats newyorkais, a
demandé que la commission de révision fasse
une enquête et elle figurait de même par renvoi,
dans la demande de Medi-Data Inc. Dans le cas
de la Book Bargains, la lettre, après avoir
accusé réception de l'avis de l'ordonnance, était
rédigée ainsi:
[TRADUCTION] Au nom de ladite cliente, nous demandons
par les présentes que l'ordonnance prohibitive provisoire
fasse l'objet d'une enquête.
Je vous serais aussi reconnaissant de m'indiquer s'il serait
correct ou opportun que je représente la cliente au Canada,
avec ou sans avocat.
Il va de soi que la présente demande est fait sous réserve
de tous les droits de notre cliente.
A ce moment, les demanderesses avaient le
droit d'instituer une action pour que l'ordon-
nance soit annulée ou de renoncer à ce droit et
d'exiger une audition devant la commission de
révision.
Par la suite, la commission de révision a été
nommée et s'est réunie pour procéder aux
enquêtes et remettre ses rapports. Cependant,
au début de la première enquête, l'avocat des
demanderesses a objecté qu'étant donné que les
avis n'avaient pas été envoyés en temps voulu,
le ministre des Postes n'était pas compétent
pour maintenir les ordonnances en vigueur, et
les enquêtes se sont poursuivies étant entendu
que la participation des demanderesses et de
leur avocat à celles-ci ne serait pas considérées
comme une renonciation à leurs droits.
Toutefois, malgré ces réserves, il me semble
que, dans la mesure où les procédures de la
commission de révision sont en cause, y com-
pris son rapport, ses recommandations et la
mesure prise en conséquence par le ministre des
Postes, objet de la présente demande, on doit
considérer l'objection concernant le retard de
l'avis comme si les parties y avaient renoncé ou
comme non pertinente. Les demanderesses ont
demandées des enquêtes. Elles ont eu lieu et
ont été menées conformément à cette demande.
Le seul fondement de ces enquêtes est la
demande faite en vertu de l'article 7 par les
personnes que concernaient les ordonnances
prohibitives provisoires. Étant donné que les
demanderesses en ont fait la demande et y ont
participé, elles ne peuvent, à mon avis, préten-
dre maintenant qu'il ne s'agissait pas en fait et
en droit d'enquêtes ordonnées en vertu de l'arti-
cle 7, ni que la commission n'était pas compé-
tente, lorsqu'elle s'est réunie, pour mener ces
enquêtes et rédiger son rapport et ses recom-
mandations. Je ne pense pas non plus que les
demanderesses aient la possibilité de mettre en
question les pouvoirs du ministre des Postes de
faire une déclaration en vertu de l'article 7
après avoir examiné les rapports et les recom-
mandations de la Commission.
Il est possible que, grâce aux réserves qu'el-
les ont insérées dans leur lettre et à leurs objec
tions préliminaires à l'audience, les demande-
resses se soient réservé les droits qu'elles
peuvent avoir de contester l'ordonnance prohi
bitive provisoire elle-même, dans le but de la
faire annuler, bien qu'on ne demande aucune
conclusion définitive à cet effet et que, par
conséquent, je n'en exprime aucune. Toutefois,
comme on l'a déjà indiqué, une telle demande
n'est pas possible dans la présente action; tous
les motifs que peut avoir la demanderesse de
faire une telle demande ne peuvent, à mon avis,
alors que l'ordonnance elle-même est valable,
servir de fondement pour contester une procé-
dure qui est fondée sur l'existence de l'ordon-
nance et sur la requête de la demanderesse
elle-même.
Je suis d'avis de rejeter la demande.
* * *
LE JUGE WALSH (oralement)—La présente
demande a pour objet l'examen et l'annulation
de décisions qu'a prises et de recommandations
qu'a faites, le 6 août 1971, la commission de
révision nommée par le ministre des Postes
conformément aux dispositions de l'article 7 de
la Loi sur les postes et l'examen et l'annulation
d'ordonnances prohibitives définitives que le
ministre des Postes a rendues le 17 août 1971 à
la suite de son acceptation des décisions et
recommandations de ladite commission, ainsi
que de l'ordonnance prohibitive provisoire.
Ces diverses décisions se fondent sur l'article
7 de la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14,
article que je ne citerai pas in extenso, car il est
déjà cité dans les motifs de jugement du juge en
chef.
A la suite de plaintes (bien qu'il ait été admis
qu'elles sont relativement peu nombreuses par
rapport à l'ensemble des envois de la documen
tation en question), le ministre des Postes a fait
effectuer une enquête, à la suite de laquelle il a
rendu à l'encontre des deux demanderesses,
entre autres, deux ordonnances prohibitives
provisoires toutes deux datées du 4 mars 1971.
L'ordonnance rendue à l'encontre de la Medi-
Data est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] CONFORMÉMENT AUX dispositions de
l'article 7 de la Loi sur les postes, le soussigné rend, par la
présente, une ordonnance prohibitive provisoire à l'encontre
de:
c) La Medi-Data Inc. dont les adresses postales sont:
Case postale 388, Van Brundt Station, Brooklyn, (N.Y.)
11215, et Case postale 4399, Grand Central Station, New
York, (N.Y.) 10017, au motif que la Medi-Data Inc.
commet une infraction au moyen de la poste, SAVOIR
envoie une brochure publicitaire obscène ou indécente
intitulée Sex Education without Censorship en contraven
tion de l'article 153 du Code criminel du Canada;
CONFORMÉMENT À cette ordonnance, la livraison de
tout courrier adressé à toute personne ou corporation men-
tionnée aux alinéas a) à j) inclus, ou qu'elles déposent dans
un bureau de poste, est interdite.
Une ordonnance identique a été rendue contre
la demanderesse Book Bargains Inc. relative-
ment à une brochure publicitaire intitulée
Woman: Her Sexual Variations and Functions.
Conformément à l'article 7(2), les demande-
resses ont été avisées du prononcé de ces
ordonnances le 18 mars 1971, c'est-à-dire qua-
torze jours après l'ordonnance, au lieu des cinq
jours qu'exige ledit article. L'avis est conforme
aux exigences du paragraphe (2) de la Loi,
exception faite du délai dans lequel il a été
adressé et un exemplaire de l'article 7 de la Loi
était joint à l'avis.
A la suite de cet avis, M. Levy, l'avocat
newyorkais des demanderesses, a écrit au sous-
ministre des Postes le 25 mars 1971, une lettre
au nom de la Book Bargains Inc. et une autre
lettre au nom de la Medi-Data Inc., cette der-
nière renvoyant à la lettre écrite au nom de la
Book Bargains Inc. et en reprenant les termes.
Les deux premiers alinéas de la première lettre
sont rédigés ainsi:
[TRADUCTION] Nous représentons la Book Bargains, Inc.
qui a reçu votre avis daté du 18 mars 1971 l'informant que,
14 jours avant la date de votre avis, une ordonnance prohi
bitive provisoire avait été rendue.
Au nom de ladite cliente, nous demandons par les présen-
tes que l'ordonnance prohibitive provisoire fasse l'objet
d'une enquête.
et les quatrième et cinquième alinéas:
[TRADUCTION] Il va de soi que la présente demande est
faite sous réserve de tous les droits de notre cliente.
Il est peut-être possible que nous réglions cette question à
l'amiable. Si les postes canadiennes acceptaient de passer
un accord aux termes duquel les annonces du livre men-
tionné dans votre lettre ne seraient plus envoyées au
Canada par la poste, et qui permettrait tous les autres
envois (excepté la publicité concernant le livre susmen-
tionné), notre cliente serait prête à accepter une telle tran
saction sous réserve, naturellement, qu'il soit entendu
qu'une telle condition ne constituerait pas pour la cliente un
aveu que le livre en question était obscène ni, naturelle-
ment, une reconnaissance de la part du ministère des Postes
qu'il n'était pas obscène.
En temps utile, une commission de révision a
été nommée et a recueilli la preuve et toutes les
observations faites au nom des demanderesses
et du ministre des Postes, y compris l'introduc-
tion d'un dépliant publicitaire supplémentaire
concernant More Blazing Sex -Films, ainsi que
l'introduction par les demanderesses, bien que
ces pièces aient été déposées par la suite, des
livres mentionnés dans les brochures publicitai-
res ayant fait l'objet des ordonnances prohibiti-
ves provisoires. En ce qui concerne la deman-
deresse Medi-Data Inc., la conclusion du
rapport de la commission de révision, daté du 6
août 1971, est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] Dans ces conditions et pour les motifs
ci-dessus, la commission de révision constate que l'utilisa-
tion de la poste dans le but de transmettre l'annonce SEX
EDUCATION WITHOUT CENSORSHIP! constitue l'in-
fraction décrite à l'article 153 du Code criminel. La com
mission de révision recommande que l'ordonnance prohibi
tive provisoire soit déclarée définitive.
Dans le cas de la demanderesse Book Bargains
Inc., elle est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] La commission de révision constate que
l'utilisation de la poste dans le but de transmettre l'annonce
WOMAN: Her Sexual Variations and Functions (et l'an-
nonce More Blazing Sex -Films ...) constitue l'infraction
décrite à l'article 153 du Code criminel. La commission de
révision recommande que l'ordonnance prohibitive provi-
soire soit déclarée définitive.
L'article 153 du Code criminel, auquel se rap-
portent l'ordonnance prohibitive provisoire et le
rapport de la commission de révision, est rédi-
gée ainsi:
153. Commet une infraction, quiconque se sert de la
poste aux fins de transmettre ou de livrer quelque chose
d'obscène, indécent, immoral ou injurieux et grossier; mais
le présent article ne s'applique pas à une personne qui se
sert de la poste afin de transmettre ou de livrer une chose
que mentionne le paragraphe (4) de l'article 151.
(Cet article est maintenant l'article 164 du Code
criminel, S.R.C. 1970, c. C-34.)
Conformément à l'article 7(6) de la Loi sur
les postes, le sous-ministre des Postes a alors
réexaminé les ordonnances prohibitives provi-
soires et a envoyé, le 17 août 1971, l'avocat
newyorkais des demanderesses, des lettres dont
voici un extrait:
[TRADUCTION] J'ai reconsidéré l'ordonnance prohibitive pro-
visoire et j'ai l'honneur de vous informer que j'ai accepté la
recommandation de la commission de révision. En consé-
quence, l'ordonnance prohibitive provisoire rendue contre
... le 4 mars 1971 doit être considérée, à compter de ce
jour, comme étant une ordonnance prohibitive définitive.
Même l'examen le plus superficiel des bro
chures en question indique qu'elles sont obscè-
nes au sens de la définition de l'article 150(8)
du Code criminel (l'actuel article 159(8)) qui est
rédigé ainsi:
(8) Aux fins de la présente loi, est réputée obscène toute
publication dont une caractéristique dominante est l'exploi-
tation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et
de l'un quelconque ou plusieurs des sujets suivants, savoir:
le crime, l'horreur, la cruauté et la violence.
par suite, le ministre des Postes et la commis
sion de révision ont conclu à bon droit que les
demanderesses se servaient de la poste «aux
fins de transmettre ou de livrer quelque chose
d'obscène, indécent, immoral ou injurieux et
grossier», au sens de l'article 153 d'alors. Le
fait qu'il s'agissait d'une documentation non
sollicitée et glissée dans une enveloppe inté-
rieure où l'on pouvait lire:
[TRADUCTION] AVIS—LIRE AVANT D'OUVRIR
Cette enveloppe contient des brochures et de la documenta
tion non sollicitées, illustrées et concernant des questions
sexuelles. Les brochures ci-jointes peuvent représenter par
photographies ou images, des femmes nues et (ou) des
hommes nus, ensemble ou séparément dans des attitudes
érotiques, des étreintes ou des relations sexuelles, le tout
accompagné de textes appropriés.
SI VOUS N'AVEZ PAS PLUS DE 21 ANS ET (OU) SI
VOUS N'ÊTES PAS INTÉRESSÉ PAR NOS BROCHU
RES ET PAR L'ACHAT DE CES DOCUMENTS:
S'IL VOUS PLAÎT, JETEZ CETTE ENVELOPPE SANS
L'OUVRIR!
Nous ne désirons ni gêner, ni ennuyer, ni offenser les
personnes qui ne sont pas intéressées par notre documenta
tion. Si vous désirez que votre nom soit rayé de notre liste
d'adresses, veuillez nous retourner l'étiquette postale codi-
fiée portant vos nom et adresse. Si vous recevez d'autres
envois de notre part après avoir demandé le retrait de votre
nom, ce serait simplement dû au fait que votre nom figure
sur une liste que nous avons louée à une autre entreprise et
qu'il nous a été impossible d'en rayer votre nom.
n'est d'aucune aide, à mon avis, aux demande-
resses. On a admis devant la commission de
révision que les brochures en question pou-
vaient être envoyées à des destinataires de
moins de 18 ans et que, dans ce cas, un avertis-
sement concernant la nature du contenu ten-
drait plutôt à exciter la curiosité du destinataire,
comme c'est le cas pour bien des adultes, plutôt
que de les porter à jeter le contenu sans
l'ouvrir.
Les demanderesses ont soutenu que, dans le
cas des constatations de la commission de révi-
sion relativement à la Book Bargains Inc., ces
constatations étaient nulles car elles prenaient
en considération la publicité pour More Blazing
Sex -Films, que le ministre des Postes n'avait
pas considérée quand il avait rendu son ordon-
nance prohibitive provisoire. L'article 7(4) de la
Loi sur les postes fournit une réponse à cette
prétention en accordant à la commission de
révision le droit d'étudier, outre la documenta
tion et la preuve soumise par le ministre des
Postes, «toute autre preuve, orale ou écrite,
qu'elle juge appropriée». Je suis convaincu que
l'esprit de la Loi exige que le ministre des
Postes fasse une constatation sommaire afin de
rendre une ordonnance prohibitive provisoire,
en se fondant sur la preuve en sa possession à
ce moment-là; mais quand la partie que vise
l'ordonnance en a été avisée et qu'une commis
sion de révision est réunie à sa requête, la
commission de révision doit alors, conformé-
ment à l'article 7(3), «faire enquête sur les faits
et circonstances qui entourent l'ordre prohibitif
provisoire». L'ordonnance n'est pas rendue
relativement à un ou plusieurs documents déter-
minés, mais à l'encontre d'une personne qui a
envoyé par la poste ces documents et, pour
décider s'il semble que l'infraction prévue à ce
qui était alors l'article 153 du Code criminel a
été commise, la commission de révision doit
faire une enquête complète dans le but de déter-
miner le volume de la documentation envoyée
et sa nature, non seulement en ce qui concerne
la documentation faisant l'objet de la plainte
primitive, mais aussi toute autre documentation
que la même personne envoie. Le fait que toute
la documentation n'est peut-être pas obscène
n'est d'aucune aide à l'envoyeur car, s'il a
envoyé certains documents obscènes, l'ordon-
nance annulera en fait son privilège d'utilisation
de la poste. C'est donc à bon droit, à mon avis,
que la commission de révision est allée au-delà
de la documentation dont disposait le ministre
des Postes lorsqu'il a rendu l'ordonnance prohi
bitive provisoire et a étudié toute autre docu
mentation supplémentaire que les demanderes-
ses ou le ministre des Postes ont pu lui
soumettre.
En outre, les demanderesses invoquent l'arti-
cle 7(7) de la Loi sur les postes, qui est rédigé
ainsi:
7. (7) Le ministre des Postes peut révoquer un ordre
prohibitif provisoire ou définitif, lorsqu'il est convaincu que
la personne en cause n'utilisera pas la poste pour l'un
quelconque des motifs décrits au paragraphe (1), et, avant
de le révoquer, exiger de celle-ci un engagement à cet effet.
et attirent l'attention sur la lettre du 25 mars
1971 de M. Levy, dans laquelle il demande que
l'ordonnance prohibitive provisoire fasse l'objet
d'une enquête et suggère à l'alinéa 5 (précité)
qu'il serait peut-être possible de passer un
accord aux termes duquel les annonces pour le
livre en question ne seraient plus envoyées au
Canada par la poste, ce qui permettrait tous les
autres envois, le tout sans admettre que le livre
en question était obscène. Je n'estime pas qu'il
s'agissait là d'une requête formelle des deman-
deresses d'invoquer l'article 7(7) de la Loi, ni
que le ministre des Postes était obligé d'appli-
quer l'article 7(7), ledit article étant d'applica-
tion facultative. Je pourrais ajouter qu'à mon
avis, le ministre des Postes a refusé à bon droit
d'accepter l'accord que proposaient les deman-
deresses, car il aurait eu pour effet de n'inter-
dire que la documentation pornographique dont
on se plaignait en particulier et qui était alors à
l'examen, laissant aux demanderesses la latitude
de continuer à se servir de la poste, pour d'au-
tres documentations semblables si elles le dési-
raient, y compris pour tous les livres qui, à la
suite desdites brochures publicitaires pornogra-
phiques, auraient pu lui être commandés.
Comme on l'a déjà exposé, l'ordonnance vise
un envoyeur particulier de courrier qui envoie
par la poste de la documentation pornographi-
que, elle touche toute documentation qu'il peut
envoyer et elle ne vise pas un document porno-
graphique particulier, objet de l'enquête à ce
moment-là.
Les demanderesses font valoir que l'ordon-
nance prohibitive provisoire est mal formulée,
en ce sens qu'elle ne correspond pas à la rédac-
tion de l'article 7(1) de la Loi en exposant que
le ministre des Postes a des «motifs raisonna-
bles» de croire que les demanderesses commet-
tent, au moyen de la poste, une infraction à
l'article 153 du Code criminel. Je ne pense pas
que cette objection soit très solide. Bien qu'il
eût peut-être été préférable que cet exposé
figure dans l'ordonnance, il ressort néanmoins
manifestement de la preuve relative à la docu
mentation dont disposait le ministre des Postes
qu'il a agi sur l'avis des avocats du ministère et,
en conséquence, avec «des motifs raisonna-
bles» et non pas de matière impulsive ou sans
dûment prendre en considération la documenta
tion en sa possession, documentation dont la
nature est exposée dans les ordonnances qui
indiquaient par leurs noms les brochures délic-
tueuses. En outre, dans les avis envoyés aux
demanderesses pour les informer de ces ordon-
nances, il est déclaré qu'elles étaient rendues
[TRADUCTION] «conformément aux dispositions
de l'article 7 de la Loi sur les postes» et par
conséquent pour «des motifs raisonnables»
même si ces termes ne sont pas précisément
ceux qu'emploient les ordonnances ou les let-
tres qui en donnent avis.
L'argument le plus important qu'ont invoqué
les demanderesses concerne l'effet du retard
apporté à les aviser du prononcé de l'ordon-
nance prohibitive provisoire, les avis leur ayant
été signifiés avec neuf jours de retard par rap
port au délai prévu à l'article 7(2) de la Loi. Les
demanderesses prétendent qu'elles ont de ce
fait subi un grave préjudice, car elles auraient
pu autrement cesser immédiatement leurs
envois de documentation par la poste et éviter
ainsi des frais supplémentaires d'envoi et la
saisie de ces documents. Il est cependant inté-
ressant de remarquer que cet argument perd
beaucoup de son poids, du fait que certaines
des pièces du dossier portent des cachets de la
poste bien postérieurs au 18 mars 1971 et qu'en
conséquence, on peut en déduire que les envois
ont continué même après la réception de l'avis
de l'ordonnance prohibitive provisoire. Le vrai
problème est de savoir si l'exigence de donner
avis dans les cinq jours du prononcé de l'ordon-
nance constitue une obligation dont l'effet est
de rendre nulle l'ordonnance si cet avis n'est
pas signifié sans le délai requis. Bien que le
ministre des Postes doive sans aucun doute se
conformer scrupuleusement aux exigences de la
Loi et que l'avis constitue une exigence essen-
tielle, car les demanderesses n'auraient autre-
ment aucun moyen de savoir que leurs privilè-
ges d'utilisation de la poste ont été annulés et
que les documents qu'elles continuent à
envoyer sont saisis, il est évident que l'ordon-
nance prend effet à compter de la date à
laquelle elle est rendue et que son effet n'est
pas suspendu jusqu'à ce que l'avis en soit
donné. L'avis est une mesure supplémentaire
qu'il fallait prendre et qu'on pouvait sans aucun
doute obliger le ministre des Postes à prendre
grâce à des procédures juridiques appropriées
au cas où il aurait omis délibérément de le faire,
causant un préjudice à la personne à l'encontre
de laquelle l'ordonnance est rendue, mais le
défaut de la prendre dans le délai de cinq jours
ne rend pas en soi l'ordonnance radicalement
nulle ab initio. A mon avis, elle permet simple-
ment à la personne contre laquelle elle a été
rendue d'en demander l'annulation au moyen
d'une procédure appropriée devant un tribunal
compétent pour ce faire, au moyen d'un certio-
rari. Étant donné que cette Cour n'est pas com-
pétente pour connaître de telles procédures en
ce qui concerne une ordonnance rendue avant
le ler juin 1971, je n'exprimerai d'opinion ni sur
le point de savoir si de telles procédures
auraient réussi, ni sur celui de savoir si les
demanderesses peuvent encore y avoir recours,
ni sur la question connexe de savoir si le fait de
signifier un avis avec neuf jours de retard est
néanmoins [TRADUCTION] «substantiellement
conforme» aux exigences de la Loi.
Il est évident que dans l'affaire présente, l'a-
vocat newyorkais des demanderesses savait
pertinemment que l'avis n'avait pas été donné à
ses clientes dans le délai requis par la Loi. Ses
clientes avaient reçu des exemplaires de l'article
7 de la Loi avec les lettres les informant de
l'ordonnance et, au premier alinéa de sa lettre
du 25 mars 1971, il souligne que la date de
l'avis est postérieure de quatorze jours à celle
du prononcé de l'ordonnance prohibitive provi-
soire. Il demande malgré cela qu'elle fasse l'ob-
jet d'une enquête, bien que [TRADUCTION]
«sous réserve de tous les droits de notre
cliente». A l'ouverture de l'audience devant la
commission de révision, il a soulevé cette ques
tion et déclaré:
[TRADUCTION] ... En conséquence, le seul moyen permet-
tant d'y remédier, à mon avis, ne serait pas réellement que
la commission de révision se déclare incompétente d'une
certaine façon, mais qu'elle déclare que le ministre des
Postes n'est pas compétent pour maintenir l'ordonnance en
vigueur, c'est-à-dire l'ordonnance rendue dans cette affaire
et l'ordonnance rendue dans l'autre affaire, étant donné que
les parties n'en ont pas été avisées en bonne et due forme.
Après une assez longue discussion entre les
avocats, le président de la commission de révi-
sion a statué de la manière suivante: (Procédu-
res devant la commission, p. 35)
[TRADUCTION] La commission de révision estime qu'on
peut remédier au défaut ou alors que ce défaut entraîne la
nullité de l'ordonnance prohibitive provisoire. Si cela
entraîne la nullité de l'ordonnance, ce que la commission ne
pense pas, celle-ci n'est alors certainement pas compétente
pour connaître de ces examens et la commission n'est pas la
juridiction appropriée devant laquelle il convient de soule-
ver cette objection, puisqu'elle ne serait pas compétente
pour se prononcer à ce sujet. Si l'on suppose, cependant,
qu'il peut être remédié au défaut, la commission peut alors
examiner l'affaire, faire une recommandation qui n'est pas
une décision et qui ne lie pas le ministre des Postes et la
partie en cause peut en tout cas se prévaloir de la présente
révision sans renoncer à aucun des droits auxquels elle peut
prétendre pour mettre en question la compétence de la
commission ou la validité de l'ordonnance.
M. Levy, pouvons-nous continuer sur cette base et d'a-
près cette décision?
et M. Levy a répondu:
[TRADUCTION] Étant bien entendu que cette procédure se
poursuivra sans préjudice des droits des demanderesses et
qu'elle ne sera pas considérée comme une renonciation,
nous y consentons, Monsieur.
Je ne pense donc pas qu'il serait logique de
dire que M. Levy a renoncé aux droits de ses
clientes d'objecter le retard apporté à la signifi
cation des avis de l'ordonnance prohibitive pro-
visoire mais je constate par contre que la com
mission n'était pas la juridiction devant laquelle
il convenait de soulever cette objection. La
commission de révision doit simplement «faire
enquête sur les faits et circonstances qui entou-
rent l'ordre prohibitif provisoire» après avoir
donné «à la personne en cause une occasion
raisonnable de comparaître devant la commis
sion, de lui faire des observations et de soumet-
tre une preuve». Ce n'est pas un tribunal et sa
fonction se limite à considérer les faits pour
déterminer si, à son avis, l'ordonnance était
justifiée, et à recommander ou non de la rendre
définitive. J'approuve donc à cet égard les con
clusions de la commission, telles qu'elles sont
exposées à la page 2 de son rapport (page 65,
dossier d'appel) où elle déclare:
[TRADUCTION] ... La Commission estime dans ces condi
tions que l'ordonnance prohibitive provisoire n'est pas
rendue nulle et que, si les personnes en cause ont subi un
«préjudice grave», elles doivent en chercher réparation ail-
leurs que devant une commission de révision dont le rôle est
d'enquêter sur le point de savoir si le ministre des Postes a
«des motifs raisonnables» de croire qu'une personne
commet ou tente de commettre une infraction au moyen de
la poste et, à la suite de cette enquête, de faire des «recom-
mandations». En outre, la Commission considère que, dans
ces conditions, le fait d'aviser les demanderesses dans un
délai de quatorze jours au lieu de cinq jours constitue un
fait n'entrant pas dans la compétence de la commission de
révision; eu égard à son devoir d'enquêter à la suite de la
requête des personnes en cause et conformément au renvoi
de l'affaire que lui soumet le ministre des Postes, et eu
égard aussi au fait que le ministre des Postes pouvait ou
aurait pu rendre une autre ordonnance prohibitive provi-
soire, la commission de révision estime donc qu'elle doit
soumettre un rapport dans chacun des cas en l'espèce.
La question de savoir si l'ordonnance prohibi
tive provisoire doit être annulée parce que l'avis
de celle-ci n'avait pas été signifié aux demande-
resses dans les cinq jours de son prononcé n'est
pas soumise à cette Cour dans ce procès et,
étant donné que cette ordonnance n'a pas été
annulée par une cour compétente au moyen
d'une procédure appropriée, on doit considérer
qu'elle reste en vigueur. Ceci étant, la demande
d'examen des recommandations du rapport de
la commission de révision ainsi que de la déci-
sion du ministre des Postes acceptant ces
recommandations, selon lesquelles les ordon-
nances devaient devenir des ordonnances prohi-
bitives définitives, doit être rejetée. Il est vrai
que l'ordonnance prohibitive définitive n'est pas
une décision de novo, qu'elle n'a aucune valeur
en soi mais qu'elle constitue simplement une
confirmation après l'enquête et le rapport de la
commission de révision et un nouvel examen de
ces recommandations, de l'ordonnance prohibi
tive provisoire et qu'en conséquence, au cas où
l'ordonnance prohibitive provisoire devrait être
jugée nulle, les procédures ultérieures le
seraient aussi. Toutefois, aucune constatation
de cette nature n'ayant été faite dans la pré-
sente affaire ni, en fait, ne pouvant découler des
procédures intentées à ce jour, l'ordonnance
prohibitive provisoire peut être confirmée par
l'ordonnance prohibitive définitive.
La demande d'examen et d'annulation des
ordonnances en question présentée par les
demanderesses n'est donc pas recevable et doit
être rejetée.
La demande d'examen et d'annulation se rapporte aussi
aux «ordonnances prohibitives provisoires» mais, comme
elles ont été rendues le 4 mars 1971, cette Cour n'est pas
compétente pour les annuler. Voir l'article 61 de la Loi sur
la Cour fédérale, qui est entrée en vigueur le ler juin 1971,
et la décision de cette Cour dans l'affaire In re Copyright
Appeal Board and Canadian Association of Broadcasters
[1971] C.F. 170.
2 Il faut lire l'article 7 de la Loi sur les postes en corréla-
tion avec l'article 23(2) de la Loi d'interprétation, c. 7 des
Statuts de 1967 (S.R.C. 1970, c. I-23), qui est rédigé ainsi:
23. (2) Les mots qui donnent à un ministre de la Couronne
l'ordre ou l'autorisation d'accomplir un acte ou une chose
ou qui, de quelque autre manière, lui sont applicables en
raison de son titre officiel comprennent un ministre agissant
pour lui ou, si le poste est vacant, un ministre désigné pour
remplir ce poste, en exécution ou sous le régime d'un décret
du conseil, de même que ses successeurs à la charge en
question et son ou leur délégué, mais rien au présent para-
graphe ne peut s'interpréter comme permettant à un délégué
d'exercer quelque pouvoir, conféré à un ministre, d'établir
un règlement défini dans la Loi sur les règlements.
3 Un quatrième point concernant la forme des avis des
ordonnances prohibitives provisoires a été aussi soulevé et,
sur ce point, j'adopte le point de vue exprimé par le juge
Thurlow.
4 En ce cas, elle serait nulle et ceci étant, les ordonnances
prohibitives définitives soumises à cette Cour dans cette
affaire ne seraient pas fondées.
5 Voir: Cooperative Committee on Japanese Canadians c.
Le procureur général du Canada [1947] A.C. 87, Lord
Wright à la p. 107.
6 ' Comparez avec La Reine c. Randolph [1966] R.C.S.
260, le juge Cartwright (tel était alors son titre) prononçant
le jugement de la Cour à la p. 266: [TRADUCTION] «Le but
premier de l'art. 7 est de permettre au ministre des Postes
d'agir rapidement afin d'empêcher qu'on se serve de la
poste pour tromper le public ou commettre quelqu'autre
acte criminel ... Le paragraphe (1) lui permet d'exercer
rapidement ses fonctions de protection du public, alors que
le paragraphe (2) protège la personne en cause en lui accor-
dant le droit à une audience avant que l'ordonnance rendue
contre elle ne devienne définitive».
'I Voir dans Maxwell on Interpretation of Statutes, 12e
édition, aux pp. 314 et suiv., une étude sur les ordonnances
obligatoires et les ordonnances indicatives.
Une autre question que peut soulever dans un tel cas
l'article 7 de la Loi sur les postes est celle de savoir si une
telle annulation serait rétroactive et, dans l'affirmative, dans
quelle mesure.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.