Vrac Mar Inc. (Requérante)
c.
Demetries Karamanlis et al. et le navire Nors-
land (Intimés)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël—Montréal, le 10 avril; Ottawa, le
14 avril 1972.
Droit maritime—Ordonnance de vente du navire libre de
toute charge—Arrérages de taxes dus au pays d'enregistre-
ment—Paiement exigé pour obtenir l'enregistrement cana-
dien—Subrogation—Caveat à l'encontre de la distribution
du produit de la vente.
Le Norsland, enregistré à Panama, a été vendu $111,000
conformément à une ordonnance de cette Cour, sa vente
étant libre de toute charge. L'acquéreur a été, par la suite,
obligé de verser $3,943 à la République de Panama pour les
arrérages de taxes dus à ce pays, pour pouvoir obtenir
l'enregistrement canadien. L'acquéreur a en outre encouru
des frais légaux relativement à la modification de
l'enregistrement.
Arrêt: à la suite d'une requête interlocutoire, l'acquéreur
est subrogé aux droits de la République de Panama pour la
somme de $3,943 versée à ce pays et est autorisé à déposer,
à la Cour, un caveat à l'encontre de la distribution du
produit de la vente pour cette somme et pour le montant des
frais légaux jusqu'à la décision finale de cette Cour.
REQUÊTE.
Richard Gaudreau pour Vrac Mar Inc.
Edouard Baudry pour Demetries Karamanlis
et al.
David F. H. Marier pour la First Pennsylva-
nia Banking & Trust Co.
Peter R. D. MacKell, c.r. pour Fried Krupp
G.m.b.H. et Strider Maritime Co. Ltd.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT Non—Par sa
requête amendée Vrac Mar Inc., l'adjudicataire
du navire M/V Fort George (Ex M/V Norsland)
par vente en justice en date du 15 septembre
1971, aux termes d'une ordonnance rendue par
cette Cour le 18 août 1971, complétée par une
ordonnance ultérieure du 13 septembre 1971,
demande qu'une ordonnance soit rendue pour
a) faire droit à la subrogation de droits en sa
faveur pour une somme de $3,943.95;
b) permettre le dépôt du caveat annexé à sa
requête;
c) ordonner que le montant de $7,318.47 soit
payé par priorité à la requérante avec intérêts
à même le produit de la vente du Norsland;
d) ordonner que les frais de la présente
requête soient payés à même le produit de la
vente du Norsland.
L'ordre de vente prononcé par cette Cour le
18 août 1971 prévoyait que la vente du navire
Norsland devait se faire comme suit:
qu'il est convenu que le navire Norsland sera vendu en
son état, où il se trouve, tel qu'il est maintenant à flot à
Longue Pointe, caractéristiques non garanties, libre de tous
privilèges, droits, hypothèques, charges et créances et avec
un acte de vente sans réserves.
La requérante soutient qu'ayant payé un prix
total de $111,000 pour le navire, on lui garantis-
sait qu'elle pouvait devenir propriétaire du
navire et que ce dernier était libre de toute
charge, de lien maritime ou autres. Malheureu-
sement, cependant, dit-elle, ledit navire n'était
pas libre de toute charge puisque pour obtenir
l'enregistrement du navire au ministère des
Transports du Canada, il fallait accomplir cer-
taines formalités appelées «Proof surrender
Panama documentation» et fournir la preuve de
la fermeture du registre du Norsland. Le gou-
vernement de Panama, selon la requérante,
détenait un prétendu lien maritime sur ledit
navire pour arrérages de certaines taxes encou-
rus pendant les années 1969, 1970 et 1971 et
refusait de fermer le registre panamien du Nors-
land tant et aussi longtemps que- ces montants
n'étaient pas payés.
La requérante déclare qu'elle a dû, par consé-
quent, encourir de très nombreux frais et payer
certains montants afin d'obtenir l'enregistre-
ment du navire au Canada, comme suit:
a) payé à la République de Panama,
par l'entremise de l'étude légale
Lette, Marcotte, Biron et Sutto $3,943.95
b) honoraires et déboursés payés à
l'étude légale Lette, Marcotte, Biron
et Sutto 676.75
c) payé, au Consul général de Pana-
ma pour l'émission des documents
consulaires nécessaires pour la fer-
meture du dossier à Panama 89.00
d) payé au Consul général de Pa-
nama 759.25
e) honoraires judiciaires et extra-
judiciaires des procureurs de la re-
quérante, Langlois, Laflamme et
Gaudreau 1,299.52
f) frais généraux encourus par Vrac
Mar Inc. 550.00
TOTAL $7,318.47
Il apparaît donc que la réclamation de la
requérante comprend un montant de $3,943.95,
payé à la République de Panama, et $3,374.52
payé aux procureurs et pour dépenses de voya
ges et autres, faits à Ottawa pour les fins de
l'enregistrement du navire canadien.
La requérante demande d'abord à cette Cour
de faire droit à la subrogation de droit consentie
à la requérante par la République de Panama,
signée par le chargé d'affaires du consulat de
Panama, à Montréal, Manuel de J. Rojas C.
pour la somme de $3,943.95, payée par la
requérante en règlement de toutes sommes dues
au gouvernement de Panama pour taxes dues
par le navire Norsland, ses propriétaires ou
autres personnes intéressées dans ledit navire
ou par les montants provenant de la vente dudit
navire, tel que mentionné sur ladite subrogation.
Il me paraît dans l'ordre de reconnaître par les
présentes que par suite du paiement fait par la
requérante du montant de $3,943.95 à la Répu-
blique de Panama, ladite requérante soit et est
considérée comme subrogée dans les droits de
la République de Panama. Il apparaît au dossier
de cette cause, cependant, que la République de
Panama déposa, le 4 septembre 1971, un caveat
pour un montant de $2,187.15 seulement et elle
a, comme nous l'avons vu, réclamé subséquem-
ment un montant de $3,943.95, soit $1,758.80
de plus. Bien qu'il me paraisse assez étrange
qu'on puisse réclamer dans le dossier, par un
caveat, un montant inférieur et exiger paiement
d'un montant supérieur, il est possible que la
chose puisse se justifier. De plus, il ne me
paraît pas que les règlements relatifs au caveat
exigent qu'un montant soit déclaré bien qu'il est
toujours préférable d'indiquer le montant dû ou
réclamé. Il sera donc permis à la requérante de
déposer un caveat à l'encontre de la distribution
et du versement d'argent pour les montants
qu'elle réclame aux droits de la République de
Panama à condition, évidemment, d'établir
éventuellement et contradictoirement, lors de la
procédure pour l'établissement final des récla-
mations et de leur rang, le droit à la quotité du
montant réclamé et sa priorité dans l'ordre des
réclamations. Pour ce qui est des montants
réclamés comme frais des procureurs pour
donner à la requérante un titre clair et net, il
s'agit d'une créance née après la date de la
vente du navire et déposée après la date établie
par l'ordonnance de vente du navire pour le
dépôt des réclamations et la question se pose de
savoir si une telle réclamation peut être consi-
dérée dans l'ordre des collocations. A tout évé-
nement, il faudra ici que la quotité des montants
ainsi payés soit justifiée pour les services
rendus. Je ne vois pas, dans ces circonstances,
d'objection à ce que le caveat comprenne aussi
ces montants mais il faudra ici aussi que la
valeur des services rendus soit établie lors-
qu'une décision finale sera rendue et que l'on
détermine aussi le droit de réclamer ces mon-
tants et leur ordre de priorité. La requête
demande que le montant de $7,318.47 soit payé
par priorité à la requérante avec intérêts à
même le produit de la vente du Norsland. Sans
doute, si ce montant a priorité ou bénéficie d'un
privilège, il devra être payé selon son rang. Ce
n'est pas, cependant, ce que veut la requérante.
Elle veut, si j'ai bien compris sa demande, que
ce montant soit considéré comme frais de Cour
et payé comme tel. Sur l'objection formulée par
les trois procureurs des autres créanciers à ce
que la Cour détermine la quotité et le rang de la
créance totale de $7,318.47 ainsi que le droit de
réclamer ces montants à ce stade des procédu-
res et leur prétention qu'ils n'ont pas eu suffi-
samment de temps pour contester la présente
demande qui, d'ailleurs, à mon avis devrait
aussi être déterminée lors de la procédure enga
gée pour décision finale des réclamations, il me
paraît sage d'accepter cette solution et ces
questions devront être décidées à ce moment. Il
me faut, cependant, souligner le fait que si
l'acheteur du navire n'a pu obtenir son enregis-
trement au ministère des Transports du Canada,
ce n'est dû qu'à l'existence de l'art. 7(2) de la
Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, c. S-9 qui déclare que:
7. (2) Peut être immatriculé au Canada tout navire britan-
nique qui est l'entière propriété de personnes qualifiées
pour être propriétaires de navires britanniques et qui n'est
pas immatriculé hors du Canada. (Les italiques sont de
moi.)
Je dois indiquer aussi qu'en vertu de l'art. 2 de
la Loi sur la marine marchande du Canada
«navire britannique» comprend un navire cana-
dien et en vertu de l'art. 6, «navire britannique»
est un navire britannique s'il est l'entière pro-
priété de
a) un sujet britannique au sens de la loi du
Royaume-Uni intitulée British Nationality
Act, 1948, telle que modifiée à l'occasion;
b) un corps constitué établi en vertu des lois
d'un pays du Commonwealth et ayant son
principal bureau d'affaires en ce pays.
La République de Panama, d'autre part, après
avoir déposé un caveat pour $2,585.15 refuse
de se conformer à la procédure de vente du
navire et à respecter l'ordonnance de cette Cour
donnant à l'acheteur un titre clair et net. Je ne
veux qualifier, pour le moment, ce geste de la
part de ce pays. Qu'il me soit permis tout de
même de dire que le refus de respecter le juge-
ment de la Cour après avoir déposé sa réclama-
tion, en plus d'être un affront au tribunal cana-
dien, constitue un refus par ce pays de
respecter les décisions du tribunal d'un autre
pays et une exception à une règle qui est hono-
rée par tous les pays du monde. Si, en effet,
d'autres pays, ou d'autres créanciers, s'avisaient
de suivre ce mauvais exemple, ce serait le
désordre dans un domaine qui ne peut être
réglementé efficacement sans la bonne foi de
tous les pays maritimes. Il me paraît donc
urgent et nécessaire, si l'on veut maintenir le
prestige des décisions de nos tribunaux et dis-
suader d'autres pays ou créanciers de suivre
l'exemple de la République de Panama, que les
autorités compétentes s'emploient à faire les
amendements qui s'imposent à la Loi sur la
marine marchande du Canada pour que l'imma-
triculation d'un navire étranger ne puisse être
utilisée pour empêcher l'enregistrement d'un
navire au Canada vendu en vertu d'une ordon-
nance de cette Cour. Il me paraît utile de souli-
gner ici que bien que le Canada n'exige des
propriétaires du navire paiement que de certai-
nes charges appelées en anglais «user charges»
la République de Panama exige en outre paie-
ment de taxes annuelles.
La Cour, par conséquent, fait droit à la subro-
gation de droits en faveur de la requérante pour
une somme de $3,943.95 et permet le dépôt du
caveat tant pour ce montant que pour le mon-
tant de $3,374.52 mais le tout est sujet à ce que
la quotité et le rang de ces montants, ainsi que
le droit de les réclamer, soient déterminés con-
tradictoirement lors de la détermination finale
des réclamations et de leur rang. Les dépens de
cette motion seront considérés comme frais
dans la cause et déterminés aussi lors de l'adju-
dication finale des réclamations.
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