The Elias Rogers Company Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
suppléants Bastin et Sheppard—Ottawa, le 4
décembre 1972.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'une entreprise—
Frais d'installation de chauffe-eau loués par une entreprise
de vente de mazout—S'agit-il de frais d'exploitation ou d'un
débours de capital—Loi de l'impôt sur le revenu, article
12(1)b).
La compagnie appelante exploite une entreprise consis-
tant à vendre du mazout. Pour augmenter ses ventes de
mazout et affronter la concurrence, la compagnie a décidé
de louer des chauffe-eau à ses acheteurs de mazout et elle a
déduit les frais d'installation de ceux-ci en 1966 ($14,450)
et en 1967 ($27,200), titre de frais d'exploitation, dans le
calcul de son revenu pour ces années.
Arrêt: le jugement du juge Kerr [1972] C.F. 543, est
infirmé. Les frais d'installation des chauffe-eau ne sont pas
des dépenses de capital au sens de l'article 12(1)b) de la Loi
de l'impôt sur le revenu et constituent des frais d'exploita-
tion déductibles. Le fait que l'une des clauses du contrat de
louage des chauffe-eau oblige le locataire à acheter son
mazout uniquement de l'appelante ne change pas la nature
de la dépense.
APPEL d'un jugement du juge Kerr [1972]
C.F. 543.
Bruce Verchère pour l'appelante.
G. W. Ainslie, c.r., pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le
présent appel porte sur un jugement de la Divi
sion de première instance [1972] C.F. 543, infir-
mant l'appel de l'appelante relativement aux
cotisations établies à son égard en vertu de la
Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu pour
les années d'imposition 1966 et 1967.
L'appelante exploitait une entreprise qui
comprenait, entre autres choses, la vente de
mazout. Dans le cadre de son commerce de
mazout, et, en fait, pour faciliter la vente du
mazout, l'appelante achetait des chauffe-eau et
les louait à ses clients acheteurs de mazout et à
ses clients éventuels.
La seule question litigieuse dans le présent
appel est celle de savoir si certaines dépenses
engagées par l'appelante relativement à la loca
tion des chauffe-eau constituent des dépenses
engagées en vue de produire un revenu, déduc-
tibles dans le calcul du bénéfice annuel de son
entreprise, nonobstant les dispositions de l'arti-
cle 12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui
se lit comme suit:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace-
ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou
d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou
épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la
présente Partie,
Chacun des chauffe-eau coûte $197 à
l'appelante.
Les chauffe-eau étaient loués aux termes
d'un contrat-type, dont voici certains extraits:
[TRADUCTION] Contrat de louage daté du 5 août 1966
entre THE ELIAS ROGERS COMPANY LIMITED, 2200
rue Yonge, Toronto 1, Ontario, ci-après appelée la «compa-
gnie» et:
NOM SAMUEL S. SUGAR
ADRESSE 609 AVENUE COLDSTREAM, TORONTO 19, ONT.,
ci-après appelé le «client».
Le client demande par les présentes à la compagnie de lui
louer un chauffe-eau au mazout de marque Rogers (ci-après
appelé l'«appareil»), modèle no 1000-30 pour utilisation
dans sa résidence personnelle, située au 609 AVENUE
COLDSTREAM.
Le client convient de louer ledit appareil de la compagnie
et la compagnie convient de louer celui-ci au client, sous
réserve des conditions et stipulations qui suivent:
1. L'installation et l'entretien de l'appareil sont à la charge
de la compagnie exclusivement. La compagnie se réserve le
droit de refuser de louer l'appareil au client, si, de l'avis de
la compagnie et à son entière discrétion, les frais d'installa-
tion de l'appareil sont excessifs ou anormalement élevés, à
moins que le client ne s'engage à payer les frais
supplémentaires.
2. Sous réserve de la clause 7b) des présentes, la compa-
gnie doit, à ses frais, maintenir l'appareil en bon état de
fonctionnement, à la condition, toutefois, que le client
signale promptement à la compagnie toute irrégularité dans
le fonctionnement de l'appareil. Le client s'engage à ne pas
enlever, déplacer, manipuler, ajuster ou réparer l'appareil,
ou à nuire de quelque autre façon à son fonctionnement,
sans la permission écrite de la compagnie.
3. En contrepartie de la location de l'appareil, le client
doit payer à la compagnie un loyer mensuel de $2.50, à
compter du premier jour du mois suivant l'installation de
l'appareil et par la suite. Ledit loyer mensuel devient dû et
doit être payé le premier jour de chaque mois de la période
ci-après indiquée. Le client doit également verser à la com-
pagnie, avec ledit loyer mensuel, au moment où ce dernier
est payé pendant la durée du présent contrat, une taxe de
vente provinciale de .10e.
AUCUN LOYER N'EST EXIGIBLE PENDANT LES SIX PREMIERS
MOIS DE LA DURÉE DU PRÉSENT CONTRAT
4. A titre de condition préalable au présent contrat, le
client s'engage à acheter à la compagnie, exclusivement,
pendant la durée du présent contrat, la totalité du mazout
nécessaire au chauffage de ladite résidence et au fonction-
nement dudit appareil. La vente du mazout et le mode de
paiement de celui-ci font l'objet d'un contrat distinct.
7. Le présent contrat est conclu pour une durée minimum
de deux (2) ans à compter de la date des présentes et il
demeurera ensuite en vigueur par périodes successives
d'une année, sous réserve, toutefois, que l'une ou l'autre
partie aux présentes pourra, à l'expiration de ladite période
de deux (2) ans ou de toute période successive d'une année,
selon le cas, mettre fin au contrat en donnant un préavis
écrit de deux (2) mois à l'autre partie.
8. A la fin du présent contrat, le client doit rendre
l'appareil à la compagnie dans l'état général d'entretien où il
se trouvait au moment de l'installation, compte tenu de
l'usure normale.
9. La compagnie demeurera toujours le propriétaire
incontesté de l'appareil loué aux termes du présent contrat
et, à la fin de celui-ci, elle aura le droit de débrancher
l'appareil et de le retirer de ladite résidence. A la fin du
présent contrat, la compagnie n'est pas tenue d'installer et
de raccorder à nouveau l'ancien chauffe-eau, ni d'installer
et de raccorder un chauffe-eau de remplacement, quel qu'il
soit.
Il y a lieu de souligner que, après avoir acheté
le chauffe-eau pour $197, l'appelante l'a utilisé
à des fins lucratives en en transférant la posses
sion à un client moyennant un loyer net de
$2.50 ou $2.99 par mois et que, en plus de ne
pas être en possession du chauffe-eau pendant
la période de location, l'appelante a engagé,
pour gagner le loyer, certaines dépenses,
notamment,
a) elle a dû installer le chauffe-eau au début
de chacun des contrats de location, ce qui
représente, pour 1966,
main-d'oeuvre $27.05
pose de fils (main-d'oeuvre & matériel)
22.45
matériaux 14.90
transport 12.00
inspection de l'Hydro 3.00
frais généraux et bénéfices 5.60
$85.00
et, pour 1967, des montants semblables totali-
sant $100;
b) elle a dû assurer l'entretien des chauffe-
eau pendant la durée du contrat;
c) elle a dû enlever le chauffe-eau à la fin du
contrat; et
d) dans certains cas, elle a dû verser $28 ou
$36 au fabricant pour qu'il remette les
chauffe-eau en état entre deux périodes de
location.
Les accessoires électriques et de plomberie et
les autres matériaux installés à la résidence du
client comme parties intégrantes du chauffe-eau
perdaient toute valeur pour l'appelante lorsque
le chauffe-eau était enlevé et ils étaient simple-
ment laissés sur place.
Le savant juge de première instance a conclu
que, bien que le contrat eût prévu une durée
minimum de 2 ans, les chauffe-eau étaient ins
tallés dans l'espoir qu'ils soient loués pendant
un certain nombres d'années. Par expérience,
l'appelante savait que la majorité des clients
conservaient le chauffe-eau pendant plusieurs
années.
L'appelante considérait le prix d'achat des
chauffe-eau comme la valeur de biens de capi
tal. Les autres débours reliés à cette partie de,
l'activité de l'appelante, sauf peut-être les frais
de remise en état, étaient déduits par celle-ci à
titre de frais d'exploitation. L'intimé a permis
toutes ces déductions à titre de frais d'exploita-
tion, sauf les frais d'installation, qu'il a refusés
d'admettre en déduction, au motif qu'ils consti-
tuaient des dépenses dont l'article 12(1)b), pré-
cité, interdit la déduction.
Le savant juge de première instance a abordé
la question dans les termes qui suivent [à la
page 5521:
Une fois installés, les chauffe-eau constituent un bien de
capital immobilisé. Ils ne produisent un revenu qu'après leur
installation, et non avant. Les frais de leur installation sont
préalables et nécessaires à la capacité des chauffe-eau de
produire un revenu et ils sont engagés dans ce but. Je pense
que si l'appelante avait acheté d'un fournisseur des chauffe-
eau déjà installés et prêts à être utilisés au moment de leur
achat, le coût en capital de ceux-ci pour l'appelante aurait
été le prix payé au fournisseur, comprenant les frais d'ins-
tallation. Si tel est le cas, pourquoi la catégorie dans laquelle
les frais d'installation doivent être classés change-t-elle du
seul fait que l'appelante installe elle-même les chauffe-eau?
L'intimé soutient que les frais d'installation font partie du
coût en capital des chauffe-eau pour l'appelante, à mesure
qu'ils sont installés, et que l'appelante peut réclamer une
allocation à l'égard du coût en capital à mesure de ces
installations.
Le contrat de location des chauffe-eau prévoit une durée
minimum de 2 ans, renouvelable ensuite d'année en année,
et résiliable à l'expiration de la période de deux ans ou de
toute année subséquente, moyennant un préavis écrit de 2
mois. Les clients peuvent toujours résilier leur contrat de
location à n'importe quel moment et quelques-uns l'ont fait
dans les 2 ans, mais la compagnie a installé les chauffe-eau
dans l'espoir que les clients les conserveraient généralement
pendant un certain nombre d'années. La compagnie sait par
expérience que la majorité des locations se poursuivent
pendant plusieurs années au moins et que les chauffe-eau
ont une durée d'utilisation moyenne supérieure à 8 ans,
pendant laquelle ils peuvent produire un revenu. Les frais
d'installation sont engagés une fois pour toutes en vue
d'utiliser un bien de capital pour assurer un bénéfice dura
ble à l'entreprise, au moins en ce sens qu'en louant le
chauffe-eau, la compagnie prévoit que le bénéfice durera
pendant quelques années et que le chauffe-eau produira des
revenus pendant tout ce temps. La compagnie ne se serait
sûrement pas engagée dans la location de chauffe-eau si elle
n'avait pas un tel but, eu égard au coût et aux frais d'instal-
lation de l'appareil par rapport au revenu net qui en résulte.
Les frais d'installation sont des frais de premier établisse-
ment et ils représentent une somme importante par rapport
au coût du chauffe-eau, et bien que ces frais doivent être
engagés de nouveau à la fin de la période d'utilisation
normale du chauffe-eau, lorsqu'il doit être remplacé, ou
lorsqu'un contrat est résilié et que l'appareil est enlevé et
installé ailleurs, je ne pense pas que la dépense en cause
puisse être considérée comme l'exécution d'une obligation
constante ou comme une dépense récurrente déductible à
titre de dépense courante du revenu de l'année au cours de
laquelle elle est effectuée. Il est vrai que les chauffe-eau
servent à faire face à une demande continuelle de mazout et
qu'ils servent les buts et les intérêts généraux de l'entreprise
de la compagnie, niais il en est de même des réservoirs et
des autres immobilisations de la compagnie et il ne fait pas
de doute qu'ils sont des biens de capital.
Le savant juge de première instance a ensuite
fait état de la façon dont les principaux ven-
deurs de produits pétroliers comptabilisent les
dépenses de cette nature. Il a ensuite résumé la
preuve des experts-comptables sur la question
et il a conclu [aux pages 554, 555]:
D'après mon appréciation des faits et des principes direc-
teurs, appréciation qui, je l'espère, se fonde sur le bon sens
et sur les réalités commerciales de ladite affaire, je conclus
que les dépenses de $14,450 et de $27,200, que l'appelante
a engagées au cours de ses années d'imposition 1966 et
1967 au titre de divers frais d'installation des chauffe-eau,
constituent des sommes déboursées ou des paiements à
compte de capital au sens de l'article 12(1)b) de la Loi de
l'impôt sur le revenu qui par conséquent, ne sont pas déduc-
tibles du revenu. L'appel est donc rejeté. L'intimé est fondé
à recevoir ses frais.
A mon avis, la solution du présent litige n'a
aucun rapport avec le fait que l'entreprise de
location des chauffe-eau a été mise sur pied en
vue de faire augmenter les ventes de mazout. Je
suis d'avis que la nature des dépenses est identi-
que à ce qu'elle serait si l'entreprise de location
des chauffe-eau était exploitée de façon auto-
nome. Je ne vois aucun rapport entre les arrêts
qui portent sur des opérations dont le seul objet
est de constituer une «clientèle» à long terme,
comme dans l'arrêt Regent Oil Co. Ltd. c. Strick
[1965] 3 W.L.R. 636, et la présente affaire qui
porte sur des opérations intégrées aux opéra-
tions ordinaires de l'entreprise et qui ont acces-
soirement pour objet de constituer une «clien-
tèle» pour d'autres secteurs de l'entreprise.
Il est admis de part et d'autre que les dépen-
ses en question sont des dépenses de l'entre-
prise de l'appelante et qu'elles sont à ce titre
déductibles, pourvu que l'article 12(1)b) de la
Loi de l'impôt sur le revenu n'interdise pas de le
faire. Voir l'arrêt B. C. Electric Ry. Co. c.
M.R.N. [1958] R.C.S. 133, le juge Abbott aux
pages 137-38.
L'interdiction essentielle énoncée à l'article
12(1)b) est l'interdiction de déduire du revenu
les «paiements à compte de capital». Ces
termes s'appliquent manifestement, dans leur
sens ordinaire, aux frais d'installation de machi
nes et de matériel lourd qu'un homme d'affaires
acquiert et place dans son usine ou son atelier
de sorte qu'ils s'incorporent à l'immeuble. En
pareil cas, le coût des machines et les frais
d'installation entrent dans le coût de l'usine ou
de l'atelier améliorés par l'incorporation des
machines ou du matériel. Il s'agit manifeste-
ment là d'une dépense attribuable au montage
des installations que-l'on se propose d'utiliser
aux fins de gagner un revenu, et non d'une
dépense engagée dans le cours de l'exploitation
d'une organisation productrice de revenus. Une
dépense de cette nature est un exemple typique
d'un paiement à compte de capital.
Dans le cas présent, toutefois, la situation est
très différente. L'appelante n'a pas utilisé les
chauffe-eau pour améliorer une organisation
productrice de revenus ou en créer une. Au
contraire, l'appelante a transféré la possession
des chauffe-eau en contrepartie d'un loyer men-
suel et la dépense que représentent les frais
d'installation n'a amélioré ou créé aucun bien de
capital. Il me paraît essentiel d'observer ici que,
bien que les frais d'installation aient exactement
la même nature que les dépenses qu'aurait enga
gées un homme d'affaires en achetant et en
faisant installer un chauffe-eau pour son usine,
il n'y a cependant, pour ce qui est de savoir s'il
s'agit d'un paiement à compte de capital,
aucune similitude entre cette dépense et celle
qu'engage le propriétaire d'un chauffe-eau pour
s'acquitter d'une obligation qu'il a contractée et
qui entre dans la contrepartie du loyer qu'il
demande au titre de la location du chauffe-eau.
En toute déférence pour le savant juge de
première instance, il me semble que, dès lors
que cette dépense est considérée comme enga
gée par un propriétaire de matériel aux fins
d'exécuter l'une de ses obligations en vertu d'un
contrat de louage, il devient très clair qu'il ne
s'agit pas d'une dépense qui procure à l'appe-
lante un bien de capital devant servir en perma
nence à son entreprise. Cette dépense n'intro-
duit pas un bien de capital dans l'actif de la
compagnie. Au contraire, je ne vois aucune
différence entre les frais d'installation et les
autres dépenses, telles que les dépenses de
réparation et d'enlèvement des chauffe-eau, que
l'appelante doit également engager dans le cours
de l'exploitation de son entreprise de location.
A mon avis, dans toute entreprise de location
de matériel, bien que le coût d'acquisition du
matériel et les dépenses engagées pour l'amélio-
rer constituent des paiements à compte de capi
tal, la chose louée constituant le bien de capital
de l'entreprise, les sommes dépensées pour exé-
cuter les obligations du propriétaire aux termes
des contrats de location constituent des dépen-
ses engagées en vue de produire un revenu, tout
comme les loyers perçus aux termes de ces
contrats sont des revenus de cette entreprise.
Par exemple, si une telle personne loue une
grue et qu'elle s'engage à la livrer et à l'installer
au chantier où elle doit servir, ces frais de
livraison et d'installation seraient à mon avis
des dépenses engagées pour gagner le loyer, que
la période de location soit un jour, un mois, un
an ou cinq ans.
Nous pouvons vérifier l'exactitude de ce rai-
sonnement d'une autre façon: si, dans le cas
présent, les chauffe-eau étaient loués sur place,
à un loyer légèrement moins élevé, en vertu
d'un contrat aux termes duquel, si le locataire le
désirait, l'appelante les transporterait et les ins-
tallerait aux frais du locataire, l'opération abou-
tirait au même résultat, du point de vue com
mercial, mais je ne crois pas qu'il pourrait être
question d'interdire à l'appelante par application
de l'article 12(1)b), de compenser les frais de
transport et d'installation et la somme dont le
locataire la rembourserait.
Dès lors qu'il est établi que les dépenses en
question sont, par ailleurs, des frais d'exploita-
tion de l'entreprise, le simple fait d'obtenir du
client, à titre accessoire, une promesse qu'il
s'approvisionnera en mazout exclusivement
chez l'appelante, ne peut pas, à mon avis, chan-
ger la nature de ces dépenses.
A mon avis, l'appel doit être accueilli avec
dépens devant cette Cour et devant la Division
de première instance, le jugement de la Division
de première instance doit être infirmé et les
cotisations dont il est fait appel doivent être
renvoyées à l'intimé pour qu'il établisse une
nouvelle cotisation en tenant compte du fait que
les frais d'installation en question étaient déduc-
tibles dans le calcul du revenu de l'appelante
pour chacune des années en question.
* * *
Le juge suppléant Bastin a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD (orale-
ment)—Le présent appel porte sur des dépenses
que l'appelante, la Elias Rogers Company Limi
ted, a engagées dans l'installation de chauffe-
eau, qu'elle faisait à titre gratuit. Elle a ainsi
engagé des dépenses de $14,450 dans l'année
d'imposition 1966 et de $27,200 dans l'année
d'imposition 1967. L'appelante soutient que ces
dépenses ont été engagées aux fins de gagner ou
produire un revenu tiré de son entreprise et que,
par suite, elles sont déductibles de son revenu
aux termes de l'article 12(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu. D'autre part, l'intimé pré-
tend que les dépenses n'étaient pas déductibles
du revenu, au motif qu'elles constituaient une
partie du coût en capital au sens de l'article
11(1)a) ou de l'article 12(1)b).
L'appelante est une compagnie de Toronto
(Ontario) qui vend du mazout, vend et installe
des chaudières, s'occupe de l'entretien d'appa-
reils de chauffage et loue également des
chauffe-eau au mazout à ses clients. Le com
merce de mazout avait subi la concurrence du
gaz dans le domaine du chauffage et pour y
faire face et sauvegarder son marché de
mazout, l'appelante a décidé d'installer des
chauffe-eau au mazout, à ses propres frais.
En 1966, l'appelante a conclu divers contrats
relativement à la location de chauffe-eau à ses
clients acheteurs de mazout (pièce A3), stipu-
lant un loyer mensuel de $2.50 à compter de
l'expiration d'une période de six mois après
l'installation, plus 10 sous par mois au titre de la
taxe de vente; aux termes de ces contrats, l'ap-
pelante s'engageait à installer et à entretenir les
chauffe-eau. En 1967, le loyer mensuel et le
montant de la taxe de vente devaient être payés
à compter du 1er jour du mois suivant l'installa-
tion, les autres conditions demeurant les
mêmes.
Les bénéfices de l'appelante aux termes des-
dits contrats étaient les suivants:
a) Le loyer de $2.50 par mois, soit $30 par
an.
b) La vente de 300 gallons de mazout à 20
sous le gallon, soit $60 par an. Il s'agit du
montant brut, le montant net n'étant pas indi-
qué. Le consommateur brûle en moyenne 900
gallons de mazout par an pour chauffer sa
résidence.
c) «A titre de condition préalable au présent
contrat» le client s'engageait à acheter à la
compagnie, exclusivement, pendant la durée
du contrat, la totalité du mazout nécessaire au
chauffage de sa résidence et au fonctionne-
ment de l'appareil.
d) Le taux de résiliation était plus bas chez
les clients qui louaient des chauffe-eau que
chez les autres clients. En 1969, 1.7% des
clients louant un chauffe-eau ont résilié leur
contrat, contre 6.49% chez les clients ne
louant pas de chauffe-eau. En 1970, 2.2%
des clients ayant un chauffe-eau ont annulé
leur contrat, contre 6.28% chez les clients
n'en louant pas (pièce Al).
L'exécution de ces contrats entraînait pour
l'appelante les obligations suivantes:
a) Payer le prix d'achat de chacun des
chauffe-eau, soit $197. Les frais d'installation
d'un chauffe-eau s'élevaient à $85 en 1966 et
à $100 en 1967.
En outre, aux termes de la clause 2, l'appe-
lante s'engageait à maintenir le chauffe-eau
en bon état de fonctionnement et, pour l'exé-
cution de cette obligation, elle a conclu un
contrat avec un tiers relativement aux frais de
remise en état des chauffe-eau lorsque ce
serait nécessaire. Les réservoirs avaient une
vie utile de huit ans et les brûleurs de mazout,
de 20 ans. Le contrat prévoyait une durée
minimum de deux ans, avec renouvellement
d'année en année et droit de résiliation à la
fin de l'année moyennant un préavis de deux
mois. Toutefois, dans l'intérêt de ses relations
avec le public, l'appelante a dû permettre la
résiliation de certains contrats avant l'expira-
tion de la période de deux ans; mais la durée
moyenne des contrats était de 6.8 ans.
b) Les dépenses dont il est question dans la
présente affaire ont été engagées par l'appe-
lante aux fins d'installer des chauffe-eau aux
termes des contrats et par suite, l'appelante
soutient que les frais d'installation ont été
engagés aux fins de gagner ou de produire un
revenu tiré de son entreprise, d'où l'objet du
présent appel.
Dans l'arrêt M.R.N. c. Algoma Central Ry.
[1968] R.C.S. 447, la compagnie de chemin de
fer avait retenu les services d'une autre compa-
gnie pour effectuer un relevé géologique de la
région que desservait sa ligne, en vue de susci-
ter un accroissement de la population et, par
suite, de sa clientèle. Le juge Fauteux, en ren-
dant le jugement de la Cour, a déclaré (page
449):
[TRADUCTION] Le Parlement ne définit pas les expressions
«somme déboursée» ou «paiement à compte de capital».
Comme il n'y a pas de critère législatif, appliquer ou non ces
expressions à toutes dépenses particulières doit dépendre
des circonstances propres à l'affaire. Nous ne pensons pas
qu'un critère unique permette d'élaborer cette définition et
nous approuvons l'avis exprimé dans une décision récente
du Conseil privé rendue par Lord Pearce dans l'affaire B. P.
Australia Ltd. c. Commissioner of Taxation of the Com
monwealth of Australia ([1966] A.C. 224, [1965] 3 All E.R.
209). En mentionnant la question de savoir si une dépense
était de capital ou ordinaire, il déclarait à la page 264:
On ne peut pas trouver la solution du problème en
appliquant un critère ou une description rigide. Elle doit
découler de plusieurs aspects de l'ensemble des circons-
tances dont certaines peuvent aller dans un sens et d'au-
tres dans un autre. Une observation peut se détacher si
nettement qu'elle domine d'autres indications plus vagues
dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de
toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la
réponse finale.
Le savant juge, après avoir considéré tous les faits de
l'affaire, a décidé que les dépenses en cause n'étaient pas de
la nature du capital aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi
de l'impôt sur le revenu. Nous partageons cette opinion. Par
suite l'appel doit être rejeté avec dépens.
L'absence d'un critère rigide et le fait de
prendre en considération «l'ensemble des cir-
constances» a causé certaines difficultés dans
des affaires de ce genre.
Dans l'arrêt Usher's Wiltshire Brewery Ltd. c.
Bruce [1915] A.C. 433, une brasserie avait
diminué le loyer d'une taverne, afin d'obtenir du
tenancier l'engagement de débiter exclusive-
ment les produits de cette brasserie; la Cour a
jugé que la brasserie avait le droit de déduire de
son revenu le montant de la diminution du
loyer.
Dans l'arrêt B. P. Australia Ltd. c. Corn'r of
Taxation [1966] A.C. 224, la compagnie avait
convenu de payer une certaine somme aux pro-
priétaires d'un garage en contrepartie d'une pro-
messe de s'approvisionner en essence chez B.
P. exclusivement, et le Conseil privé a décidé
que la somme payée était une dépense sur le
revenu. D'autre part, dans l'arrêt Regent Oil Co.
c. Strick [1966] A.C. 295, où les faits étaient
semblables, la Chambre des lords a décidé que
la somme payée était un paiement à compte de
capital. Les circonstances entourant ces affaires
étaient différentes. Dans l'arrêt Usher's Wilt-
shire Brewery Ltd. (précité), il s'agissait d'une
réduction d'une somme reçue à titre de revenu.
Dans les arrêts B. P. Australia Ltd. (précité) et
Regent Oil Co. (précité), on peut considérer
qu'il s'agissait de dépenses de publicité.
Dans la présente affaire, les frais d'installa-
tion doivent être considérés comme des servi
ces que l'appelante a rendus aux fins de gagner
ou produire un revenu au sens de l'article
12(1)a). Le contrat renferme deux dispositions:
(1) La location proprement dite est prévue
dans la clause introductive, aux termes de
laquelle le client [TRADUCTION] demande .. .
à la compagnie de lui louer ... pour utilisa
tion dans sa résidence personnelle, située au
609 avenue Coldstream. Le client convient de
louer ledit appareil de la compagnie et la
compagnie convient de louer celui-ci au
client, sous réserve des conditions et stipula
tions qui suivent», ainsi que dans les clauses
3 et suivantes. Le contrat de location devient
parfait quant à l'appelante lorsque cette der-
nière s'acquitte de son obligation de livraison.
La livraison peut être effectuée à la résidence
du client ou ailleurs mais elle ne comprend
certainement pas l'installation, et le client doit
utiliser le chauffe-eau «dans sa résidence per-
sonnelle, située au 609 avenue Coldstream.»
(2) Des dispositions auxiliaires relatives aux
services de l'appelante quant à l'installation et
à l'entretien du chauffe-eau sont prévues aux
clauses 1 et 2. Les parties ont d'elles-mêmes
distingué entre une clause intrinsèque du con-
trat de location et une disposition auxiliaire, à
la clause 4, qui commence par les mots [TRA-
DUCTION] «A titre de condition préalable au
présent contrat». Les clauses 1 et 2 ne con-
tiennent aucun terme semblable à ceux qui
sont employés au début de la clause 4. Aux
termes de la clause 3, le loyer commence à
courir après l'installation, mais l'appelante
aurait pu permettre à n'importe qui, même au
client, d'installer le chauffe-eau. Le contrat
de location proprement dit n'empêche en rien
la clause 1 d'être une clause auxiliaire.
Comme l'a déclaré Lord Morris de Borth -y-
Gest dans l'arrêt Regent Oil Co. c. Strick (pré-
cité) à la page 329:
[TRADUCTION] ... Il existe une différence entre l'objet qui
produit un revenu et l'exploitation de celui-ci,... .
Dans la présente affaire, le chauffe-eau est
l'«objet qui produit un revenu», alors que l'ins-
tallation visée à la clause 1 et l'entretien visé à
la clause 2 sont «l'exploitation de celui-ci», et
constituent donc des services rendus en exécu-
tion de ces clauses auxiliaires; ces services
entraînent les dépenses en question. Les frais
d'entretien ne peuvent pas être des dépenses de
capital, puisqu'ils sont engagés à l'occasion, en
fonction des besoins, et non pas [TRADUCTION]
«une fois pour toutes», selon l'expression utili
sée dans l'arrêt British Insulated and Helsby
Cables Ltd. c. Atherton [1926] A.C. 205 (le lord
chancelier, vicomte Cave, à la page 213). Puis-
que les frais d'entretien des chauffe-eau sont
nécessairement engagés «en vue de gagner ou
produire un revenu», aux termes de l'article
12(1)a), les frais d'installation, qui servent la
même fin, doivent de même être considérés
comme des services mis à la charge de l'appe-
lante et tomber également sous le coup de l'arti-
cle 12(1)a).
Par conséquent, il est fait droit à l'appel avec
dépens et je souscris au jugement du juge en
chef.
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