[1997] 3 C.F. 235
A-15-94
Peter Dale et Bernard Dale (appelants) (intimés dans l’appel incident)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée) (appelante dans l’appel incident)
Répertorié : Dale c. Canada (C.A.)
Cour d’appel, juges Pratte, Décary et Robertson, J.C.A.—Vancouver, 3 février; Ottawa, 21 avril 1997.
Pratique — Jugements et ordonnances — En contrepartie de la cession d’un immeuble d’habitation à une société, des actions privilégiées ont été émises aux contribuables — Pour augmenter le capital-actions autorisé, des lettres patentes supplémentaires étaient nécessaires, mais elles n’ont jamais été obtenues — L’immeuble a été vendu et les dividendes déclarés — Par la suite, la société a obtenu une ordonnance d’une cour supérieure provinciale en s’appuyant sur une loi provinciale en vertu de laquelle les actions privilégiées étaient réputées avoir été valablement émises au cours de l’année d’imposition en cause — L’ordonnance n’a pas été rendue avant que la nouvelle cotisation établie n’affirme que les dividendes étaient un avantage conféré à un actionnaire en vertu de l’art. 15 de la Loi de l’impôt sur le revenu — Règle générale : une ordonnance d’une cour supérieure ne peut être attaquée indirectement à moins qu’elle ne soit légalement infirmée — Examen des principes régissant l’effet obligatoire des ordonnances des cours supérieures — Les ordonnances rétroactives rendues en s’appuyant sur une loi sont généralement à l’abri des attaques indirectes concernant la compétence — L’ordonnance de la cour supérieure provinciale lie le ministre et constitue une preuve que les actions avaient été valablement émises le 31 décembre 1985.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Dividendes — Le jugement de la Cour de l’impôt conclut que les dividendes versés sont un avantage conféré à un actionnaire en vertu de l’art. 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu — En contrepartie de la cession d’un immeuble d’habitation à une société, des actions privilégiées ont été émises aux contribuables — Pour effectuer l’augmentation nécessaire du capital-actions autorisé, des lettres patentes supplémentaires étaient exigées, mais elles n’ont pas été obtenues — Par la suite, la société a obtenu une ordonnance d’une cour supérieure provinciale dans laquelle il était déclaré que les actions privilégiées étaient réputées avoir été valablement émises au cours de l’année d’imposition en cause — L’appel est accueilli étant donné que l’ordonnance de la cour supérieure provinciale lie le ministre et constitue une preuve que les actions avaient été valablement émises le 31 décembre 1985 — Les dividendes ne sont pas des avantages conférés à un actionnaire.
Impôt sur le revenu — Corporations — Appel incident concernant un jugement de la Cour de l’impôt statuant qu’un transfert en franchise d’impôt fondé sur l’art. 85 est valide — En vertu de l’art. 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu, la contrepartie versée dans le cadre d’une opération de transfert en franchise d’impôt d’un particulier à une société doit comprendre au moins une action du capital-actions de la cessionnaire — En contrepartie de la cession d’un immeuble d’habitation à une société, des actions privilégiées ont été émises aux contribuables — Pour effectuer l’augmentation nécessaire du capital-actions autorisé, des lettres patentes supplémentaires étaient exigées, mais elles n’ont pas été obtenues — Par la suite, la société a obtenu une ordonnance d’une cour supérieure provinciale dans laquelle il était déclaré que les actions privilégiées étaient réputées avoir été valablement émises au cours de l’année d’imposition en cause — L’appel incident est rejeté — L’ordonnance de la cour supérieure provinciale lie le ministre et constitue une preuve que les actions avaient été valablement émises le 31 décembre 1995 — Le transfert en franchise d’impôt est valide.
Il s’agit d’un appel d’un jugement de la Cour de l’impôt statuant que le paiement d’un dividende en capital était un avantage imposable en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et d’un appel incident contestant la conclusion qu’un transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85 était valide. Pour éviter de réaliser un gain en capital et de récupérer l’amortissement au moment de la vente d’un immeuble d’habitation en Nouvelle-Écosse, les contribuables ont vendu l’immeuble à leur société, qui avait accumulé suffisamment de pertes pour absorber tout gain en capital et toute récupération de l’amortissement. En vertu de l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu, la contrepartie versée dans le cadre d’une opération de transfert en franchise d’impôt d’un particulier à une société doit comprendre au moins une action du capital-actions de la cessionnaire. La contrepartie du transfert était constituée de la prise en charge de l’hypothèque en cours et de l’émission à chaque contribuable d’une action privilégiée ayant une valeur de rachat de 1,1 million de dollars. Étant donné que le capital-actions autorisé de la société, constituée par voie de lettres patentes en vertu du droit de l’Île-du-Prince-Édouard, n’était pas suffisant pour permettre l’émission de ces actions privilégiées, les actionnaires ont adopté un règlement intérieur autorisant l’augmentation du capital social et le dépôt d’une demande de lettres patentes supplémentaires. La société a ensuite émis les actions privilégiées. La vente à la société a eu lieu le 30 décembre 1985 et le lendemain, la société vendait l’immeuble et déclarait et versait un dividende en capital de 80 000 $ sur chacune des actions privilégiées. Les contribuables et la société ont fait le choix prévu à l’article 85 et en ont fait la déclaration comme l’exigeait la Loi. En 1988, on a découvert que les lettres patentes n’avaient jamais été obtenues. Les actionnaires ont par la suite ratifié l’augmentation exigée du capital-actions avant et après que la société obtienne son certificat de prorogation en vertu du droit de la Nouvelle-Écosse. Ils ont également obtenu une ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse confirmant que les actions privilégiées avaient été valablement émises le 31 décembre 1985. Cette ordonnance n’avait pas encore été rendue quand l’impôt sur le revenu des appelants pour l’année 1985 a fait l’objet d’une nouvelle cotisation au motif que les actions privilégiées n’avaient pas été valablement émises en 1985. Étant donné que des dividendes ne pouvaient être déclarés sur des actions qui n’existaient pas, les dividendes en capital ont été considérés comme des avantages conférés aux actionnaires en vertu du paragraphe 15(1). La Cour de l’impôt a accepté que les dividendes n’étaient pas des dividendes étant donné qu’il avaient été déclarés à un moment où les actions n’existaient pas, mais elle a conclu que l’opération de transfert en franchise d’impôt fondée sur l’article 85 était valide. La Cour de l’impôt a statué que les termes « contrepartie incluant des actions » énoncés à l’article 85 n’impliquent pas que les actions doivent être émises en même temps que le bien est transféré ou dans la même année d’imposition. Il suffit qu’il y ait émission réelle des actions ou une obligation à force exécutoire d’émettre les actions à l’époque du transfert et que les actions soient émises dans un délai raisonnable.
Les questions à trancher étaient de savoir (1) si les actions privilégiées avaient été valablement émises en 1985; et (2) dans la négative, si les conditions de l’article 85 avaient été respectées.
Arrêt (le juge Pratte, J.C.A., dissident), l’appel doit être accueilli et l’appel incident rejeté.
Le juge Robertson, J.C.A. (avec l’appui du juge Décary, J.C.A.) : La règle générale veut que l’ordonnance d’une cour supérieure ne peut être attaquée indirectement à moins d’avoir été légalement infirmée. Les déclarations générales de droit suivantes régissent l’effet obligatoire des ordonnances rendues par les cours supérieures : (1) le dossier d’une cour supérieure doit être considéré comme « la vérité absolue tant qu’il n’a pas été infirmé ». (2) Une ordonnance qui n’a pas été annulée doit être appliquée intégralement. (3) L’ordonnance a force exécutoire pour tous. (4) Une attaque indirecte est réputée englober des procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation ou l’annulation de l’ordonnance.
La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a accordé une ordonnance fondée sur l’article 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse qui autorise les demandes de rectification du registre. Si la législature d’une province autorise ses tribunaux à déclarer que des événements passés sont réputés s’être produits à une date antérieure, le ministre n’a pas le pouvoir de saper l’autorité de la loi en refusant de reconnaître l’effet manifeste de cet événement réputé. Quoi qu’il en soit, l’article 44 n’a pas l’effet révisionniste que lui prête le ministre. L’ordonnance judiciaire n’a pas déclaré que des actions sont réputées avoir été émises alors qu’en fait elles ne l’ont pas été, mais bien que les actions qui ont été émises l’ont été valablement.
L’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse lie le ministre et constitue une preuve du fait que les actions privilégiées avaient été valablement émises le 31 décembre 1985.
Exiger que les ordonnances rétroactives ne soient pas fondées sur des faits qui se sont produits après la fin de l’année d’imposition, si l’on veut que de telles ordonnances aient un effet quelconque dans les instances en matière de fiscalité, revient à restreindre indûment leur efficacité et à donner au ministre des moyens beaucoup plus efficaces de contourner la règle interdisant les attaques indirectes.
Le juge Pratte, J.C.A. (dissident) : Sauf disposition contraire de la Loi, le ministre, quand il évalue l’impôt à payer dans une année donnée, doit tenir compte des faits qui existaient au cours de cette année. Dans un appel formé à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu, la question à trancher est de savoir si la cotisation était valide au moment où elle a été faite. Pour déterminer l’impôt à payer, le ministre doit d’abord déterminer quels étaient les faits pertinents au cours de l’année d’imposition après avoir examiné tous les éléments de preuve pertinents, que ceux-ci soient portés à son attention avant ou après la fin de l’année d’imposition. Le ministre ne peut ignorer un jugement qui établit quelle était la situation du contribuable au cours de l’année d’imposition, pour la simple raison que ce jugement a été rendu après la fin de l’année d’imposition. Mais il ne doit pas tenir compte d’un jugement qui déclare que la situation qui existait au cours de cette année est différente de ce qu’elle était réellement si ce jugement est fondé sur des faits qui se sont produits après la fin de l’année d’imposition, parce que cela ne se rapporte pas à l’évaluation de la responsabilité fiscale du contribuable à partir des faits existant à la fin de l’année d’imposition. L’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a été rendue en s’appuyant sur des faits qui se sont produits longtemps après la fin de l’année d’imposition et bien longtemps après la date à laquelle les appelants et leur société ont fait leur choix. Cela ne peut porter atteinte à la validité de la cotisation établie par le ministre. Les deux actions privilégiées ont été irrégulièrement émises et cette irrégularité n’a pas été corrigée avant l’établissement de la nouvelle cotisation.
La Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que les conditions prescrites par les paragraphes 85(1) et (2) avaient été respectées. L’expression « contrepartie comprenant des actions » ne peut faire référence à une contrepartie qui comprend une simple promesse d’émettre des actions. Le ministre doit être en mesure, aussitôt que le choix est exercé en vertu de l’article 85, d’évaluer le montant de l’impôt que doit payer le contribuable qui a choisi de tirer parti de cet article. Le ministre doit, dès ce moment, être en position de déterminer si les conditions prescrites par l’article sont respectées et il doit faire cette détermination en s’appuyant sur les faits tels qu’ils existent à ce moment. Les appelants n’avaient pas acquis les actions privilégiées lorsqu’ils ont fait leur choix en 1986; ils les ont acquises plus de trois ans plus tard.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Companies Act, R.S.N.S. 1989, ch. 81, art. 44, 109.
Companies Act, R.S.P.E.I. 1974, ch. C-15, art. 11.2 (édicté par S.P.E.I. 1984, ch. 14, art. 2), 18, 32(1) (mod., idem, art. 12), 34(1), 35 (mod., idem, art. 14), 36 (mod., idem, art. 15), 85(1),(3).
Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 15(1) (mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 8; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 7; 1985, ch. 45, art. 126), 83(2) (mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 37; 1985, ch. 45, art. 126), 85(1) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 45), (2) (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 48; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 45; 1984, ch. 45, art. 26; 1985, ch. 45, art. 126).
Loi sur l’accise, S.R.C. 1952, ch. 99.
JURISPRUDENCE
DECISION APPLIQUEE :
Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594; (1983), 4 D.L.R. (4th) 577; [1984] 1 W.W.R. 481; 26 Man. R. (2d) 194; 9 C.C.C. (3d) 97; 37 C.R. (3d) 97; 51 N.R. 321.
DISTINCTION FAITE AVEC :
Bently c. M.R.N. (1954), 54 DTC 510 (C.A.I.); Hobbs c. M.R.N. (1970), 70 DTC 1744 (C.A.I.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 10 D.L.R. (4th) 1; [1984] CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Walsh v. Lonsdale (1882), 21 Ch. D. 9.
DÉCISIONS CITÉES :
Hillis c. R., [1983] 6 W.W.R. 577; [1983] CTC 348; (1983), 83 DTC 5365; 15 E.T.R. 156; 49 N.R. 1 (C.A.F.); Succession Boger (A.) c. M.R.N., [1993] 2 C.T.C. 81; (1993), 93 DTC 5276; 50 E.T.R. 1; 155 N.R. 303 (C.A.F.); Atinco Products Ltd c La Reine, [1978] CTC 566; (1978), 78 DTC 6387; 22 N.R. 485 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée à [1979] 1 R.C.S. v; La Reine c. Paxton, J.D. (1996), 97 DTC 5012 (C.A.F.); Can. Transport (U.K.) Ltd. v. Alsbury et al., [1953] 1 D.L.R. 385; (1952), 7 W.W.R. (N.S.) 49; 105 C.C.C. 20 (C.A.C.-B.).
DOCTRINE
Snell’s Principles of Equity, 28th ed. by P. V. Baker and P. St. J. Langan. London : Sweet & Maxwell, 1982.
APPEL d’un jugement de la Cour de l’impôt statuant que le versement d’un dividende en capital était un avantage imposable en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et appel incident contestant la conclusion qu’un transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85 était valide (Dale (P.) c. Canada, [1994] 1 C.T.C. 2303; (1993), 94 DTC 1100 (C.C.I.)). Appel accueilli et appel incident rejeté.
AVOCATS :
D. Laurence Armstrong, pour les appelants (intimés dans l’appel incident).
Naomi Goldstein et James C. Yaskowich, pour l’intimée (appelante dans l’appel incident).
PROCUREURS :
Armstrong, Nikolich, Victoria, pour les appelants (intimés dans l’appel incident).
Le sous-procureur général du Canada, pour l’intimée (appelante dans l’appel incident).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Pratte, J.C.A. (dissident) : Dans l’appel principal et dans l’appel incident, les appelants et l’intimée contestent les jugements de la Cour canadienne de l’impôt [[1994] 1 C.T.C. 2303] qui accueillaient en partie les appels formés à l’encontre des nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu établies pour 1985.
En 1985, les appelants, qui sont père et fils, étaient propriétaires de 23 des 26 actions émises de la Dale Corporation. La société avait été constituée par lettres patentes en vertu de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard [R.S.P.E.I. 1974, ch. C-15], avec un capital social autorisé de 5 000 $ divisé en 50 actions d’une valeur nominale de 100 $ chacune. Les appelants étaient également propriétaires d’un immeuble d’habitation à Halifax (N.-É.) qu’ils voulaient vendre à un acquéreur n’ayant avec eux aucun lien de dépendance. Ils savaient que, si la vente était faite directement à cet acquéreur, ils devraient payer un impôt substantiel sur le gain en capital et la récupération de l’amortissement ainsi réalisés. Afin d’éviter ce résultat défavorable, ils ont proposé de tirer parti du paragraphe 83(2) [mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 37; 1985, ch. 45, art. 126] et de l’article 85 [mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 48; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 45; 1984, ch. 45, art. 26; 1985, ch. 45, art. 126] de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63][1]. Leur plan était de céder l’immeuble d’habitation à leur société (celle-ci avait suffisamment de pertes pour absorber le gain en capital et la récupération) qui, en retour, prendrait en charge l’hypothèque de l’immeuble et émettrait au nom de chacun des propriétaires une action privilégiée entièrement payée et rachetable de 1 142 702 $ sur laquelle la société pourrait, après avoir vendu l’immeuble à profit, déclarer un dividende en capital exempt d’impôt de 80 000 $ aux termes du paragraphe 83(2).
Dans une entente avec leur société en date du 30 décembre 1985, les appelants ont cédé leur immeuble en contrepartie de la prise en charge de l’hypothèque par la société et de l’émission à chacun d’eux d’une action privilégiée entièrement payée ayant une valeur de rachat de 1 142 702 $. La signature de l’entente, qui comprenait également une clause en vertu de laquelle les parties « prendront toutes autres mesures nécessaires à la mise en œuvre de la présente entente », avait été autorisée par les actionnaires et administrateurs de la société qui avaient également adopté une résolution, au même moment, afin que la société demande « par l’intermédiaire de ses avocats que ses lettres patentes soient modifiées » afin de porter le capital-actions de 5 000 $ à 6 000 000 $, ce qui lui permettrait d’émettre les deux actions privilégiées. En prévision de la délivrance des lettres patentes supplémentaires, la société a ensuite émis un certificat d’action privilégiée entièrement payée à chacun des appelants, a vendu l’immeuble à profit et a immédiatement déclaré « sur son compte de dividende en capital, conformément au paragraphe 83(2) de la [loi] de l’impôt sur le revenu, un dividende de 80 000 $ sur chacune des deux actions émises, qui sont en circulation et qui sont entièrement payées ». Les appelants et leur société ont ensuite fait le choix exigé à l’article 85 et la société a déposé le formulaire prévu au paragraphe 83(2) pour l’exercice de ce choix.
Dans leurs déclarations de revenus pour 1985, les appelants, comme on peut s’y attendre, ont présumé de la validité du transfert en franchise d’impôt prévu à l’article 85 et de l’exonération touchant les dividendes qu’ils avaient déjà reçus sur leurs actions privilégiées. Personne n’aurait pu contester cette hypothèse avec une quelconque chance de succès, n’eût été cette omission qui a apparemment été découverte trois ans plus tard, au moment où la Dale Corporation était sur le point de demander un certificat de prorogation en vertu de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse [R.S.N.S. 1989, ch. 81], un ressort dans lequel les sociétés sont constituées par actes constitutifs plutôt que par lettres patentes comme c’est le cas à l’Île-du-Prince-Édouard.
À l’automne 1988, les appelants se sont rendu compte que les lettres patentes supplémentaires autorisant l’augmentation du capital-actions de leur société n’avaient jamais été obtenues. Se rendant compte des conséquences fiscales sérieuses qu’une telle omission pouvait entraîner, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir, à défaut de pouvoir obtenir les lettres patentes en vertu de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard, pour remédier à cette situation. L’augmentation du capital-actions de la société qui avait été décidée par les actionnaires en 1985 a donc été ratifiée, non seulement par l’adoption d’autres résolutions des actionnaires avant et après que la société obtienne son certificat de prorogation en vertu de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse, mais également par l’augmentation de son capital-actions en vertu de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse et par la délivrance d’une ordonnance de la Cour suprême de cette province. Cette ordonnance, délivrée le 25 juin 1992, déclarait que « le capital-actions autorisé de la Dale Corporation … [avait] été modifié … avec prise d’effet le 28 décembre 1985 », et considérait les deux actions privilégiées « comme ayant été valablement émises et comme étant en circulation le 31 décembre 1985 »[2].
Cette ordonnance n’avait pas encore été prononcée quand l’impôt sur le revenu des appelants pour l’année 1985 a fait l’objet d’une nouvelle cotisation au motif que les deux actions privilégiées n’avaient pas été valablement émises en 1985[3]. Il s’ensuit, d’après l’opinion du ministre, que l’immeuble n’a pas été transféré à la Dale Corporation, comme l’exigeait l’article 85, pour « une contrepartie comprenant des actions du capital-actions de la [société] » et que, par conséquent, les appelants sont censés avoir disposé de leur immeuble à la juste valeur marchande. Il s’ensuit également, comme il est impossible de déclarer des dividendes sur des actions qui n’existent pas, que les dividendes en capital de 80 000 $ touchés par chacun des appelants ne sont pas des dividendes exonérés d’impôt, mais bien des avantages accordés aux actionnaires en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi.
Les appels formés à l’encontre de ces nouvelles cotisations ont été accueillis en partie seulement. Le juge de la Cour d’impôt s’est dit d’avis que, tant et aussi longtemps que la Dale Corporation avait été régie par la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard, les actions privilégiées ne pouvaient valablement avoir été émises puisque le capital-actions initialement autorisé n’avait pas été augmenté au moyen des lettres patentes supplémentaires. Il était également d’avis que, dès que la société avait cessé d’être une société de l’Île-du-Prince-Édouard constituée par lettres patentes pour devenir une société de la Nouvelle-Écosse dotée d’un acte constitutif et d’un capital-actions autorisé accru, on avait remédié à l’émission irrégulière des actions privilégiées. Par conséquent, il a statué que les dividendes de 80 000 $ n’étaient pas des dividendes puisqu’ils avaient été déclarés à un moment où les actions n’existaient pas. Sur ce point, il a maintenu les nouvelles cotisations. Toutefois, sur la question de la validité du transfert en franchise d’impôt prévu à l’article 85, il a tranché en faveur des appelants. Il s’est dit d’avis [à la page 2317] que l’exigence prévue à l’article 85 selon laquelle les contribuables devaient aliéner leur bien à une société pour une « “contrepartie incluant des actions” [du capital-actions de cette société] n’implique pas … que les actions doivent être émises en même temps que le bien est transféré ou, en fait, dans la même année d’imposition ». Selon lui, « [l’]essentiel est que l’on émette effectivement les actions ou qu’une obligation à force exécutoire en prévoie l’émission à l’époque du transfert et que les actions soient émises dans un délai qui, eu égard à l’ensemble des circonstances, est raisonnable ». Il a jugé que, compte tenu des circonstances inhabituelles de cette affaire, les actions avaient été émises dans un délai raisonnable. Il a donc conclu à la validité du transfert en franchise d’impôt effectué en application de l’article 85.
Les appelants contestent la partie du jugement qui traite des dividendes de 80 000 $; l’intimée, dans un appel incident, conteste la conclusion selon laquelle le transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85 est valide.
La première question à analyser est la justesse de la décision du juge selon laquelle les deux actions privilégiées n’ont pas été valablement émises en 1985. S’il a tort sur ce point et si, contrairement à ce qu’il a décidé, les actions ont réellement été émises en 1985, il n’y aurait aucune raison de douter ni de la validité du transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85 ni de la réalité de la déclaration des dividendes; une telle conclusion trancherait définitivement l’appel, qui serait accueilli, ainsi que l’appel incident, qui serait rejeté.
Toutefois, si le juge a raison sur ce point, il faudra rejeter l’appel et, pour trancher définitivement l’appel incident, il sera nécessaire de déterminer la justesse de la conclusion du juge selon laquelle les exigences de l’article 85 ont été respectées même si les deux actions privilégiées n’ont pas été valablement émises en 1985.
La validité de l’émission des actions privilégiées
Selon les appelants, l’omission de la Dale Corporation d’obtenir les lettres patentes supplémentaires augmentant son capital-actions n’invalide pas l’émission des deux actions privilégiées. Parmi les nombreux arguments qu’ils ont formulés à l’appui de cette prétention, trois seulement méritent notre attention.
Tout d’abord, ils prétendent qu’en vertu de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard[4], les deux actions privilégiées pouvaient légalement être émises sans modification des lettres patentes de la société.
La Dale Corporation a été constituée par lettres patentes le 9 décembre 1969, aux termes de la Companies Act du l’Île-du-Prince-Édouard. Les lettres patentes décrivent le capital-actions de la société dans les termes suivants :
[traduction] Le capital-actions de ladite société sera de cinq mille dollars divisés en cinquante actions ordinaires de 100 $ chacune, sous réserve de l’augmentation du capital-actions conforme aux dispositions de ladite Loi.
La prétention des appelants selon laquelle l’émission des deux actions privilégiées n’exigeait pas une modification des lettres patentes de la société se fonde sur deux prémisses : premièrement, selon leur affirmation, aux termes du paragraphe 85(1) de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard, il n’était pas nécessaire que les lettres patentes de la société autorisent l’émission des actions privilégiées et, deuxièmement, comme les actions privilégiées en l’espèce n’ont pas de valeur nominale, elles pouvaient être émises sans qu’il y ait augmentation du capital-actions de la société.
Ces deux propositions sont erronées.
En vertu du paragraphe 85(1) de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard, les administrateurs et actionnaires d’une société peuvent décider d’émettre une partie du capital-actions autorisé de la société sous forme d’actions privilégiées. Ils ne peuvent pas, toutefois, créer des actions privilégiées qui dépassent le capital-actions autorisé de la société.
Quant à l’affirmation selon laquelle l’émission des deux actions privilégiées n’a pas augmenté le montant du capital-actions de la société, tout ce que je peux dire c’est que je ne peux accepter cet argument; il est évident que l’émission, pour une contrepartie de plus de deux millions de dollars, de deux actions sans valeur nominale mais avec une valeur de rachat et d’encaissement par anticipation de plus d’un million de dollars chacune, a eu pour effet d’augmenter le capital-actions de la société.
Le deuxième argument des appelants concernant la validité de l’émission des actions privilégiées se fonde sur l’article 18 de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard qui, selon leur prétention, indique clairement que l’omission d’obtenir des lettres patentes augmentant le capital-actions de la société n’entraîne aucune conséquence. L’article 18 se lit en partie comme suit :
[traduction] 18. Les dispositions de la présente partie portant sur des questions préliminaires à la délivrance de lettres patentes et de lettres patentes supplémentaires, sont directrices seulement; les lettres patentes ou lettres patentes supplémentaires, délivrées en vertu de la présente partie, ne peuvent être déclarées nulles par suite de toute irrégularité, insuffisance ou non-respect des présentes dispositions concernant ces questions préliminaires …
Cet article n’aide pas les appelants. Il ne s’applique pas, lorsque, comme en l’espèce, des lettres patentes n’ont pas été délivrées.
Le troisième argument des appelants se fonde sur l’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en date du 25 juin 1992, déclarant que le [traduction] « capital-actions autorisé de la Dale Corporation … [avait été] modifié … avec prise d’effet le 28 décembre 1985 », et considérant que « les deux actions privilégiées qui ont été émises … comme ayant été valablement émises et comme étant en circulation le 31 décembre 1985 ».
Étant donné que cette ordonnance a été rendue par une cour supérieure, les appelants prétendent qu’elle ne peut être attaquée indirectement tant qu’elle n’est pas légalement annulée ou infirmée (voir Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594) et que la Cour de l’impôt a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce principe.
Je ne peux accepter cet argument.
Nous traitons en l’espèce de la validité d’une cotisation d’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1985. En vertu de notre droit, l’impôt sur le revenu est exigible tous les ans. Les contribuables doivent produire une déclaration de revenus pour chaque année d’imposition, et le ministre du Revenu national doit par la suite évaluer l’impôt payable dans l’année. Il s’ensuit, à mon avis, que, sauf disposition contraire de la Loi[5], le ministre, quand il évalue l’impôt à payer dans une année donnée, doit tenir compte des faits qui existaient au cours de cette année. Il s’ensuit également que, si un appel est formé à l’encontre de la cotisation du ministre, la justesse et la validité de la cotisation établie doivent être décidées en se fondant sur les faits qui existaient à la fin de l’année d’imposition en question. Une cotisation qui était exacte au moment où elle a été établie ne peut, du seul fait de l’écoulement du temps, devenir inexacte. Dans un appel formé à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu, la question à trancher est de savoir si la cotisation était valide au moment où elle a été faite.
Je ne veux pas dire que le ministre, en établissant une première cotisation ou une nouvelle cotisation, doit ignorer tous les jugements concernant le contribuable qui ont été rendus après la fin de l’année d’imposition. Pour déterminer l’impôt à payer, le ministre doit d’abord déterminer quels étaient les faits pertinents au cours de l’année d’imposition et, pour ce faire, il doit considérer tous les éléments de preuve pertinents, que ceux-ci soient portés à son attention avant ou après la fin de l’année d’imposition. Si un jugement prononcé en faveur ou à l’encontre du contribuable établit quelle était sa situation au cours de l’année d’imposition, le ministre ne peut ignorer ce jugement pour la simple raison que celui-ci a été rendu après la fin de l’année d’imposition. Bien entendu, la situation est différente lorsqu’un jugement, se fondant sur des faits qui se sont produits après la fin de l’année d’imposition, déclare que la situation qui existait au cours de cette année est différente de ce qu’elle était réellement. Dans ce cas, le ministre ne peut pas tenir compte du jugement parce que celui-ci ne se rapporte pas à la question qu’il doit trancher, c’est-à-dire évaluer la responsabilité fiscale du contribuable à partir des faits existant à la fin de l’année de l’imposition. Autrement dit, si le ministre ne peut, dans l’accomplissement de sa fonction d’évaluation, tenir compte de faits qui se sont produits après l’expiration de l’année d’imposition, il ne peut pas non plus tenir compte de jugements rendus à partir de ces mêmes faits.
En l’espèce, l’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a été rendue ex parte, par suite du dépôt d’une demande par la Dale Corporation Limited en vertu de l’article 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse, en s’appuyant sur l’affidavit de Peter Dale qui a déclaré sous serment que, après avoir émis les deux actions privilégiées, la société était devenue une société néo-écossaise avec un capital-actions accru et que les actionnaires de la société, avant et après la prorogation de la société en Nouvelle-Écosse, avaient ratifié l’émission des deux actions privilégiées. Ce jugement se fondait clairement sur la preuve de faits qui se sont produits longtemps après la fin de l’année d’imposition et bien longtemps après la date à laquelle les appelants et leur société ont fait leur choix (le 5 mai 1986). Cela ne peut porter atteinte à la validité de la cotisation établie par le ministre[6].
Le juge de la Cour de l’impôt a donc conclu à bon droit que les deux actions privilégiées avaient été irrégulièrement émises en 1985 et que cette irrégularité n’avait pas été corrigée avant 1989. Son interprétation de l’article 85 et sa conclusion selon laquelle l’invalidité de l’émission des deux actions privilégiées en 1985 n’a pas porté atteinte à la validité du transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85 sont-elles tout aussi justes?
Le transfert en franchise d’impôt fondé sur l’article 85
Pour que les dispositions des paragraphes 85(1) et (2) s’appliquent, les contribuables et la société de personnes en cause doivent avoir disposé des biens en faveur d’une corporation canadienne imposable « moyennant une contrepartie comprenant des actions du capital-actions de la corporation ». Étant donné que la Dale Corporation, quand elle a acquis l’immeuble des appelants, ne pouvait émettre les deux actions privilégiées, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation pour les appelants en se fondant sur le fait que les exigences des paragraphes 85(1) et (2) n’avaient pas été respectées étant donné que la contrepartie versée en échange de la cession du bien des appelants ne comprenait pas d’actions. Le juge de première instance n’a pas accepté cet argument. Il reconnaît qu’en fait les appelants ont cédé leur bien en contrepartie de la simple promesse faite par la société d’obtenir des lettres patentes supplémentaires et d’émettre les deux actions privilégiées. Toutefois, à son avis, il ne s’ensuit pas que la contrepartie pour laquelle les appelants ont aliéné leur propriété ne comprenait pas d’actions. Comme il est bien établi en droit qu’il y a deux types de contrepartie, soit les contreparties réalisées et celles qui dépendent d’un événement futur, et comme il n’a pas vu de raisons de restreindre le sens du mot « contrepartie » utilisé à l’article 85 à une contrepartie réalisée, il a conclu que les conditions des paragraphes 85(1) et (2) concernant la contrepartie sont respectées non seulement lorsque, au moment du transfert du bien à la société, il y a émission réelle d’actions mais aussi lorsque, comme en l’espèce, il y a à ce moment une obligation à force exécutoire de le faire pourvu, dans ce cas, que les actions soient émises dans un délai raisonnable.
Ce raisonnement ne me convainc pas.
Tout d’abord, je suis d’avis que l’expression « contrepartie comprenant des actions », selon son sens ordinaire, ne peut faire référence à une contrepartie qui comprend une simple promesse d’émettre des actions.
Deuxièmement, l’interprétation adoptée par le juge de première instance est difficile à rapprocher de l’intention du législateur qui, je le présume, n’a pas adopté l’article 85 simplement pour autoriser les contribuables à profiter d’avantages fiscaux en aliénant leur bien par l’intermédiaire d’une société. Le législateur avait manifestement l’intention de faire en sorte que le contribuable qui aliène un bien acquière des actions de la société, ce qui suppose, comme l’a clairement reconnu le juge, que, lorsque la contrepartie est constituée d’une simple promesse d’émettre des actions, ces actions soient émises dans un délai raisonnable. Il n’a pas vu cependant que le ministre du Revenu national doit être en mesure, aussitôt que le choix est exercé en vertu de l’article 85, d’évaluer le montant de l’impôt que doit payer le contribuable qui a choisi de tirer parti de cet article. Le ministre doit, dès ce moment, être en position de déterminer si les conditions prescrites par l’article sont respectées et, comme il n’est pas devin, il doit faire cette détermination en s’appuyant sur les faits tels qu’ils existent à ce moment. Il est clair que les appelants n’avaient pas acquis les actions privilégiées lorsqu’ils ont fait leur choix le 5 mai 1986; ils les ont acquises plus de trois ans plus tard.
Je suis donc d’avis que le juge de première instance a eu tort de conclure que les conditions prescrites par les paragraphes 85(1) et (2) avaient été respectées en l’espèce.
Contrairement à ce qu’a soutenu l’avocat des appelants, je crois que cette conclusion est compatible avec l’alinéa 85(1)b) qui fait référence à la fraction « non composée d’actions » de la contrepartie touchée par le contribuable de la société comme étant la contrepartie totale reçue pour la disposition « autre que toutes actions du capital-actions de la corporation ou un droit d’en recevoir ». Cette expression démontre certainement que l’auteur des paragraphes 85(1) et (2) était très conscient de la différence qui existe entre des actions et un droit de recevoir des actions et de la possibilité que la contrepartie touchée par le contribuable puisse inclure à la fois des actions et un droit d’en recevoir. Je ne puis tirer aucune autre inférence de l’emploi de ces mots dans cet alinéa.
Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel, d’accueillir l’appel incident, d’annuler la partie du jugement de la Cour de l’impôt qui traite de l’année d’imposition 1985 et de rétablir les cotisations établies par le ministre pour cette année. En outre, je suis d’avis d’ordonner aux appelants de payer les dépens de l’intimée tant devant cette instance que devant la Cour de l’impôt.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Robertson, J.C.A. : Il s’agit encore une fois d’une affaire dans laquelle la Cour est appelée à décider si un contribuable doit se voir refuser un avantage fiscal sur la base de ce que le ministre du Revenu national qualifie d’opération invalide ou sans effet. L’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) exige que, lorsqu’un particulier envisage de transférer en franchise d’impôt des biens à une société, le transfert comprenne au moins une action du capital-actions de la cessionnaire. En l’espèce, des actions privilégiées ont été émises aux cédants, c’est-à-dire les contribuables appelants, mais à un moment où le capital social autorisé de la société cessionnaire ne permettait pas une telle opération. Pour effectuer l’augmentation nécessaire du capital social, des lettres patentes supplémentaires étaient exigées, mais elles n’ont jamais été obtenues. Par la suite, la société cessionnaire a effectivement obtenu une ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans laquelle il était déclaré que les actions privilégiées étaient réputées avoir été valablement émises au cours de l’année d’imposition en cause. L’appel, tout comme l’appel incident, pourront être tranchés en faveur des contribuables si l’ordonnance de la Nouvelle-Écosse est acceptée selon les conditions qui y sont énoncées. Je conclus que la loi exige que le ministre donne son plein effet juridique à l’ordonnance en question et, par conséquent, que les contribuables ont droit à l’allégement fiscal réclamé.
Bernard Dale et son fils Peter, les contribuables, étaient propriétaires bénéficiaires d’un immeuble d’habitation situé dans la ville d’Halifax. En 1985, ils ont décidé de vendre cet immeuble. Au lieu de le céder directement à un tiers, les contribuables ont proposé de céder l’immeuble à la Dale Corporation, constituée en vertu des lois de l’Île-du-Prince-Édouard. Les contribuables possédaient 23 des 26 actions émises de cette société. Le reste des actions était la propriété de l’épouse de Bernard et des deux autres enfants Dale. Tous les actionnaires de la Dale Corporation ont approuvé l’achat de l’immeuble. La contrepartie du transfert était constituée de la prise en charge de l’hypothèque en cours et de l’émission à chaque contribuable d’une action privilégiée ayant une valeur de rachat d’environ 1,1 million de dollars. Toutefois, la Dale Corporation n’avait pas, à ce moment, le capital social autorisé lui permettant d’émettre des actions privilégiées. Par conséquent, au cours d’une réunion qui s’est tenue le 28 décembre 1985, les actionnaires de la Dale Corporation ont adopté un règlement intérieur autorisant l’augmentation du capital social et le dépôt d’une demande de lettres patentes supplémentaires comme l’exigeait l’article 35 de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard. En prévision de la délivrance des lettres patentes, la Dale Corporation a émis les deux actions privilégiées.
Le but évident de l’opération était de faire en sorte que les contribuables ne réalisent pas de gain en capital et ne bénéficient pas de la récupération sur l’amortissement en aliénant l’immeuble à une partie n’ayant avec eux aucun lien de dépendance. En outre, la Dale Corporation avait suffisamment de pertes pour absorber tout gain en capital et récupération sur l’amortissement qu’elle devrait inclure dans sa déclaration de revenus au moment de l’aliénation de l’immeuble à un tiers. Comme l’indique le juge Bowman de la Cour de l’impôt, l’opération était « une forme de planification fiscale parfaitement acceptable » (à la page 2305). J’ajouterais simplement qu’il s’agit d’un cas où la Loi prévoit expressément et encourage même une planification fiscale en faveur des contribuables.
La vente par les contribuables à la Dale Corporation a eu lieu le 30 décembre 1985. Le lendemain, la Dale Corporation cédait le bien à un tiers, déclarait et versait un dividende de 80 000 $, qu’elle croyait exempt d’impôt, sur chacune des deux actions privilégiées. Au moment de la cession, toutes les mesures nécessaires pour donner effet aux opérations avaient été dûment prises au niveau de la société, sauf en ce qui concerne la délivrance des lettres patentes supplémentaires. De même, les contribuables et la Dale Corporation ont fait le choix prévu à l’article 85 et en ont fait la déclaration en mars 1986, comme l’exigeait la Loi. Ce n’est qu’en 1988 que l’on a découvert que les lettres patentes supplémentaires n’avaient jamais été obtenues. Cela est peut-être dû au fait que les registres de la Dale Corporation étaient sous le contrôle d’un séquestre-gérant nommé le 13 février 1985. Ces registres n’ont été remis qu’après la destitution du séquestre le 1er septembre 1988. De même, le décès de Mme Dale, qui était la secrétaire de la société, pourrait expliquer que les lettres patentes n’ont pas été obtenues.
Le 6 décembre 1988, les actionnaires de la Dale Corporation ont ratifié l’augmentation exigée du capital-actions et ont adopté une résolution selon laquelle la société serait prorogée en vertu des lois de la Nouvelle-Écosse. Un certificat de prorogation a été émis par le registraire des compagnies par actions de cette province le 27 juillet 1989. Le 22 mai 1991, les actionnaires ont de nouveau ratifié l’augmentation du capital-actions. Ils ont également adopté une résolution le même jour autorisant une demande à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse pour permettre le dépôt tardif en vertu de l’article 109 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse du contrat conclu entre les contribuables et la Dale Corporation en décembre 1985 concernant l’émission des actions privilégiées en tant que contrepartie partielle de l’aliénation de l’immeuble d’habitation. L’article 109 exige que, lorsque des actions sont émises pour une contrepartie autre qu’un paiement en espèces, une copie du contrat de base soit déposée auprès du registraire avant l’émission des actions. Dans les cas où cette exigence ne peut être respectée, le paragraphe 109(3) permet à une société d’obtenir un redressement rétroactif. Le 28 juin 1991, la Dale Corporation a obtenu de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse une ordonnance délivrée en vertu du paragraphe 109(3) de la Companies Act de cette province. La partie pertinente de cette ordonnance est rédigée dans les termes suivants :
[traduction] IL EST ORDONNÉ que le contrat figurant à l’annexe « A » de la présente ordonnance et portant la date de signature du 30 décembre 1985 soit considéré comme un contrat valable signé conformément aux exigences de l’article 109 de la Companies Act, R.S.N.S. 1989, ch. 81;
ET IL EST ORDONNÉ QU’au moment du dépôt de ce contrat auprès du registraire, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente ordonnance, ce contrat s’applique, relativement à ces actions, comme s’il avait été dûment déposé auprès dudit registraire avant l’émission de ces actions, c’est-à-dire le lundi 30 décembre 1985.
Le 25 juin 1992, la Dale Corporation a obtenu une nouvelle ordonnance déclarant que son capital-actions autorisé avait été modifié à compter du 28 décembre 1985 et confirmant que les actions privilégiées avaient été valablement émises le 31 décembre 1985. La partie pertinente de cette ordonnance est rédigée dans les termes suivants :
IL EST ORDONNÉ que le capital-actions autorisé de la Dale Corporation soit considéré comme ayant été modifié conformément à l’annexe « A » de la présente ordonnance, avec prise d’effet le 28 décembre 1985.
ET IL EST ORDONNÉ QUE les deux actions privilégiées qui ont été émises soient considérées comme ayant été valablement émises et comme étant en circulation le 31 décembre 1985.
L’ordonnance du 25 juin 1992 a été émise ex parte en vertu de l’article 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse dont l’extrait pertinent figure ci-dessous :
[traduction] 44(1) Dans les cas où
a) le nom d’une personne figure ou ne figure pas, sans raison suffisante, dans le registre des membres d’une société; ou
b) …
la personne lésée, ou tout autre membre de la société, ou la société elle-même, peut s’adresser à la Cour par requête pour faire corriger le registre, et la Cour peut soit refuser la demande, soit ordonner que le registre soit rectifié, et ordonner à la société de payer à toute partie lésée les dommages-intérêts qu’elle a subis.
(2) Sur présentation d’une demande en vertu du présent article, la cour peut décider de toute question ayant trait au titre d’une personne qui est une partie à la demande visant à faire inscrire son nom au registre ou à le rayer du registre, si la question se pose entre les membres ou les membres présumés, ou entre les membres et les membres présumés d’une part et la société d’autre part, et décider de façon générale de toute question nécessaire ou souhaitable concernant la rectification du registre.
Le ministre a décidé que le choix prévu à l’article 85 était invalide parce que les actions privilégiées n’avaient pas été valablement émises en 1985. Il a également fait valoir que le dividende en capital déclaré le 31 décembre 1985 était un avantage imposable conféré à un actionnaire en vertu du paragraphe 15(1) [mod. par. S.C. 1977-78, ch. 1, art. 8; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 7; 1985, ch. 45, art. 126] de la Loi parce que toutes les mesures nécessaires pour parfaire l’émission des actions privilégiées n’avaient pas, en fait et en droit, été prises au 31 décembre 1985. Pour ce qui a trait à cette dernière question, le juge Bowman a accepté la position du ministre et a statué que, pour qu’un dividende soit payable sur une catégorie d’actions, toutes les étapes nécessaires à l’émission valable des actions doivent, en fait et en droit, avoir été accomplies à la date pertinente : « Des dividendes ne peuvent devenir payables sur des actions embryonnaires » (à la page 2318). En arrivant à cette conclusion, le juge Bowman s’est demandé si une ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse pouvait s’appliquer rétroactivement à une date où la Dale Corporation n’était pas assujettie aux lois de la Nouvelle- Écosse. Après avoir fait référence à l’arrêt Hillis c. R., [1983] 6 W.W.R. 577 (C.A.F.) et Succession Boger (A.) c. M.R.N., [1993] 2 C.T.C. 81 (C.A.F.), il a conclu que « quel que puisse être l’effet d’une disposition législative particulière, une ordonnance judiciaire censée avoir un effet rétroactif ne peut créer une situation applicable à une année antérieure qui n’existait pas en fait » (à la page 2319).
Le juge Bowman a ensuite rejeté l’argument du ministre selon lequel le choix prévu à l’article 85 était invalide parce que les actions privilégiées n’avaient pas été émises en même temps que le transfert du bien ou dans la même année d’imposition. Selon son raisonnement, l’interprétation que le ministre donne à l’article 85 est indûment restrictive et va à l’encontre de l’objet de cette disposition. De l’avis du juge Bowman, les termes « contrepartie comprenant des actions » qui sont énoncés au paragraphe 85(1) et (2) n’impliquent pas que les actions doivent nécessairement être émises en même temps que le bien est transféré à une société ou, en fait, dans la même année d’imposition. À son avis, pour que l’article 85 soit respecté, il suffit qu’une obligation à force exécutoire prévoie l’émission des actions à l’époque du transfert et que les actions soient émises dans un délai qui, eu égard à l’ensemble des circonstances, est raisonnable. D’après les faits de la présente affaire, le juge Bowman a statué que ces deux exigences avaient été respectées, à tout le moins au 25 juin 1992 et probablement dès le 22 mai 1991, sinon le 27 juillet 1989. Par conséquent, les contribuables ont eu gain de cause sur ce point.
Les contribuables en appellent de cette partie de la décision du juge Bowman statuant que le versement du dividende en capital est un avantage imposable visé au paragraphe 15(1) de la Loi. Le ministre a déposé un appel incident contestant la conclusion selon laquelle le transfert en franchise d’impôt prévu à l’article 85 est valide en raison de la promesse d’émission des actions et de leur émission réelle dans un délai raisonnable. Mon collège le juge Pratte a conclu que les contribuables ne devaient avoir gain de cause sur aucun de ces points. En toute déférence, je suis d’avis contraire. En peu de mots, je crois que l’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, en date du 25 juin 1992, règle définitivement les questions en l’espèce. D’un point de vue juridique, la Cour de l’impôt et la Cour sont tenues de donner effet aux ordonnances rendues par les cours supérieures provinciales. Avant d’aborder l’effet juridique de l’ordonnance en question, je propose de réaffirmer certaines propositions fondamentales qui constitueront un contexte utile pour mon analyse.
Il ne fait aucun doute qu’il incombe au contribuable ou à ses conseillers de s’assurer qu’une planification fiscale respecte à la fois les exigences de la Loi et les exigences générales que le droit impose pour établir un type particulier de relation ou d’opération. Une opération qui ne respecte pas ces exigences sur un point fondamental ou essentiel sera réputée sans effet pour les fins de l’impôt sur le revenu : voir Atinco Products Ltd c La Reine, [1978] CTC 566 (C.A.F.), l’autorisation d’appel à la C.S.C. a été refusée [1979] 1 R.C.S. v, dans lequel il a été statué qu’une fiducie valide n’avait pas été créée; voir aussi La Reine c. Paxton, J.D. (1996), 97 DTC 5012 (C.A.F.), portant sur l’omission de documenter correctement la vente de l’entreprise familiale aux enfants du propriétaire avant la vente à un tiers.
Il ne fait pas non plus de doute que les tribunaux insistent sur le respect des formalités d’origine juridique ou législative lorsque certains avantages fiscaux sont accordés. Je ne veux pas laisser entendre que la norme à respecter par le contribuable est une norme de « perfection ». Dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, la Cour suprême du Canada a reconnu que certaines irrégularités pouvaient n’avoir aucune conséquence. Dans cette affaire, on avait, notamment, omis de s’assurer que l’acquéreur de l’entreprise de l’appelante avait une licence en vertu de la Loi sur l’accise [S.R.C. 1952, ch. 99] pour exploiter cette entreprise. Malgré cette omission, la Cour a statué que la convention d’achat-vente de l’entreprise était complète et que le plan connexe en vue de réduire l’impôt était valide.
Pour déterminer si une opération juridique sera reconnue aux fins de l’impôt, il faut examiner le droit du ressort où l’opération est effectuée. Souvent, cette décision sera prise sans l’aide de précédents traitant exactement de la même question et, par conséquent, l’effet d’une opération peut dépendre uniquement de l’application appropriée de principes généraux de common law et d’equity. Dans certains cas, la Cour de l’impôt devra interpréter les lois d’une province. Quant au ministre, il doit accepter les résultats juridiques qui découlent de l’application appropriée des principes de common law et d’equity, de même que l’interprétation des dispositions législatives. Ceci m’amène à la question de savoir si le ministre est lié par une ordonnance émise par une cour supérieure, ordonnance qui a ses origines dans l’interprétation et l’application des dispositions d’une loi provinciale.
Devant l’instance inférieure, le ministre a fait valoir que l’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse liait peut-être les contribuables et la Dale Corporation, mais pas lui. Le juge Bowman a rejeté cet argument, à mon avis à bon droit, mais il a poursuivi son raisonnement en indiquant qu’une ordonnance ayant prétendument un effet rétroactif « ne peut créer une situation applicable à une année antérieure qui n’existait pas en fait » (à la page 2319). Selon mon interprétation de ces motifs, cela est d’autant plus vrai que la Cour de la Nouvelle-Écosse agissait en vertu des dispositions de la Companies Act de cette province. L’avocat des contribuables s’appuie maintenant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594, pour faire valoir que le ministre et la Cour de l’impôt sont liés par l’ordonnance de la Nouvelle-Écosse. Cette décision pose la règle générale selon laquelle une ordonnance d’une cour supérieure ne peut être attaquée indirectement à moins d’avoir été légalement infirmée. Dans l’arrêt Wilson, la Cour suprême devait déterminer si un juge d’une cour provinciale pouvait vérifier un mandat de perquisition apparemment valide d’une cour supérieure et conclure à l’irrecevabilité de la preuve obtenue en vertu de ce mandat. Dans l’énoncé de ses motifs, la Cour suprême a fait quelques déclarations générales de droit concernant l’effet obligatoire des ordonnances émises par les cours supérieures.
Le premier principe affirme que le dossier d’une cour supérieure doit être considéré comme [traduction] « la vérité absolue tant qu’il n’a pas été infirmé » (le juge McIntyre, à la page 599, citant le juge Monnin de la Cour d’appel du Manitoba). Deuxièmement, une ordonnance qui n’a pas été annulée doit être appliquée intégralement (à la page 604). Troisièmement, l’ordonnance a force exécutoire pour tous (à la page 601, citant le juge d’appel Bird dans Can. Transport (U.K.) Ltd. v. Alsbury et al., [1953] 1 D.L.R. 385 (C.A.C.-B.), à la page 418). Quatrièmement, une attaque indirecte est réputée englober des procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation ou l’annulation de l’ordonnance. À la page 599, le juge McIntyre dit ceci :
Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d’être infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit très clairement qu’une telle ordonnance ne peut faire l’objet d’une attaque indirecte; l’attaque indirecte peut être décrite comme étant une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement.
Il est rare que des règles ou des principes directeurs soient exprimés en termes aussi absolus et il est donc approprié de se demander si l’interdiction frappant les attaques indirectes souffre quelques exceptions. Dans l’arrêt Wilson, la Cour suprême a expressément mentionné les cas où des ordonnances ont été rendues dans des circonstances frauduleuses, mais elle a refusé de dresser une liste exhaustive des exceptions à la règle (aux pages 599 et 600). Pour les fins du présent appel, il est inutile de circonscrire les limites précises de la catégorie d’exceptions ayant trait à la règle contre les attaques indirectes. Il suffit de traiter de l’attaque relative à la « compétence » soulevée par le ministre. D’après mon interprétation, le ministre soutient qu’une ordonnance d’un tribunal qui a pour effet de réécrire l’histoire fiscale ne le lie aucunement. S’appuyant sur les autorités en vigueur, il prétend que l’ordonnance d’un tribunal ne peut créer une situation applicable à une année antérieure qui n’existait pas en fait.
Il me semble tout simplement logique de soutenir qu’un tribunal refuserait de rendre une ordonnance rétroactive qui aurait pour effet juridique manifeste de réécrire l’histoire fiscale. En supposant qu’une telle ordonnance soit rendue, il serait tout à fait approprié de se demander si le ministre a le droit de ne pas en tenir compte aux fins de l’imposition. On pourrait être tenté d’autoriser une attaque de cette ordonnance pour des fins de révisionnisme fiscal dans les cas où l’on peut démontrer que l’ordonnance a été obtenue par fausse déclaration ou par non-divulgation de renseignements pertinents. Très vraisemblablement, les ordonnances révisionnistes seront obtenues par consentement, ou dans des circonstances où il est probable que les ramifications fiscales de l’ordonnance n’ont pas été exposées clairement au juge, ou lorsque le juge est manifestement sympathique à la cause du contribuable. Deux décisions antérieures à la décision Wilson illustrent adéquatement ce scénario de sympathie judiciaire : voir Bently c. M.R.N. (1954), 54 DTC 510 (C.A.I.) et Hobbs c. M.R.N. (1970), 70 DTC 1744 (C.A.I.). Dans les deux cas, il n’y avait manifestement pas de fondement légal, d’origine législative ou autre, pour délivrer les ordonnances à effet rétroactif qui avaient été demandées. En supposant, sans se prononcer sur ce point, que ces décisions tombent sous le coup de la catégorie d’exceptions reconnues dans l’arrêt Wilson, on peut facilement établir une distinction avec l’appel en l’espèce.
D’après les faits de l’espèce, la Cour de la Nouvelle-Écosse a accordé le 25 juin 1992 une ordonnance fondée sur l’article 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse. À mon avis, toute objection alléguant que la Cour n’avait pas compétence pour délivrer cette ordonnance est sans aucun fondement. Si la législature d’une province autorise ses tribunaux à déclarer que des événements passés sont réputés s’être produits à une date antérieure, alors le ministre n’a pas le pouvoir de saper l’autorité de la loi en refusant de reconnaître l’effet manifeste de cet événement réputé. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas disposé à admettre que l’article 44 a l’effet révisionniste que lui prête le ministre. Il ne s’agit pas d’un cas où une ordonnance judiciaire déclare que des actions sont réputées avoir été émises alors qu’en fait elles ne l’ont pas été. Il s’agit plutôt d’un cas où les actions ont été émises, mais pas d’une façon valable tant que les lettres patentes supplémentaires n’ont pas été obtenues de l’Île-du-Prince-Édouard ou que la Cour de Nouvelle-Écosse n’a pas rendu l’ordonnance du 25 juin 1992. Après tout, personne n’a fait valoir que l’émission des actions était nulle et, bien entendu, cet argument n’aurait pu être soutenu.
Je fais une petite digression pour souligner que, bien que la common law puisse considérer l’émission des actions comme étant sans effet, un résultat différent pourrait être obtenu en equity concernant la validité de l’émission des actions entre les contribuables et la Dale Corporation. Autrement dit, il se pourrait fort bien qu’en equity l’émission des actions soit considérée comme valide. La maxime « l’equity considère que ce qui aurait dû être fait, l’a été effectivement » est d’une certaine importance. Celle-ci ressort clairement de l’arrêt de principe Walsh v. Lonsdale (1882), 21 Ch. D. 9. Depuis cette décision, des ententes à titre onéreux imparfaites ont souvent été considérées comme si elles avaient été exécutées au moment où elles auraient dû l’être, aboutissant ainsi aux mêmes conséquences que si elles avaient été intégralement accomplies : voir P. V. Baker et P. St. J. Langan, Snell’s Principles of Equity, 28e éd. (Londres : Sweet & Maxwell, 1982), à la page 41. Je ne m’étendrai pas plus longtemps sur ce point, étant donné qu’il n’a pas été soulevé au débat.
Devant le tribunal inférieur, on a fait observer que la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse n’avait peut-être pas compétence pour délivrer une ordonnance ayant pour effet rétroactif de modifier le registre des actions d’une société à une date où la société n’était pas assujettie aux lois de la Nouvelle-Écosse ou à la compétence de sa Cour suprême. Je ne nie pas que ce problème soulève une intéressante question de droit, mais à mon avis il n’y a pas là de fondement suffisant pour justifier une attaque indirecte de l’ordonnance du 25 juin 1992. Tout d’abord, je tiens à souligner que le paragraphe 44(2) de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse autorise la Cour suprême à décider [traduction] « de toute question nécessaire ou souhaitable concernant la rectification du registre ». Deuxièmement, je reviens au raisonnement énoncé dans l’arrêt Wilson qui indique que même si l’ordonnance d’une cour est irrégulière ou erronée, cette ordonnance est tout de même exécutoire tant qu’elle n’a pas été infirmée. S’il faut reconnaître en droit des exceptions à la règle contre les attaques indirectes, alors l’erreur de compétence soulevée en l’espèce doit être, à tout le moins, manifeste et ne pas exiger de débat plus approfondi : comparer avec Bently, et Hobbs, précités.
En concluant que les ordonnances rétroactives rendues en vertu d’un pouvoir d’origine législative sont généralement à l’abri d’une attaque indirecte portant sur la compétence, il me reste à décider si la jurisprudence de la Cour est à l’effet contraire. À mon avis, les décisions Hillis et Succession Boger, précitées, ne sont d’aucune utilité au ministre. Dans l’arrêt Hillis, la Cour traitait d’une loi de la Saskatchewan conférant expressément un effet rétroactif à une ordonnance de la Cour. La décision est partagée et, avec respect, ne permet pas de dégager une tendance discernable. Chacun des trois juges en appel a exprimé une opinion différente de celles des deux autres sur chacune des questions soulevées. Qui plus est, la Cour n’a pas examiné la règle applicable aux attaques indirectes. À cet égard, je note que l’arrêt Wilson, précité, a été rendu après l’arrêt Hillis. Pour ce qui est de la décision Boger, il n’y était nullement question de donner un effet rétroactif à l’ordonnance d’une cour.
En résumé, l’ordonnance du 25 juin 1992 de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse lie le ministre et constitue une preuve du fait qu’à la fin de l’année d’imposition (le 31 décembre 1985) les actions privilégiées de la Dale Corporation avaient été valablement émises et étaient en circulation. Il s’ensuit que l’appel doit être accueilli et l’appel incident rejeté.
Mon collègue le juge Pratte est également d’avis que l’ordonnance de la Nouvelle-Écosse ne peut être attaquée indirectement. Néanmoins, il conclut que le ministre n’est pas lié par cette ordonnance au motif qu’on ne peut tenir compte des ordonnances se fondant sur des faits qui se sont produits après la fin de l’année d’imposition. Cette affirmation découle logiquement de la prémisse posée antérieurement par le juge Pratte selon laquelle lorsque la cotisation établie par le ministre est portée en appel, alors la justesse et la validité de cette cotisation doivent être décidées d’après les faits qui existaient à la fin de l’année d’imposition. Ainsi, si le ministre ne peut tenir compte de faits qui se sont produits en dehors de l’année d’imposition pour établir sa cotisation, alors il ne peut pas non plus prendre en compte les ordonnances se fondant sur de tels faits. En l’espèce, le juge Pratte note que la Dale Corporation est devenue une société de la Nouvelle-Écosse, avec un capital-actions accru, et que ses actionnaires ont ratifié l’émission des actions privilégiées avant et après la prorogation de la société dans cette province. Certains de ces événements ont manifestement eu lieu en dehors de l’année d’imposition pertinente. Ainsi, le juge Pratte indique dans son raisonnement que l’ordonnance du 25 juin 1992 se fondait sur une preuve de faits qui n’ont pas à bon droit été pris en compte pour les fins de l’imposition.
J’ai de la difficulté à accepter l’analyse précitée premièrement parce que la probabilité que l’on puisse trouver une ordonnance ayant été délivrée sans que le requérant s’appuie sur des faits ultérieurs est très mince. Par exemple, il n’aurait pas été déraisonnable pour la Cour de la Nouvelle-Écosse d’insister, en 1992, pour que les actionnaires existants ratifient l’émission des actions privilégiées, comme ils l’ont d’ailleurs fait, étant donné la nature de l’ordonnance demandée. On peut présumer que l’objet de la ratification était double : s’assurer que la situation qui prévalait le 31 décembre 1985 existait toujours le 25 juin 1992 et qu’aucun actionnaire, à cette dernière date, ne subirait de préjudice du fait de l’ordonnance ex parte demandée. S’il avait été nécessaire pour les contribuables de rechercher une exécution directe, ils auraient certainement dû établir que l’octroi d’un tel redressement n’entraînait aucun préjudice pour les actionnaires existants. À mon avis, exiger que les ordonnances rétroactives ne soient pas fondées sur des faits qui se sont produits après la fin de l’année d’imposition, si l’on veut que de telles ordonnances aient un effet quelconque dans les instances en matière de fiscalité, revient à restreindre indûment leur efficacité et à donner au ministre des moyens beaucoup plus efficaces de contourner la règle interdisant les attaques indirectes. Finalement, j’ai de sérieuses réserves au sujet de l’adoption d’une règle inflexible exigeant que les faits soient établis avant la fin de l’année d’imposition. Je préfère remettre à plus tard l’examen de cette question.
En conclusion, je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens, d’annuler la partie du jugement de la Cour de l’impôt en date du 14 décembre 1993 déclarant que le dividende de 80 000 $ versé à chaque appelant est un avantage conféré à un actionnaire et de renvoyer l’affaire au ministre pour qu’elle soit réexaminée conformément aux présents motifs. Les appelants ont droit à leurs dépens devant la Cour de l’impôt sur la base des frais entre parties, en ne retenant que les honoraires d’un seul avocat pour les deux appelants. Je suis d’avis de rejeter l’appel incident avec dépens.
Le juge Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.
ANNEXE
Les dispositions de la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard ayant trait au capital-actions des sociétés sont les suivantes [art. 11.2 (édicté par S.P.E.I. 1984, ch. 14, art. 2), 32(1) (mod., idem, art. 12), 35 (mod., idem, art. 14), 36 (mod., idem, art. 15)] :
[traduction] 11.2 (1) La totalité ou une partie des actions d’une société peut être émise sans valeur nominale, mais les lettres patentes doivent indiquer ce qui suit :
a) le nombre total d’actions pouvant être émises par la société;
b) le nombre d’actions, s’il en est, qui auront une valeur nominale et la valeur nominale de chacune d’elles;
c) le nombre d’actions sans valeur nominale; et
d) l’une ou l’autre des clauses suivantes :
(i) le capital-actions de la société est au moins égal à la somme de la valeur nominale de toutes les actions émises ayant une valeur nominale, majorée de … dollars (un dollar ou plus) à l’égard de chaque action émise sans valeur nominale, et des sommes qui pourront, selon les règlements administratifs de la société, y être transférées de temps à autre, ou
(ii) le capital-actions de la société est au moins égal à la somme de la valeur nominale de toutes les actions émises ayant une valeur nominale, majorée du montant cumulatif de la contrepartie reçue par la société pour l’émission des actions sans valeur nominale, et des sommes qui, selon les règlements administratifs de la société, pourront y être transférées de temps à autre.
(2) Les lettres patentes peuvent également comprendre une déclaration additionnelle indiquant que le capital-actions ne peut pas être inférieur à … dollars (un nombre quelconque); ces déclarations dans les lettres patentes remplacent toutes déclarations prescrites par la présente partie quant au montant du capital-actions ou du nombre d’actions composant le capital-actions.
…
32. (1) Les administrateurs de la société peuvent prendre un règlement administratif pour augmenter le capital-actions jusqu’à concurrence du montant qu’ils considèrent nécessaire pour la réalisation de ses fins.
…
34. (1) Aucun règlement administratif ayant pour objet d’augmenter … le capital-actions de la société, de fractionner les actions ou de consolider ou de répartir le capital-actions en actions d’un montant plus élevé que celui des actions émises n’entre en vigueur avant d’avoir été approuvé par le vote de pas moins de deux tiers en valeur des actions représentées par les actionnaires présents à une assemblée générale extraordinaire convoquée à cette fin et avoir été ratifié ensuite par lettres patentes supplémentaires.
…
35. (1) Dans les six mois suivant l’approbation d’un règlement administratif aux termes de l’article 34, les administrateurs peuvent demander au ministre, par l’entremise du secrétaire provincial, d’émettre des lettres patentes supplémentaires pour le ratifier.
(2) Les administrateurs joignent à cette demande le règlement administratif et ils doivent établir, à la satisfaction du secrétaire provincial, ou de tout autre délégué nommé par ordre du lieutenant-gouverneur en conseil pour s’occuper de cette question, que le règlement administratif a été régulièrement adopté et approuvé et que l’augmentation ou la diminution du capital-actions est opportune et faite de bonne foi.
36. (1) Le ministre peut, sur preuve de l’adoption et de l’approbation du règlement administratif, accorder des lettres patentes supplémentaires et il en donne avis dans la Gazette selon la formule prescrite par règlement.
(2) À compter de la date d’octroi des lettres patentes supplémentaires en vertu du paragraphe (1), les actions sont fractionnées ou le capital-actions est augmenté ou réduit, selon le cas, jusqu’au montant, de la manière et aux conditions énoncées dans ledit règlement administratif.
…
85. (1) Les administrateurs de toute société constituée en vertu de la présente partie peuvent prendre des règlements administratifs pour créer et émettre toute partie du capitalactions sous forme d’actions privilégiées, donnant à celles-ci la priorité concernant le principal et les dividendes ou les deux, ou toute autre préférence par rapport aux actions ordinaires, dont font état lesdits règlements.
…
(3) Les règlements administratifs visés au paragraphe (1) n’entrent en vigueur qu’après avoir été approuvés par le vote des trois quarts des actionnaires présents ou représentés par procuration à une assemblée générale de la société ou à une assemblée générale extraordinaire convoquée à cette fin et représentant les deux tiers des actions de la société …
[1] Ces dispositions sont formulées dans les termes suivants :
83. …
(2) Lorsque, à une date donnée après 1971, un dividende devient payable par une corporation privée aux actionnaires de toute catégorie d’actions de son capitalactions et que la corporation fait un choix relativement au montant total du dividende, de la manière prescrite et selon le formulaire prescrit, au plus tard, à la date donnée ou le premier jour où une partie du dividende a été payée si ce jour est antérieur à la date donnée, les règles suivants s’appliquent :
a) le dividende est réputé être un dividende en capital jusqu’à concurrence du montant du compte de dividendes en capital de la corporation immédiatement avant la date donnée; et
b) aucune partie du dividende ne doit être incluse dans le calcul du revenu de tout actionnaire de la corporation.
…
85. (1) Lorsqu’un contribuable a disposé, après le 6 mai 1974, en faveur d’une corporation canadienne imposable et moyennant une contrepartie, y compris des actions du capital-actions de la corporation, de tout bien lui appartenant qui était un bien en immobilisations (autre qu’un bien immeuble ou une participation ou une option d’achat s’y rapportant appartenant à un non-résident), un bien visé au paragraphe 59(2), un bien en immobilisations admissible ou un bien figurant dans un inventaire (autre qu’un bien immeuble), si le contribuable et la corporation ont conjointement pris cette option en la forme prescrite et dans le délai mentionné au paragraphe (6), les règles suivantes s’appliquent :
a) la somme convenue entre le contribuable et la corporation, dans leur option, relativement au bien, est réputée être, pour le contribuable, le produit de disposition du bien et, pour la corporation, le coût du bien;
b) sous réserve de l’alinéa c), lorsque la somme convenue entre le contribuable et la corporation dans leur option, relativement au bien, est inférieure à la juste valeur marchande, à la date de la disposition, de la contrepartie de la disposition (autre que toutes actions du capital-actions de la corporation ou un droit d’en recevoir), reçue par le contribuable la somme ainsi convenue est, quel qu’en soit le montant effectivement convenu entre eux, réputée être une somme égale à cette juste valeur marchande;
…
(2) Lorsque, après le 6 mai 1974,
a) une société a disposé en faveur d’une corporation canadienne imposable et moyennant une contrepartie comprenant des actions du capital-actions de la corporation, d’un bien de la société qui était un bien en immobilisations (autre qu’un bien immeuble, ou une participation ou une option d’achat s’y rapportant qui appartient à une société qui n’était pas une société canadienne au moment de la disposition), un bien visé au paragraphe 59(2), un bien en immobilisations admissible ou un bien figurant dans un inventaire (autre qu’un bien immeuble), et
b) que la corporation et tous les membres de la société ont conjointement opté ainsi relativement à la disposition, selon le formulaire prescrit et dans le délai mentionné au paragraphe (6),
les alinéas (1)a) à i) s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, à la disposition, comme si la société était un contribuable résidant au Canada, qui aurait disposé du bien en faveur de la corporation.
[2] Cette décision a été rendue ex parte sur présentation d’une demande de la Dale Corporation demandant les redressements prévus à l’art. 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse, une disposition qui se lit en partie comme suit :
[traduction] 44(1) Dans les cas où
a) le nom d’une personne figure ou ne figure pas, sans raison suffisante, dans le registre des membres d’une société; ou
b) …
la personne lésée, ou tout autre membre de la société, ou la société elle-même, peut s’adresser à la Cour par requête pour faire corriger le registre, et la Cour peut soit refuser la demande, soit ordonner que le registre soit rectifié, et ordonner à la société de payer à toute partie lésée les dommages-intérêts qu’elle a subis.
(2) Sur présentation d’une demande en vertu du présent article, la Cour peut décider de toute question ayant trait au titre d’une personne qui est une partie visant à faire inscrire son nom au registre ou à le rayer du registre, si la question se pose entre les membres ou les membres présumés, ou entre les membres et les membres présumés d’une part et la société d’autre part, et décider de façon générale de toute question nécessaire ou souhaitable concernant la rectification du registre.
[3] Au début, le ministre a fondé cette affirmation sur l’hypothèse selon laquelle, comme les actions ordinaires de la Dale Corporation avaient été déposées en main tierce en garantie d’un prêt à l’époque pertinente, les actionnaires ne pouvaient modifier le capital-actions autorisé de la société. Avant l’instruction, on s’est rendu compte que cette hypothèse était erronée. Le ministère public a alors invoqué l’omission d’obtenir les lettres patentes supplémentaires comme fondement de la nouvelle cotisation.
[4] Les dispositions pertinentes de cette Loi ayant trait au capital-actions des sociétés sont reproduites en annexe aux présents motifs.
[5] Par exemple, en vertu de l’art. 85, le ministre doit tenir compte, pour les fins de cet article, du choix qui est fait après la fin de l’année d’imposition et, à mon avis, de la situation qui existait quand le choix a été fait.
[6] Il est intéressant de noter ce qui suit :
a) Même si la demande à l’origine de l’ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse était censée réclamer un redressement en vertu de l’art. 44, il ne s’agissait pas d’une « requête en rectification du registre » qui, dans l’état dans lequel il se trouvait, indiquait que les deux actions privilégiées avaient été émises le 31 décembre 1985.
b) L’art. 44 ne conférait pas à la Cour le pouvoir de valider rétroactivement l’émission irrégulière d’actions ou de délivrer des ordonnances « déterminatives » du genre de celle qui a été rendue en l’espèce.
c) Les actions en cause ont été émises par la Dale Corporation quand celle-ci était régie par la Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard qui ne renferme aucune disposition semblable à l’art. 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse ni aucune disposition autorisant la Cour à valider des actions irrégulièrement émises.