T-1685-96
Cliff Calliou agissant en son nom propre et au nom de tous les autres membres de la Nation crie de Kelly Lake qui appartiennent aux peuples beaver, cri et iroquois, et la Nation crie de Kelly Lake (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par M. Ron Irwin, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (défendeurs)
Répertorié: Nation crie de Kelly Lakec. Canada(1re inst.)
Section de première instance, juge Rothstein" Edmonton, 14 décembre 1998; Ottawa, 11 janvier 1999.
Pratique — Communications privilégiées — Un avocat n'a pas le droit, même pour défendre sa propre réputation, de violer le secret professionnel lorsqu'une tierce partie lui demande de révéler ses rapports avec un ancien client.
Avocats — Un avocat n'a pas le droit, même pour défendre sa propre réputation, de violer le secret professionnel lorsqu'une tierce partie lui demande de révéler ses rapports avec un ancien client.
Dans le cadre d'une action en revendication territoriale fondée sur des droits ancestraux, une partie, contre-interrogée au sujet de son affidavit déposé à l'appui de la requête en autorisation d'intervenir, a fait savoir que d'importantes données historiques et autres, y compris des recherches généalogiques et la tradition orale, étaient retenues à tort par Parlee McLaws, un cabinet d'avocats connu de Calgary et d'Edmonton. C'est pourquoi les demandeurs ont introduit cette requête tendant à l'autorisation de déposer l'affidavit d'une avocate de ce cabinet. Les intervenants éventuels s'y opposent en excipant du secret professionnel, faisant valoir que Parlee McLaws les représentait au moment où se produisirent les faits relatés par l'avocate de ce cabinet dans son affidavit. Celui-ci renferme effectivement des communications confidentielles. Il s'agit uniquement d'examiner s'il y a eu renonciation à cette protection ou si celle-ci ne s'applique pas pour quelque autre raison.
Jugement: il faut rejeter la requête en dépôt de l'affidavit.
Si les avocats sont à juste titre soucieux de défendre leur réputation, le moyen de le faire doit faire l'objet d'un choix prudent. Le fait qu'un ancien client, dans un litige auquel un avocat ne participe pas, tient des propos qui touchent à la réputation de ce dernier, ne l'autorise pas à faire des révélations qui violent le secret professionnel dont jouit cet ancien client. Il ne s'agit pas en l'espèce d'un cas où le Code déontologique de l'Alberta lui permet de divulguer certaines communications protégées. Ce que doit faire un avocat lorsqu'une tierce partie lui demande de communiquer des renseignements concernant ses rapports avec un ancien client est de s'y refuser (Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353) sauf consentement exprès et valide de ce client. Il faut davantage qu'une renonciation implicite. Que certains de ces renseignements soient déjà publiquement connus n'en justifie pas la divulgation par l'avocate en question.
lois et règlements
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 84(2).
jurisprudence
décisions appliquées:
Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353; (1991), 125 A.R. 81; 81 D.L.R. (4th) 211; [1991] 5 W.W.R. 389; 80 Alta. L.R. (2d) 293; 42 E.T.R. 97; 127 N.R. 241; 14 W.A.C. 81; Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; (1982), 141 D.L.R. (3d) 590; 70 C.C.C. (2d) 385; 28 C.R. (3d) 289; 1 C.R.R. 318; 44 N.R. 462; Bell et al. v. Smith et al., [1968] R.C.S. 664; (1968), 68 D.L.R. (2d) 751.
décision citée:
S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Avenue Herring Producers Ltd. (1983), 35 C.P.R. 146 (C.S.C.-B.).
REQUÊTE en dépôt d'un affidavit en réfutation de l'allégation faite en cours de contre-interrogatoire sur un affidavit, qu'un cabinet d'avocats retenait à tort des documents appartenant aux demandeurs. Requête rejetée.
ont comparu:
Bruce L. Barry pour le demandeur.
J. Trina Kondro et Karin E. Buss pour la Première nation de Kelly Lake.
Patrick G. Hodgkinson et Mary King pour les défendeurs.
avocats inscrits au dossier:
O'Reilly & Associés, Montréal, pour le demandeur.
Ackroyd, Piasta, Roth & Day, Edmonton, pour la Première nation de Kelly Lake.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
Le juge Rothstein: Il y a en l'espèce requête en autorisation de déposer un affidavit en application du paragraphe 84(2) des Règles de la Cour fédérale (1998)1 [DORS/98-106], après qu'il y a eu contre-interrogatoire. Cependant, avant d'examiner si l'affidavit en question est admissible sous le régime de cette disposition, la Cour doit résoudre la question préalable de savoir si le même affidavit n'est tout simplement pas inadmissible du fait qu'il divulgue des renseignements protégés par le secret professionnel.
Cette requête s'inscrit dans le cadre d'une action en revendication territoriale fondée sur des droits ancestraux. Les divers groupes ou entités qui sont ou pourraient être parties au litige sont identifiés de la façon suivante, selon les actes de procédure et affidavits versés au dossier, et non pas par conclusion de la Cour.
1. La Première nation de Kelly Lake (PNKL)
La PNKL se dit composée des peuples beaver, cri et iroquois, qui vivent dans une communauté dans le nord-est de la Colombie-Britannique, près de Dawson Creek.
2. La Nation crie de Kelly Lake (NCKL)
La NCKL se dit composée des peuples beaver, cri et iroquois. On ne sait pas trop à ce stade-ci quelle est la différence ou quel est le degré de confusion entre les membres respectifs de la NCKL et de la PNKL. Il appert qu'à la suite d'une querelle en 1996 au sein de la PNKL, certains de ses membres ont fait sécession pour former la NCKL.
3. La Société de la Première nation de Kelly Lake (Société de la Première nation)
Cette société a été constituée en mars 1995, pour servir à la PNKL de personne morale s'occupant d'opérations à but lucratif et autres. Les administrateurs en sont le chef et le conseil de la PNKL.
4. La Société de la Nation crie de Kelly Lake (Société de la Nation crie)
Cette société a été constituée en juillet 1996.
Parlee McLaws, un cabinet d'avocats connu et respecté de Calgary et d'Edmonton, représentait la PNKL de janvier 1995 jusqu'à juin 1996 au moins. Il s'est chargé de la constitution de la Société de la Première nation, qu'il représentait de mars 1995 jusqu'en juin 1996 au moins. Le 15 mars 1996, ce cabinet a, par voie de déclaration déposée au nom de la Société de la Première nation devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, intenté contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada une action en revendication territoriale fondée sur des droits ancestraux. Le 25 juin 1996, le même cabinet a déposé un avis de désistement de l'action devant la Cour du Banc de la Reine et, sur instructions de la Société de la Nation crie, a engagé devant notre Cour cette action en revendication territoriale fondée sur des droits ancestraux, au nom de la NCKL, contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Le cabinet Parlee McLaws a maintenant cessé d'occuper pour la PNKL, la Société de la Première nation, la NCKL ou la Société de la Nation crie dans ce litige.
Par requête déposée le 25 mai 1998, Claire Gauthier a demandé à intervenir dans l'instance au nom de la PNKL et de la Société de la Première nation. Cette intervention tient à la question de savoir exactement quel groupe d'autochtones a droit aux terres revendiquées. À l'appui de la requête, Gauthier affirme dans son affidavit que les intervenants éventuels ont en leur possession des données historiques et autres, y compris des résultats de recherches généalogiques et la tradition orale, dont la Cour a besoin pour juger l'affaire. Ils font savoir qu'ils seraient plus disposés à communiquer ces données si la PNKL était autorisée à intervenir dans l'instance.
C'est au sujet de ces données généalogiques et autres que M. Gauthier a été contre-interrogé sur son affidavit déposé à l'appui de la requête. À la question de savoir si ces données étaient disponibles, il a répondu par la négative, faisant savoir qu'elles avaient été soumises à Parlee McLaws, qui ne les a jamais restituées. Son avocate affirme que ce cabinet d'avocats les a retenues à tort. Voici ce qu'on peut lire dans la transcription du contre-interrogatoire:
[traduction]
Q. Au paragraphe 20, vous affirmez que vous avez des preuves et des informations importantes, de M. Norm Calliou par exemple, qui pourraient éclairer la Cour.
Pourriez-vous nous dire en quoi elles consistent, s'il vous plaît?
R. Il a fait d'importants travaux"des recherches généalogiques auprès des membres du peuple de Kelly Lake, sur notre histoire, sur l'origine de ces membres, sur l'origine de ces peuples, et c'est ce sur quoi nous nous guidons.
Q. Quand a-t-il commencé ces recherches pour vous?
R. En 1995.
Q. En 95, au moment où Cliff Calliou siégeait au conseil d'administration, n'est-ce pas?
R. Oui.
Q. M. Calliou a-t-il communiqué ces données au conseil d'administration à l'époque?
R. Non.
Q. Sont-elles disponibles maintenant?
R. Je ne le pense pas. Nous ne les avons pas. Nous les avons données à Parlee McLaws, qui ne nous les a jamais rendues.
Mme BUSS (l'avocate de Gauthier): Nous estimons que Parlee McLaws retient à tort ces documents, qui appartiennent à Norman Calliou.
M. JOYAL: D'après ce que je sais, ils n'ont en leur possession aucun document provenant de M. Calliou.
Mme BUSS: Ils ont des boîtes entières de documents provenant de M. Calliou.
M .JOYAL: Eh bien, ce n'est pas ce qu'il m'est donné de savoir.
C'est cette affirmation que Parlee McLaws retient à tort des documents qui a poussé les demandeurs à introduire la présente requête tendant au dépôt de l'affidavit de Priscilla Kennedy, membre de ce cabinet d'avocats, dépôt auquel s'opposent les intervenants éventuels qui excipent du secret professionnel.
Mme Kennedy était l'un des avocats occupant pour la Société de la Première nation au moins jusqu'en juin 1996. Son affidavit porte sur la question de savoir si Parlee McLaws a en sa possession et retient à tort les documents dont faisait état M. Gauthier lors de son contre-interrogatoire. Les intervenants éventuels affirment que Parlee McLaws les représentait au moment où se produisirent les faits relatés par Mme Kennedy dans son affidavit, et que ces informations sont protégées par le secret professionnel puisqu'elles se rapportent aux communications avec des avocats ainsi qu'aux renseignements recueillis par ces derniers afin de les conseiller et de les représenter dans le litige, savoir la revendication territoriale faisant l'objet de l'action devant la Cour du Banc de la Reine.
J'ai lu l'affidavit en question et, sans en révéler le contenu dans les présents motifs sauf les passages qui, de toute évidence, ne sont pas protégés par le secret professionnel, je conclus qu'il renferme des communications confidentielles entre la PNKL ou la Société de la Première nation et Parlee McLaws. Les mesures prises par les avocats pour le compte de la PNKL et la Société de la Première nation y sont rapportées, y compris les communications avec diverses personnes, les comparutions, et d'autres travaux accomplis. Il est hors de doute que ces informations sont protégées par le secret professionnel. Il s'agit uniquement d'examiner s'il y a eu renonciation à cette protection ou si celle-ci ne s'applique pas pour quelque autre raison. Je conclus qu'elle s'applique.
Aux paragraphes 3 et 4 de son affidavit, Mme Kennedy donne une raison pour en expliquer le dépôt, à part les questions litigieuses ou la requête en intervention: il s'agit de protéger la bonne réputation de Parlee McLaws.
[traduction] 3. J'ai lu la transcription du contre-interrogatoire de Claire Gauthier, effectué le 27 juillet 1998 au sujet de la requête en intervention dans cette action, introduite par ce dernier en son nom propre et au nom de la Société de la Première nation de Kelly Lake. En pages 46 et 47, Claire Gauthier et son avocate, Karin Buss, affirment que Parlee McLaws a reçu de Norman Calliou des données généalogiques concernant les membres de la communauté de Kelly Lake, et que ce cabinet d'avocats dont je fais partie les retient "à tort". Claire Gauthier était l'un des administrateurs de la Société de la Première nation de Kelly Lake et Karin Buss faisait partie du cabinet Parlee McLaws durant la période où j'occupais pour la Société de la Première nation, et ces affirmations appellent une réponse .
4. C'est lors de ce contre-interrogatoire que Claire Gauthier et son avocate, Karin Buss, ont fait pour la première fois cette allégation contre le cabinet Parlee McLaws, et ces allégations mettent en question l'intégrité professionnelle de ce dernier. [Non souligné dans l'original.]
Si tous les avocats sont à juste titre soucieux de défendre leur réputation, et ils devraient l'être, le moyen et le moment de le faire doivent faire l'objet d'un choix prudent. Le fait qu'un ancien client, dans un litige auquel un avocat ne participe pas, tient des propos qui touchent à la réputation de ce dernier, ne l'autorise pas à faire des révélations qui violent le secret professionnel dont jouit cet ancien client.
Certes il est des cas où, malgré le secret professionnel, un avocat a le droit de parler franchement. Le Code déontologique du Barreau de l'Alberta fait à l'avocat obligation de garder confidentiels tous les renseignements sur les affaires et intérêts d'un client que celui-ci lui a communiqués dans leurs rapports professionnels. Cette règle est soumise à quelques exceptions, dont l'une est l'alinéa 8(f) du chapitre 7:
[traduction] 8. [. . .]
(f) Un avocat peut divulguer des renseignements confidentiels lorsque pareille divulgation lui est raisonnablement nécessaire pour poursuivre convenablement une action ou pour défendre une réclamation ou une allégation dans un litige l'opposant à un client.
La présente affaire n'est pas un cas visé par l'alinéa 8(f). Il n'y a ni action ni réclamation entre la PNKL ou la Société de la Première nation d'une part, et le cabinet Parlee McLaws d'autre part. Rien ne prouve que la PNKL ou la Société de la Première nation ait demandé en vain à Parlee McLaws les renseignements que ce cabinet aurait retenus; il n'y a donc aucun différend entre eux dans ce litige.
À mon avis, ce que doit faire un avocat lorsqu'une tierce partie lui demande de communiquer des renseignements concernant ses rapports avec un ancien client est de s'y refuser. Cette règle a été définie dans divers précédents. Dans Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353, Mme le juge Wilson a fait l'observation suivante en page 383:
Le client peut bien sûr choisir de divulguer le contenu de ses communications avec son conseiller juridique et renoncer ainsi au secret professionnel. Ou il peut autoriser son avocat à en divulguer le contenu en son nom. Même dans ce cas, cependant, les tribunaux ont fait preuve de circonspection en permettant cette divulgation, à tel point qu'ils ont pris sur eux de s'assurer qu'un avocat ne témoigne pas sans le consentement exprès de son client.
Dans Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, à la page 876, le juge Lamer (tel était alors son titre) a souscrit à la règle de preuve suivante, formulée par Cross (Cross on Evidence, 5e éd. (1979), à la page 282) comme suit:
[traduction] Dans les affaires civiles et criminelles, un client n'est pas tenu de témoigner à propos des communications confidentielles échangées entre lui et son conseiller juridique et, sans le consentement de son client, le conseiller juridique ne peut déposer à leur sujet dans une procédure judiciaire [. . .]
Dans Bell et al. v. Smith et al., [1968] R.C.S. 664, le juge Spence s'est prononcé en ces termes à la page 671:
[traduction] Puisque l'avocat doit à son ancien client l'obligation de faire valoir le secret professionnel le cas échéant, il a tort de ne pas le revendiquer sans la preuve que ce client y a vraiment renoncé.
Il ressort de ces précédents que sans le consentement exprès de son ancien client, un avocat ne doit pas divulguer en témoignage des communications et renseignements confidentiels.
En l'espèce, Mme Kennedy aurait dû, avant d'établir son affidavit, s'assurer le consentement de la PNKL et/ou de la Société de la Première nation. Sans ce consentement, cet affidavit n'aurait pas dû être établi à l'intention de l'avocat qui représente maintenant la partie adverse de la PNKL et de la Société de la Première nation; en conséquence, il n'est pas admissible.
Mme Kennedy affirme dans son affidavit que pour cet affidavit, elle a obtenu le consentement de trois des cinq administrateurs de la Société de la Première nation "à l'époque". Il ressort cependant des preuves produites que ces trois administrateurs qui ont donné leur consentement n'étaient plus administrateurs de la Société de la Première nation dès le 21 avril 1996, date à laquelle ils avaient été battus à l'élection du chef et du conseil de la PNKL. Après cette date, ils n'avaient aucun pouvoir pour donner des instructions aux avocats au nom de la PNKL ou de la Société de la Première nation. L'affidavit de Mme Kennedy porte sur un grand nombre de faits qui se sont produits en 1995 et 1996, à l'époque où elle représentait la PNKL et la Société de la Première nation. Elle ne dit pas à quel moment elle a obtenu le consentement de ces trois administrateurs, mais il est visible que c'est tout récent, puisque l'affidavit a été établi sous serment le 4 novembre 1998. Au moment où ces trois administrateurs étaient censés consentir à son affidavit, ils n'étaient pas habilités à le faire au nom de la PNKL ou de la Société de la Première nation, qui jouissent de la protection du secret professionnel.
Les demandeurs soutiennent que les réponses données par M. Gauthier et son avocate lors du contre-interrogatoire de la première, au sujet du refus de restitution des documents de la part de Parlee McLaws, valent renonciation implicite au secret professionnel par la PNKL et la Société de la Première nation. L'affidavit de Mme Kennedy va bien plus loin que ce qui pourrait faire l'objet de cette soi-disant renonciation implicite. Plus spécifiquement, ces réponses ne font pas que Mme Kennedy, à la demande des avocats représentant des parties adverses de ses anciennes clientes, puisse proposer de plein gré un affidavit sur la question de savoir si le cabinet Parlee McLaws avait en sa possession des documents appartenant à la PNKL ou à la Société de la Première nation. La jurisprudence susmentionnée pose qu'il faut davantage qu'une renonciation implicite pour qu'elle puisse le faire. Un consentement exprès était nécessaire, et elle ne l'a pas obtenu.
Les demandeurs invoquent la doctrine de l'équité et de la cohérence. Cette doctrine se rapporte à la question de la renonciation, laquelle, comme noté supra, ne peut être invoquée par un avocat pour témoigner de plein gré sur des renseignements confidentiels. Quoi qu'il en soit, l'équité et la cohérence imposent la divulgation dans des cas exceptionnels, par exemple le cas où la divulgation d'une fraction de la communication vaut renonciation à l'ensemble, ou le cas où la citation d'une consultation juridique à l'appui d'un chef de demande ou de défense vaut renonciation au caractère secret de cette consultation; voir S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Avenue Herring Producers Ltd. (1983), 35 C.P.C. 146 (C.S.C.-B.), en page 149, motifs prononcés par le juge McLachlin.
Les demandeurs font valoir que certains renseignements divulgués dans l'affidavit étaient déjà publiquement connus. Cela n'en justifie pas la divulgation par cette avocate, qui a obtenu cette information dans le contexte des communications entre avocat et client ou en vue d'une action en justice. Le fait qu'elle provienne d'une réunion publique ou de sources publiques signifie que quelqu'un d'autre pourrait témoigner à ce sujet, mais non cette avocate.
J'ai lu l'affidavit de Mme Kennedy. Il y a des petits passages qui ne sont pas protégés par le secret professionnel. Cependant, ces passages ne touchent pas au fond de la question de savoir si Parlee McLaws a ces documents en sa possession et refuse de les restituer. Il ne servirait à rien de découper cet affidavit et d'autoriser le dépôt des passages sans importance, tout en supprimant les quelque 90 p. 100 qui sont protégés par le secret professionnel. Cet affidavit comporte quelques paragraphes mentionnant des faits qui se sont produits après juin 1996, mais le dossier ne permet pas de voir quand exactement Mme Kennedy a cessé d'occuper pour la PNKL et la Société de la Première nation. Sans preuve concluante sur la date où ces services ont pris fin, je ne suis pas enclin à conclure que le secret professionnel ne recouvre pas tous les faits mentionnés dans l'affidavit.
La Cour rejette la requête en autorisation de déposer l'affidavit de Mme Kennedy sous le régime du paragraphe 84(2). Les parties se mettront en rapport avec le greffier pour arranger une conférence téléphonique en vue de régler la question des frais et dépens.
1 84. [. . .]
(2) La partie qui a contre-interrogé l'auteur d'un affidavit déposé dans le cadre d'une requête ou d'une demande ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de celle-ci, sauf avec le consentement des autres parties ou l'autorisation de la Cour.