[1997] 1 C.F. 431
IMM-3320-95
Jeffrey Hugh Williams (requérant)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
Répertorié : Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.)
Section de première instance, juge Reed—Toronto, 23 juillet; Ottawa, 18 octobre 1996.
Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — Demande d’annulation d’une décision fondée sur l’art. 70(5) de la Loi sur l’immigration et concluant que le requérant constitue un danger pour le public — L’art. 70(5) retire à une personne le droit de faire appel contre une mesure d’expulsion lorsque le ministre estime qu’elle constitue un danger pour le public et que la personne a commis une infraction grave — Il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation à l’égard des décisions fondées sur l’art. 70(5) — Un fonctionnaire ministériel fait une recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui concourt ou non à la recommandation, de sorte que la décision ultime est prise par le délégué du ministre — La décision n’est jamais accompagnée de motifs — L’équité et la justice naturelle exigent que la décision soit motivée — Comme il y a plusieurs décideurs, il est difficile de s’attendre à la même constance — Les décideurs sont tenus d’appliquer une norme juridique afin de se faire une opinion ayant des répercussions sur la liberté, mais aucune formation juridique n’est requise — Le processus décisionnel ne donne aucune assurance que le décideur ultime considère directement les observations du requérant — Il est impossible de savoir si un critère approprié permettant d’établir si une personne constitue un danger pour le public a été appliqué — Le fait de retirer le requérant de sa famille et de le renvoyer dans un pays qu’il a quitté lorsqu’il était enfant entraîne des conséquences considérables pour la personne.
Déclaration des droits — Demande d’annulation d’une décision fondée sur l’art. 70(5) de la Loi sur l’immigration et concluant que le requérant constitue un danger pour le public — L’art. 70(5) retire à une personne le droit de faire appel contre une mesure d’expulsion — Il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation à l’égard des décisions fondées sur l’art. 70(5) — Un fonctionnaire ministériel fait une recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui concourt ou non à la recommandation, de sorte que la décision ultime est prise par le délégué du ministre — La décision n’est jamais accompagnée de motifs — L’art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits garantit le droit à une audience impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations — Le droit d’appel et l’obligation de quitter le Canada sont des droits et des obligations — La justice fondamentale exige qu’une décision soit motivée.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — L’art. 70(5) de la Loi sur l’immigration retire à une personne le droit de faire appel contre une mesure d’expulsion lorsque le ministre estime qu’elle constitue un danger pour le public et que la personne a commis une infraction grave — Il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation — Un fonctionnaire ministériel fait une recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui concourt ou non à la recommandation, de sorte que la décision ultime est prise par le délégué du ministre — La décision n’est jamais accompagnée de motifs — L’art. 7 s’applique (1) parce que le droit à la liberté entre en jeu lorsqu’une personne est expulsée; (2) parce que la décision retire un recours par ailleurs disponible — L’art. 70(5) n’est pas inconstitutionnellement imprécis — Les différentes descriptions du fardeau de la preuve dans la jurisprudence et les lignes directrices ne constituent pas une incertitude — Le concept du « danger pour le public » n’est pas si imprécis qu’un débat judiciaire éclairé sur son contenu soit impossible.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de résidents permanents — Demande d’annulation d’une décision fondée sur l’art. 70(5) de la Loi sur l’immigration et concluant que le requérant constitue un danger pour le public — Il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation — Un fonctionnaire ministériel fait une recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui concourt ou non à la recommandation, de sorte que la décision ultime est prise par le délégué du ministre — La décision n’est jamais accompagnée de motifs — Bien que l’art. 7 de la Charte s’applique, l’art. 70(5) n’est pas inconstitutionnellement imprécis — L’équité, la justice naturelle et le droit garanti par l’art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits à une audience impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations exigent qu’une décision soit motivée.
Il s’agissait d’une demande en vue de l’annulation d’une décision fondée sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration et concluant que le requérant constituait un danger pour le public. L’alinéa 70(5)c) prive du droit de faire appel toute personne contre laquelle une mesure d’expulsion a été prise lorsque le ministre estime qu’elle constitue un « danger pour le public au Canada » et qui, selon la décision d’un arbitre, relève, pour toute infraction punissable d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l’alinéa 27(1)d).
Le requérant est venu au Canada lorsqu’il avait neuf ans. Il en a aujourd’hui trente. Plusieurs membres de sa famille sont résidents permanents, et il a trois enfants qui sont citoyens canadiens. Il a été reconnu coupable de quatre infractions reliées aux stupéfiants au cours des années 1989 à 1992, et est donc une personne visée par les sous-alinéas 27(1)d)(i) et (ii). La dernière infraction remonte à 1990, à l’égard de laquelle il n’a été condamné qu’en 1992. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui en 1994. Il a affirmé n’avoir pas touché à la drogue depuis 1990. La décision du ministre portait une date ultérieure de trois ans à celle de la libération de prison du requérant, époque à laquelle il recevait des services de counselling psychologique à l’égard de sa dépendance de la drogue et étudiait dans une école.
Le requérant a soutenu que le paragraphe 70(5) est inconstitutionnellement vague parce qu’aucune norme de preuve applicable au processus décisionnel n’est exposée dans le texte de loi, qu’aucun critère n’aide à déterminer la signification de l’expression « danger pour le public » et qu’il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation à l’égard des décisions fondées sur le paragraphe 70(5). Les fonctionnaires ministériels ont pour pratique d’adresser un avis à celui qui est susceptible de faire l’objet d’une décision fondée sur le paragraphe 70(5), ainsi que la preuve documentaire sur laquelle celle-ci peut s’appuyer. L’intéressé dispose d’un délai de 15 jours pour répondre par écrit. Un fonctionnaire ministériel remplit alors une formule de recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui concourt ou non à la recommandation. La décision ultime est prise par le délégué du ministre. La décision n’est jamais accompagnée de motifs.
Les questions étaient de savoir : (1) si le paragraphe 70(5) et le processus décisionnel autorisé par celui-ci enfreignent l’article 7 de la Charte qui garantit qu’il ne peut être porté atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale; (2) si le processus décisionnel est incompatible avec les principes d’équité et de justice naturelle reconnus par la common law; et (3) s’il a été contrevenu à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, qui garantit que nulle loi du Canada ne doit s’interpréter comme privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations.
Jugement : la demande doit être accueillie.
(1) Le droit à la liberté entre en jeu lorsqu’une personne est expulsée, et par conséquent l’article 7 de la Charte s’applique alors. De plus, une décision ayant trait à la mesure d’expulsion qui retire un recours par ailleurs disponible est aussi visée par l’article 7. Les dispositions législatives qui enfreignent les garanties conférées par l’article 7 sont invalides ou pour le moins sans effet. L’article 7 agit aussi de façon à régir les procédures auxquelles ont recours les décideurs lorsqu’ils exercent des pouvoirs décisionnels validement conférés, en vertu de dispositions législatives qui ne sont pas en elles-mêmes inconstitutionnelles.
Le paragraphe 70(5) n’est pas inconstitutionnellement vague. Bien qu’il n’y ait pas de norme législative expresse du fardeau de la preuve, les différentes descriptions du fardeau de la preuve dans la jurisprudence et les lignes directrices publiées par l’intimé n’indiquent aucune incertitude. Les nouvelles dispositions législatives soulèvent toujours des incertitudes jusqu’à ce que la jurisprudence ait eu le temps de dissiper certaines d’entre elles. « Dans les circonstances de l’affaire » se rapporte au contenu de la conclusion que l’intéressé constitue un danger pour le public, et non pas au fardeau de la preuve. Les lignes directrices ordonnent aux décideurs de reconnaître les personnes qui ont causé ou pourraient raisonnablement être présumées avoir causé le genre de préjudice décrit. Cela ne porte pas atteinte à la norme de preuve globale qu’il faut respecter lorsqu’il s’agit de décider si une personne constitue un danger pour le public. Cette norme est, en l’absence de toute directive législative opposée, celle de la prépondérance des probabilités.
Une loi est inconstitutionnellement imprécise si elle l’est à tel point qu’il n’y a pas suffisamment d’indications pour permettre un débat judiciaire éclairé sur le contenu du concept en cause. Il doit y avoir suffisamment de précisions pour donner au citoyen un avertissement raisonnable et pour fournir une limitation du pouvoir discrétionnaire dans l’application de la loi. Le concept du « danger pour le public » n’est pas si imprécis qu’un débat judiciaire éclairé sur son contenu soit impossible.
(2), (3) Les principes d’équité et de justice naturelle reconnus par la common law, qui fournissent, en l’absence de toute disposition législative contraire, des normes qui doivent être respectées dans l’exercice du pouvoir décisionnel discrétionnaire et des procédures qui l’accompagnent, s’appliquent aux décisions fondées sur le paragraphe 70(5). L’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits entre en jeu, car le droit d’appel et l’obligation de quitter le Canada sont des « droits et obligations » aux fins de l’alinéa 2e).
Certains aspects de la procédure décisionnelle sont mentionnés : (1) comme plusieurs fonctionnaires ministériels rendent la décision en qualité de délégués du ministre et sont investis d’un large pouvoir discrétionnaire, il est plus difficile de s’attendre à la même constance en présence de plusieurs décideurs qu’en présence d’un seul : (2) rien n’indique que ces personnes jouissent de la moindre formation juridique, et cependant le concept du « danger pour le public » implique l’application d’une norme juridique, dont l’application résulte en un avis qui a des répercussions sur la liberté d’un individu; (3) il n’y a aucun moyen de savoir si le décideur considère aucune des pièces au dossier autre que la recommandation rédigée par l’agent du premier niveau; et (4) il est impossible de savoir si un critère approprié permettant d’établir si une personne constitue un danger pour le public a été appliqué. Bien que les lignes directrices soulignent correctement que la simple perpétration d’une infraction n’est pas déterminante, elles semblent alors fournir un cadre selon lequel c’est la gravité de l’infraction qui est largement déterminante. La conclusion fondée sur le paragraphe 70(5) exige la présence de deux composantes : une infraction grave et le danger pour le public que représente son auteur. L’existence de la première composante ne suffit pas à entraîner la seconde. La seconde condition est exprimée au présent et est tournée vers l’avenir. Bien que les individus reçoivent copie des documents sur lesquels se fondera la conclusion qu’ils constituent un danger, il peut ne pas être immédiatement évident pourquoi ces documents appuient la conclusion que l’individu en cause constitue un danger présent ou futur pour le public. La déclaration de culpabilité initiale ne suffit pas nécessairement à étayer la présomption que la personne constitue un danger pour le public.
La justice fondamentale, la justice naturelle et l’équité exigeaient que des motifs soient donnés dans les circonstances de l’espèce. Les conséquences pour la personne sont considérables. Le requérant sera retiré de sa famille et renvoyé dans un pays où il n’a pas vécu depuis 20 ans. Le processus décisionnel ne donne aucune assurance que le décideur ultime considère de fait directement les observations du requérant. Il n’est pas montré clairement quel raisonnement a motivé la conclusion que le requérant constituait un danger présent ou futur pour le public. En l’absence de motifs même brefs, une cour de révision ne peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, déterminer si les décideurs appliquent des critères pertinents et légitimes en décidant qu’un individu constitue un danger pour le public au Canada.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 6, 7.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34.
Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, art. 2.
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 27(1)d)(i),(ii), 70(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (1.1) (édicté par L.C. 1992, ch 49, art. 65), (2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (3) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), (3.1) (édicté par L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (4) (mod., idem), (5) (édicté, idem), (6) (édicté, idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606; (1992), 114 N.S.R. (2d) 91; 93 D.L.R. (4th) 36; 313 A.P.R. 91; 74 C.C.C. (3d) 289; 43 C.P.R. (3d) 1; 15 C.R. (4th) 1; 10 C.R.R. (2d) 34; 139 N.R. 241; R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711; (1992), 77 C.C.C. (3d) 91; 17 C.R. (4th) 74; 12 C.R.R. (2d) 31; 144 N.R. 176; 51 Q.A.C. 161; Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 C.F. 696 (1993), 100 D.L.R. (4th) 151; 14 C.R.R. (2d) 146; 18 Imm. L.R. (2d) 165; 151 N.R. 69 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC :
Hoang c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 13 Imm. L.R. (2d) 35; 120 N.R. 193 (C.A.F.); Hurd c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 594 (1988), 90 N.R. 31 (C.A.); Canepa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 270 (1992), 10 C.R.R. (2d) 348 (C.A.); Shah c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; (1987), 44 D.L.R. (4th) 193; 37 C.C.C. (3d) 1; 61 C.R. (3d) 1; 80 N.R. 161; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; Inthavong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 101 F.T.R. 1; 30 Imm. L.R. (2d) 85 (C.F. 1re inst.); Reg. v. Secretary of State for the Home Department, Ex parte Doody, [1994] 1 A.C. 531 (H.L.); R. v. Civil Service Appeal Board, ex p Cunningham, [1991] 4 All E.R. 310 (C.A.); Jamieson c. Commissaire aux Services correctionnels (1986), 51 C.R. (3d) 155; 2 F.T.R. 146 (C.F. 1re inst.); Taabea c. Le comité consultatif sur le statut de réfugié, [1980] 2 C.F. 316 (1980), 109 D.L.R. (3d) 664 (1re inst.).
DOCTRINE
Canada. Citoyenneté et Immigration. Guide de l’immigration : mise en oeuvre du C-44. Ottawa : Citoyenneté et Immigration Canada, 1996.
De Smith, S. A. Judicial Review of Administrative Action, 5th ed. London : Sweet & Maxwell, 1995.
DEMANDE en vue de l’annulation d’une décision fondée sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration et concluant que le requérant constituait un danger pour le public parce que l’omission de motiver la décision était incompatible avec les principes d’équité et de justice naturelle reconnus par la common law et au droit garanti par la Déclaration canadienne des droits à une audience impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations. Demande accueillie.
AVOCATS :
Victoria Russell pour le requérant.
I. John Loncar pour l’intimé.
PROCUREURS :
Victoria Russell, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
Le juge Reed : Le requérant veut obtenir l’annulation d’une décision rendue par un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Cette décision, fondée sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration[1], concluait que le requérant constituait un danger pour le public.
La décision est contestée pour plus d’un motif. L’un d’eux tient à ce que les dispositions législatives qui autorisent le processus décisionnel et le processus lui-même enfreignent l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. Subsidiairement, le requérant soutient que le processus décisionnel, tel qu’il est présentement appliqué, est incompatible avec les principes d’équité et de justice naturelle reconnus par la common law. De plus, l’article 2 de la Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, est pertinent.
Nature de l’intérêt du requérant
Pour obtenir la protection de l’article 7 de la Charte, celui qui la recherche doit prouver que la décision à laquelle il veut appliquer cet article pourrait avoir pour conséquence de le priver du « droit à la vie, à la liberté » ou « à la sécurité de sa personne ».
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Les décisions auxquelles s’appliquent les principes d’équité et de justice naturelle ne sont pas visées par cette condition, ni l’article 2 de la Déclaration canadienne des droits :
2. Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme
…
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations.
L’alinéa 70(5)c) de la Loi sur l’immigration[2] (l’alinéa applicable aux fins présentes) prévoit que les personnes reconnues coupables de certains types d’infractions (un acte criminel grave) et dont le ministre estime qu’elles constituent « un danger pour le public au Canada », ne peuvent faire appel de la mesure d’expulsion prise contre eux. En l’absence d’une décision fondée sur le paragraphe 70(5), l’intéressé a le droit d’obtenir que la section d’appel de l’Immigration examine la mesure d’expulsion dont il fait l’objet. La section d’appel peut déterminer si, [traduction] « dans les circonstances de l’affaire », l’intéressé devrait être expulsé. Cela implique l’appréciation de facteurs qui n’étaient pas pertinents à la délivrance de la mesure d’expulsion elle-même. Ces facteurs comprennent traditionnellement : l’âge de la personne visée; le moment où elle est arrivée au Canada; ses liens sociaux et financiers au Canada; l’étendue des liens qu’elle a conservés avec le pays où elle sera expulsée. La section d’appel est aussi habilitée à suspendre l’exécution des mesures d’expulsion, de façon conditionnelle, pour donner à la personne visée la possibilité de démontrer qu’elle peut vivre une existence respectueuse des lois. Celle-ci a le droit de produire des témoins, de donner un témoignage oral, et de recevoir les motifs de la décision finalement prise à son égard. La décision fondée sur le paragraphe 70(5) retire le droit d’appel statutaire. Elle donne le feu vert à l’exécution immédiate de la mesure d’expulsion.
Le paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration s’applique aux résidents permanents. Ceux-ci peuvent avoir vécu au Canada presque toute leur vie, et tous leurs amis et leur famille entière peuvent être ici, ainsi que leurs biens, y compris leur maison. En ce qui concerne la possibilité qu’il a de demeurer, revenir, travailler et vivre au Canada, le résident permanent a des droits qui se rapprochent davantage de ceux des citoyens canadiens que ce n’est le cas pour la personne qui recherche le droit d’entrer ou de demeurer au Canada en se fondant sur une demande non encore traitée, comme une demande de droit d’établissement ou une demande de statut de réfugié.
Le requérant est venu au Canada en 1976 lorsqu’il avait neuf ans. Il en a aujourd’hui trente. Sa mère, son beau-père, ses deux sœurs, ses deux neveux et son épouse de fait sont tous résidents permanents au Canada. Il a trois enfants qui sont citoyens canadiens et vivent ici. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui le 27 juin 1994. Il a été reconnu coupable de quatre infractions reliées aux stupéfiants au cours des années 1989 à 1992, et est donc une personne visée par les sous-alinéas 27(1)d)(i) et (ii) de la Loi sur l’immigration. Comme tel, il relève de l’alinéa 70(5)c) de la Loi sur l’immigration. La dernière infraction remonte à 1990[3], à l’égard de laquelle il n’a été condamné qu’en 1992. Il affirme n’avoir pas touché à la drogue depuis 1990. Il a reçu un avis du ministre, en date du 10 novembre 1995, déclarant qu’il constituait « un danger pour le public au Canada ». À cette date, il avait été libéré de la prison depuis trois ans. Il a déclaré qu’à cette époque, il continuait de recevoir des services de counselling psychologique à l’égard de sa dépendance de la drogue et qu’il suivait un cours à plein temps au Toronto School of Business, où il étudiait l’informatique et l’électronique.
Il est clair que les principes d’équité et de justice naturelle reconnus en common law s’appliquent aux décisions fondées sur le paragraphe 70(5). Il est aussi clair que l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits entre en jeu. Le droit d’appel du requérant et l’obligation qui lui est faite de quitter le Canada sont visés. Ce sont des « droits et obligations » aux fins de l’alinéa 2e). Moins claire cependant est la question de savoir si le droit du requérant fait partie de ceux visés à l’article 7 de la Charte.
Dans l’arrêt Hoang c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 13 Imm. L.R. (2d) 35, la Cour d’appel fédérale a semblé être d’avis que l’expulsion pour des infractions graves au Canada ne mettait pas en jeu un droit protégé par l’article 7 de la Charte. La Cour suprême du Canada a étudié ce point de vue dans l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, sans toutefois se prononcer sur cette question[4]. La Cour a décidé qu’en tout état de cause, il n’y avait pas eu violation des principes de justice fondamentale. La Cour d’appel fédérale a étudié de nouveau la question dans l’arrêt Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 C.F. 696 Dans cet arrêt, le juge Marceau a dit clairement que le droit à la liberté entre en jeu lorsqu’une personne est expulsée, et que par conséquent l’article 7 s’applique alors. Il a écrit ce qui suit [à la page 703] :
… il me semble, en toute déférence, que l’expulsion d’un individu aurait pour conséquence nécessaire de porter atteinte à sa liberté, dans tous les sens possibles de cette expression. [Non souligné dans l’original.]
La Cour d’appel fédérale a aussi décidé, dans l’arrêt Nguyen, qu’une décision ayant trait à la mesure d’expulsion qui retirait un recours par ailleurs disponible était aussi visée par l’article 7 de la Charte. Le juge Marceau renvoie, à la page 705, à l’analyse de la Cour suprême dans l’arrêt Chiarelli :
La Cour suprême, suivant à cet égard la ligne de conduite de cette Cour, a étudié le défi constitutionnel comme s’il s’adressait au cadre législatif pris dans son ensemble. Le retrait du droit particulier d’interjeter appel a été perçu comme le retrait d’un recours permettant de s’opposer à la mesure d’expulsion et, en conséquence, comme une atteinte possible à l’article 7 de la Charte. De la même façon en l’espèce, bien que la décision concluant à l’irrecevabilité en vertu du sous-alinéa 46.01(1)e)(ii) de la Loi ne soit qu’indirectement liée à la mesure d’expulsion, elle n’en supprime pas moins le seul obstacle possible à la prise d’une mesure d’expulsion pure et simple, et comme telle elle contribue à la perte de la liberté et, il est possible, de la sécurité de la personne résultant de l’expulsion. [Non souligné dans l’original.]
Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
Avant de procéder à l’analyse de l’applicabilité de l’article 7 à la présente situation, il faut se reporter de nouveau à l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration). Il y est dit que c’est un principe fondamental du droit de l’immigration que les non-citoyens n’ont ni le droit d’entrer au Canada ni celui d’y demeurer[5]. L’intimé cite fréquemment cette remarque dans les affaires comme la présente. Je crains que la remarque ne soit quelque peu utilisée hors contexte. La Charte reconnaît le droit des citoyens d’entrer et de demeurer au Canada. En même temps, la Charte reconnaît que citoyens et non-citoyens, lorsqu’ils sont au Canada, jouissent de certains droits fondamentaux. L’un d’eux est le droit de ne pas être privé de la liberté ou de la sécurité de la personne si ce n’est en conformité avec les principes de justice fondamentale. La question n’est pas de savoir si le requérant peut être expulsé sans qu’il y ait violation de l’article 6 de la Charte; il peut clairement l’être. La question est de savoir si une partie du processus décisionnel, conduisant à l’expulsion, doit s’appliquer en conformité avec les principes de justice fondamentale visé à l’article 7.
Les dispositions législatives qui enfreignent les garanties conférées par l’article 7 sont invalides ou pour le moins sans effet. L’article 7 agit aussi de façon à régir les procédures auxquelles ont recours les décideurs lorsqu’ils exercent des pouvoirs décisionnels validement conférés, en vertu de dispositions législatives qui ne sont pas en elles-mêmes inconstitutionnelles. Je vais traiter en premier lieu des moyens contestant la validité du paragraphe 70(5).
Imprécision constitutionnelle du paragraphe 70(5)
J’en arrive aux moyens de l’avocat du requérant selon lesquels le paragraphe 70(5) est inconstitutionnellement vague parce qu’aucune norme de preuve applicable au processus décisionnel n’est exposée dans le texte de loi, aucun critère identifiable n’aide à déterminer la signification de l’expression « danger pour le public », et aucun cadre procédural n’est tracé dans la législation pour régir le processus décisionnel. C’est l’effet cumulatif de ces facteurs qui, dit-on, rend la disposition législative inconstitutionnellement vague.
Je me tourne en premier lieu vers les moyens relatifs à l’absence de norme de preuve. On fait valoir que la confusion créée par l’absence de norme statutaire précise ressort dans les diverses descriptions incompatibles de la norme applicable. L’avocat du requérant souligne que l’on se serait attendu, en l’absence de norme précise, à ce que la norme ordinaire en matière civile de la prépondérance des probabilités se soit appliquée. Cependant, dans l’arrêt Inthavong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 101 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst), à la page 9, le juge Muldoon a dit que la norme exigeait que « la personne en cause jugée en fonction de sa conduite passée et récente, représente un risque de danger très élevé » (non souligné dans l’original). Pour sa part, l’intimé dit à l’alinéa 24g) de son autre mémoire sur les questions à débattre que le ministre ou son délégué décide si [traduction] « dans les circonstances de l’affaire, l’intéressé, à son avis, constitue un danger pour le public » (non souligné dans l’original). L’avocat fait valoir qu’il semble là que le délégué du ministre applique un critère semblable à celui qui est appliqué dans les contrôles fondés sur des raisons d’ordre humanitaire. En dernier lieu, l’avocat du requérant soutient que, dans les lignes directrices[6] publiées par l’intimé, pour la gouverne des fonctionnaires ministériels, le décideur est incité à considérer les « personnes qui, à la suite de leurs actes, ont causé ou pourraient raisonnablement être présumées avoir causé … [des torts graves] » (non souligné dans l’original.) L’avocat remarque que cela ressemble au critère des « motifs raisonnables de croire ».
Je ne suis pas persuadée que les différentes descriptions du fardeau de la preuve indiquent autant d’incertitude que l’avocat du requérant le suggère. Les nouvelles dispositions législatives soulèvent toujours des incertitudes jusqu’à ce que la jurisprudence ait eu le temps de dissiper certaines d’entre elles. Je ne considère pas que la phrase [traduction] « dans les circonstances de l’affaire » se rapporte au fardeau de la preuve; je la vois plutôt comme étant reliée au contenu de la conclusion que l’intéressé constitue un danger pour le public.
En ce qui concerne le moyen fondé sur les lignes directrices, j’ai résumé celles-ci de la façon dont les comprend l’avocat du requérant. Elles sont en réalité libellées comme suit dans leur version anglaise :
Persons who as a result of their actions have caused or might reasonably be expected to have caused death or serious physical or psychological harm to persons and/or significant damage to property[7]. [Non souligné dans l’original.]
L’avocat estime que la partie soulignée renvoie à des attentes futures et déclare que le texte contient une erreur grammaticale, mais je ne suis pas convaincue que c’est le cas. Cette partie des lignes directrices dirige l’attention uniquement sur les événements passés. La version française est peut être plus claire :
Les personnes qui, à la suite des actes qu’elles ont posés, ont causé ou pourraient raisonnablement être présumées avoir causé la mort, des blessures ou des torts psychologiques graves à autrui ou des dommages importants à la propriété[8].
J’interprète les lignes directrices comme ordonnant aux décideurs de reconnaître tout d’abord les personnes qui ont commis certains types d’actes criminels (celles qui ont causé ou pourraient raisonnablement être présumées avoir causé le genre de préjudice décrit). Cela ne porte pas atteinte à la norme de preuve globale qu’il faut respecter lorsqu’il s’agit de décider si une personne constitue un danger pour le public. Cette norme, comme le souligne l’avocat, est, en l’absence de toute directive législative opposée, celle de la prépondérance des probabilités.
L’avocat du requérant, ayant à l’idée l’absence de critères applicables au processus décisionnel, déclare que l’imprécision des dispositions législatives est évident du fait que le Ministère a dû publier des lignes directrices à l’intention de ses fonctionnaires, pour permettre aux dispositions législatives d’avoir leur effet. Cependant, les lignes directrices ne font pas partie du cadre législatif. Elles ne sont pas impératives; elles ne sont pas exhaustives. Ces facteurs, affirme-t-on, illustrent l’imprécision des dispositions législatives. On a renvoyé à l’arrêt R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309. Dans cette affaire, les critères exposés dans le texte législatif applicable ont sauvé des brumes de l’imprécision inconstitutionnelle les dispositions en matière de détermination des peines d’une durée indéterminée du Code criminel [S.R.C. 1970, ch. C-34] relatives aux délinquants dangereux. Ces critères comprennent les exigences suivantes : l’infraction doit se rapporter à des sévices graves à la personne, elle doit comporter une peine possible de dix années, et un certain comportement doit exister qui est susceptible de continuer.
En dernier lieu, l’avocat remarque qu’il n’y a pas de procédure décisionnelle prescrite par un texte législatif. Une procédure a cependant été adoptée par les fonctionnaires, dont je parlerai plus tard.
Les principes à appliquer pour établir s’il y a une imprécision inconstitutionnelle sont énoncés dans l’arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606 et R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711. Une loi est inconstitutionnellement imprécise si elle l’est à tel point qu’il n’y a pas suffisamment d’indications pour permettre un débat judiciaire éclairé sur le contenu du concept en cause. Il doit y avoir suffisamment de précisions pour donner au citoyen un avertissement raisonnable et pour fournir une limitation du pouvoir discrétionnaire dans l’application de la loi :
Ce qui fait plus problème, ce ne sont pas tant des termes généraux conférant un large pouvoir discrétionnaire, que des termes qui ne donnent pas, quant au mode d’exercice de ce pouvoir, d’indications permettant de le contrôler. Encore une fois, une loi d’une imprécision inacceptable ne fournit pas un fondement suffisant pour un débat judiciaire; elle ne donne pas suffisamment d’indication quant à la manière dont les décisions doivent être prises, tels les facteurs dont il faut tenir compte ou les éléments déterminants[9].
Je ne puis conclure que le concept du « danger pour le public » est si imprécis qu’un débat judiciaire éclairé sur son contenu est impossible. Je note que l’avocat du requérant, lorsqu’il a fait des observations au ministre avant que soit rendue la décision fondée sur le paragraphe 70(5), a écrit que malgré l’absence de jurisprudence sur le critère à appliquer, il était tout de même possible de se guider sur des dispositions du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46] comme celles qui ont trait aux délinquants dangereux et les exigences applicables au cautionnement.
Je ne puis accepter l’argument de l’avocat selon lequel il existe une incertitude cumulative qui conduit à la conclusion que le paragraphe 70(5) est inconstitutionnellement imprécis.
Justice fondamentale, justice naturelle et la procédure utilisée
Comme on l’a noté, il n’existe aucun processus décisionnel requis par la législation à l’égard des décisions fondées sur le paragraphe 70(5). Les fonctionnaires ministériels ont pour pratique d’adresser un avis à celui qui est susceptible de faire l’objet d’une décision fondée sur le paragraphe 70(5), ainsi que la preuve documentaire sur laquelle celle-ci peut s’appuyer. L’intéressé dispose d’un délai de 15 jours pour répondre par écrit. Un fonctionnaire ministériel remplit alors une formule de recommandation et l’adresse à son gestionnaire, qui coche l’une de deux cases sur la formule pour indiquer s’il concourt ou non à la recommandation. Le décideur ultime est une troisième personne, désignée comme étant le délégué du ministre. (Il est intéressant de noter que dans le cas du requérant, bien que le gestionnaire ait signé la formule, rien n’indique qu’il ait donné son approbation.) La décision n’est jamais accompagnée de motifs.
La Cour d’appel fédérale a conclu que les procédures utilisées en application d’autres dispositions de la Loi, aux fins de déclarer qu’une personne constitue un danger pour le public, n’enfreignaient pas les principes de justice fondamentale. Dans l’arrêt Nguyen, précité, la question litigieuse portait sur une attestation signée par le ministre déclarant que la personne en cause constituait un danger pour le public. Cette attestation avait pour effet d’écarter toute possibilité d’examen de la revendication du statut de réfugié de la personne en cause. On a soulevé un certain nombre de moyens. Aux fins présentes, seuls ceux qui ont trait aux garanties procédurales de l’article 7 seront étudiés. La décision a été contestée au motif qu’une audition orale était nécessaire (un droit à la liberté étant en jeu) et au motif qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité parce que deux décisions avaient conclu que le requérant constituait un danger pour le public, l’une avant la publication des lignes directrices pour aider les délégués du ministre à rendre leur décision, et l’autre après la publication des lignes directrices. La Cour a déclaré que, strictement parlant, elle n’avait pas à traiter de ces observations parce que la décision contrôlée était celle d’un tribunal non habilité à se poser des questions sur la validité de l’attestation. Cependant, la Cour a ajouté qu’une audition orale n’était pas requise, et qu’elle ne comprenait pas pour quel motif on pouvait alléguer l’existence de préjugés.
Dans l’arrêt Chiarelli, la question litigieuse portait sur une décision du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, portant que l’intéressé était impliqué dans le crime organisé. L’équité de la procédure a été contestée parce que l’intéressé n’avait reçu qu’un résumé de certains éléments de preuve, qui avaient été recueillis à huis clos. Il n’avait pas reçu de transcription textuelle, ni le nom des informateurs. On a conclu qu’il ne s’agissait pas là d’une atteinte à la justice fondamentale parce qu’il avait reçu suffisamment de renseignements pour savoir ce qu’on lui reprochait; on lui a accordé une audition orale, le droit de citer des témoins et celui de contre-interroger les témoins de la GRC qui avaient témoigné à huis clos. Dans les circonstances, on a conclu qu’il n’y avait pas violation de l’article 7.
Dans la décision Hoang, précitée, il n’y avait aucune question relative à l’équité procédurale comparable à celle qui est soulevée en l’espèce. La personne en cause avait droit d’appel auprès de la Commission d’appel de l’immigration et elle avait exercé ce droit. Dans ce contexte, elle avait droit à une audition orale, le droit de citer des témoins et de recevoir les motifs de la décision rendue. L’arrêt Hurd c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 594(C.A.) portait aussi sur un appel d’une décision de la Commission d’appel de l’immigration, tout comme l’arrêt Canepa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 270(C.A.).
Je note également que bien qu’une procédure semblable à celle qui est utilisée dans les décisions ayant trait au danger pour le public fondées sur le paragraphe 70(5) ait été approuvée en vue de son utilisation dans les contrôles portant sur les raisons d’ordre humanitaire, voir Shah c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.), la nature de ces décisions est très différente de celle des conclusions relatives au danger pour le public. La Cour d’appel, dans l’arrêt Shah, a noté que lorsqu’il recherche à être dispensé des dispositions de la Loi pour des raisons d’ordre humanitaire, le requérant n’a pas à répondre à des allégations dont il faut lui donner avis; c’est plutôt à lui de convaincre la personne investie d’un pouvoir discrétionnaire qu’il doit recevoir un traitement exceptionnel et obtenir une dispense de l’application générale de la loi. Toutefois, lorsqu’il s’agit de décider si une personne constitue un danger pour le public, celle-ci doit réfuter la preuve réunie contre elle.
Dans les affaires citées par l’intimé, la Cour d’appel fédérale n’avait pas à traiter des arguments qui m’ont été soumis en l’espèce, et les faits portés à mon attention n’ont pas davantage été débattus dans ces affaires.
Analyse
C’est une règle de droit bien connue que les conditions applicables au respect de l’équité procédurale varient selon les circonstances et particulièrement selon les conséquences, pour l’intéressé, de la décision contrôlée. En l’espèce, comme on l’a noté plus haut, les conséquences sont considérables. Le requérant sera retiré de sa famille et renvoyé dans un pays où il n’a pas vécu depuis 20 ans, et qu’il a quitté âgé seulement de 9 ans. La Cour d’appel fédérale, selon mon interprétation de l’arrêt Nguyen, a qualifié le droit en cause de droit à la liberté. Même si j’interprète erronément cet arrêt, il reste que le processus décisionnel en question doit être interprété conformément aux dispositions de la Déclaration canadienne des droits, tout comme il doit respecter les principes de justice naturelle reconnus par la common law.
Les principes d’équité et de justice naturelle que reconnaît la common law se sont greffés comme une patine sur le pouvoir législatif du Parlement. Ils fournissent, en l’absence de toute disposition législative contraire, des normes qui doivent être respectées dans l’exercice du pouvoir décisionnel discrétionnaire et des procédures qui l’accompagnent. On présumait et on présume toujours que le législateur n’avait pas l’intention que le pouvoir discrétionnaire soit exercé sans égard à ces principes. La Déclaration canadienne des droits a renforcé cet impératif en prévoyant que les lois doivent être interprétées de cette façon. La Charte canadienne des droits et libertés a donné à ces principes un statut constitutionnel dans certaines circonstances.
Quatre aspects de la procédure décisionnelle utilisée sont particulièrement pertinents en l’espèce. Premièrement, bien que le texte législatif donne au ministre un pouvoir décisionnel, ce n’est en fait pas le ministre qui rend la décision. Un certain nombre de fonctionnaires ministériels rendent la décision en qualité de délégués du ministre. Lorsqu’il n’y a qu’un seul décideur, on peut s’attendre à une certaine constance dans la prise de décision. Il est plus difficile de s’attendre à la même constance en présence de plusieurs décideurs, investis d’un large pouvoir discrétionnaire.
Deuxièmement, rien n’indique que ces personnes jouissent de la moindre formation juridique, et cependant le concept du « danger pour le public » implique, au moins en partie, l’application d’une norme juridique, dont l’application résulte en un avis qui a des répercussions sur la liberté d’un individu. En l’espèce, je suis incapable de découvrir qui était l’ultime décideur. Une signature griffonnée apparaît sur la décision au-dessus de la mention [traduction] « délégué du ministre ». C’est cependant la décision de cette personne qui fait l’objet du présent contrôle. Je note que le requérant a tenu pour acquis dans sa demande que c’est l’agent d’immigration du premier niveau (Mme Stock) qui a rendu la décision finale. Ça ne semble pas être le cas.
Troisièmement, la décision semble être fondée sur une recommandation figurant dans un document préparé par ce que j’appellerai l’agent d’immigration du premier niveau, un document que le requérant ne voit jamais. La recommandation est alors approuvée par le gestionnaire de l’agent. La décision elle-même, cependant, est prise par un troisième fonctionnaire, le délégué du ministre. Il n’y a aucun moyen de savoir si l’ultime décideur considère réellement les observations du requérant directement. Il n’y a pas davantage moyen de savoir si le décideur considère aucune des pièces au dossier autre que la recommandation rédigée par l’agent du premier niveau.
Quatrièmement, alors que ces lignes directrices ont été rédigées à l’usage des décideurs, il est impossible de savoir si un critère approprié permettant d’établir si une personne constitue un danger pour le public a été appliqué dans un cas particulier. Une partie considérable du texte des lignes directrices rédigé par le Ministère s’intéresse presqu’exclusivement à l’acte criminel commis. Le profil sur lequel doivent se guider les fonctionnaires dans leur sélection initiale ne fait guère mention de la nécessité de déterminer s’il est vraisemblable qu’une personne constitue, ou constituera à l’avenir, un danger pour le public. Les lignes directrices préviennent les fonctionnaires que la simple perpétration d’une infraction ne suffit pas à faire intervenir la notion de « danger pour le public ». Cependant les facteurs énumérés ensuite comme étant pertinents à la décision, sauf un, se concentrent tous sur l’infraction ou les infractions commises, plutôt que sur la question de savoir si l’intéressé, au moment où est prise la décision ou par la suite, constituera un danger pour le public. Cinq facteurs à considérer sont énumérés : la nature de l’infraction (mettait-elle en cause de la violence, des armes, des narcotiques, des crimes sexuels); les circonstances de l’infraction (sa gravité, ce qui a mené à l’infraction); la peine imposée (elle aiderait à déterminer la gravité de l’incident); la récidive; les considérations d’ordre humanitaire. Les trois premières considérations se concentrent exclusivement sur l’infraction. Cette concentration est aussi illustrée ailleurs dans le texte des lignes directrices :
En général, la recommandation de l’agent ne devrait pas être en contradiction avec la décision du tribunal relativement à l’infraction, par exemple, lorsque le tribunal impose une amende et une peine d’incarcération minime, ou aucune incarcération. Cet élément est important pour éviter que les points de vue du tribunal et du ministère diffèrent complètement quant à déterminer si l’individu est un danger pour le public. Il faut toutefois se rappeler que la condamnation de l’individu et la sentence qui en découle ne reflètent pas toujours exactement les circonstances entourant le ou les crimes (p.ex., les cas de négociation de plaidoyer).
La conclusion de l’existence d’un danger pour le public vise l’avenir. Les directives enjoignant de tenir compte de la récidive se rapportent à une telle analyse et peut-être aussi, indirectement, les considérations d’ordre humanitaire, bien que celles-ci semblent en grande partie étrangères à la conclusion qu’il existe un danger pour le public. Ainsi, bien que les considérations soulignent correctement que la simple perpétration d’une infraction n’est pas déterminante, elles semblent alors fournir un cadre selon lequel c’est la gravité de l’infraction qui est largement déterminante. La conclusion fondée sur le paragraphe 70(5) exige la présence de deux composantes : une infraction grave et le danger pour le public que représente son auteur. L’existence de la première composante ne suffit pas à entraîner la seconde.
Dans leur ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action, (5e éd.) (Londres : Sweet & Maxwell, 1995), De Smith, Woolf et Jowell discutent, aux pages 462 à 465, de la mesure dans laquelle les principes de justice naturelle exigent qu’un décideur donne les motifs de sa décision. Selon cet ouvrage, il y a nécessité de donner des motifs lorsqu’une loi l’exige expressément ou implicitement, lorsqu’un droit d’appel existe sur un point de droit seulement et, dans des situations restreintes, lorsque des motifs sont importants pour établir si une action pour contrôle judiciaire peut être maintenue. On dit que cette dernière condition est remplie lorsque la question litigieuse revêt une telle importance pour l’intéressé qu’on ne peut lui donner une décision non motivée, comme si [traduction] « l’oracle distant s’était prononcé, et voilà tout[10] ».
Dans l’arrêt R. v. Civil Service Appeal Board, ex p Cunningham, [1991] 4 All E.R. 310 (C.A.), on a conclu que la Civil Service Appeal Board était tenue d’exposer les motifs de sa décision suffisamment pour montrer sur quoi elle s’était penchée et pour démontrer la légitimité de sa décision. On a conclu que la forme de la recommandation (c’est-à-dire la forme dans laquelle la décision était rendue) n’était pas moins assujettie aux exigences de la justice naturelle qu’aucune autre partie du processus décisionnel. La nécessité de donner des motifs découlait de la nature du tribunal en cause et de l’importance de la décision pour le requérant. Lord Donaldson, président de la cour d’appel, a dit à la page 319 :
[traduction] … la commission aurait dû donner des motifs suffisants pour montrer sur quoi elle avait dirigé son esprit et, de la sorte, faire entrevoir indirectement non pas si sa décision était bonne ou mauvaise, ce qui la concerne uniquement, mais si sa décision était légitime. Toute autre conclusion réduirait la commission à l’état de palmier pliant au gré du vent.
L’objection qu’avait la Commission à donner des motifs, qui est curieusement appuyée par les hauts fonctionnaires et le personnel, tient à ce que cela militairait contre le caractère informel du processus et inciterait à s’appuyer de façon indésirable sur un ensemble de précédents. Je trouve cela fort peu convaincant.
Dans l’arrêt Reg. v. Secretary of State for the Home Department, Ex parte Doody, [1994] 1 A.C. 531 (H.L.), se trouvait à l’étude une décision du ministre selon laquelle les prisonniers condamnés à vie pour meurtre pourraient être libérés après un délai précisé. En rendant sa décision, lord Mustill a écrit :
[traduction] Mes lords, je peux en outre parvenir à la même conclusion par un cheminement différent et plus familier, dont fournit un exemple récent l’arrêt Ex parte Cunningham [1991] 4 All E.R. 310. Si je comprends bien, il n’est pas contesté que la décision du ministre de l’Intérieur sur l’élément pénal est susceptible de contrôle judiciaire. Pour contester efficacement la décision, connaissant uniquement les faits propres à l’infraction et la longueur de la peine, le prisonnier n’a virtuellement aucun moyen de vérifier s’il s’agit d’un cas où le processus décisionnel a fait fausse route. J’estime important qu’il existe un moyen de détecter le genre d’erreur qui permettrait à la cour d’intervenir, et en pratique je considère nécessaire à cette fin que le raisonnement du ministre de l’Intérieur soit révélé[11].
J’ai été incapable de trouver une grande jurisprudence canadienne sur ce point, mais je note que le juge Strayer, dans l’arrêt Jamieson c. Commissaire aux Services correctionnels (1986), 51 C.R. (3d) 155 (C.F. 1re inst.) a exigé que des motifs soient donnés à un prisonnier, lui expliquant les raisons pour lesquelles il était transféré dans un autre établissement pénitentiaire, à sécurité accrue, ainsi que la possibilité de répliquer aux motifs. Les lignes directrices applicables indiquaient que les motifs devaient être fournis dans les dix jours de l’opposition du prisonnier à son transfèrement. Le juge Strayer a déclaré que bien que ces lignes directrices, en elles-mêmes, n’avaient pas d’effet juridique, elles n’en constituaient pas moins la norme d’équité procédurale exigée par la Charte. Cette décision n’est pas tout à fait pertinente parce que, même si on peut l’interpréter comme imposant l’obligation de donner les motifs d’une décision déjà prise, la décision de transférer un prisonnier peut être annulée ou ne pas être exécutée du tout si la réplique du détenu « aux motifs » est convaincante. Ainsi, la décision est l’application du principe selon lequel on doit révéler à l’intéressé ce qu’on lui reproche, et non l’application du principe selon lequel la justice naturelle exige, dans certaines circonstances, que des motifs soient donnés à l’égard d’une décision qui a déjà été prise.
Plus pertinente, peut-être, est la décision Taabea c. Le comité consultatif sur le statut de réfugié, [1980] 2 C.F. 316 (1re inst.). Dans cette affaire, l’obligation de révéler au requérant les motifs pour lesquels le ministre a conclu qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention était imposée. La loi n’obligeait pas à révéler les motifs, mais la Cour a conclu que dans les circonstances de l’affaire, les motifs pourraient révéler des éléments de preuve que le requérant ne connaîtrait pas autrement, et ces motifs seraient, de fait, révélés devant la Commission d’appel de l’immigration, lorsque le ministre présenterait ses moyens à la Commission. Par conséquent, on a conclu que l’équité exigeait la divulgation de ces motifs au requérant à un stade précoce des procédures au cours desquelles ils ont été recherchés. L’audition devant la Commission d’appel de l’immigration consistait en une nouvelle audition.
L’absence de jurisprudence à l’égard de la nécessité de fournir des motifs écrits au Canada peut exister parce que, dans la plupart des cas, lorsque des droits protégés par l’article 7 (ou même des droits moins importants) sont en jeu, la loi oblige à donner des motifs écrits. Donner des motifs sert plusieurs fins. Premièrement, et peut-être est-ce le plus important, les motifs donnent à l’intéressé l’assurance que ses observations ont été prises en considération (l’absence de motifs peut créer une désagréable impression d’injustice). Deuxièmement, les motifs fournissent un solide fondement permettant d’apprécier s’il y a lieu ou non d’en appeler de la décision ou de demander un contrôle judiciaire lorsque c’est là le recours approprié. Troisièmement, du point de vue de la Cour procédant au contrôle, certainement dans le cas d’un contrôle judiciaire, il est très difficile et souvent impossible, de savoir sur quel fondement repose une décision en l’absence de motifs. Les motifs ne revêtent pas la même importance lorsqu’il y a plein droit d’appel. Dans ces circonstances, la Cour qui procède au contrôle peut étudier tous les éléments de preuve et déterminer si, à son avis, les conclusions tirées sont entachées d’erreurs. Dans le cas d’un contrôle judiciaire, toutefois, la Cour procédant au contrôle adopte dès le départ la présomption qu’il faut accorder une déférence judiciaire aux décisions du décideur.
Toute personne a droit à une certaine assurance que tous les facteurs ont été pris en considération, et à la juste possibilité d’exercer son droit au contrôle judiciaire des décisions prises de façon inadéquate. Les motifs permettent à l’intéressé aussi bien qu’à la cour, dans le cadre du contrôle judiciaire, de savoir si le décideur a appliqué le critère légal approprié.
Le paragraphe 70(5) impose le respect de deux conditions : (1) l’intéressé doit avoir commis un acte criminel grave du type décrit; (2) le ministre (l’un de ses délégués) a formé l’opinion que l’intéressé constitue un danger pour le public au Canada. La seconde condition diffère de la première. En outre, la seconde condition est exprimée au présent et est tournée vers l’avenir. Bien que les individus dans la situation du requérant reçoivent copie des documents sur lesquels se fondera la conclusion qu’ils constituent un danger (habituellement des documents ayant trait à l’acte ou aux actes criminels commis), il peut ne pas être immédiatement évident pourquoi ces documents appuient la conclusion que les individus en cause constituent un danger présent ou futur pour le public. La déclaration de culpabilité initiale ne suffit pas nécessairement à étayer la présomption que la personne qui a purgé la peine sanctionnant l’acte criminel dont elle a été reconnue coupable constitue un danger pour le public.
Les circonstances de l’espèce sont telles que les principes de justice fondamentale, de justice naturelle et d’équité ne seront pas respectés si le requérant ne reçoit pas les motifs de la décision qui a été prise. Cela découle d’un certain nombre de considérations. Tout d’abord, les conséquences pour le requérant sont considérables. En second lieu, le processus décisionnel (passant par trois paliers de fonctionnaires de l’immigration) ne donne aucune assurance que le décideur ultime considère de fait directement les observations du requérant. Troisièmement, la lecture des lignes directrices publiées et de la preuve relative aux infractions du requérant qui ont constitué le fondement de la décision, ne montre pas clairement le raisonnement qui a motivé la conclusion que le requérant constitue un danger présent ou futur pour le public. Quatrièmement, en l’absence de motifs même brefs, une cour de révision ne peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, déterminer si les décideurs (les délégués du ministre) appliquent des critères pertinents et légitimes en décidant qu’un individu constitue un danger pour le public au Canada.
Je ne dis pas que dans tous les cas où le contrôle judiciaire est le seul type d’« appel » possible, des motifs doivent être donnés. Dans la plupart des cas, des motifs sont rendus. Tout ce que je dis, en l’espèce, c’est qu’étant donné la nature du droit du requérant et la nature de la procédure à plusieurs niveaux adoptée, et vu l’opacité du contrôle qui ne s’accompagne pas de motifs, la justice fondamentale, la justice naturelle et l’équité exigent que soient donnés des motifs.
Par les motifs exposés, la décision qui fait l’objet de ce contrôle judiciaire sera annulée et l’affaire sera renvoyée à des fins de réexamen conformément aux présents motifs. Les avocats, au début de l’audience, m’ont priée de ne pas rendre d’ordonnance à l’égard de cette demande avant qu’il y ait eu possibilité de traiter des observations ayant trait à la certification d’une question. Conséquemment, aucune ordonnance ne sera rendue avant le 28 octobre 1996. Si, à la fermeture du greffe à cette date, aucune observation n’a été faite à l’égard de la certification, je présumerai que la certification n’est pas demandée.
[1] L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 70(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (1.1) (édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 65), (2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (3) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), (3.1) (édicté par L.C. 1995, ch. 15, art. 13), (4) (mod., idem), (5) (édicté, idem), (6) (édicté, idem).
[2] 70 …
(5) Ne peuvent faire appel devant la section d’appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d’un arbitre :
a) appartiennent à l’une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d), et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;
b) relèvent du cas visé à l’alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;
c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d’une loi fédérale d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l’alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.
[3] L’affidavit du requérant en date du 5 juin 1996, mais voir la décision du juge Hawkins, qui mentionne le date de l’infraction comme étant le 24 septembre 1989—Dossier de la demande, à la p. 20.
[4] À la p. 732.
[5] Aux p. 714 et 715.
[6] Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de l’immigration : mise en œuvre du C-44, 1996.
[7] À la p. 25 du Immigration Manual, précité.
[8] Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de l’immigration : mise en œuvre du C-44, 1996, à la p. 28.
[9] R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, à la p. 642 (le juge Gonthier pour la Cour).
[10] Reg. v. Secretary of State for the Home Department, Ex parte Doody, [1994] 1 A.C. 531 (H.L.), à la p. 565.
[11] Voir à la p. 565.