[1996] 2 C.F. 483
T-2022-89
Le chef Victor Buffalo, agissant en son propre nom et au nom de tous les membres de la Bande et de la Nation des Indiens Samson et la Bande et de la Nation des Indiens Samson (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et Ministre des Finances (défendeurs)
T-1386-90
Le chef Jerome Morin, agissant en son nom et au nom de tous les membres de la bande des Indiens Enoch et des résidents de la réserve indienne no 135 de Stony Plain (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défenderesse)
T-1254-92
Le chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee, Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm, Brian Lee, Lester Fraynn, chef et conseillers élus de la Bande et de la Nation des Indiens Ermineskin, agissant en leur nom et au nom de tous les membres de la bande et de la Nation des Indiens Ermineskin (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada et l’honorable Thomas R. Siddon, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et l’honorable Donald Mazankowski, ministre des Finances (défendeurs)
Répertorié : Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada (1re inst.)
Section de première instance, juge MacKay— Calgary, 22 novembre 1995; Vancouver, 14 mars 1996.
Preuve — Demande d’ordonnance déclarant insuffisante une attestation déposée en vertu de l’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada et ordonnant la production de documents qui sont énumérés dans cette attestation — Dans les premiers affidavits qu’ils ont produits, les défendeurs n’ont pas affirmé que les documents bénéficiaient d’une dispense de production au motif qu’ils renfermaient des renseignements confidentiels du Cabinet — Dans leur affidavit modifié, ils ont énuméré 68 documents qui faisaient l’objet d’un examen en vue de déterminer s’ils pouvaient bénéficier de la protection prévue à l’art. 39 — Les documents étaient identifiées par leur date, une brève description de leur nature et le nom de l’expéditeur et celui du destinataire — Les défendeurs ont par la suite produit une attestation fondée sur l’art. 39 dans laquelle ils attestaient que 37 documents contenaient des renseignements confidentiels du Cabinet — Les documents y étaient décrits en des termes généraux qui reprenaient le libellé de l’art. 39(2) et qui n’avaient rien à avoir avec les chiffres qui leur avaient été antérieurement assignés dans les affidavits déjà produits — Interprétation restrictive de l’art. 39 — L’attestation n’est pas insuffisante sur le plan de la forme — Comme l’art. 39 n’assujettit la validité de l’attestation à aucune condition de forme particulière, la question de la forme relève du greffier du Conseil privé — L’attestation est insuffisante étant donné qu’elle ne permet pas d’identifier, que ce soit par numéro ou par détails descriptifs, les documents énumérés dans l’attestation et ceux qui sont énumérés dans les affidavits qui ont déjà été déposés — Cette lacune peut être corrigée en communiquant dans un délai raisonnable à l’avocat des demandeurs et au tribunal des renseignements permettant d’identifier les documents — L’attestation respecte par ailleurs les exigences de l’art. 39.
Couronne — Prérogatives — Sa Majesté agissant comme partie à un procès — Il s’agit de savoir si elle est toujours investie d’un reste de prérogative — Sa Majesté est chargée de protéger l’intérêt du public et de refuser la communication des renseignements confidentiels du Cabinet — Les dispositions des Règles de la Cour fédérale portant sur la communication préalable des documents s’appliquent à la Couronne — La Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif prévoit que, sauf disposition contraire de la loi en question et de ses règlements, les instances suivent les règles de pratique et de procédure du tribunal saisi — Aucune exception n’est prévue.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire préalable — Production de documents — Production de documents qui constitueraient des renseignements confidentiels du Cabinet et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une attestation fondée sur l’art. 39 qui permettrait d’en refuser la communication — Une fois qu’elle a été produite, l’attestation empêche la Cour d’exiger la communication des documents — Conformément à la Règle 448, qui exige la communication intégrale en obligeant les parties à déposer un affidavit énumérant tous les documents pertinents dont elles ont connaissance, Sa Majesté doit, tant en ce qui concerne les documents pour lesquels un privilège est invoqué que pour ceux pour lesquels aucun privilège n’est revendiqué, déposer un ou plusieurs affidavits comprenant « des listes … et des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l’affaire en litige » — Dans le cas de chacun des documents pour lesquels un privilège est invoqué, Sa Majesté doit exposer le fondement de chaque revendication de privilège à l’égard d’un document — L’art. 39 ne prévoit pas la remise des documents déjà produits.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire préalable — Interrogatoire préalable — Production de documents qui constitueraient des renseignements confidentiels du Cabinet et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une attestation fondée sur l’art. 39, lequel permettrait d’en refuser la communication — Seule l’attestation produite conformément à l’art. 39 empêche la Cour d’ordonner la communication de renseignements confidentiels en répondant aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable — L’attestation empêche la communication une fois qu’elle a été produite — L’opposition aux questions relatives à un document qui n’a pas encore fait l’objet d’une attestation au motif que les réponses qui seraient données révéleraient des renseignements confidentiels du Cabinet doit être confirmée dans un délai raisonnable par une attestation produite en vertu de l’art. 39.
Il s’agit d’une demande visant à obtenir une ordonnance déclarant qu’une attestation déposée en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada est insuffisante, ordonnant la production des documents qui y sont énumérés et enjoignant aux témoins des défendeurs interrogés lors des interrogatoires préalables de répondre aux questions relatives aux documents qui ont été produits mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une attestation fondée sur l’article 39. Les défendeurs demandent à la Cour d’ordonner aux demandeurs de leur remettre les documents produits qui ont par la suite fait l’objet d’une attestation déposée en vertu de l’article 39.
L’article 39 prévoit que le tribunal doit refuser la divulgation d’un renseignement, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, lorsqu’un ministre de la Couronne ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation de ce renseignement en attestant par écrit qu’il constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada (le Cabinet). Le paragraphe 39(2) précise ce qui constitue un renseignement confidentiel. L’alinéa 39(4)a) soustrait à l’attestation les renseignements confidentiels du Cabinet dont l’existence remonte à plus de 20 ans.
Les demandes se rapportent à de présumées violations d’obligations remontant à une cinquantaine d’années. Les parties ont mis au point un processus permanent de production de documents dans le cadre duquel elles prévoyaient produire une série d’affidavits. Dans les premiers affidavits qu’ils ont produits, les défendeurs n’ont pas affirmé que les documents ne devaient pas être produits au motif qu’ils renfermaient des renseignements confidentiels du Cabinet. Par la suite, l’avocat des défendeurs s’est aperçu que certains documents, dont quelques-uns avaient déjà été communiqués aux demandeurs, devaient être retenus, étant donné qu’ils renfermaient des renseignements confidentiels du Cabinet. Dans l’affidavit modifié qu’ils ont déposé, ils ont énuméré quelque 68 documents qui faisaient l’objet d’un examen en vue de déterminer s’ils pouvaient bénéficier de la protection prévue à l’article 39. Cette liste précisait la date de chaque document, donnait une brève description de la nature du document et indiquait le nom de l’expéditeur et celui du destinataire. Dans l’attestation qu’ils ont par la suite produite en vertu de l’article 39, les défendeurs attestaient que 37 documents contenaient des renseignements confidentiels du Cabinet. Aucun des renseignements descriptifs détaillés contenus dans les listes antérieures n’y était donné au sujet des documents, qui y étaient décrits en des termes généraux qui reprenaient le libellé des divers alinéas du paragraphe 39(2) de la Loi. Les chiffres inscrits sur la liste n’avaient rien à voir avec les chiffres antérieurement assignés aux documents dans les affidavits déjà produits. Les demandeurs n’étaient pas en mesure de déterminer lesquels des documents qui avaient été initialement inscrits comme pertinents faisaient l’objet d’une revendication fondée sur l’article 39, et l’attestation n’était d’aucune utilité pour la Cour. Aucun des 37 documents n’a été communiqué.
Les questions en litige sont celles de savoir : (1) si l’article 39 devrait être interprété de façon restrictive; (2) si la Couronne était, en tant que partie au procès, assujettie aux exigences des Règles de la Cour fédérale en ce qui concerne les délais ou la production de documents; (3) si l’attestation produite en vertu de l’article 39 était suffisante tant sur le plan de la forme que du fond; (4) si les demandeurs avaient le droit d’interroger au préalable des représentants des défendeurs relativement aux renseignements contenus dans les documents qui avaient été produits mais qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une attestation en vertu de l’article 39.
Jugement : la requête doit être accueillie en partie.
(1) L’article 39 devrait être interprété de façon restrictive. Le législateur fédéral a limité la portée de l’immunité de la Couronne en permettant d’intenter des poursuites contre Sa Majesté et en tempérant le caractère absolu de l’immunité d’ordre public de la Couronne en matière de preuve.
(2) Les dispositions des Règles de la Cour fédérale relatives à la communication préalable des documents s’appliquent à Sa Majesté lorsqu’elle agit comme partie au procès. En ce qui a trait à la communication préalable des documents, la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, modifiée en 1990, prévoit que, sauf disposition contraire de la Loi en question ou de ses règlements, les instances suivent les règles de pratique et de procédure du tribunal saisi. La Loi ne prévoit aucune exception aux Règles en ce qui concerne Sa Majesté, lorsqu’elle agit à titre de partie au procès. Ainsi, conformément à l’article 448 des Règles — qui exige la communication intégrale en obligeant chaque partie à déposer un affidavit énumérant tous les documents pertinents dont elle a eu connaissance —, Sa Majesté doit, tant en ce qui concerne les documents pour lesquels un privilège est invoqué que pour ceux pour lesquels aucun privilège n’est revendiqué, déposer un ou plusieurs affidavits comprenant « des listes … et des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l’affaire en litige ». En outre, dans le cas de chacun des documents pour lesquels un privilège est invoqué, Sa Majesté doit exposer le fondement de chaque revendication de privilège à l’égard d’un document.
(3) L’attestation n’était pas insuffisante sur le plan de la forme. L’article 39 n’assujettit la validité de l’attestation à aucune condition de forme particulière. La question de la forme de l’attestation relève donc du greffier, à condition qu’on puisse aisément l’identifier comme une attestation prévue par l’article 39.
Quant aux vices de fond, l’attestation est insuffisante, étant donné qu’elle ne permet par d’identifier — que ce soit par numéro ou par détails descriptifs — les documents énumérés dans l’attestation et ceux qui sont énumérés dans les affidavits qui ont déjà été déposés. Les défendeurs peuvent corriger cette lacune en communiquant à l’avocat des demandeurs et au tribunal des renseignements permettant d’identifier les documents qui font l’objet de la présente attestation. Si les renseignements qui permettent d’identifier les 37 documents visés par l’attestation en fonction des documents inclus dans des listes déjà produites ne sont pas communiqués aux avocats des parties dans un délai raisonnable fixé par les avocats d’un commun accord ou, à défaut d’entente, par la Cour, les défendeurs communiqueront sans délai les documents en question aux demandeurs.
L’attestation satisfait par ailleurs aux exigences de l’article 39 et des Règles de la Cour. L’attestation précise que les documents constituent [traduction] « des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada pour les motifs exposés dans l’annexe jointe à la présente » (qui est la liste des documents qui sont décrits en des termes généraux qui reprennent le libellé des dispositions applicables du paragraphe 39(2)). Le texte de l’attestation est en grande partie identique à celui que la Cour d’appel a approuvé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Central Cartage et les différences qui existent ne justifient pas en elles-mêmes de conclure que l’attestation est insuffisante.
Dans l’attestation, la greffière atteste que l’alinéa 39(4)a) de la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique pas, étant donné que l’existence d’aucun d’entre eux ne remonte à plus de vingt ans. Les demandeurs soutiennent que l’existence des renseignements contenus dans un document peut remonter à plus de vingt ans même si le document lui-même ne remonte pas à vingt ans. En raison de la définition contenue au paragraphe 39(2), le législateur fédéral voulait permettre l’opposition à la divulgation de renseignements que l’on trouve dans les types de documents qui y sont décrits, et non à la divulgation de tout type de renseignements en général. Pour l’application des alinéas 39(4)a) et b), l’attestation qui a été déposée en l’espèce satisfait aux exigences de la loi, en raison de la définition de l’expression « renseignement confidentiel » prévue au paragraphe 39(2).
Les demandeurs affirment par ailleurs que l’attestation devrait indiquer clairement que l’existence des renseignements ne remontera pas à plus de vingt ans lors de l’instruction des présentes actions. On ne peut appliquer le paragraphe 39(4) qu’en fonction de la date de l’attestation par laquelle on s’oppose à la divulgation, et non en fonction de la date future incertaine à laquelle il se peut que le procès se termine. En ce sens, l’attestation satisfait aussi aux exigences de la loi. La date à laquelle un document qui renfermerait des renseignements constituant des renseignements confidentiels du Cabinet « atteint » l’âge de vingt ans s’imposerait d’elle-même, permettant ainsi à la partie qui s’est déjà vu refuser la communication d’un renseignement de le réclamer plus tard, si l’existence de ce renseignement confidentiel en vient à remonter à plus de vingt ans avant la fin du procès.
(4) Une attestation faite conformément à l’article 39 de la Loi peut être déposée en tout temps avant ou après la communication des documents au moyen d’affidavits ou par la production des documents eux-mêmes, et avant que l’on réponde aux questions posées à leur sujet lors de l’interrogatoire préalable. Exception faite de circonstances très exceptionnelles, le dépôt d’une attestation empêche effectivement la Cour d’examiner par la suite les renseignements ou d’ordonner leur divulgation. Cependant, seule l’attestation qui est conforme à l’article 39 peut empêcher la Cour d’ordonner la divulgation en prescrivant la production des documents ou en ordonnant aux témoins de répondre aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable.
La Cour ordonne aux représentants des défendeurs de répondre aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable dans la mesure où les réponses qu’ils donnent n’ont pas pour effet de révéler des renseignements constituant des renseignements confidentiels du Cabinet. Si les réponses sont réputées exiger la révélation de tels renseignements, toute opposition qui ne se rapporte pas à un document faisant déjà l’objet d’une attestation peut régulièrement être confirmée par son inclusion dans une attestation faite conformément à l’article 39 de la Loi et déposée dans un délai raisonnable.
L’article 39 lui-même ne renferme aucune disposition en ce qui concerne la remise des documents qui ont déjà été produits. Tous les documents qui sont produits sont assujettis à l’engagement implicite de ne les utiliser que pour la présente action. Ils sont également assujettis à l’ordonnance de confidentialité déjà prononcée dans la présente instance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, ch. E-10, art. 36.3 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, art. 4).
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37, 38, 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 5).
Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), art. 27 (mod., idem, art. 31), 34 (mod., idem, art. 32).
Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.C. 1952-53, ch. 30.
Règlement sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (tribunaux provinciaux), DORS/91-604.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 447 (mod. par DORS 90/846, art. 15), 448 (mod., idem), 449 (mod., idem), 450 (mod., idem), 451 (mod., idem), 452 (mod., idem), 453 (mod., idem), 454 (mod., idem), 455 (mod., idem), 456 (mod., idem), 457 (mod., idem), 458 (mod., idem), 459 (mod., idem), 460 (mod., idem), 461 (mod., idem), 462 (mod., idem), 463 (mod., idem), 464 (mod., idem), 465 (mod., idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Puddister Trading Co. et al. c. Canada et al. (1995), 95 F.T.R. 92 (C.F. 1re inst.); Canadian Assn. of Regulated Importers c. Canada (Procureur général), [1992] 2 C.F. 130 (1991), 87 D.L.R. (4th) 730; 135 N.R. 217 (C.A.); S.I.D.M. c. Canada, [1989] 1 C.F. 444(1re inst.).
DISTINCTION FAITES AVEC :
Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (1990), 71 D.L.R. (4th) 253; 45 Admin. L.R. 1; 109 N.R. 357 (C.A.); Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine, [1985] 2 C.F. 293 (1985), 58 N.R. 295 (C.A.); Leeds et al. v. Alberta (Minister of Environment) et al. (1990), 106 A.R. 105; 69 D.L.R. (4th) 681; 43 L.C.R. 145 (B.R.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637; (1986), 58 O.R. (2d) 352; 35 D.L.R. (4th) 161; 22 Admin. L.R. 236; 30 C.C.C. (3d) 498; 14 C.T.C. (2d) 10; 72 N.R. 81; 20 O.A.C. 81; Smith, Kline & French Laboratories Limited c. Procureur général du Canada, [1983] 1 C.F. 917 (1983), 38 C.P.C. 182; 76 C.P.R. (2d) 192 (1re inst.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES :
Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762 (1995), 125 D.L.R. (4th) 294; [1995] 3 C.N.L.R. 18; 184 N.R. 139 (C.A.); R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; (1990), 70 D.L.R. (4th) 385; [1990] 4 W.W.R. 410; 46 B.C.L.R. (2d) 1; 56 C.C.C. (3d) 263; [1990] 3 C.N.L.R. 160; 111 N.R. 241; Air Canada v Secretary of State for Trade (No 2), [1983] 1 All ER 910 (H.L.); Makanjuola v Comr of Police of the Metropolis, [1992] 3 All ER 617 (C.A.).
DEMANDE d’ordonnance déclarant qu’une attestation délivrée en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada est insuffisante, ordonnant aux défendeurs de communiquer certains documents énumérés dans l’attestation et enjoignant aux témoins des défendeurs interrogés lors des interrogatoires préalables de répondre aux questions relatives aux documents qui sont produits mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une attestation. La demande est accueillie en partie.
AVOCATS :
James A. O’Reilly pour les demandeurs dans T-2022-89.
Edward H. Molstad, c.r. pour les demandeurs dans T-2022-89.
Judy D. MacLachlan pour les demandeurs dans T-2022-89.
Personne n’a comparu pour les demandeurs dans T-1386-90.
Malcolm O. Maclean pour les demandeurs dans T-1254-92.
Alan Macleod, c.r., Mary E. Comeau et Mark E. Tysowski pour les défendeurs.
Barbara S. Ritzen et Eric A. Bowie pour les défendeurs.
PROCUREURS :
O’Reilly & Associés, Montréal, pour les demandeurs dans T-2022-89.
Parlee McLaws, Edmonton, pour les demandeurs dans T-2022-89.
Rae & Company, Calgary, pour les demandeurs dans T-2022-89.
Biamonte, Cairo & Shortreed, Edmonton, pour les demandeurs dans T-1386-90.
Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour les demandeurs dans T-1254-92.
Macleod Dixon, Calgary, pour les défendeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
Le juge MacKay :
Questions concernant une attestation fondée sur l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada
La Bande et la Nation des Indiens de Samson agissent à titre de demanderesses dans une action (T-2022-89) qui est examinée en vue d’être instruite conjointement avec deux autres actions dont l’audition simultanée a déjà été ordonnée. Elles demandent à la Cour de déclarer que l’attestation qui a été délivrée et déposée en l’espèce en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada[1] (la Loi) est insuffisante et d’ordonner aux défendeurs de leur communiquer certains documents énumérés dans l’attestation.
Les demanderesses sollicitent également une ordonnance enjoignant aux témoins des défendeurs qui sont interrogés lors des interrogatoires préalables de répondre aux questions relatives aux documents qui sont produits dans les actions en question et qui, dans certains cas, sont déjà cotés et qui n’ont pas fait l’objet d’une attestation portant, en vertu de l’article 39, qu’ils constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
Les demandeurs dans le dossier T-1386-90 (la Bande d’Enoch) et les demandeurs dans le dossier T-1254-92 (la Bande d’Ermineskin) appuient les prétentions formulées par les demandeurs dans le dossier T-2022-89, étant donné que les documents et les témoignages recueillis lors de l’enquête préalable sont en règle générale pertinents aux trois actions.
Dans leurs observations écrites, les défendeurs formulent de la façon suivante les questions litigieuses soulevées par la requête en ce qui concerne l’article 39 de la Loi :
[traduction]
1. Lorsque des documents ont été énumérés dans un affidavit, mais qu’aucune copie n’en a été fournie à l’avocat de la partie adverse et que ces documents font par la suite l’objet d’une attestation fondée sur l’article 39, cette attestation a-t-elle pour effet d’empêcher la divulgation des renseignements que ces documents contiennent?
2. Lorsque des documents ont été énumérés dans un affidavit et que des copies en ont été fournies à l’avocat de la partie adverse, et que l’on découvre par la suite qu’ils contiennent des renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada (ci-après appelés « renseignements confidentiels du Cabinet »), les documents en question peuvent-ils par la suite faire l’objet d’une attestation fondée sur l’article 39, et, dans l’affirmative, quel est l’effet de cette attestation? Plus précisément, le déposant de Sa Majesté est-il tenu de répondre aux questions qui lui sont posées lors de l’interrogatoire préalable au sujet des renseignements contenus dans ces documents?
En plus des questions litigieuses qui viennent d’être exposées et de celles qui découlent implicitement de la requête des demandeurs, d’autres questions ont été soulevées au cours du débat qui a eu lieu lors de l’audition de la requête. Ainsi, les défendeurs demandent à la Cour d’ordonner aux demandeurs de leur remettre les documents produits qui font par la suite l’objet d’une attestation déposée en vertu de l’article 39 de la Loi. Il y a des divergences de perception en ce qui concerne les exigences auxquelles l’attestation prévue à l’article 39 de la Loi est assujettie, eu égard aux circonstances des présentes affaires, ainsi que des divergences au sujet de l’effet de cette attestation sous le régime de la Loi. Je me propose de traiter des questions qui ont été soulevées lors de l’audition de la requête. Je les analyserai en fonction des principes sous-jacents, de la suffisance de l’attestation produite et de l’application de l’article 39 aux documents déjà produits. Je ne procéderai à cette analyse qu’après avoir donné une vue d’ensemble de la genèse de l’instance, du libellé de l’article 39 et de l’attestation qui a été déposée en l’espèce.
Genèse de l’instance
Le début de l’instruction des trois présentes actions est, à l’heure actuelle, prévu pour le printemps 1997. Dans ces actions, les demandeurs réclament divers types de réparations à Sa Majesté la Reine et à certains de ses préposés. Les demandes portent sur de présumés abus de confiance et violations d’obligations fiduciaires relatifs à la gestion de ressources en pétrole et en gaz situées sur les terres des réserves respectives des trois bandes demanderesses (les questions relatives aux pétrole et au gaz), à la gestion des recettes tirées des redevances provenant de ces ressources (les questions relatives à la gestion des sommes d’argent) et à la fourniture de services aux trois bandes (les questions relatives aux programmes et aux services). Les demandes se rapportent à de présumées violations d’obligations remontant à une cinquantaine d’années, c’est-à-dire entre le milieu et la fin des années quarante.
La nature de ces demandes, qui s’étendent sur de nombreuses années, pose des difficultés majeures en ce qui concerne la production des documents conformément aux Règles de la Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663]. C’est particulièrement le cas des défendeurs, qui ont découvert assez rapidement qu’il leur fallait examiner les dossiers de plusieurs ministères et organismes gouvernementaux. Grâce aux directives que la Cour a données, à l’initiative du juge en chef adjoint, au sujet de la gestion du dossier, les parties ont mis au point un processus continu de production de documents dans le cadre duquel elles prévoyaient produire une série d’affidavits. Les avocats de Sa Majesté et celui des autres défendeurs ont mis au point des processus pour faciliter la production de documents afin d’aider toutes les parties et de respecter la procédure préparatoire au procès de la Cour. Il s’agit d’une tâche considérable car, comme Gregor MacIntosh l’a fait remarquer dans l’affidavit qu’il a souscrit et qui a été déposé le 20 octobre 1994, le système informatique mis au point pour gérer les documents dans les présentes actions contenait, à la date en question, 50 000 documents provenant de dossiers situés à Ottawa, Calgary et Edmonton.
Ainsi, par exemple, après que les premiers affidavits eurent été déposés au printemps 1994 conformément aux directives de la Cour, la communication des documents et la production de copies ont été entreprises et effectuées au fur et à mesure que les documents devenaient disponibles et qu’ils étaient traités par l’avocat des défendeurs. Ce processus a permis de commencer les interrogatoires préalables avant que tous les documents ne soient produits. Ainsi que nous le soulignons plus loin, des affidavits supplémentaires ont depuis lors été produits conformément aux directives de la Cour, et le processus de production des documents est toujours en cours.
Conformément aux directives données par la Cour, des affidavits ont d’abord été produits par les défendeurs le 3 mars 1994, relativement aux questions concernant la gestion des sommes d’argent, le 30 mars 1994, pour les questions relatives au pétrole et au gaz, et le 15 juin 1994, à l’égard des questions relatives aux programmes et aux services. Dans ces affidavits, aucune limite ou réserve n’est exprimée en vertu de l’article 39 de la Loi en ce qui concerne la divulgation de renseignements. En d’autres termes, on n’y affirme pas que les documents ne doivent pas être divulgués au motif qu’ils renferment des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine.
Sur le nombre de documents qui, selon les affidavits initiaux, seraient pertinents, plus d’un millier ont fait l’objet d’une revendication du privilège du secret professionnel de l’avocat. Après que les affidavits eurent été déposés, l’avocat des défendeurs s’est aperçu que certains documents, dont quelques-uns avaient déjà été communiqués aux demandeurs, devaient être retenus et ne pas être produits dans l’action, étant donné qu’après examen, on avait découvert qu’ils renfermaient des renseignements confidentiels du Cabinet et qu’il fallait s’opposer à leur divulgation en vertu de l’article 39 de la Loi.
Les parties n’ont pas réussi, après le dépôt des premiers affidavits, à résoudre leurs différends au sujet de la production des documents qui faisaient l’objet d’une revendication de privilège ou qui étaient susceptibles d’être visés par l’article 39. Après avoir entendu les avocats, j’ai, le 9 septembre 1994, ordonné aux défendeurs de déposer au plus tard le 20 octobre 1994 un ou plusieurs affidavits modifiés qui indiqueraient notamment[2], à une annexe IIB, tous les documents déjà énumérés et par la suite communiqués
[traduction] … à l’égard desquels un privilège est revendiqué conformément à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada en vertu d’une attestation déposée conformément à cet article au plus tard le 20 octobre 1994, à défaut de quoi, les documents qui auraient pu faire l’objet d’une revendication de privilège en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada seront produits sans délai.
Cette ordonnance a été portée en appel, mais pas en ce qui concerne les directives concernant la délivrance d’une attestation fondée sur l’article 39. Entre parenthèses, dans la décision de la Cour d’appel, les juges MacGuigan et Décary ont fait remarquer que les directives données au sujet de la conformité à l’article 39 de la Loi n’avaient pas été portées en appel[3].
Un affidavit modifié a été déposé le 20 octobre 1994. À l’annexe IIB de cet affidavit, l’auteur de l’affidavit des défendeurs, M. MacIntosh, énumère quelque 68 documents qui font l’objet d’un examen pour déterminer [traduction] « s’ils sont susceptibles de bénéficier de la protection prévue à l’article 39 » de la Loi. Il n’a pas été possible de terminer cet examen et de produire une attestation conformément à cet article avant le 20 octobre. La date limite de la production de l’attestation a alors été repoussée à nouveau aux termes d’ordonnances prorogeant d’abord ce délai au 30 novembre 1994, puis au 16 décembre 1994. À cette dernière date, une attestation a été produite en vertu de l’article 39 pour certifier que 37 documents renfermaient des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et qu’ils ne devaient pas être divulgués.
La production de documents est constante, particulièrement de la part des défendeurs. Ainsi, après que les premiers affidavits eurent été produits, la procédure suivie par les défendeurs a permis à ces derniers de produire d’autres documents au fur et à mesure qu’ils les traitaient, indépendamment de leur inclusion ou de leur non-inclusion dans les premiers affidavits. On s’attendait ainsi à ce que les documents qui n’avaient pas déjà été inclus dans une liste jointe à un affidavit soient inclus dans des affidavits supplémentaires. Conformément aux directives de la Cour, l’affidavit modifié a été déposé le 20 octobre 1994, l’attestation a été produite conformément à l’article 39 le 16 décembre 1994 et des affidavits supplémentaires ont été déposés en décembre 1995. On s’attend à ce que d’autres affidavits supplémentaires soient produits, étant donné que la production des documents n’est pas encore terminée.
La procédure suivie par les défendeurs pour la communication de documents a été modifiée après la fin de 1994. Désormais, ce n’est qu’après qu’ils ont été examinés au préalable par des préposés de la Couronne chargés de repérer et de retenir les documents dont ils estiment qu’ils contiennent des renseignements qui ne doivent pas être divulgués en vertu de l’article 39 de la Loi que les documents sont communiqués à l’avocat des défendeurs en vue d’être classés en fonction des questions soulevées, d’être introduits dans le système informatique et, finalement, d’être communiqués aux demandeurs. Précédemment, l’examen préalable des renseignements considérés comme constituant des renseignements confidentiels du Cabinet au sens de l’article 39 n’avait lieu qu’après que les documents avaient déjà été énumérés dans les premiers affidavits ou qu’ils avaient autrement été communiqués aux demandeurs. En conséquence, si j’ai bien compris, les défendeurs laissent maintenant entendre qu’il y aura une ou plusieurs autres attestations fondées sur l’article 39 en ce qui concerne des documents qui ont été communiqués aux demandeurs avant décembre 1994 et qui ne sont pas inclus dans la seule attestation qui a été produite jusqu’à maintenant. L’avocat des défendeurs croit que les documents qui ont été produits après décembre 1994 ne devraient pas inclure de renseignements qui peuvent faire l’objet d’une revendication de privilège en vertu d’une attestation fondée sur l’article 39.
Ainsi que je l’ai déjà signalé, dans l’affidavit déposé le 20 octobre conformément aux directives de la Cour, l’auteur de l’affidavit des défendeurs énumère 68 documents qui faisaient alors l’objet d’un examen en vue de déterminer s’ils pouvaient bénéficier de la protection prévue à l’article 39 de la Loi. Cette liste, que l’on trouve à l’annexe IIB de l’affidavit, précise la date de chaque document, donne une brève description de la nature du document, indique le nom de l’expéditeur et celui du destinataire, le tout d’une manière qui ressemble à celle qui aurait été utilisée pour identifier le document en question dans les affidavits originaux. Chaque document énuméré à cette annexe IIB de l’affidavit du 20 octobre 1994 porte la note suivante : [traduction] « Ce document est protégé en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada ». Dans les listes originales, il aurait été indiqué que la plupart de ces 68 documents étaient pertinents et qu’ils pouvaient être produits, à l’exception de quelques-uns d’entre eux qui auraient été considérés comme protégés. Aucun des renseignements descriptifs détaillés contenus dans les listes antérieures n’est donné au sujet des documents énumérés à l’annexe A de l’attestation que la greffière du Conseil privé a produite en vertu de l’article 39 en décembre 1994. Comme nous le verrons, les documents y sont décrits en des termes généraux qui correspondent au libellé des divers alinéas du paragraphe 39(2) de la Loi. Or, cette description n’a tout simplement rien à voir avec les descriptions antérieures de documents contenues dans les affidavits originaux, ni avec les chiffres antérieurement assignés aux documents dans le système de consignation des documents des défendeurs. Il s’agit là d’un facteur qui amène les demandeurs à soutenir que la présente attestation est insuffisante. J’ajoute qu’au vu de l’attestation signée en vertu de l’article 39, il est impossible de déterminer si les documents qui y sont énumérés ont déjà été communiqués aux demandeurs.
À l’audition de la présente demande, on a clarifié certains des facteurs qui étaient connus de l’avocat des défendeurs mais qui n’étaient pas connus des autres avocats et qu’on ne pouvait discerner à la lecture de l’attestation et des affidavits déjà produits. Ces facteurs permettent d’éclaircir les circonstances et ils font ressortir certains aspects des présents motifs. Ainsi, on a confirmé à l’audience que les 37 documents énumérés dans l’annexe de l’attestation fondée sur l’article 39 sont tous des documents qui font partie des 68 documents énumérés à l’annexe IIB de l’affidavit déposé le 20 octobre 1994. Aucun des 37 documents énumérés dans l’attestation n’a été communiqué aux demandeurs, mais ils ont été inclus dans les listes originales de documents, où ils sont décrits en détail, ainsi que dans l’annexe IIB de l’affidavit du 20 octobre 1994, avec, comme nous l’avons déjà dit, tout autant de détails. Les défendeurs ont depuis lors produit—ou ont l’intention de produire—aux demandeurs les 31 autres documents qui sont énumérés à l’annexe IIB de cet affidavit et qui ne sont pas mentionnés dans la liste jointe à l’attestation de la greffière, sauf ceux qui sont par ailleurs classés comme faisant l’objet d’une revendication du privilège du secret professionnel de l’avocat.
Pour résumer, l’attestation qui a été déposée en décembre 1994 en vertu de l’article 39 comprenait 37 documents qui renfermaient des renseignements constituant des renseignements confidentiels du Conseil privé de Sa Majesté pour le Canada. Aucun de ces documents n’a été communiqué aux demandeurs, mais ils sont nommés dans les affidavits, avec des détails descriptifs minimes.
Dispositions législatives applicables[4]
La Loi autorise dans les termes suivants la non-divulgation d’éléments de preuve concernant des renseignements relatifs à des communications confidentielles du Cabinet :
39. (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
(2) Pour l’application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s’entend notamment d’un renseignement contenu dans :
a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;
b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;
c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;
d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;
e) un document d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);
f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.
(3) Pour l’application du paragraphe (2), « Conseil » s’entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.
(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas :
a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l’existence remonte à plus de vingt ans;
b) à un document de travail visé à l’alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.
L’attestation
En l’espèce, l’attestation qui a été déposée en vertu de l’article 39 de la Loi porte la signature de la greffière du Conseil privé, Jocelyne Bourgon. Elle est constituée d’une attestation et d’une annexe où sont énumérés 37 documents qui y sont décrits. Voici le texte de l’attestation même :
[traduction]
A T T E S T A T I O N
Je, soussignée, Jocelyne Bourgon, domiciliée en la ville d’Ottawa, dans la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, dans la province d’Ontario, atteste ce qui suit :
1. Je suis la greffière du Conseil privé de la Reine pour le Canada et secrétaire du Cabinet.
2. J’ai personnellement examiné attentivement les documents énumérés à l’annexe A jointe à la présente en vue de déterminer s’ils renferment des renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada au sens de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5.
3. J’atteste à la Cour, en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, que tous les documents mentionnés dans l’annexe en question constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada pour les motifs exposés dans l’annexe jointe à la présente et je m’oppose à la divulgation des documents en question et des renseignements qui y figurent.
4. J’atteste en outre à la Cour que l’alinéa 39(4)a) de la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique à aucun de ces documents, étant donné que l’existence d’aucun d’entre eux ne remonte à plus de vingt ans et j’atteste que l’alinéa 39(4)b) de la Loi en question ne s’applique à aucun de ces documents.
5. Si l’on tentait de faire entendre des témoins au sujet du contenu des documents à la divulgation desquels je me suis opposée dans la présente attestation, je m’opposerais à l’audition de ces témoins pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés à la présente relativement aux documents en question.
L’attestation est ensuite signée par la greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Jocelyne Bourgon. L’attestation est accompagnée d’un affidavit souscrit par Roseline MacAngus, adjointe de bureau de la greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Jocelyne Bourgon. Mme MacAngus atteste qu’elle a été témoin de la signature de l’attestation de Mme Bourgon et que la signature apposée sur l’attestation est bien celle de Mme Bourgon.
À l’annexe A de l’attestation, 37 documents sont énumérés et annotés au moyen d’une brève description qui renvoie aux descriptions de documents contenues dans certains alinéas du paragraphe 39(2). Ainsi, par exemple, voici la description qui est donnée en ce qui concerne trois des documents énumérés à l’annexe A :
[traduction]
1. Le document no 1 est une copie d’un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal des délibérations ou des décisions du Conseil au sens de l’alinéa 39(2)c) de la loi en question. [Nota : c’est également la description qui est utilisée pour les documents 1, 8, 15, 18 et 21.]
…
9. Le document no 9 est une copie d’une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil au sens de l’alinéa 39(2)a) de la loi en question. [Nota : c’est également la description qui est utilisée pour les documents 2, 3, 5, 7, 9, 14, 16, 19, 22, 29, 30, 33 et 35.]
…
34. Le document no 34 est une copie d’un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise de décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique au sens de l’alinéa 39(2)d) de la loi en question. [Nota : c’est également la description qui est utilisée pour les documents 10, 11, 25 et 34.]
Dans cette annexe, les documents faisant l’objet de l’attestation sont identifiés par un numéro (de 1 à 37) qui n’a aucun rapport avec les numéros attribués aux documents dans les affidavits déjà produits ou avec les numéros de repérage assignés aux documents dans le système de production de documents des défendeurs. La description de chaque document énuméré est tirée de la description générale des documents que l’on trouve aux alinéas a), c), d), e) et f) du paragraphe 39(2). Ainsi, dans le cas du document 1 susmentionné, la description suivante : [traduction] « une copie d’un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal des délibérations ou des décisions du Conseil » reprend mot à mot le libellé de l’alinéa 39(2)c). Chaque description de document se termine par les mots « au sens de l’alinéa 39(2)[a), c), d), e) ou f)] de la loi en question ». L’annexe ne contient que cinq descriptions de base, dont deux ne comportent que des variantes minimes et, ainsi que nous l’avons fait remarquer au sujet des descriptions citées ci-dessus à titre d’exemple, plusieurs documents sont décrits dans les même termes, sauf en ce qui concerne les numéros qui leur sont assignés dans l’annexe. À l’intérieur de chaque catégorie de documents décrits de façon analogue, il n’y a donc aucun moyen de distinguer un document de l’autre.
L’avocat des défendeurs fait remarquer que l’attestation déposée en l’espèce est en grande partie identique à celle qui a été citée et approuvée par la Cour d’appel dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co.[5]. Il affirme que, pour cette raison, la Cour doit, comme dans l’affaire Central Cartage, accepter l’attestation, qu’elle ne peut pas examiner les documents qui, selon l’attestation, font l’objet d’un privilège de non-divulgation et qu’elle ne peut pas exiger plus de détails au sujet de ces documents. Dans l’affaire Central Cartage, dans laquelle l’attestation déposée reprenait le libellé de l’article 39 de la Loi, la Cour d’appel a accueilli l’appel interjeté de l’ordonnance par laquelle le juge qui avait entendu la requête avait déclaré que l’attestation devait préciser la date du document, de qui il provenait et à qui il était envoyé, ainsi que son objet.
Questions en litige
Lors du débat, les parties étaient en désaccord au sujet de plusieurs questions que je classe sous trois grandes rubriques. La première concerne les principes sous-jacents qui créent un cadre permettant de résoudre les autres points litigieux. Ces principes sous-jacents concernent notamment la bonne méthode d’interprétation de l’article 39 de la Loi et les obligations de la Couronne aux termes des Règles de la Cour, en l’occurrence, celles qui concernent l’enquête préalable. La deuxième question concerne la suffisance de l’attestation produite en vertu de l’article 39, compte tenu du libellé de cette disposition, une question qui, selon les demandeurs, implique l’examen du fond et de la forme. La troisième question en litige concerne l’interrogatoire préalable des représentants des défendeurs, particulièrement en ce qui concerne les renseignements contenus dans les documents qui ont été communiqués aux demandeurs et qui, après un examen subséquent, ont été ensuite considérés comme renfermant des renseignements confidentiels du Cabinet sans avoir toutefois encore fait l’objet d’une attestation produite conformément à l’article 39.
Je passe maintenant à l’examen de ces questions générales et à l’étude de points mineurs qui ont été abordés lors du débat et qui se rapportent à l’une ou l’autre des questions générales.
Principes sous-jacents—Cadre permettant de résoudre les questions en litige
À mon avis, les parties sont en désaccord en ce qui concerne les principes fondamentaux sous- jacents qui s’appliquent en l’espèce. Leur première divergence concerne leur méthode d’interprétation respective de l’article 39. Suivant les demandeurs, le fait de prévoir la possibilité de refuser totalement de divulguer des renseignements qui font l’objet d’une attestation en bonne et due forme en vertu de l’article 39 constitue une mesure extraordinaire qui va à l’encontre de la conception ouverte moderne des lois, qui s’applique même aux litiges auxquels Sa Majesté est partie. Ils affirment en effet que cette mesure nuit à la cause de la personne qui est partie à un procès, surtout lorsque celui-ci est dirigé contre Sa Majesté. À cet égard, les demandeurs se disent particulièrement préoccupés par les effets préjudiciables que l’interprétation des lois peut avoir sur les droits des autochtones, une question qui a été abordée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sparrow[6]. Pour ces motifs, les demandeurs soutiennent que l’on devrait, dans ces conditions, donner une interprétation stricte à l’article 39 et lui donner une application étroite.
En revanche, Sa Majesté estime que la reconnaissance de longue date que les tribunaux ont donnée au principe de l’immunité d’ordre public, au sein duquel les renseignements confidentiels du Cabinet occupent une place importante, justifie une interprétation libérale qui s’accorde avec l’importance que revêt le maintien de cette immunité. Les défendeurs citent des décisions anglaises[7] dans lesquelles les tribunaux parlent de la responsabilité qu’a Sa Majesté de protéger certaines questions d’intérêt public telles que les renseignements confidentiels du Cabinet en invoquant l’immunité qui lui permet de s’opposer à leur divulgation.
Au Canada, du moins en ce qui concerne la Couronne fédérale, le législateur fédéral a limité cette responsabilité et la portée de l’immunité, même en ce qui a trait aux renseignements confidentiels du Cabinet, sauf dans des cas limités. L’immunité générale de la Couronne a été réduite, en partie en permettant d’intenter des poursuites contre Sa Majesté[8], et en partie en tempérant par la suite le caractère absolu de l’immunité d’ordre public de la Couronne en matière de preuve. L’évolution de cette dernière restriction, qui concerne les questions de preuve, est retracée par le juge La Forest dans l’arrêt Carey c. Ontario[9], en ce qui concerne la common law. De là, faute de base légale comparable à celle que l’on trouve à l’article 39 de la Loi, les tribunaux en sont venus à examiner les documents faisant l’objet d’une revendication de privilège de non-divulgation, en mettant en balance l’intérêt public relatif à la protection de la confidentialité et l’intérêt public concernant la divulgation des documents dans le cadre de l’administration de la justice.
L’évolution de l’immunité d’ordre public de la Couronne fédérale en ce qui concerne les questions de preuve est retracée par le juge Strayer dans le jugement Smith, Kline & French Laboratories Limited c. Procureur général du Canada[10]. À la lumière de cette évolution, il semble évident que le législateur fédéral a pris des mesures pour restreindre l’immunité de la Couronne et, à l’article 39 de la Loi, qu’il protège cette immunité lorsqu’est déposée une attestation rédigée conformément à la Loi. L’article 39 ne crée pas une immunité en ce qui concerne les renseignements confidentiels du Cabinet. L’immunité prévue à l’article 39 porte plutôt sur les éléments de preuve documentaires et les témoignages qui se rapportent aux renseignements confidentiels en question. L’article 39 permet d’en refuser la divulgation malgré l’ordre qui a été donné à cet effet, pourvu que les conditions prévues à cet article soient respectées. Dans ces conditions, l’article 39 doit, selon moi, être interprété de façon restrictive.
La deuxième question sur laquelle les parties semblent en désaccord, même si cette question n’a pas été abordée directement lors du débat sur la requête, concerne les obligations que les Règles de la Cour mettent à la charge de Sa Majesté en tant que partie au procès. Il découle implicitement des observations formulées par les demandeurs qu’en tant que partie au procès, Sa Majesté est assujettie au même titre que les autres parties aux Règles de la Cour, tant en ce qui concerne les mesures préparatoires à l’instruction qu’en ce qui a trait à toutes les autres questions, à moins qu’il n’existe une exception prévue par une loi ou par un règlement. Pour ce qui est des défendeurs, je ne sais pas avec certitude s’ils estiment que la Couronne possède encore un reste de prérogatives—autres que celles qui sont prévues par la loi—qui ont une incidence sur sa position au procès. Mon incertitude s’explique par l’importance que l’avocat des défendeurs accorde à la responsabilité spéciale qui est imposée à Sa Majesté en ce qui concerne la protection et la préservation de l’intérêt public et de l’immunité des renseignements confidentiels du Cabinet permettant d’en refuser la divulgation malgré l’ordre qui a été donné en ce sens, une responsabilité qui ne devrait pas être perdue par simple inadvertance, ainsi que l’avocat de la Couronne a qualifié la production des documents en l’espèce (qualification à laquelle je ne souscris pas). Mon incertitude découle aussi du fait que l’avocat affirme que l’article 39 de la Loi n’est pas soumis aux exigences des Règles de la Cour en matière notamment de délais, comme si l’application des Règles de la Cour entrait en quelque sorte en conflit avec l’article 39. Mon incertitude s’explique également par le fait que l’avocat soutient que les défendeurs devraient déposer un affidavit modifié, omettant ainsi les documents déjà visés par l’attestation délivrée en vertu de l’article 39. Fait intéressant, ce n’est que relativement à cette affirmation et au fait que l’on demandait à la Cour d’ordonner aux demandeurs de remettre les documents qui, une fois produits, pouvaient par la suite être visés par une attestation fondée sur l’article 39, que l’avocat a précisé que les défendeurs seraient prêts à identifier les documents faisant l’objet de l’attestation en fonction des descriptions ou des numéros qui leur avaient déjà été assignés.
J’estime, en toute déférence, que l’on pourrait interpréter ces propos comme permettant de penser que l’avocat n’est pas au courant des Règles de la Cour relatives à la production de documents—d’autant plus que celles-ci ont été modifiées par l’ordonnance modificative no 13 de 1990[11]—ou encore qu’il n’est pas disposé à accepter qu’elles s’appliquent à Sa Majesté. Avant cette modification, il suffisait, pour communiquer un document au préalable—sous réserve d’une ordonnance contraire de la Cour—de produire une liste des documents qui étaient susceptibles d’aider sa propre cause ou de réfuter celle de la partie adverse. Depuis 1990, la Règle 448 exige la communication intégrale en obligeant chaque partie à l’action à déposer un affidavit énumérant tous les documents pertinents dont elle a connaissance. L’affidavit est fait sous serment et les Règles exigent que le procureur atteste qu’il a expliqué à l’auteur de l’affidavit la nécessité de divulguer tous les documents, ainsi que les conséquences possibles d’un manquement à cette obligation.
Les dispositions relatives à la communication préalable de documents s’appliquent entièrement, selon moi à Sa Majesté, lorsqu’elle est partie à un procès. C’est ce que précisaient les Règles, dans leur rédaction en vigueur avant 1990, car l’ancienne Règle 447 disposait notamment :
Règle 447. (1) Après la clôture des plaidoiries, il doit y avoir, sous réserve et en conformité des dispositions des présentes Règles, communication (y compris la possibilité d’inspecter et de prendre copie) des documents par les parties à l’action (y compris la Couronne quand elle est partie à l’action) …
Bien que, depuis les modifications qui leur ont été apportées en 1990, les Règles ne précisent plus qu’elles s’appliquent à la Couronne en ce qui concerne la communication préalable des documents, la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, modifiée en 1990[12], prévoit maintenant :
27. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de ses règlements, les instances suivent les règles de pratique et de procédure du tribunal saisi.
La Loi elle-même ne prévoit aucune exception aux Règles en ce qui concerne la Couronne, lorsqu’elle agit à titre de partie au procès. L’article 34 [mod., idem, art. 32] de la cette Loi prévoit que le gouverneur en conseil peut notamment, par règlement, prescrire des règles de pratique et de procédure applicables aux poursuites auxquelles l’État est partie ou rendre applicables aux poursuites visant l’État toute règle de preuve applicable à toute poursuite semblable. Parmi les règlements qui ont été pris jusqu’à maintenant en application de cette disposition, mentionnons le Règlement sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (tribunaux provinciaux)[13], qui a pour effet de placer la Couronne fédérale dans la même position que tout autre plaideur devant les tribunaux provinciaux en ce qui concerne le dépôt de listes de documents, sous réserve des articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Il n’y a tout simplement aucune disposition législative ou réglementaire qui soustrait Sa Majesté à l’application des Règles de la Cour.
Bien qu’un cas comme celui-ci, qui implique une quantité considérable de documents, pose des difficultés spéciales à Sa Majesté, j’estime qu’en tant que partie, elle est liée par les Règles de notre Cour concernant la communication préalable des documents. Ainsi, conformément à la Règle 448, Sa Majesté doit, tant en ce qui concerne les documents pour lesquels un privilège est invoqué que pour ceux pour lesquels aucun privilège n’est revendiqué, déposer notamment un ou plusieurs affidavits comprenant « des listes … et des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l’affaire en litige ». En outre, dans le cas de chacun des documents pour lesquels un privilège est invoqué, Sa Majesté doit exposer le fondement de chaque revendication de privilège à l’égard d’un document.
En l’espèce, les affidavits originaux ont été régulièrement rédigés dans la mesure où ils comprenaient les documents pertinents qui ont par la suite été considérés comme renfermant des renseignements confidentiels du Cabinet, même si les défendeurs n’ont pas alors, même s’ils leur aurait été loisible de le faire, revendiqué d’immunité ou de privilège en vertu de l’article 39 de la Loi relativement à certains documents. Il est par la suite apparu qu’un tel privilège pouvait être invoqué, mais comme il n’a pas été revendiqué dans une attestation officielle, l’ordonnance du 9 septembre 1994 par laquelle la Cour a ordonné le dépôt de l’attestation qui est maintenant en cause était conçue pour faciliter le dépôt d’un affidavit modifié approprié. Cet affidavit préciserait, pour toutes les parties, tous les privilèges invoqués en vertu de l’article 39 de la Loi tout en garantissant l’observation des Règles de la Cour, en particulier de la Règle 448, qui exige la communication intégrale des documents pertinents. L’objectif en question—celui de faciliter l’observation des Règles de la Cour portant sur la communication intégrale des documents—devait être atteint, avec quelques retards supplémentaires, par le dépôt de l’attestation le 16 décembre 1994, dans la mesure où cette attestation satisfait aux exigences de l’article 39 et aux Règles de la Cour.
Je tiens à formuler deux dernières observations. En premier lieu, la Règle 448 exige la production de listes de documents contenant « des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l’affaire en litige ». À mon avis, l’inclusion de renseignements descriptifs détaillés pour chacun des documents énumérés dans les affidavits initiaux des défendeurs satisfaisait aux exigences de cette disposition, même dans le cas des documents qui ont par la suite fait l’objet d’une attestation fondée sur l’article 39 de la Loi. L’inclusion de documents dans l’attestation signée en vertu de l’article 39 au moyen d’une description qui est dépourvue de sens par rapport aux listes de documents antérieures soulève une autre question qui sera abordée lors de l’examen du caractère suffisant de l’attestation. En second lieu, je ne suis pas persuadé que l’application des Règles de la Cour en ce qui concerne la communication préalable de documents entre de quelque manière en conflit avec l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.
Suffisance de l’attestation déposée
L’avocat des demandeurs soutient que l’attestation qui a été déposée en l’espèce le 16 décembre 1994 est insuffisante, tant sur le plan de la forme que sur le plan du fond, et qu’en conséquence, elle ne satisfait pas aux exigences de l’article 39 de la Loi. Les défendeurs font valoir que le libellé de l’attestation correspond pour l’essentiel à celui qui a été expressément approuvé par la Cour d’appel dans l’arrêt Central Cartage[14]. Ils affirment que l’attestation reprend le libellé de l’article 39, une exigence formelle qui est conforme à la décision du juge Strayer dans l’affaire Smith, Kline & French[15] qui a été approuvée dans l’arrêt Central Cartage[16]. Ainsi que le juge Strayer l’a fait remarquer, l’emploi de ce libellé garantit à tout le moins qu’avant de signer l’attestation, la greffière a pris en considération les critères et les restrictions prévus à l’article 39. Il convient de signaler que ces deux décisions portaient sur une attestation déposée en vertu de l’article 39 sous le régime des Règles de la Cour qui étaient en vigueur avant 1990 et qui n’exigeaient pas la communication intégrale des documents.
Je ne suis pas convaincu que l’attestation dont il s’agit en l’espèce puisse être considérée comme insuffisante en raison des vices de forme dont elle serait, suivant les demandeurs, entachée. Les demandeurs prétendent en effet que l’attestation est insuffisante parce qu’elle ne comporte pas d’intitulé descriptif qui renvoie à l’article 39 de la Loi, qu’on y trouve pas de sceau, particulièrement le sceau du Bureau de la greffière du Conseil privé, et que la greffière n’est identifiée que par sa propre attestation et par l’affidavit de son adjointe, qui atteste qu’elle a été témoin de sa signature. Je constate que l’article 39 n’assujettit la validité de l’attestation à aucune de ces conditions. La Cour peut prendre connaissance d’office du nom de la personne qui occupe le poste de greffier du Conseil privé de la Reine, et la question de la forme de l’attestation constitue à mon avis une question qui relève du greffier, à condition qu’on puisse aisément l’identifier comme une attestation visée par l’article 39. À mon avis, aucun des vices de forme reprochés ne permet sérieusement de croire que l’attestation ne respecte pas les dispositions de l’article 39.
Les vices de fond dont l’attestation serait entachée méritent un examen plus approfondi. Selon les défendeurs, l’attestation est essentiellement entachée de trois vices de fond.
En premier lieu, les demandeurs affirment que l’attestation qui a été déposée n’aborde pas la question de l’opposition à la divulgation des renseignements, sauf de façon implicite lorsqu’elle parle des renseignements qui peuvent être inclus dans les documents qui, selon le paragraphe 3 de l’attestation, constitueraient des « renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada ». De plus, les demandeurs mettent ce paragraphe en contraste avec le paragraphe semblable qui a été approuvé par la Cour d’appel dans l’arrêt Central Cartage[17], dans lequel le greffier attestait que les documents visés étaient « des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada contenus dans ». Suivaient trois descriptions générales qui reprenaient le libellé des alinéas 39(2)a), d) et e) de la Loi. Ainsi donc, le libellé est différent, mais dans la présente attestation, le paragraphe comparable précise que les documents constituent [traduction] « des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada pour les motifs exposés dans l’annexe jointe à la présente » (qui est la liste des documents qui sont décrits en des termes généraux qui reprennent le libellé des dispositions applicables du paragraphe 39(2)). Qui plus est, en l’espèce, au paragraphe 2 de l’attestation, la greffière atteste non seulement qu’elle a examiné les documents énumérés à l’annexe, mais aussi que cet examen avait pour but de déterminer [traduction] « s’ils renferment des renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada au sens de l’article 39 » de la Loi. Je suis d’accord avec l’avocat des défendeurs pour dire que, dans le cas qui nous occupe, le texte de l’attestation est en grande partie identique à celui que la Cour d’appel a approuvé dans l’arrêt Central Cartage et que les différences qui existent ne justifient pas en elles-mêmes de conclure que la présente attestation est insuffisante compte tenu des exigences de l’article 39.
Dans leur plaidoirie, les demandeurs soulignent à juste titre que ce sont les renseignements et non le document qui constituent en fin de compte les communications confidentielles dont la divulgation doit être refusée au moyen de la formulation d’une opposition appropriée. Pourtant, reconnaissant qu’en pratique, il peut être souvent difficile de dissocier le renseignement du document où il se trouve, le paragraphe 39(2) précise qu’un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada s’entend notamment d’un renseignement contenu dans divers types de documents qui sont décrits aux alinéas a) à f) de ce paragraphe. Il faut présumer qu’en signant l’attestation prévue à l’article 39, la greffière a dûment tenu compte de cette définition.
La définition contenue au paragraphe 39(2) est également importante en ce qui concerne l’un des aspects du deuxième moyen qu’invoquent les demandeurs pour affirmer que l’attestation qui a été déposée est entachée d’un vice de fond. Ils soutiennent en effet que l’attestation est insuffisante, étant donné que son paragraphe 4—qui atteste [traduction] « que l’alinéa 39(4)a) … ne s’applique à aucun de ces documents, étant donné que l’existence d’aucun d’entre eux ne remonte à plus de vingt ans »—se rapporte à des « documents » et non à des « renseignements », lesquels constituent l’essence même des renseignements confidentiels du Cabinet. Les demandeurs soutiennent que l’existence des renseignements contenus dans un document peut remonter à plus de vingt ans même si le document lui-même ne remonte pas à vingt ans. Bien que cela soit possible, il est évident pour moi, en raison de la définition contenue au paragraphe 39(2), que le législateur fédéral voulait permettre l’opposition à la divulgation de renseignements que l’on trouve dans les types de documents qui y sont décrits, et non à la divulgation de tout type de renseignements en général, ou à la description des renseignements que l’on trouve dans certains documents dont l’existence remonte à plus de vingt ans, lesquels ne peuvent faire l’objet d’une attestation, selon l’alinéa 39(4)a). En pratique, la façon la plus facile de s’opposer à la divulgation consiste à décrire les renseignements en fonction de certains types de documents dans lesquels se trouvent les renseignements en question. Il semble que ce soit ce que le législateur fédéral a fait en l’espèce par le paragraphe 39(2). Pour l’application des alinéas a) et b) du paragraphe 39(4), l’attestation qui a été déposée en l’espèce satisfait effectivement aux exigences de la Loi, en raison de son paragraphe 4 et de la définition de l’expression « renseignement confidentiel » prévue au paragraphe 39(2).
Les demandeurs soutiennent que, dans un autre sens, la question de l’application de l’alinéa 39(4)a) n’a pas été régulièrement abordée dans l’attestation qui a été déposée en l’espèce. Ils affirment que l’attestation devrait indiquer clairement que l’existence des renseignements qui se trouvent dans les documents qui contiennent des renseignements confidentiels du Conseil privé ne remontera pas à plus de vingt ans à la clôture de l’instruction des présentes actions, que l’on prévoit pour le moment pour la fin de 1997 ou le début de 1998. On pourrait fort bien soutenir que les demandeurs devraient alors pouvoir consulter les documents qui contiennent des renseignements confidentiels dont l’existence remontera à plus de vingt ans avant la fin du procès. Néanmoins, la date de la fin du procès est une date future incertaine. La seule chose que l’article 39 dit au sujet du « vieillissement » des renseignements confidentiels, c’est, comme le prévoit le paragraphe 39(4), que le renseignement confidentiel dont l’existence remonte à plus de vingt ans ou qui est contenu dans un document de travail visé à l’alinéa 39(2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues quatre ans auparavant, ne peut faire l’objet d’une opposition à sa divulgation.
À mon avis, on ne peut appliquer le paragraphe 39(4) qu’en fonction de la date de l’attestation par laquelle on s’oppose à la divulgation, et non en fonction de la date future incertaine à laquelle il se peut que le procès se termine. J’estime en ce sens que le paragraphe 4 de l’attestation qui a été produite satisfait lui aussi aux exigences de la loi. Toutefois, si la conclusion à laquelle j’en viens dans les paragraphes suivants au sujet du troisième moyen invoqué par les demandeurs est juste, la date à laquelle un document qui renfermerait des renseignements constituant des renseignements confidentiels du Cabinet « atteint » l’âge de vingt ans s’imposerait d’elle-même, permettant ainsi à la partie qui s’est déjà vu refuser la communication d’un renseignement de le réclamer plus tard, si l’existence de ce renseignement confidentiel en vient à remonter à plus de vingt ans avant la fin du procès.
Le troisième moyen qu’invoquent les demandeurs pour soutenir que l’attestation est entachée d’un vice de fond découle du fait que ni l’attestation, ni la liste contenue à l’annexe A qui y est jointe ne mentionnent de numéro ou de description de documents déjà utilisés dans les affidavits originaux ou dans l’affidavit modifié qui a été déposé le 20 octobre 1994. L’attestation ne permet absolument pas d’identifier les documents déjà énumérés pour lesquels on revendique maintenant le privilège de non-divulgation prévu à l’article 39. Les demandeurs soutiennent que l’attestation qui a été déposée n’est pas conforme à l’ordonnance du 9 septembre 1994 par laquelle notre Cour a enjoint aux défendeurs de déposer au plus tard à une date qui a par la suite été prorogée au 16 décembre 1994 un affidavit modifié auquel devait être jointe [traduction] « une annexe II classant tous les documents déjà énumérés (ou découverts par la suite) selon les listes ou catégories distinctes suivantes : (notamment)
[traduction]
Annexe IIB—Les documents énumérés pour lesquels un privilège est invoqué conformément à l’article 39 de la Loi sur la preuve du Canada en vertu d’une attestation déposée conformément à cet article au plus tard le [date fixée, puis prorogée]…
Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, les défendeurs soutiennent que l’attestation déposée en l’espèce est en grande partie semblable à celle qui a été approuvée par la Cour d’appel dans l’arrêt Central Cartage. De plus, en s’appuyant sur cet arrêt, les défendeurs font valoir qu’une fois qu’une attestation ainsi rédigée est déposée, la Cour ne peut plus aller au-delà de son libellé ou exiger qu’on fournisse des détails descriptifs comme la date, le nom de l’expéditeur et du destinataire et la nature du document en question. Ils affirment en conséquence que la Cour ne peut pas exiger que l’on fournisse les données descriptives minimales habituelles qu’elle pourrait exiger de toute autre partie en ce qui concerne les documents fournis dans le cadre de la communication préalable.
L’arrêt Central Cartage semble effectivement appuyer cette proposition. Pourtant, cette décision doit être interprétée en tenant compte du contexte dans lequel elle a été rendue, c’est-à-dire en tenant compte des questions qui avaient été posées lors de l’interrogatoire préalable, au cours duquel le greffier avait attesté que les documents décrits dans son attestation constituaient des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Ces documents n’avaient pas auparavant été inclus dans une liste de documents fournie par la Couronne et, au moment de la décision, en 1988, les Règles de la Cour n’obligeaient pas la Couronne à donner communication intégrale des documents en fournissant des listes séparées et des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l’affaire en litige … à l’égard desquels aucun privilège n’est revendiqué … et, pour ceux à l’égard desquels un privilège est revendiqué, une déclaration exposant le fondement de chaque revendication de privilège à l’égard d’un document (pour paraphraser le paragraphe 448(2) des Règles).
À mon avis, les circonstances de la présente affaire sont très différentes. La Couronne est maintenant tenue de donner communication intégrale de tous les documents qui sont pertinents aux questions en litige « avec une description suffisamment détaillée ». Il semble que la Couronne ait d’abord pris cette obligation au sérieux et, dans les affidavits qu’elle a déposés entre les mois de mars et de juin 1994 ou dans l’affidavit modifié de M. Gregor MacIntosh qui a été déposé le 20 octobre 1994, elle a effectivement énuméré les documents avec des détails descriptifs suffisants pour qu’ils puissent être identifiés. Elle prétend maintenant que les documents énumérés en question renferment des renseignements confidentiels du Cabinet qui sont protégés, mais elle refuse d’identifier les documents d’une façon qui puisse être utile pour les personnes en cause dans le présent procès. De toute évidence, l’attestation qui a été produite n’est d’aucun secours, car elle ne veut rien dire pour les demandeurs, de qui on ne peut s’attendre à ce qu’ils comprennent quels documents, qui ont d’abord été inscrits sur la liste parce qu’on les jugeait pertinents et qu’on croyait qu’ils étaient ceux qui étaient le plus susceptibles d’être produits, font maintenant l’objet d’une revendication de privilège en vertu de l’article 39 de la Loi.
De plus, une attestation qui n’identifie pas les documents déjà énumérés ou qui ne donne aucune identification des documents individuels auxquels elle renvoie n’est d’aucune utilité pour la Cour, qui ne peut refuser d’ordonner la divulgation des documents lorsque les conditions voulues sont réunies si on ne lui précise pas quels documents constitueraient maintenant des renseignements confidentiels du Cabinet. En résumé, étant donné que les renseignements qui identifient les documents ont déjà été inclus dans les listes de documents divulgués par affidavits, l’objectif visé par l’article 39 ne peut être atteint que si le tribunal sait quels documents sont inclus dans l’attestation du greffier.
Dans le jugement Puddister Trading Co. et al. c. Canada et al.[18], une affaire récente portant sur des circonstances quelque peu similaires, Sa Majesté avait inclus l’inscription suivante dans la liste de documents privilégiés qui était jointe à un affidavit souscrit en vertu de la Règle 448 :
[traduction] 5. Les documents qui constituent un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada et à l’égard desquels une attestation a été déposée conformément à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.
Les documents mentionnés au paragraphe 5 n’étaient pas décrits, mais l’attestation mentionnée dans ce paragraphe avait été déposée et fournie à l’avocat de la demanderesse juste avant la reprise du procès, à la suite d’une suspension ordonnée après les trois premiers jours d’instruction. Il semble que l’attestation ait été rédigée selon la même forme que celle qui a été utilisée en l’espèce et qu’on y ait joint une annexe A où les documents n’étaient désignés qu’au moyen d’une description générale qui reprenait le libellé des divers alinéas du paragraphe 39(2) sans autre renseignement d’identification se rapportant aux documents ou à la liste. Dans cette décision, ma collègue Mme le juge Simpson a notamment déclaré [aux pages 95 et 96] :
… même si les documents à l’égard desquels un privilège est revendiqué avaient été régulièrement produits dans l’affidavit de production, le privilège n’aurait pu être invoqué au procès parce que j’estime que l’attestation est nulle et de nul effet et ce, parce qu’on ne peut tout simplement pas retracer les documents qui y sont énumérés. Si les documents désignés dans le texte de l’annexe « A » de l’attestation avaient effectivement permis de retracer les documents énumérés dans l’affidavit de documents, j’aurais confirmé la validité de l’attestation, même si elle n’indique pas à première vue la provenance des documents numérotés qui y sont mentionnés. Toutefois, compte tenu du fait que l’attestation ne mentionne pas la provenance des documents et que les quatorze renvois ne correspondent en fait à aucune source repérable dans le dossier soumis à la Cour, la validité de l’attestation ne peut être confirmée parce qu’elle est dépourvue de sens.
… il m’est impossible de conclure que l’attestation en cause en l’espèce renferme quelque revendication que ce soit, parce qu’on ne connaît pas les documents dans lesquels se trouvent les renseignements qui seraient confidentiels.
En conséquence, le juge Simpson a ordonné la production des documents réclamés par la demanderesse, étant donné que la revendication de privilège de l’exécutif était rejetée.
Les questions en litige dans l’affaire Puddister ressemblent en partie à celles qui sont soulevées dans la présente affaire, dans la mesure où l’attestation déposée en vertu de l’article 39 ne permet pas d’identifier les documents visés par l’attestation en renvoyant à des renseignements déjà portés à la connaissance de la Cour. C’est la seule affaire que j’ai découverte qui semble traiter de la suffisance d’une attestation déposée en vertu de l’article 39 qui se rapporte à un affidavit déposé en vertu de l’actuelle Règle 448, qui exige la communication préalable intégrale des documents.
À l’audition de la requête dont la Cour est présentement saisie, l’avocat de Sa Majesté a confirmé, comme il l’avait précisé dans ses observations écrites, que, compte tenu des circonstances de la présente affaire, des conseils seraient donnés aux demandeurs pour les aider à identifier en fonction des listes de documents déjà produites, quels documents sont visés par l’attestation déposée le 16 décembre 1994. À mon avis, cette façon de procéder serait appropriée. Elle respecterait l’esprit de l’ordonnance exigeant que les documents énumérés dans des affidavits déjà produits fassent l’objet d’une revendication conforme à l’article 39 par le dépôt d’une attestation appropriée. J’estime que les conditions de cette ordonnance sont respectées lorsque l’attestation qui a été déposée est complétée par les conseils par lesquels l’avocat identifie les documents déjà énumérés qui sont visés par l’attestation. Cette façon de procéder respecterait aussi ce que j’estime être les obligations que les nouvelles dispositions des Règles mettent à la charge de la Couronne en l’obligeant à communiquer intégralement les documents pertinents tout en prévoyant une façon réaliste d’exercer son pouvoir discrétionnaire de s’opposer à la divulgation de tout document pertinent en alléguant qu’il renferme des renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine au sens de l’article 39 de la Loi.
En somme, je suis d’avis que, compte tenu des circonstances de la présente affaire, dans laquelle des documents ont déjà été énumérés dans un affidavit avec le minimum habituel de détails descriptifs— même si les documents eux-mêmes ou des copies de ceux-ci n’ont pas été produits aux défendeurs—et dans laquelle les défendeurs demandent maintenant que la greffière atteste que certains des documents déjà énumérés constituaient des renseignements confidentiels du Cabinet au sens de l’article 39 de la Loi, cette attestation, devrait, en plus de reprendre le libellé du paragraphe 39(2), renfermer suffisamment de renseignements pour permettre d’identifier les documents particuliers visés par la revendication de privilège dans l’attestation ou que l’avocat devrait prendre des mesures pour communiquer les renseignements en question.
S’il en était autrement, à une époque où les documents pertinents doivent être communiqués intégralement, l’attestation ne contiendrait pas de renseignements qui éviteraient à Sa Majesté de devoir recourir à nouveau à ses pouvoirs pour s’opposer à la divulgation chaque fois qu’un document ou qu’un renseignement relatif à un document est demandé dans le cadre de l’interrogatoire préalable, en l’espèce, par la partie demanderesse. Si un document est réclamé et que Sa Majesté s’oppose à sa divulgation, Sa Majesté identifiera en fait dans chaque cas le document qu’elle prétend ne pas être tenue de divulguer en vertu de l’article 39 de la Loi. Un avocat tenace finirait ainsi par obtenir l’identification de tous ces documents, mais ne pourrait y parvenir qu’en deux étapes, gaspillant ainsi du temps et des énergies qui pourraient être mieux utilisés.
Je conclus qu’en l’espèce, l’attestation qui a été déposée est insuffisante et qu’elle ne respecte pas les conditions prévues pour pouvoir formuler une opposition en vertu de l’article 39, étant donné qu’elle n’identifie pas les documents visés par l’attestation en fonction des documents inclus dans les listes d’affidavits déjà produites. Les défendeurs pourraient corriger cette lacune en communiquant des renseignements qui permettent d’identifier les documents déjà énumérés qui constitueraient maintenant des renseignements privés du Conseil privé au sens de l’article 39.
Application de l’article 39 par rapport aux documents produits
Le dernier point litigieux qui oppose sérieusement les parties concerne l’application et les effets de l’article 39 en ce qui concerne les documents qui ont déjà été communiqués aux demandeurs. Ainsi que nous l’avons vu, après que plusieurs documents eurent été produits par les défendeurs et que les demandeurs en eurent reçu copie, les défendeurs se sont aperçus que certains de ces documents n’auraient pas dû être produits mais qu’ils auraient plutôt dû faire l’objet d’une attestation en vertu de l’article 39 et qu’on aurait dû s’opposer à leur divulgation.
Au départ, le point de vue que la Couronne a adopté au sujet de ces documents était qu’une fois qu’ils étaient divulgués par suite de leur production aux demandeurs, les documents ne pouvaient faire l’objet d’une revendication de privilège fondée sur l’article 39. L’avocat donnerait toutefois comme directives aux auteurs des affidavits des défendeurs qui seraient entendus lors de l’interrogatoire préalable de ne répondre à aucune question posée au sujet des documents en question, étant donné qu’il s’agissait de documents à la divulgation desquels on aurait pu s’opposer en vertu de l’article 39. Le document ainsi identifié lors de l’enquête préalable pourrait parler de lui-même, mais aucun renseignement ne serait communiqué en réponse aux questions posées au sujet de ce document. L’avocat des défendeurs a adopté ce point de vue et les auteurs des affidavits des défendeurs ont refusé, lors de l’interrogatoire préalable, de répondre à quelque question que ce soit au sujet des documents ainsi identifiés.
Quelques jours avant l’audition de la présente requête, l’avocat de Sa Majesté a informé la Cour que son point de vue avait changé. Sa Majesté prévoyait maintenant, tout en continuant à s’opposer à la divulgation et à refuser de répondre lors de l’interrogatoire préalable à toute question portant sur des documents qui auraient pu faire l’objet d’une attestation en vertu de l’article 39 de la Loi mais ne l’avaient pas encore fait, déposer une ou plusieurs attestations supplémentaires en vertu de cette disposition pour attester que les documents en question constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. De plus, l’avocat de Sa Majesté a demandé aux demandeurs de lui remettre les copies des documents une fois qu’ils seraient joints à une attestation déposée en vertu de l’article 39. Je constate qu’il faudrait identifier les documents qui doivent maintenant être attestés si l’on veut les récupérer, comme les défendeurs le souhaitent en l’espèce.
Les demandeurs adoptent le point de vue selon lequel, une fois que les documents leur ont été communiqués, il est trop tard pour prétendre qu’ils constituent des renseignements confidentiels du Cabinet au sens de l’article 39. Ils affirment que cet article permet à Sa Majesté de revendiquer un privilège de non-communication, mais que cette revendication doit être faite en temps opportun et avant que le document ne soit effectivement communiqué. Par analogie, une fois que le cheval est sorti de l’écurie, il est trop tard pour l’empêcher de s’enfuir en fermant la porte. Les demandeurs affirment qu’une fois qu’un renseignement confidentiel est révélé, l’objet de l’article 39, à savoir empêcher la divulgation des renseignements confidentiels du Cabinet, est mis en échec. Les demandeurs invoquent en particulier l’arrêt Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine[19] qui, selon les défendeurs, porte sur des faits différents ou, sinon, est mal fondé. Les demandeurs citent également le jugement Leeds et al. v. Alberta (Minister of Environment) et al.[20].
Dans l’arrêt Best Cleaners, le juge Mahoney a notamment statué, au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, qu’une attestation déposée la veille du procès par le greffier du Conseil privé en vertu du paragraphe 36.3(1) [S.R.C. 1970, ch. E-10 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, art. 4)] (maintenant le paragraphe 39(1)) de la Loi, relativement à des documents et à des renseignements librement divulgués par la Couronne lors de l’enquête préalable ne rendaient pas inadmissibles en preuve, eu égard aux circonstances de cette affaire, les documents produits au cours de l’enquête préalable, et qu’ils ne rendaient pas inadmissibles les témoignages portant sur ces documents. Le juge Mahoney a notamment déclaré[21] :
L’article 36.3 repose sur le principe suivant lequel le Conseil privé de Sa Majesté pour le Canada sera suffisamment avisé pour ne pas divulguer les renseignements qu’il juge confidentiels et suivant lequel ce n’est que devant « le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements » qu’il est nécessaire d’invoquer le droit à la confidentialité prévu par la Loi. Une lecture objective de cet article révèle qu’il protège de la contrainte de divulguer ces renseignements et non de leur admission en preuve si ils sont obtenus autrement que par l’exercice, par le tribunal, de son pouvoir de contraindre à leur production.
C’est faire preuve de beaucoup d’irréalisme que de prétendre que le dépôt d’un certificat a pour effet d’effacer la production de renseignements déjà légalement divulgués à la partie adverse dans une procédure judiciaire. Tous ceux qui possèdent un intérêt légitime dans ces renseignements les ont en mains sauf la Cour. Le fait de préserver la confidentialité de ces renseignements uniquement vis-à-vis de la Cour, dans un tel cas, sous-entend l’intention du Parlement d’autoriser le dépôt d’un certificat en vue de faire obstruction à l’administration de la justice et ce, sans aucun motif légitime apparent. Le Parlement n’a pas exprimé une telle intention et la lui prêter est tout simplement choquant.
Dans le jugement Leeds, le juge en chef adjoint Miller de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a suivi la décision rendue par le juge Mahoney dans l’arrêt Best Cleaners, dans des circonstances dans lesquelles Sa Majesté du chef de l’Alberta avait, volontairement et conformément à une ordonnance, divulgué un grand nombre de documents, y compris des documents du Cabinet, et ne s’était pas opposée à ce qu’ils soient divulgués lors de l’enquête préalable. Peu de temps avant le procès, Sa Majesté a présenté une requête en vue d’obtenir l’autorisation de retirer bon nombre des documents au motif qu’ils n’étaient pas pertinents aux questions en litige ou qu’ils étaient protégés par une immunité d’ordre public. Cette affaire ne portait pas sur l’article 39 de la Loi ou sur une disposition législative provinciale équivalente.
Ces deux décisions appuient, de façon générale, le principe qu’une fois que Sa Majesté a communiqué des documents, elle ne peut plus invoquer une immunité d’ordre public pour les faire exclure de la preuve. J’estime néanmoins qu’il s’agit là d’une interprétation trop large de l’arrêt Best Cleaners lorsqu’on examine le libellé de l’article 39. À la lumière du libellé de cet article—qui ne précise rien en ce qui concerne le délai dans lequel l’opposition doit être faite au moyen du dépôt d’une attestation —, j’estime que l’arrêt Best Cleaners doit être interprété en fonction de ses propres faits, en tenant notamment compte du fait que des renseignements qui avaient par la suite fait l’objet d’une attestation en vertu de l’article 39 avaient déjà été divulgués lors de l’interrogatoire préalable, et en tenant compte du dépôt tardif de l’attestation, la veille de la date fixée pour l’ouverture du procès.
À mon avis, l’objet du paragraphe 39(1) est clair : un tribunal ou un autre organisme qui a le pouvoir de contraindre à la production de renseignements doit refuser d’ordonner la divulgation de renseignements, sans les examiner lui-même, lorsqu’un ministre ou le greffier du Conseil privé pour le Canada s’oppose à leur divulgation et que les renseignements en question font l’objet d’une attestation écrite. Le reste de l’article 39 définit et précise le contenu des documents qui peuvent renfermer de tels renseignements et restreint l’application du paragraphe 39(1) aux renseignements dont l’existence ne remonte qu’à peu de temps. Ainsi que nous l’avons vu dans l’arrêt Best Cleaners, le juge Mahoney, qui parlait de la même disposition législative—qui était alors l’article 36.3—a souligné que cet article « protège de la contrainte de divulguer ces renseignements et non de leur admission en preuve si ils sont obtenus autrement que par l’exercice, par le tribunal, de son pouvoir de contraindre à leur production »[22]. Dans l’arrêt Canadian Assn. of Regulated Importers c. Canada (Procureur général)[23], le juge MacGuigan, J.C.A., explique l’objet de l’article 39 dans les termes suivants :
Le libellé de l’article 39 de la Loi m’apparaît suffisamment clair : le fait qu’un ministre de la Couronne ou le greffier du Conseil privé se soient opposés à la divulgation de renseignements tranche la question lorsque le ministre ou le greffier attestent par écrit que les informations demandées constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada; dans ce cas, la divulgation des informations doit être refusée sans autre examen.
L’article 39 ne crée pas de renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine. Il n’impose pas la façon dont ceux-ci doivent être protégés; il empêche simplement notre Cour ou tout autre tribunal d’ordonner la divulgation des renseignements une fois qu’une attestation a été signée et déposée, chaque fois que cela peut être fait relativement à la propre procédure d’enquête préalable de la Cour ou à l’audition de la preuve. À mon avis, l’article 39 peut être appliqué à toute étape et, hormis les circonstances exceptionnelles de l’affaire Best Cleaners, une fois qu’une attestation conforme à la Loi et aux Règles de la Cour a été déposée, il n’est plus possible à la Cour—et aux parties à l’action— d’examiner par la suite les renseignements qui font l’objet de l’attestation. En l’espèce, l’attestation qui a été déposée était efficace, sous réserve de la communication de renseignements permettant d’identifier les documents déjà énumérés dans les affidavits, et la Cour ne peut pas ordonner la production ou l’examen des 37 documents attestés une fois qu’elle est en mesure de les identifier. Aucun de ces documents n’a été produit et les auteurs des affidavits de Sa Majesté n’ont pas répondu aux questions qui ont été posées à leur sujet lors de l’interrogatoire préalable. De la même façon, les documents déjà produits peuvent toujours être inclus dans une ou plusieurs attestations fondées sur l’article 39. La Cour donnera effet à toute attestation qui sera déposée après le prononcé du présent jugement et qui identifiera les documents en fonction des numéros descriptifs qui leur ont déjà été attribués.
Lors du débat, les demandeurs ont affirmé que cette façon de procéder permettrait à la Couronne d’appliquer l’article 39 rétroactivement. À mon avis, ce n’est pas le cas. Une attestation ne produit ses effets qu’à compter de la date de son dépôt. La communication volontaire d’un document par Sa Majesté ne limite pas le pouvoir de celle-ci de changer d’avis et de s’opposer en vertu de l’article 39 à la divulgation de renseignements confidentiels du Cabinet.
Sa Majesté n’est cependant pas pour autant protégée contre l’ordonnance de divulgation qui est rendue tant qu’une attestation conforme à l’article 39 de la Loi n’est pas déposée. Une fois que les documents sont inclus dans un affidavit et qu’ils ne font pas l’objet d’une revendication de privilège ou, s’ils font l’objet d’une revendication de privilège en vertu de l’article 39 mais que cette revendication n’est pas formulée dans le cadre d’une attestation déposée conformément à l’article 39, les demandeurs ont le droit en vertu des Règles d’interroger les auteurs des affidavits des défendeurs au sujet de ces documents.
Évidemment, lors de l’interrogatoire préalable, des objections peuvent être formulées et les personnes interrogées peuvent refuser de répondre. Si les représentants des défendeurs formulent une objection ou refusent de répondre au motif que le fait de répondre à une question se rapportant à un document ou de répondre à une autre question aurait pour effet de divulguer un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada et si le document en question ou le renseignement demandé n’est pas encore inclus dans une attestation signée en vertu de l’article 39, la signature et le dépôt de l’attestation devraient tout naturellement être faits dans un délai raisonnable. Dans le jugement S.I.D.M. c. Canada[24], le juge McNair suggère une procédure d’attestation par le greffier du Conseil privé des oppositions à la divulgation de renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Cabinet et qui sont réclamés par le biais de questions posées lors de l’interrogatoire préalable. Cette procédure me semble appropriée en l’espèce, sous réserve de l’établissement, après consultation des avocats, d’une procédure permettant le dépôt de l’attestation requise dans un délai raisonnable.
Une procédure semblable prévoyant un délai pour le dépôt d’une ou de plusieurs attestations peut s’avérer utile, après consultation des avocats, pour ce qui est de tout dépôt projeté d’attestations prévues à l’article 39 en ce qui concerne l’une ou l’autre des catégories suivantes de documents :
a) les documents communiqués aux demandeurs avant décembre 1994;
b) les documents qui, après décembre 1994, ont été ajoutés au processus de communication des défendeurs, mais qui ont ou n’ont pas été inclus dans les affidavits supplémentaires de documents déposés à la mi-décembre 1995, à titre de documents communicables ou de documents faisant l’objet d’une revendication de privilège en vertu de l’article 39 de la Loi;
c) les documents traités dans le processus en cours des défendeurs après la mi-décembre 1995.
Dispositif
En conséquence, la requête des demandeurs est accueillie en partie seulement. L’attestation déposée le 16 décembre 1994 est insuffisante, étant donné qu’elle ne permet par d’identifier—que ce soit par numéro ou par détails descriptifs—les documents énumérés dans l’attestation et ceux qui sont énumérés dans les affidavits qui ont déjà été déposés. Les défendeurs peuvent corriger cette lacune en communiquant à l’avocat des demandeurs et au tribunal des renseignements permettant d’identifier les documents qui font l’objet de la présente attestation. Cette lacune s’explique par le fait que, si les documents attestés ne sont pas identifiés en fonction des descriptions ou des numéros qui leur ont déjà été attribués dans la présente action, la Cour n’est pas en mesure de refuser d’ordonner la divulgation des documents déjà énumérés, sauf s’ils sont protégés pour un autre motif. L’attestation satisfait par ailleurs aux exigences de l’article 39 et aux Règles de la Cour. Si les renseignements qui permettent d’identifier les 37 documents visés par l’attestation en fonction des documents inclus dans des listes déjà produites ne sont pas communiqués aux avocats des parties dans un délai raisonnable fixé par les avocats d’un commun accord ou, à défaut d’entente, par la Cour, les défendeurs communiqueront sans délai les documents en question aux demandeurs.
À mon avis, une attestation faite conformément à l’article 39 de la Loi peut être déposée en tout temps avant ou après la communication des documents au moyen d’affidavits ou par la production des documents eux-mêmes, et avant que l’on réponde aux questions posées à leur sujet lors de l’interrogatoire préalable. Exception faite de circonstances très exceptionnelles comme celles de l’affaire Best Cleaners, le dépôt d’une attestation empêche effectivement la Cour d’examiner par la suite les renseignements ou d’ordonner leur divulgation. Cependant, seule l’attestation qui est conforme à l’article 39 peut empêcher la Cour d’ordonner la divulgation en prescrivant la production des documents ou en ordonnant aux témoins de répondre aux questions qui leur sont posées lors de l’interrogatoire préalable. Seule l’attestation qui permet à la Cour et aux parties d’identifier les documents en cause peut avoir pour effet d’amener la Cour à refuser d’ordonner la divulgation des renseignements demandés.
La Cour ordonne aux représentants des défendeurs de répondre aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable dans la mesure où les réponses qu’ils donnent n’ont pas pour effet de révéler des renseignements qui constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Si les réponses sont réputées exiger la révélation de tels renseignements, toute opposition qui ne se rapporte pas à un document faisant déjà l’objet d’une attestation peut régulièrement être confirmée par son inclusion dans une attestation faite conformément à l’article 39 de la Loi et déposée dans le délai raisonnable qui suit la formulation de l’opposition ou le refus et que les parties peuvent fixer d’un commun accord ou que la Cour peut fixer par ordonnance.
Il se peut, comme l’affirment les défendeurs, que des documents qui, après leur production, sont inclus dans une attestation signée en vertu de l’article 39 ne soient d’aucune utilité pour les demandeurs, étant donné qu’ils sont assujettis à un engagement implicite de ne pas les utiliser à d’autres fins que celles du présent procès et qu’une fois attestés en vertu de l’article 39, la Cour n’ordonne pas qu’ils soient examinés ou divulgués. Néanmoins, l’article 39 lui-même ne renferme aucune disposition en ce qui concerne la remise des documents qui ont été produits. La Cour n’est pas disposée à ordonner qu’une fois produits, les documents soient remis aux défendeurs s’ils sont inclus dans une attestation fondée sur l’article 39. Ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, tous les documents qui sont produits sont assujettis à l’engagement implicite de ne les utiliser que pour la présente action. Ils sont également assujettis à l’ordonnance de confidentialité déjà prononcée dans la présente instance. Les parties peuvent s’entendre maintenant ou après le procès sur la remise des documents en question.
[1] L.R.C. (1985), ch. C-5, mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 5.
[2] Ordonnance du 9 septembre 1994 énumérant les documents devant être inclus à l’annexe IIB jointe à l’affidavit modifié.
[3] Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762(C.A.), à la p. 768.
[4] L.R.C. (1985), ch. C-5, mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144).
[5] [1990] 2 C.F. 641(C.A.), aux p. 649 et 650.
[6] R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075.
[7] Air Canada v Secretary of State for Trade (No 2), [1983] 1 All ER 910 (H.L.), aux p. 917 et 925; Makanjuola v Commr of Police of the Metropolis, [1992] 3 All ER 617 (C.A.), à la p. 623.
[8] Dans le cas de la Couronne fédérale, on y est parvenu d’abord en adoptant la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.C. 1952-53, ch. 30, loi qui a été par la suite modifiée et a été réédictée et qui s’intitule maintenant Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, mod., en particulier par L.C. 1990, ch. 8.
[9] [1986] 2 R.C.S. 637, aux p. 647 à 654.
[10] [1983] 1 C.F. 917(1re inst.), aux p. 923 à 927.
[11] DORS/90-846, art. 15.
[12] L.C. 1990, ch. 8, art. 31.
[13] DORS/91-604.
[14] Supra, note 5.
[15] Smith, Kline & French Laboratories Limited c. Procureur général du Canada, [1983] 1 C.F. 917(1re inst.), aux p. 931 à 933.
[16] Supra, note 5, à la p. 654.
[17] Supra, note 5, à la p. 649.
[18] (1995), 95 F.T.R. 92 (C.F. 1re inst.), à la p. 94.
[19] [1985] 2 C.F. 293(C.A.).
[20] (1990), 106 A.R. 105 (B.R.).
[21] Supra, note 19, à la p. 311.
[22] Id.
[23] [1992] 2 C.F. 130(C.A.), à la p. 148.
[24] [1989] 1 C.F. 444(1re inst.).