[1996] 2 C.F. 976
A-658-94
Cam Hoa Huynh (appelant) (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée) (défenderesse)
Répertorié : Huynh c. Canada (C.A.)
Cour d’appel, juges Hugessen, Stone et MacGuigan, J.C.A.—Ottawa, 2 et 15 avril 1996.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Appel contre le jugement de première instance qui répond par la négative à deux questions de droit, savoir si l’art. 83 de la Loi sur l’immigration va à l’encontre des art. 7 et 15 de la Charte « eu égard aux faits de la cause » — L’art. 83 n’autorise l’appel contre un jugement rendu par la Section de première instance sur recours en contrôle judiciaire que si celle-ci certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale — La demande de contrôle judiciaire contre la décision concluant que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention a été rejetée — L’art. 7 de la Charte n’est pas en jeu — L’art. 83 ne porte pas atteinte au droit de l’appelant à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne — Si tant est qu’il y ait atteinte à ce droit, elle tient à la décision du tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, non pas au jugement rendu par la Cour sur recours en contrôle judiciaire — Puisqu’il n’y a pas de droit d’appel protégé par la Constitution, la limitation d’un droit d’appel ne va pas à l’encontre des principes de justice fondamentale.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à l’égalité — L’art. 83 de la Loi sur l’immigration n’autorise l’appel contre un jugement rendu sur recours en contrôle judiciaire que si la Section de première instance certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale — Il ne dénie pas l’accès à la Cour d’appel fédérale en raison d’une caractéristique personnelle, savoir la citoyenneté — Par la force des choses, la Loi sur l’immigration ne traite pas sur un même pied citoyens et non-citoyens — Les citoyens ont le droit constitutionnellement protégé d’entrer au Canada — Pour les non-citoyens, ce droit découle de la Loi sur l’immigration elle-même — La citoyenneté n’est pas une caractéristique personnelle qui ne doit pas entrer en ligne de compte.
Droit administratif — Contrôle judiciaire — L’art. 83 de la Loi sur l’immigration (qui n’autorise l’appel contre un jugement rendu sur recours en contrôle judiciaire que si la Section de première instance certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale) est entré en vigueur après qu’un tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement eut conclu que l’appelant n’était pas un réfugié au sens de la Convention mais avant que son recours en contrôle judiciaire ne fût rejeté — Le fait que l’art. 83(1) subordonne le droit d’appel à la certification de la question par la Section de première instance « dans son jugement » ne prive pas l’appelant du droit de connaître les motifs du jugement avant de formuler la question de portée générale — Eu égard aux faits de la cause, l’appelant n’a pu établir que les motifs pris pour rejeter sa demande de contrôle judiciaire soulèvent quelque nouvelle question de portée générale — Le déni ou la limitation d’un droit d’appel ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale puisqu’il n’y a pas de droit d’appel garanti par la Constitution — Bien qu’il n’y ait aucune règle posant pour principe de justice fondamentale que les juges ne connaissent pas du recours formé contre leurs propres décisions, l’art. 83 n’habilite pas les juges de première instance à entendre sur appel leurs propres décisions — L’art. 83 ne porte pas atteinte au droit d’appel acquis de l’appelant — L’acquisition d’un droit d’appel quelconque contre un jugement de première instance ne pourrait se produire qu’après que la procédure aboutissant à ce jugement a été engagée — Le recours en contrôle judiciaire a été exercé après l’entrée en vigueur de l’art. 83 — Le déni de droits acquis ne constitue pas en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale.
Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — L’art. 83 de la Loi sur l’immigration (qui n’autorise l’appel contre un jugement rendu sur recours en contrôle judiciaire que si la Section de première instance certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale) est entré en vigueur après qu’un tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement eut conclu que l’appelant n’était pas un réfugié au sens de la Convention, mais avant que celui-ci n’eût exercé son recours en contrôle judiciaire — L’art. 83 ne touche pas aux droits garantis par l’art. 7 de la Charte puisqu’il ne porte atteinte ni au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, ni aux principes de justice fondamentale — Il ne va pas à l’encontre de l’art. 15 de la Charte.
Appel formé contre la décision de la Section de première instance qui a répondu par la négative à deux questions de droit, savoir si l’article 83 de la Loi sur l’immigration va à l’encontre des articles 7 ou 15 de la Charte « eu égard aux faits de la cause ». L’article 83 de la Loi sur l’immigration (qui n’autorise l’appel contre un jugement rendu sur recours en contrôle judiciaire que si la Section de première instance certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale, qu’elle énonce) est entré en vigueur après qu’un tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement eut conclu que la revendication par le demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention ne justifiait pas d’un minimum de fondement mais avant que sa demande de contrôle judiciaire contre cette décision ne fût rejetée.
L’appelant soutient que l’article 83 porte atteinte au droit que lui garantit l’article 7 de la Charte, aux termes duquel il ne peut être porté atteinte à son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. À son avis, l’article 83 n’est pas conforme aux impératifs de justice fondamentale en ce a) qu’il porte atteinte à son droit d’être informé des faits relevés contre lui; b) qu’il constitue une clause privative inconstitutionnelle; c) qu’il permet au juge de connaître de l’appel formé contre ses propres jugements; et d) qu’il porte atteinte à son droit acquis d’interjeter appel. Il soutient que l’article 83 va à l’encontre de l’article 15 de la Charte en ce qu’il désavantage les non-citoyens en leur déniant l’accès à la Cour d’appel fédérale.
Il échet d’examiner (1) si l’article 7 de la Charte est en jeu; (2) si l’article 83 de la Loi sur l’immigration va à l’encontre de l’article 7; et (3) si le même article 83 va à l’encontre de l’article 15 de la Charte.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
(1) L’article 83 ne compromet pas, eu égard aux faits de la cause, le droit du requérant à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il n’y a pas de droit d’appel garanti par la Constitution. Puisque l’institution du droit d’appel n’est pas un impératif de justice fondamentale, le fait de subordonner un droit d’appel à des conditions ne va à l’encontre de l’article 7 que s’il est prouvé : (i) que l’issue de l’appel peut en soi compromettre les droits que l’article 7 garantit à l’appelant; et (ii) que ces conditions sont contraires aux principes de justice fondamentale. Ni l’une ni l’autre condition n’est présente en l’espèce. L’article 83 n’a pas un rapport direct avec la revendication faite par l’appelant du statut de réfugié. Il a eu pour effet de lui dénier le droit d’appeler d’une décision d’une cour supérieure, selon laquelle il n’y avait aucun motif pour infirmer la conclusion tirée par le tribunal administratif que la revendication faite par l’appelant du statut de réfugié ne justifiait pas d’un minimum de fondement. Le contrôle judiciaire visait à s’assurer que cette conclusion était conforme aux prescriptions de l’article 7. Si tant est qu’il y ait atteinte aux droits que l’article 7 de la Charte garantit à l’appelant, cette atteinte tient à la décision du tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, et non au jugement de la Cour.
(2) a) L’appelant soutient que la disposition du paragraphe 83(1) qui subordonne le droit d’interjeter appel à la certification d’une question par le juge de la Section de première instance « dans son jugement » le prive du droit de connaître les motifs du jugement avant de formuler la question de portée générale à certifier. Eu égard aux faits de la cause, l’appelant n’a pu établir que les motifs pris pour rejeter sa demande de contrôle judiciaire soulèvent quelque nouvelle question de portée générale qu’il n’avait pu prévoir. Le juge de première instance, après avoir rendu son jugement, n’a été saisi d’aucune requête en modification de ce jugement ni en certification des questions qui se seraient fait jour à ce moment-là. L’appelant a bien demandé, à l’audience, la certification de certaines questions, mais fait savoir devant la Cour que par suite des termes employés par le juge de première instance dans un autre passage de ses motifs de jugement, il doit maintenant formuler les questions de façon différente. Les questions initialement proposées sont plus générales et englobent la teneur des questions plus étroites qui sont maintenant suggérées. Le juge de première instance s’est penché sur ces mêmes questions et a conclu qu’elles n’avaient pas une portée générale.
b) Il n’y a pas de droit d’appel protégé par la Constitution et le déni ou la limitation d’un droit d’appel ne saurait constituer en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale.
c) L’appelant soutient que l’article 83 a pour effet de faire du juge de première instance le seul arbitre de la question de savoir si oui ou non ses décisions peuvent être portées en appel; cela revient à lui permettre de connaître de l’appel contre ses propres décisions, ce qui est contraire aux principes de justice fondamentale. Il n’y a aucune règle posant pour principe de justice fondamentale que les juges ne connaissent pas du recours formé contre leurs propres décisions. Dans certains cas, ils peuvent être tenus d’entendre et de juger à nouveau des questions sur lesquelles ils se sont déjà prononcés. La pratique moderne, qui interdit aux juges de le faire, est entièrement fondée sur des textes de loi spécifiques. Même en supposant que cette pratique moderne ait été maintenant érigée en principe de justice fondamentale, l’article 83 n’y porte pas atteinte. Il n’habilite pas les juges à entendre sur appel leurs propres décisions. La question qu’il prescrit au juge de se poser n’est pas : « y a-t-il lieu à appel contre mon jugement? », mais : « cette affaire soulève-t-elle une question grave de portée générale? ».
d) L’appelant prétend que le déni de ce qui aurait été un droit d’appel acquis est une atteinte aux principes de justice fondamentale. On ne voit pas comment l’appelant peut se prévaloir d’un droit d’appel acquis. Sa revendication du statut de réfugié était antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’article 83, mais son recours en contrôle judiciaire n’a été exercé qu’après cette date. L’acquisition d’un droit d’appel quelconque contre un jugement de première instance ne pourrait se produire qu’après que la procédure aboutissant à ce jugement a été engagée. La procédure administrative devant le tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement ne pouvait d’elle-même donner lieu à aucun droit d’appel devant la Cour. Qui plus est, le déni de droits acquis ne constitue pas en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale. Le droit d’appel de l’appelant n’est pas protégé par l’article 7.
(3) L’article 83 ne va pas à l’encontre de l’article 15 de la Charte. Par la force des choses, la Loi sur l’immigration ne traite pas sur le même pied citoyens et non-citoyens, dont les demandeurs de statut de réfugié. Les citoyens ont le droit constitutionnellement protégé d’entrer au Canada, alors que pour les non-citoyens, ce droit découle de la Loi sur l’immigration elle-même. En conséquence, la citoyenneté n’est pas une caractéristique personnelle qui ne doit pas entrer en ligne de compte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 15.
Criminal Appeal Act 1968 (R.-U.), 1968, ch. 19, art. 33 (mod. par 1981, ch. 54, art. 152; 1987, ch. 38, art. 15).
Loi modifiant la Loi sur l’immigration et d’autres lois en conséquence, L.C. 1992, ch. 49, art. 114.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C (1985), ch. F-7, art. 16(4), 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 27 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 11; L.C. 1990, ch. 8, art. 7; 1993, ch. 27, art. 214).
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, art. 28.
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 83 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 337(2),(5), 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14), 1733.
Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83-74, Règle 51 (mod. par DORS/91-347, art. 29).
Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d’immigration, DORS/93-22, Règle 18.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764; (1989), 49 C.C.C. (3d) 453; 70 C.R. (3d) 383; 41 C.R.R. 39; 96 N.R. 391; Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53; (1993), 102 D.L.R. (4th) 456; [1993] 4 W.W.R. 225; 78 B.C.L.R. (2d) 257; 81 C.C.C. (3d) 286; 20 C.R. (4th) 104; 14 C.R.R. (2d) 193; [1993] 1 C.T.C. 301; 93 DTC 5137; 153 N.R. 1; 45 W.A.C. 81; Luitjens c. Canada (Secrétaire d’État) (1992), 9 C.R.R. (2d) 149; 142 N.R. 173 (C.A.F.); Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143; (1993), 11 Admin. L.R. (2d) 1; 80 C.C.C. (3d) 492; 20 C.R. (4th) 57; 14 C.R.R. (2d) 234; 151 N.R. 161; 62 O.A.C. 243.
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Huynh c. Canada, [1995] 1 C.F. 633 (1994), 88 F.T.R. 60 (1re inst.); Huynh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 65 F.T.R. 11; 21 Imm. L.R. (2d) 18 (C.F. 1re inst.); Popov c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 75 F.T.R. 93; 24 Imm. L.R. (2d) 242 (C.F. 1re inst.); Grygorian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1608 (1re inst.) (QL); Illanko c. Canada (Solliciteur général) (1995), 93 F.T.R. 284; 27 Imm. L.R. (2d) 106 (C.F. 1re inst.).
DÉCISIONS CITÉES :
Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863; (1986), 29 D.L.R. (4th) 161; 26 C.C.C. (3d) 481; 52 C.R. (3d) 1; 21 C.R.R. 76; 67 N.R. 241; 16 O.A.C. 81; McQueen v. Queen, The (1887), 16 R.C.S. 1; Director of Public Prosecutions v. Beard, [1920] A.C. 479 (H.L.); inf. (1919), 14 Cr. App. Rep. 110 (C.C.A.).
APPEL contre le jugement de première instance [[1995] 1 C.F. 633 qui a répondu par la négative à deux questions de droit, savoir si l’article 83 de la Loi sur l’immigration va à l’encontre des articles 7 ou 15 de la Charte. Appel rejeté.
AVOCATS :
David Matas pour l’appelant (demandeur).
Gerald L. Chartier pour l’intimée (défenderesse).
PROCUREURS :
David Matas, Winnipeg, pour l’appelant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Hugessen, J.C.A.
Les faits de la cause
Il y a en l’espèce appel formé contre la décision de la Section de première instance [[1995] 1 C.F. 633 qui a répondu par la négative à deux questions de droit qu’elle était appelée à trancher au préalable en application de la Règle 474 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (mod. par DORS/79-57, art. 14)], dans le cadre d’une action en jugement déclaratoire. Les questions posées sont les suivantes [à la page 658] :
(1) L’article 83 de la Loi sur l’immigration contrevient-il à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, compte tenu des faits de l’affaire?
(2) L’article 83 de la Loi sur l’immigration contrevient-il à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, compte tenu des faits de l’affaire?
Ainsi qu’il est de mise dans les procédures visées à la Règle 474, les parties se sont entendues sur un exposé conjoint des faits comme suit :
[traduction] 1. Le requérant, citoyen du Viet-Nam, habite Winnipeg, au Manitoba (Canada).
2. Le 19 juillet 1983, Phuong Hue Huynh a parrainé la demande de droit d’établissement au Canada de sa mère, de son père et de son frère, qui est le requérant en l’espèce.
3. Le requérant s’est marié avec Tu Phuong Vuong le 13 novembre 1989.
4. Le 13 juin 1991, un bureau des visas canadien lui a accordé un visa pour venir au Canada au titre de la catégorie de la famille.
5. Le requérant est arrivé au Canada (Vancouver) le 8 octobre 1991. Un agent d’immigration principal lui a refusé le droit d’établissement par ce motif qu’il n’était pas un immigrant de la catégorie de la famille puisqu’il n’était pas une personne à la charge du demandeur principal, son père.
6. Un agent d’immigration a fait rapport le 18 octobre 1991 en vue de soumettre le requérant à une enquête par ce motif que celui-ci ne satisfaisait pas aux conditions prévues par la Loi ou le règlement.
7. Lors de l’enquête tenue les 11 mars et 25 mai 1992 à Winnipeg, le requérant a revendiqué le statut de réfugié.
8. Un tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement a conclu que sa revendication ne justifiait pas d’un minimum de fondement. Par suite, l’arbitre a ordonné son exclusion. Le requérant a interjeté appel de la mesure d’exclusion auprès de la section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; cet appel est pendant.
9. Le requérant a agi en contrôle judiciaire contre la décision rendue le 25 mai 1992 par le tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, par voie de demande de prorogation de délai et de demande d’autorisation, déposées respectivement le 30 octobre 1992 et le 5 novembre 1992.
10. La Section de première instance de la Cour fédérale, par ordonnance en date du 11 février 1993 de Mme le juge Reed, a accordé la prorogation du délai ainsi que l’autorisation et a fixé au 27 avril 1993 l’audition de la demande de contrôle judiciaire.
11. La demande de contrôle judiciaire, subséquemment ajournée, a été entendue le 25 mai 1993 par le juge Rothstein de la Section de première instance de la Cour fédérale, qui, après avoir entendu l’argumentation de part et d’autre, a sursis au prononcé du jugement.
12. Par jugement rendu le 24 juin 1993, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire et refusé de certifier des questions soumises par l’avocat du requérant.
13. Le paragraphe 83(1) est entré en vigueur le 1er février 1993.
14. Avant le 1er février 1993, une personne dont la demande de contrôle judiciaire a été rejetée par la Section de première instance pouvait interjeter appel de plein droit devant la Cour d’appel fédérale.
15. L’avocat du requérant, par avis en date du 20 juillet 1993, a déposé un appel contre la décision de la Cour dans l’affaire 92-T-1772.
16. Le 23 juillet 1993, le juge en chef de la Cour a conclu que l’avis d’appel n’était pas recevable, et qu’il appartenait à l’avocat du requérant d’exercer les recours appropriés. [Dossier d’appel, annexe 1, pages 24 à 26.]
Comme noté supra, les questions soumises au jugement de la Cour concernent la validité constitutionnelle de l’article 83 de la Loi sur l’immigration[1], qui est entré en vigueur le 1er février 1993, et qui prévoit ce qui suit :
83. (1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d’application—règlements ou règles—ne peut être porté en appel devant la Cour d’appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.
(2) L’appel doit être formé dans les quinze jours qui suivent le prononcé du jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale qui en fait l’objet.
(3) Tout juge de la Section de première instance de la Cour fédérale peut, pour des raisons spéciales, proroger le délai fixé au paragraphe (2).
(4) Il est entendu que le refus par la Section de première instance de certifier dans son jugement qu’une affaire soulève une question grave de portée générale et d’énoncer celle-ci ne constitue pas un jugement susceptible d’appel.
Étant donné que, par application de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale[2], la Section de première instance de la Cour a compétence exclusive pour contrôler les décisions rendues par les diverses autorités habilitées à cet effet par la Loi sur l’immigration, l’article 83 a pour effet de limiter le droit d’appel devant notre Cour et, par voie de conséquence, devant la Cour suprême du Canada. Le droit d’appel n’est pas exclu, mais subordonné à une condition, à propos de laquelle la question de savoir s’il y a été satisfait relève de l’appréciation discrétionnaire de la Cour et échappe à la volonté de l’appelant. Il y a lieu de noter que cette restriction s’applique à toutes les parties à la procédure de contrôle judiciaire, qu’il s’agisse de la Couronne, du ministre, de l’immigrant ou de toute autre personne touchée par la décision en question; elle s’applique peu importe qui intente la demande de contrôle judiciaire et quelle qu’en soit l’issue.
Dans les questions soumises à la décision préalable et dans son argumentation, en première instance comme devant la Cour, l’appelant invoque à la fois l’article 7 et l’article 15 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] pour contester la validité de l’article 83. À l’audition de l’appel cependant, la Cour n’a pas demandé à l’intimée de répondre à l’argument fondé sur l’article 15; il convient donc de régler sommairement cette question en premier lieu.
L’article 15 de la Charte
En bref, l’appelant soutient que l’article 83 de la Loi sur l’immigration le désavantage en le mettant à part du fait d’une caractéristique personnelle, savoir la citoyenneté, et en déniant aux non-citoyens comme lui l’accès à la Cour d’appel. Si la règle générale applicable aux citoyens, et en fait à tous les plaideurs devant la Cour fédérale, pose que les décisions de la Section de première instance sont susceptibles d’appel par application de l’article 27 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 11; L.C. 1990, ch. 8, art. 7; 1993, ch. 27, art. 214] de la Loi sur la Cour fédérale, il se trouve que les décisions rendues sur recours en contrôle judiciaire dans les affaires d’immigration, qui concernent généralement des non-citoyens, ne peuvent être portées en appel sans que la Section de première instance ait certifié une ou des questions à cet effet.
Pareil argument n’est pas fondé. Par la force des choses, la Loi sur l’immigration ne traite pas sur le même pied citoyens et non-citoyens (dont les demandeurs de statut de réfugié). Les citoyens ont le droit constitutionnellement protégé d’entrer au Canada, alors que pour les non-citoyens, ce droit découle de la Loi sur l’immigration elle-même. En conséquence, la citoyenneté n’est pas une caractéristique personnelle qui ne doit pas entrer en ligne de compte. On peut citer à ce propos la conclusion suivante, tirée par le juge Sopinka qui prononçait le jugement de la Cour dans Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[3] :
Quoique la question constitutionnelle formulée par le juge Gonthier soulève la question de savoir si le sous-al. 27(1)d)(ii) et le par. 32(2) violent l’art. 15 de la Charte, l’intimé n’a pas présenté d’arguments sur ce point. J’estime, pour les motifs exposés par le juge Pratte en Cour d’appel fédérale, qu’il n’y a pas eu violation de l’art. 15. Comme je l’ai déjà indiqué, l’art. 6 de la Charte prévoit expressément un traitement différent à cet égard pour les citoyens et les résidents permanents. Si les résidents permanents jouissent aux termes du par. 6(2) de certains droits à la liberté de circulation, seuls les citoyens se voient conférer au par. 6(1) le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir. Ne constitue donc pas une discrimination interdite par l’art. 15 un régime d’expulsion qui s’applique aux résidents permanents, mais non aux citoyens.
Bien que les dispositions contestées dans la cause Chiarelli ne soient pas les mêmes qu’en l’espèce, le même principe est en jeu. C’est pourquoi nous n’avons pas demandé à l’intimée de présenter ses arguments sur ce point.
L’article 7 de la Charte
L’appelant propose quatre arguments à l’appui de sa conclusion que l’article 83 de la Loi sur l’immigration porte atteinte aux droits que lui garantit l’article 7. À son avis, l’article 83 n’est pas conforme aux impératifs de justice fondamentale :
1) en ce qu’il porte atteinte à son droit d’être informé des faits relevés contre lui;
2) en ce qu’il constitue une clause privative inconstitutionnelle;
3) en ce qu’il permet au juge de connaître de l’appel formé contre ses propres jugements; et
4) en ce qu’il porte atteinte à son droit d’appel acquis.
Je me prononcerai sur chacun de ces points, mais il convient d’examiner une question préalable que l’appelant semble considérer comme allant de soi mais qui me paraît d’une importance capitale. Il s’agit de savoir s’il est recevable à invoquer l’article 7 de la Charte pour contester l’article 83 de la Loi sur l’immigration, lequel, dans ses termes, ne prévoit que la limitation du droit d’appel contre un jugement rendu par la Section de première instance sur recours en contrôle judiciaire. J’examinerai donc cette question en premier lieu.
L’article 7 est-il en jeu?
Il est indéniable que l’appelant, en sa qualité de demandeur de statut de réfugié, a droit à la protection de l’article 7. En effet, il est hors de doute que son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne pourrait être compromis si sa revendication du statut de réfugié est rejetée et qu’il soit renvoyée dans son pays d’origine où il dit craindre d’être persécuté.
Cependant, l’article 83 n’a pas un rapport direct avec la revendication faite par l’appelant du statut de réfugié. Au mieux, il n’a qu’un rapport lointain avec cette revendication et avec l’expulsion possible de l’appelant vers son pays d’origine. Dans ce cas d’espèce, il a eu pour effet de lui dénier le droit d’appeler d’une décision d’une cour supérieure, selon laquelle il n’y avait aucun motif constitutionnel ou juridictionnel pour infirmer la conclusion tirée par le tribunal administratif que la revendication faite par l’appelant du statut d’immigrant ne justifiait pas d’un minimum de fondement. Il va de soi que cette dernière décision doit être conforme aux prescriptions de l’article 7; le contrôle judiciaire exercé par la Section de première instance visait précisément à s’assurer de cette conformité. Le jugement de contrôle judiciaire et, a fortiori, l’arrêt rendu sur appel de ce jugement, n’ont aucun rapport avec les droits que l’appelant tient de l’article 7 et ne sauraient donc les compromettre.
À mon avis, il est maintenant de droit constant qu’il n’y a pas de droit d’appel garanti par la Constitution. L’avocat de l’appelant a cherché à soutenir que pareil droit est défini par l’arrêt Mills c. La Reine[4], mais cet argument a été rejeté une fois pour toutes par le juge McIntyre qui, rendant le jugement de la Cour, a conclu en ces termes dans R. c. Meltzer[5] :
L’argument à l’appui de ce moyen porte simplement que les droits protégés ou garantis par la Charte sont d’une importance telle qu’on devrait pouvoir interjeter appel lorsqu’une réparation prévue dans la Charte est refusée en première instance. En bref, on fait valoir que la Charte rend obligatoire un droit d’appel contre toute procédure judiciaire en première instance.
En common law, les appels n’existaient pas. Tous les appels sont une création de la loi écrite. On n’a pas soutenu que, dans l’un ou l’autre de ses articles prévoyant des appels (602, 603, 605, 618, 719, 748), le Code criminel prévoit spécifiquement un appel contre le refus d’accorder une réparation prévue dans la Charte. Donc, si ce droit précis existe, il doit se trouver dans la Charte. La Cour doit alors répondre à la question suivante : En raison de l’importance des droits qu’elle protège, la Charte donne-t-elle un droit d’appel contre le rejet d’une demande de révision de type Wilson, alors que ni le Code criminel ni aucune autre disposition législative n’en prévoient? Je tiens pour acquis pour les fins de cette question, sans toutefois le décider, que l’application de l’art. 8 de la Charte est déclenchée par l’interception de communications privées.
Je dirais au départ qu’à mon avis la Charte ne prévoit pas ce genre d’appel. Au cours des débats, l’appelant a mentionné ce que j’ai dit dans l’arrêt Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863, aux pp. 958 et 959 :
Il faut encore souligner que la Charte est muette sur la question des appels et on doit donc conclure que c’est le système actuel des appels qui doit servir au règlement de demandes fondées sur le par. 24(1). Puisque la Charte confère un droit de demander une réparation en vertu du par. 24(1) et que de telles demandes comporteront des allégations de violation de libertés et de droits fondamentaux, l’existence d’une procédure d’appel est indispensable. Aucune disposition du Code ne prévoit expressément un droit d’en appeler d’une décision accordant ou refusant une réparation visée par le par. 24(1) de la Charte, mais des appels sur des questions de droit et de fait sont toutefois autorisés. La Charte en tant que composante du droit fondamental du Canada n’y échappe donc pas et, de même qu’une personne lésée pourra porter en appel le rejet d’une demande de réparation en vertu de la Charte en tant que question de droit, de même Sa Majesté pourra interjeter appel si cette réparation est accordée. L’appel se déroulera selon la procédure normale établie à cette fin. À l’issue du procès, il sera loisible de faire appel de la décision ou du verdict et l’erreur qui aurait été commise relativement à la demande en vertu de la Charte constituera un moyen d’appel.
J’ajouterais cependant qu’avec l’approbation de deux autres des sept juges siégeant dans ce pourvoi, j’ai poursuivi dans l’arrêt Mills c. La Reine, à la p. 959 :
On a posé la question de savoir s’il peut y avoir quelque chose de la nature d’un appel interlocutoire grâce auquel le requérant en vertu du par. 24(1) de la Charte pourrait, en cas de rejet de sa demande, en appeler immédiatement et avant la fin du procès. Selon un principe bien établi, les seuls appels permis en matière criminelle sont prévus par la loi et il ne devrait pas y avoir d’appels interlocutoires dans les affaires criminelles. Ce principe se trouve renforcé par notre Code criminel (art. 602, précité) qui interdit les procédures d’appel qui ne sont pas autorisées par le Code.
Le rejet d’une demande de réparation ou de redressement fondée sur la Charte peut bien soulever une question de droit susceptible de justifier un appel en vertu du Code criminel contre une déclaration de culpabilité ou un acquittement. L’acceptation de ce principe n’aidera cependant pas les appelants en l’espèce. Ils ne cherchent pas à faire appel d’une déclaration de culpabilité en vertu des dispositions du Code criminel prévoyant un appel. Ils cherchent à interjeter un appel interlocutoire concernant l’admissibilité d’éléments de preuve qui pourront être présentés au cours d’un procès futur. Un tel appel est sans fondement légal et le droit, formulé dans l’arrêt Mills c. La Reine, précité, et dans l’art. 602 du Code criminel, ne permet pas les appels interlocutoires en matière criminelle. Je suis donc convaincu que la Cour a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour instruire cet appel interlocutoire.
La règle de droit applicable a été rappelée en termes concis par le juge La Forest dans Kourtessis c. M.R.N.[6] :
Les appels ne sont qu’une création de la loi écrite; voir l’arrêt R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764, à la p. 1773. Une cour d’appel ne possède pas de compétence inhérente. De nos jours toutefois, on a parfois tendance à oublier ce principe fondamental. Les appels devant les cours d’appel et la Cour suprême du Canada sont devenus si courants que l’on s’attend généralement à ce qu’il existe un moyen quelconque d’en appeler de la décision d’un tribunal de première instance. Toutefois, il demeure qu’il n’existe pas de droit d’appel sur une question sauf si le législateur compétent l’a prévu.
Enfin, il y a lieu de rappeler à ce propos la conclusion tirée par le juge Linden, J.C.A. qui prononçait le jugement de la Cour dans Luitjens c. Canada (Secrétaire d’État)[7], où le texte de loi contesté ne portait pas restriction comme en l’espèce, mais déni du droit d’appel :
Il est loisible au Parlement de refuser constitutionnellement le droit d’appel. Les principes de justice fondamentale n’obligent pas à tenir des audiences et des appels interminables à chacune des étapes d’une procédure.
Du moment que le législateur est habilité par la Constitution à dénier le droit d’appel, comment peut-il être inhabile à subordonner ce droit à une condition comme celle que prévoit l’article 83 de la Loi sur l’immigration? Le paradoxe dans lequel se débat l’appelant peut être illustré par cette conclusion tirée par le juge Sopinka dans Chiarelli, susmentionné, à la page 742 :
L’intimé soutient que la procédure suivie par le comité de surveillance porte atteinte à ses droits garantis par l’art. 7. Cet argument constitue le fondement du jugement majoritaire en Cour d’appel. Or, j’ai déjà conclu que l’intimé ne saurait faire valoir un droit fondamental de faire appel en invoquant des motifs de compassion. La décision de prévoir ou de ne pas prévoir un appel sur ce fondement relève exclusivement du pouvoir discrétionnaire du législateur fédéral. Le Parlement aurait donc pu prévoir simplement la délivrance d’une attestation sans la tenue d’une audience. Mais le fait que le Parlement, ne se contentant pas de satisfaire aux exigences que lui impose la Constitution, a prévu la tenue d’une audience, permet-il à l’intimé de se plaindre de ce que cette audience ne respecte pas les principes de justice fondamentale? On pourrait soutenir que le Parlement n’a pas élargi la portée de ses obligations constitutionnelles en prévoyant à titre gracieux la tenue d’une audience. C’est toutefois là une question qu’il n’est pas nécessaire de trancher en l’espèce vu ma conclusion que, dans l’hypothèse où les procédures devant le comité de surveillance seraient assujetties aux principes de justice fondamentale, ceux-ci ont été respectés.
Puisque l’institution du droit d’appel n’est pas un impératif de justice fondamentale, le fait de subordonner un droit d’appel à des conditions ne va à l’encontre de l’article 7 que s’il est prouvé :
a) que l’issue de l’appel peut en soi compromettre les droits que l’article 7 garantit à l’appelant; et
b) que ces conditions sont contraires aux principes de justice fondamentale.
Ni l’une ni l’autre condition n’est présente en l’espèce.
Les questions soumises à la décision de la Cour sont, dans leurs termes mêmes, limitées aux « faits de la cause ». Il ressort de ces faits que la revendication du statut de réfugié de l’appelant a fait l’objet d’une audition en bonne et due forme par le tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, et qu’un juge de la Section de première instance a conclu que cette instruction était conforme aux impératifs de justice fondamentale. Si tant est qu’il y ait atteinte au droit de l’appelant à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, cette atteinte tient à la décision du tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, et non au jugement de la Cour. Le juge de la Section de première instance [Huynh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 65 F.T.R. 11], saisi du contrôle judiciaire de cette décision, l’a examinée au regard des principes de justice fondamentale et, s’il a refusé d’intervenir, on ne saurait dire en aucune façon qu’il l’a confirmée; il n’est habilité qu’à annuler la décision et renvoyer l’affaire pour nouvelle instruction ou à refuser d’intervenir, ce qui s’est produit en l’espèce. Un appel contre ce jugement ne peut avoir absolument aucun effet néfaste sur le droit de l’appelant à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne : au pis, du point de vue de l’appelant, la Cour pourrait simplement rejeter l’appel et de ce fait, laisser les choses en l’état.
À supposer, abstraction faite des faits de la cause, que la Section de première instance eût fait droit au recours de l’appelant et annulé la décision du tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, l’affaire pourrait être différente. Un appel interjeté par le ministre devant la Cour pourrait se solder par l’infirmation du jugement de la Section de première instance et le rétablissement de la décision du tribunal administratif, laquelle pourrait se traduire par l’expulsion de l’appelant. Dans une telle hypothèse cependant, les conditions prévues par l’article 83 et que conteste l’appelant joueraient en sa faveur, car il incomberait alors au ministre d’y satisfaire avant de pouvoir faire appel. On ne saurait donc dire que ces conditions portent atteinte aux droits que l’article 7 garantit à l’appelant.
En conséquence, je conclus sur ce point que l’appelant n’a pu prouver que l’article 83 de la Loi sur l’immigration compromet, eu égard aux faits de la cause, son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.
En théorie, il est inutile, après cette conclusion, de procéder à une analyse détaillée des quatre motifs de contestation pris par l’appelant, étant donné que tous ces motifs se rapportent au second volet du critère, savoir la soi-disant non-conformité de l’article 83 aux impératifs de justice fondamentale. Cependant, puisque ces motifs ont été pleinement débattus devant la Cour comme en première instance, et qu’une au moins des questions soulevées par l’appelant ne fait pas l’unanimité au sein de la Section de première instance, j’estime qu’il faut les examiner, ce que je fais maintenant.
Le droit d’être informé du dossier
Il y a lieu de rappeler que le paragraphe 83(1) subordonne le droit d’interjeter appel d’une décision de la Section de première instance à la certification par cette dernière « dans son jugement » de la ou des questions à trancher en appel. L’appelant soutient que cette disposition le prive du droit de connaître les motifs du jugement de la Section de première instance avant de formuler la question de portée générale qu’il veut demander au juge de première instance de certifier.
Afin de bien saisir cet argument, il faut se rappeler, à part l’article 83 lui-même, les prescriptions de l’article 18 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d’immigration [DORS/93-22] :
18. (1) Le juge ne rend son jugement sur la demande de contrôle judiciaire qu’après avoir donné aux parties la possibilité de lui demander de certifier que l’affaire soulève une question grave de portée générale, tel que le prévoit l’article 83 de la Loi.
(2) La partie qui demande au juge de certifier que l’affaire soulève une question grave de portée générale doit spécifier cette question.
(3) Pour l’application de la présente règle, est assimilée à une demande de contrôle judiciaire la demande de contrôle judiciaire d’une décision de l’agent des visas.
Il est indéniable que l’effet conjugué de l’article 83 et de la Règle 18 peut, dans certains cas, créer des difficultés à un appelant, en particulier lorsque les motifs pris par le juge pour se prononcer sur la demande de contrôle judiciaire sont centrés sur une question qui n’a été guère ou pas du tout débattue à l’audience. C’était manifestement le cas de l’affaire Popov c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[8], où Mme le juge Reed a prononcé à l’audience un jugement par des motifs qui semblaient prendre l’avocat du requérant à l’improviste. Elle a accepté d’entendre une requête en certification (qu’elle n’a pas accueillie par la suite) par ce motif que le dispositif de jugement n’était pas encore enregistré :
Il est clair que le prononcé d’une ordonnance à l’audience constitue l’ordonnance de la Cour, Carlile c. Sa Majesté la Reine (1993), 161 N.R. 139 (C.A.F.). De même, dans la mesure où le paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration est visé, je ne crois pas que l’expression « dans son jugement » devrait être interprétée comme s’étant produite après le prononcé (ou l’enregistrement) du jugement par écrit aux termes de la sous-règle 337(2). C’est particulièrement le cas comme dans une affaire comme l’espèce, où la raison sur laquelle s’appuie la demande de certification ne pouvait pas raisonnablement avoir été prévue par l’avocat avant que la cour ne rende sa décision. Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que je suis compétente pour certifier une question en l’espèce.
Une approche légèrement différente, qui consistait à anticiper le problème au lieu d’y réagir après coup, a été adoptée par le juge Joyal dans Grygorian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[9]. Voici ce qu’on peut lire à la fin des motifs de son ordonnance qu’il avait pris en délibéré :
Lors de l’instruction de la présente demande, les avocats ont mentionné que la question examinée en l’espèce mériterait sans doute que la Cour certifie, aux fins d’un appel devant la Cour d’appel fédérale, que l’affaire soulève une question grave de portée générale. Si c’est encore le cas, les parties pourraient convenir du texte de la question, ou du moins informer la Cour de leur position. Les avocats devraient avoir assez d’un délai de deux semaines à compter de la date des présents motifs pour réagir, après quoi je rendrai une ordonnance formelle.
Bien qu’il n’ait pas expressément invoqué les dispositions de l’alinéa 337(2)b) des Règles (qui s’applique également aux motifs verbalement prononcés à l’audience, comme dans l’affaire Popov susmentionnée), le juge Joyal aurait pu le faire tout aussi bien. Voici ce que prévoit cette règle :
Règle 337. (1) …
(2) Lorsque la Cour est arrivée à une décision sur le jugement à prononcer, elle doit, en plus de donner, le cas échéant, les motifs de son jugement,
…
b) à la fin des motifs du jugement, s’il en est, et sinon par déclaration spéciale de sa conclusion, déclaration qui peut être faite oralement à l’audience ou par document déposé au greffe, indiquer que l’une des parties (habituellement la partie gagnante) peut préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce jugement soit prononcé (requête qui sera habituellement faite en vertu de la Règle 324).
Une vue tout à fait différente a été exprimée dans l’affaire Illanko c. Canada (Solliciteur général)[10], où Mme le juge Simpson a rejeté en ces termes la requête, fondée sur la Règle 1733, en certification d’une question et en modification de son jugement :
J’ai tenu compte de l’argument de l’avocat, mais je suis arrivée à la conclusion qu’il m’est impossible de souscrire au raisonnement exprimé dans Popov. À mon avis, si un dossier soulève une question de grande portée qui transcende les intérêts des parties au litige, il est certain que cette question sera connue des avocats lorsqu’ils lisent la décision de la Commission et qu’ils préparent une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ou encore durant l’argumentation orale. Il est important de se rappeler que la décision « rendue » dont il est question au paragraphe 83(1) de la Loi désigne la décision rendue sur une demande de contrôle judiciaire, c’est-à-dire la décision rendue sur la foi du dossier devant la Commission. Les faits ne changent pas après cette décision. Il est donc inconcevable qu’une question grave de portée générale qui transcende les intérêts des parties puisse demeurer invisible jusqu’après le prononcé de la décision relative à une demande de contrôle judiciaire.
Bien que j’aie une certaine sympathie pour les vues exprimées par Mme le juge Simpson et convienne avec elle que dans la grande majorité des cas (dont, ainsi que nous le verrons, celui qui nous occupe en l’espèce), toute éventuelle question de portée générale doit sauter aux yeux des avocats des deux parties comme de la Cour bien avant la fin de l’audience, je pense qu’elle a eu tort de conclure qu’il était « certain » que ce serait toujours le cas et qu’il était « inconcevable » qu’une question pût demeurer invisible jusqu’après le prononcé des motifs de jugement. Il peut arriver et il est arrivé aux juges de centrer leur décision sur un point que n’ont pas soulevé les avocats; l’exemple le plus courant en est le cas où, après que l’affaire a été entendue, l’instance supérieure rend une décision qui, du point de vue du juge de première instance, tranche la question. L’interprétation faite par le juge de la décision de l’instance supérieure peut théoriquement soulever à son tour une question de portée générale. Dans ce cas, je pense qu’on peut invoquer à bon droit les dispositions de la Règle 1733. Mieux encore, au cas où il y aurait le moindre doute pour ce qui est de savoir si ses motifs de décision peuvent soulever une nouvelle question que les avocats n’avaient pu prévoir, ou au cas où le demandeur ne serait pas représenté, il y a lieu de recourir à la technique préventive employée par le juge Joyal dans Grygorian, susmentionnée.
Pour en revenir aux faits de la cause, j’estime que l’appelant n’a pu établir que les motifs pris par le juge Rothstein pour rejeter sa demande de contrôle judiciaire soulèvent quelque nouvelle question de portée générale qu’il n’avait pu prévoir.
En premier lieu et au niveau le plus élémentaire, je note que d’après le dossier soumis à la Cour, le juge Rothstein, après avoir rendu son jugement, n’a été saisi d’aucune requête en modification de ce jugement ni en certification des questions qui se seraient fait jour à ce moment-là. C’est certainement à l’appelant qu’il incombe d’épuiser toutes les voies de droit qu’il pouvait exercer avant de prétendre qu’il y a violation des droits qu’il tient de la Charte.
Il y a plus. Il ressort des motifs prononcés par le juge Rothstein que l’appelant a effectivement demandé, à l’audience, la certification de certaines questions, dont les suivantes [à la page 15] :
1. Existe-t-il une obligation d’interroger une personne sur la langue choisie et de recevoir une réponse à cet égard?
2. La question de l’assistance d’avocat raisonnablement efficace découle-t-elle de la façon dont l’avocat a présenté le cas?
L’appelant fait cependant savoir devant la Cour que par suite des termes employés par le juge Rothstein dans un autre passage de ces mêmes motifs, il doit maintenant formuler les questions de façon différente. En ce qui concerne la première de ces questions, relative à la langue d’interprétation, il la formule maintenant en ces termes :
[traduction] 42. L’appelant eût-il eu la possibilité de présenter ses conclusions sur la certification après avoir pris connaissance des motifs et avant que le dispositif de l’ordonnance ne fût enregistré, il aurait demandé la certification de la question suivante : « Y a-t-il atteinte au droit du demandeur de se voir offrir la traduction dans la langue de son choix s’il ne se voit pas offrir cette traduction et que la transcription fasse état d’une traduction satisfaisante? » [Mémoire d’argumentation de l’appelant.]
En ce qui concerne la deuxième de ces questions, relative à l’incompétence reprochée à l’avocat qui l’assistait devant le tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement, l’appelant la formule maintenant comme suit :
[traduction] 37. L’appelant eût-il eu la possibilité de présenter ses conclusions sur la certification après avoir pris connaissance des motifs et avant que le dispositif de l’ordonnance ne fût enregistré, il aurait demandé la certification de la question suivante : « Est-il un principe de droit qui pose que si l’avocat ne représente pas convenablement son client dans une revendication du statut de réfugié, il s’agit là, sauf dans les cas vraiment exceptionnels, d’une affaire entre le client et l’avocat, qui ne peut aboutir à l’infirmation sur appel ou sur recours en contrôle judiciaire de la décision défavorable? ». [Mémoire d’argumentation de l’appelant.]
S’il est vrai que les questions que propose maintenant l’appelant devant la Cour sont un peu plus détaillées et plus spécifiques que celles qui avaient été formulées à l’origine devant le juge Rothstein, ce fait seul montre que les questions plus générales initialement proposées englobent la teneur des questions plus étroites qui sont maintenant suggérées. En outre, puisque le juge Rothstein s’est penché sur ces mêmes questions dans ses motifs et a conclu, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qu’elles n’avaient pas une portée générale, il est impossible de voir comment les mêmes questions, différemment formulées maintenant par l’appelant, l’auraient engagé à tirer une autre conclusion. L’appelant n’a donc pas réussi à me convaincre qu’il ait été privé de quelque façon que ce soit du droit de connaître les faits relevés contre lui.
L’article 83 est-il une clause privative inconstitutionnelle?
Si je comprends bien, l’argument proposé par l’appelant sur ce point est que l’article 83, en lui déniant l’accès éventuel à cette Cour et à la Cour suprême du Canada, va à l’encontre des principes de justice fondamentale. Cet argument est bien entendu le même que celui que j’ai examiné supra et reçoit la même réponse : il n’y a pas de droit d’appel protégé par la Constitution et la limitation d’un droit d’appel ne saurait constituer en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale.
Jugement en appel de son propre jugement
Il s’agit d’une facette de la règle qui prémunit contre le préjugé ou l’appréhension raisonnable de préjugé. L’appelant soutient que l’article 83 a pour effet de faire du juge de première instance le seul arbitre de la question de savoir si oui ou non ses décisions peuvent être portées en appel. Selon l’appelant, cela revient à permettre au juge de première instance de connaître de l’appel contre ses propres décisions, ce qui est contraire aux principes de justice fondamentale. Je n’accepte pas cet argument.
En premier lieu, il n’y a aucune règle jurisprudentielle posant pour principe de justice fondamentale que les juges ne connaissent pas du recours formé contre leurs propres décisions. En fait dans certains cas, qu’illustrent notamment le paragraphe 337(5) des Règles et la Règle 1733 de la Cour et la Règle 51 des Règles de la Cour suprême du Canada [DORS/83-74 (mod. par DORS/91-347, art. 29)], les juges peuvent être tenus d’entendre et de juger à nouveau des questions sur lesquelles ils se sont déjà prononcés. Même en cas d’appel à une juridiction supérieure, il est des exemples connus de juges participant à l’audition en appel de leurs propres décisions[11] et même à leur infirmation[12]. La pratique moderne, qui interdit aux juges de le faire, est entièrement fondée sur des dispositions spécifiques dont le paragraphe 16(4) de la Loi sur la Cour fédérale et l’article 28 de la Loi sur la Cour suprême[13] sont des exemples.
Je veux bien accepter que cette pratique moderne ait été maintenant érigée en principe de justice fondamentale; même sous cette optique, l’article 83 de la Loi sur l’immigration ne porte pas atteinte à pareil principe. Cet article n’habilite pas les juges à entendre sur appel leurs propres décisions; il ne les engage même pas à décider si leurs décisions sont susceptibles de recours. L’argument de l’appelant est fondé sur l’hypothèse qu’un juge à qui on demande de certifier une question violera délibérément son serment d’entrée en fonction et se prononcera sur une question dont il n’a pas été saisi. La question que l’article 83 prescrit au juge de se poser n’est pas, comme l’appelant le suggère de façon fallacieuse : « y a-t-il lieu à appel contre mon jugement? », mais : « cette affaire soulève-t-elle une question grave de portée générale? » Il s’agit là d’une question tout à fait différente et à laquelle l’expérience passée montre que les juges de la Section de première instance n’ont aucune difficulté à répondre par l’affirmative quand les circonstances s’y prêtent.
Pour terminer, il y a lieu de noter que l’obligation imposée par l’article 83 aux juges de la Section de première instance est remarquablement semblable à celle qui s’impose à la Cour d’appel au Royaume-Uni à titre de condition préalable de l’autorisation d’appel à la Chambre des lords en matière criminelle. L’article 33 [mod. par 1981, ch. 54, art. 152; 1987, ch. 38, art. 15] de la loi dite the Criminal Appeal Act 1968 [(R.-U.), 1968, ch. 19], prévoit ce qui suit :
[traduction] 33.—(1) Le défendeur ou le poursuivant peut interjeter devant la Chambre des lords appel de tout arrêt rendu par la Cour d’appel en application de la partie I de la présente loi ou de l’article 9 (instruction préliminaire) de la Loi de 1987 sur la justice pénale.
(2) L’appel est subordonné à l’autorisation donnée à cet effet par la Cour d’appel ou la Chambre des lords, laquelle autorisation n’est accordée que si la Cour d’appel certifie qu’un point de droit d’intérêt général est en cause et si elle, ou selon le cas, la Chambre des lords, conclut qu’il y a lieu pour cette dernière d’examiner ce point.
(3) Sauf disposition contraire de la présente partie et de l’article 13 de la Loi de 1960 sur l’administration de la justice (appel en matière d’outrage à la justice), les arrêts de la section criminelle de la Cour d’appel ne sont pas susceptibles d’appel.
Bien qu’elle ne soit pas du tout un facteur déterminant, la longue existence de cette disposition au Royaume-Uni prouve, à tout le moins, qu’elle n’est pas contraire aux principes de justice fondamentale dans ce dernier pays.
Droits acquis
L’appelant ne soutient pas qu’il a un droit acquis d’interjeter appel devant la Cour puisqu’il ressort du texte de loi modificateur que celui-ci était destiné à s’appliquer et s’applique effectivement en l’espèce[14]. Il prétend plutôt que le déni de ce qui aurait été un droit d’appel acquis est en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale. Je trouve cet argument dénué de fondement.
En premier lieu, je ne vois pas comment l’appelant peut se prévaloir d’un droit d’appel acquis. S’il est vrai que sa revendication du statut de réfugié était antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’article 83, son recours en contrôle judiciaire n’a été exercé qu’après cette date. L’acquisition d’un droit d’appel quelconque contre un jugement de la Section de première instance ne pourrait se produire qu’après que la procédure aboutissant à ce jugement a été engagée. La procédure administrative devant le tribunal chargé de l’examen du minimum de fondement ne pouvait d’elle-même donner lieu à aucun droit d’appel devant la Cour.
En second lieu, ce qui est plus important encore, c’est qu’il est maintenant clair à mon avis que le déni de droits acquis ne constitue pas en soi une atteinte aux principes de justice fondamentale. Dans Cunningham c. Canada[15], Mme le juge McLachlin, prononçant le jugement de la Cour, a conclu à ce propos en ces termes :
À mon avis, il est inutile de se demander si le droit à la liberté était « dévolu » ou non. Les seules questions qui se posent aux termes de la Charte sont de savoir si un droit à la liberté garanti est restreint et, le cas échéant, si cette restriction est conforme aux principes de justice fondamentale. La caractérisation d’un droit comme « dévolu » ou non ne fait pas réellement avancer le débat, sauf dans le sens qu’un droit dévolu pourrait être considéré comme plus important ou digne d’être protégé que celui qui ne l’est pas. Dans un tel cas, je crois qu’il est préférable de parler directement de l’importance du droit, plutôt que d’introduire le concept de droit dévolu qui provient du droit des biens.
Par application de ce même principe à l’affaire en instance, il convient de se demander non pas si l’appelant avait un droit d’appel acquis, mais si ce droit est protégé par l’article 7. Par les motifs supra, j’ai déjà répondu par la négative à cette question.
Conclusion
Par tous ces motifs, je me prononce pour le rejet de l’appel avec dépens.
Le juge Stone, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.
Le juge MacGuigan, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.
[1] L.R.C. (1985), ch. I-2 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73].
[2] L.R.C. (1985), ch. F-7 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4].
[3] [1992] 1 R.C.S. 711, à la p. 736.
[4] [1986] 1 R.C.S. 863.
[5] [1989] 1 R.C.S. 1764, aux p. 1773 à 1775.
[6] [1993] 2 R.C.S. 53, aux p. 69 et 70.
[7] (1992), 9 C.R.R. (2d) 149 (C.A.F.), à la p. 152.
[8] (1994), 75 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), à la p. 95.
[9] [1995] A.C.F. no 1608 (1re inst.) (QL), à la p. 12.
[10] (1995), 93 F.T.R. 284 (C.F. 1re inst.), à la p. 286.
[11] Voir McQueen v. Queen, The (1887), 16 R.C.S. 1.
[12] Voir Director of Public Prosecutions v. Beard, [1920] A.C. 479, affaire dans laquelle le juge en chef lord Reading siégeait comme membre d’une formation de la Chambre des lords qui infirmait à l’unanimité la décision qu’il avait rendue au nom de la Cour d’appel criminelle (1919), 14 Cr. App. Rep. 110.
[13] L.R.C. (1985), ch. S-26.
[14] L’art. 114 de la loi modificatrice ([Loi modifiant la Loi sur l’immigration et d’autres lois en conséquence] L.C. 1992, ch. 49) prévoit ce qui suit :
114. Les demandes d’autorisation relatives à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire et les demandes d’autorisation d’appel visées aux articles 82.1, 82.3 et 83 de la Loi sur l’immigration, dans leur version à la date d’entrée en vigueur de l’article 73 de la présente loi, formées mais à l’égard desquelles aucun jugement n’a encore été rendu à cette date, sont transférées à la Section de première instance de la Cour fédérale et il en est décidé par celle-ci conformément aux articles 82.1 à 84 de la Loi sur l’immigration, dans leur version édictée par l’article 73 de la présente loi, les demandes d’autorisation d’appel étant réputées être des demandes d’autorisation relatives à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire.
[15] [1993] 2 R.C.S. 143, à la p. 149.