[1994] 2 .C.F. 447
A-632-93
La Commission canadienne des droits de la personne (appelante)
c.
Le procureur général du Canada et Frank Bernard (intimés)
Répertorié : Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) (C.A.)
Cour d’appel, juges Marceau, Desjardins et Décary, J.C.A.—Ottawa, 11 et 17 janvier 1994.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — La Règle 1611 confère à la Commission canadienne des droits de la personne le statut d’intervenante dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire visant une de ses propres décisions — La Règle 1611 s’applique précisément aux tribunaux administratifs — La Cour n’a pas, aux termes de la Règle 1716(2)b), le pouvoir discrétionnaire d’accorder la qualité de partie à l’instance — La Règle 1716 ne régit pas les affaires relevant des Règles 1600 et suivantes, plus précises — Les Règles 1600 et suivantes comblent la lacune des anciennes Règles qui ne comportaient aucune disposition touchant l’« intervenant » — La Partie V.1 définit qui a le statut d’intimé, qui a celui d’intervenant — En l’absence d’une disposition législative précise, il est peu probable que la Commission puisse se voir accorder la qualité de partie à l’instance.
Droits de la personne — La CCDP demande à la Cour de reconnaître son intérêt pour agir, à titre de partie, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire visant une de ses propres décisions — Aux termes de la Règle 1611, la Commission aurait le statut d’intervenante — Ce qui importe, pour la Cour, c’est la décision prise par la Commission par rapport à l’art. 41e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et non la mission particulière que le Parlement a confiée à la Commission — Le mot « partie » implique que l’on prend partie — La Commission doit agir de manière impartiale puisque l’affaire pourrait lui être renvoyée, et protéger ainsi, pour l’avenir, sa réputation.
Cet appel visait le rejet de la demande déposée par la Commission en vue de se faire adjoindre à titre de partie intimée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire visant une de ses propres décisions. L’intimé, Bernard, avait déposé auprès de la Commission, et hors délai, une plainte contre son ancien employeur, les Forces armées canadiennes. Citant Bernard comme intimé, le procureur général déposa une demande de contrôle judiciaire visant la décision, prise par la Commission, de statuer sur la plainte. La Commission demanda alors à la Cour de rendre une ordonnance modifiant l’intitulé de la cause, se fondant sur la Règle 1602(3) qui prévoit que toute personne intéressée qui a des intérêts opposés à ceux de la partie requérante, est désignée à titre d’intimée. D’après la Règle 1600, une « personne intéressée » est une personne entendue lors de la procédure visée par la demande de contrôle judiciaire. Le procureur général estima que la nouvelle procédure prescrite par les Règles ne permet pas de désigner la Commission, à titre d’intimée, dans une procédure de contrôle judiciaire visant une décision de la Commission, faisant valoir que celle-ci doit dorénavant demander l’autorisation d’intervenir. Le juge de première instance rejeta la demande, sans préjuger du droit qu’aurait la Commission de présenter une demande, en vertu de la Règle 1611, afin d’obtenir l’autorisation d’intervenir. La Commission fit valoir que les actuelles Règles 1600 et suivantes prévoient les personnes qui doivent être désignées à titre d’intimées, mais qu’elles ne se prononcent pas sur les personnes qui peuvent être adjointes à ce titre. Se fondant sur l’arrêt Diotte c. Canada, [1991] 1 C.F. 731 (C.A.), où ont été invoquées la Règle 1716(2)b) ainsi que la Règle 5, applicable aux lacunes, la Commission estime que la Cour avait le pouvoir discrétionnaire de l’adjoindre à titre de partie aux termes de la Règle 1716(2)b). La Commission maintient que le législateur lui a confié une mission spéciale dont devrait tenir compte la Cour dans son interprétation des Règles de la Cour fédérale. À l’inverse d’autres offices fédéraux, elle ne fait pas que trancher un litige opposant deux parties, mais est chargée de convoyer la plainte. Si un tribunal des droits de la personne est constitué, la Commission, en comparaissant devant ce tribunal, est tenue d’adopter « l’attitude la plus proche, à son avis, de l’intérêt public ». La Commission a le droit de porter la décision du tribunal des droits de la personne en appel et, étant donné l’intérêt qui lui est reconnu pour agir devant le tribunal d’appel, elle peut demander à ce que cette décision fasse l’objet d’un contrôle judiciaire de la part de la Cour fédérale. La Commission fait office de défenseur des individus portant plainte, qui, en général, ne sont pas en mesure de faire valoir leurs droits. Elle estime que sa position diffère de celle de l’intervenant ordinaire dont la participation se limite à des questions liées à un intérêt particulier et non pas à l’ensemble de la question opposant les parties. Il s’agissait de savoir s’il y avait lieu de reconnaître à la Commission la qualité d’intimée ou celle d’intervenante.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
Le juge Desjardins, J.C.A. (à l’avis de laquelle souscrit le juge Marceau, J.C.A.) : la Cour n’était appelée à se prononcer que sur la décision prise par la Commission à l’égard de l’alinéa 41e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les nouvelles Règles 1600 et suivantes constituent un code régissant les demandes de contrôle judiciaire. La Règle 1716(2)b), qui a trait à l’adjonction d’une partie à l’instance, est écartée au profit des Règles 1600 et suivantes, plus précises. Il est douteux que l’on puisse, en l’absence d’une disposition législative en ce sens, reconnaître à un organisme la qualité de partie à l’instance. Le mot « partie » s’entend plutôt dans le sens de « prendre partie ». Étant donné que la Commission doit préserver sa qualité de tribunal impartial, car souvent les questions en litige lui sont renvoyées à l’issue du contrôle judiciaire, et compte tenu du besoin de protéger pour l’avenir la considération dont elle est entourée, il ne convient pas de l’adjoindre à titre de partie.
Le juge Décary, J.C.A. (à l’avis duquel souscrit le juge
Marceau, J.C.A.) : La Commission relevait exactement de la Règle 1611(1) selon laquelle « quiconque, y compris l’office fédéral dont la décision fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire, désire intervenir à l’audition d’une demande de contrôle judiciaire dépose un avis de demande d’autorisation d’intervenir ». Par ailleurs, la Règle 1604, qui prévoit que l’avis de requête soit signifié aux autres parties, à l’office fédéral visé par la demande et à toute personne intéressée, implique de toute évidence que le tribunal ne sera, en général, ni partie à l’action ni personne intéressée.
La Règle 1716(2) s’applique aux actions. La Règle 5, qui s’applique aux lacunes éventuelles, ne peut pas être invoquée en l’absence d’une lacune des Règles de la Cour fédérale, ni lorsque cela aurait pour effet d’entraîner une modification de ces règles. La Partie V.1 des Règles définit en termes clairs qui est un intimé et qui peut être admis à titre d’intervenant. La Règle 1611 s’applique, de manière précise, aux tribunaux administratifs. Il serait illogique de décider qu’une personne qui, en vertu des anciennes Règles, ne pouvait être admise, au mieux, qu’à titre d’intervenante, pourrait néanmoins se fonder, par analogie, sur la Règle 1716(2)b). La Règle 1716(2)b), qui confère de toute évidence à la Cour un pouvoir discrétionnaire en la matière, ne doit pas être transformée en une règle aux termes de laquelle ce pouvoir ne serait plus discrétionnaire, et ne serait exercé qu’à l’égard de la Commission. Il est clair que ce n’est pas ce qu’on entend, à la Règle 5, par l’adoption « par analogie ».
Les dispositions reconnaissant aux tribunaux administratifs un intérêt pour agir dans le cadre de procédures contestant une de leurs décisions revêtent un caractère exceptionnel et doivent être interprétées restrictivement. Si le législateur avait entendu faire de la Commission une partie à part entière dans une affaire où ce n’est pas elle qui a engagé la plainte, ou dans une affaire mettant en cause une de ses propres décisions, il se serait prononcé expressément en ce sens. En l’absence de dispositions législatives précises, la Commission doit s’en tenir aux Règles et demander, au titre de la Règle 1611, le droit de prendre part aux procédures à titre d’intervenante.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 40(3), 41e), 47, 50(1), 51, 55.
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 42(1)a),b),c).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 28 (mod., idem, art. 8; 1992, ch. 26, art. 17), 46 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 14; 1992, ch. 1, art. 68).
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 78(1)a),b),c),(3).
Loi sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-20 (mod. par L.R.C., 1985 (3e suppl.), ch. 28, art. 301), 65(4).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 2, 5, 300(4) (mod. par DORS/79-57, art. 2), 303(1), 311 (mod. par DORS/90-846, art. 5), 319 (mod. par DORS/88-221, art. 4), 346 (mod. par DORS/87-221, art. 3), 408, 462 (mod. par DORS/90-846, art. 15), 481A (édictée par DORS/79-57, art. 15), 482 (mod. par DORS/90-846, art. 18), 1104(1), 1201 (mod. par DORS/92-43, art. 9), 1600 (mod., idem, art. 19), 1602(3) (mod., idem), 1604(1) (édictée, idem), 1611 (édictée, idem), 1612 (édictée, idem), 1615 (édictée, idem), 1619 (édictée, idem), 1715, 1716(2)b), 1726.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC :
Diotte c. Canada, [1991] 1 C.F. 731; (1990), 134 N.R. 71 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565; Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien), [1991] 1 C.F. 416; (1990), 73 D.L.R. (4th) 653; [1991] 2 W.W.R. 577; 78 Alta. L.R. (2d) 97; 47 Admin. L.R. 265; 114 N.R. 153 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES :
Moosehead Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. et Registraire des marques de commerce (1985), 63 N.R. 140 (C.A.F.); Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; (1989), 62 D.L.R. (4th) 437; [1989] 6 W.W.R. 673; 40 B.C.L.R. (2d) 1; 40 Admin. L.R. 181; 89 CLLC 14,050; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1990] 2 C.F. 18; (1990), 68 D.L.R. (4th) 375; [1991] 1 W.W.R. 352; 76 Alta. L.R. (2d) 289; 5 C.E.L.R. (N.S.) 1; 108 N.R. 241 (C.A.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1993] 2 C.F. 651 (C.A.); R. c. CAE Industries Ltd. et autre, [1977] 2 R.C.S. 566; (1977), 72 D.L.R. (3d) 159; 31 C.P.R. (2d) 236; 13 N.R. 624; Stelco Inc. c. Tribunal canadien du commerce extérieur, A-410-93, juge Décary, J.C.A., ordonnance en date du 23-11-93, C.A.F., non publiée.
DOCTRINE
Black’s Law Dictionary. 5th ed., St. Paul, Minn. : West Publishing Co., 1979, « intervenor », « intervention », « party ».
APPEL d’un jugement de première instance (Canada (Procureur général) c. Bernard, T-1927-93, juge McGillis, ordonnance en date du 28-10-93, C.F. 1re inst., encore inédite) rejetant la demande présentée par la CCDP en vue de la modification de l’intitulé de la cause et de son adjonction à titre d’intimée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire visant une de ses propres décisions. L’appel est rejeté.
AVOCATS :
William F. Pentney pour l’appelante.
Barbara A. McIsaac pour l’intimé, le procureur général du Canada.
L’intimé, Frank Bernard, n’était pas représenté.
PROCUREURS :
L’avocat général de la Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa, pour l’appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé, le procureur général du Canada.
L’intimé, en son propre nom :
Frank Bernard, Sardis, Colombie-Britannique.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Marceau, J.C.A. : Je conviens, avec mes deux collègues, que cet appel ne saurait aboutir et reprends à mon compte, pour l’essentiel, les motifs exposés en ce sens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Desjardins, J.C.A : Je suis pleinement en accord avec les motifs de jugement de mon confrère le juge Décary, J.C.A., et auxquels je tiens à ajouter quelques observations.
La décision de la Commission, contestée par le procureur général intimé dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)], a trait à l’application qui a été faite, par la Commission, de l’alinéa 41e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne[1] (la LCDP), la Commission ayant décidé de statuer sur la plainte présentée par Frank Bernard, ancien membre des Forces canadiennes, bien que l’acte dont on prétend qu’il a entraîné une discrimination fondée sur l’âge, se soit produit plus d’un an avant le dépôt de la plainte. Le procureur général intimé invoque deux motifs pour réclamer l’intervention de la Cour fédérale; il fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit, d’abord en n’exerçant pas légitimement le pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu et en ignorant les limites qu’il lui impose et, ensuite, en violant les règles de l’équité procédurale, causant un préjudice aux Forces canadiennes.
Lors de sa plaidoirie devant la Cour, en appel de la Section de première instance [T-1927-93, le juge McGillis, ordonnance en date du 28-10-93, encore inédite], la Commission a beaucoup insisté sur le fait qu’elle ne prétend pas être une « personne intéressée » au sens de la Règle 1600 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/92-43, art. 19)][2]. Elle soutient, plutôt, que la Cour a le pouvoir discrétionnaire, de par les Règles 303(1), 1104(1) et 1716(2)b), de l’adjoindre à titre de partie à une action en contrôle judiciaire. Elle invoque pour cela la décision rendue dans l’affaire Diotte c. Canada[3].
La Commission soutient que les actuelles Règles 1600 et suivantes, aux termes desquelles toute personne intéressée « est désignée à titre d’intimée » (Règle 1602(3)), ne se prononcent pas sur les personnes qui « peuvent » être adjointes à titre d’intimées. Tout en voulant conserver l’allure d’impartialité qui est la pierre angulaire de la décision rendue dans l’affaire Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton[4], la Commission maintient que le législateur lui a confié une mission spéciale dont devrait tenir compte la Cour dans son interprétation des Règles de la Cour fédérale. La Commission prétend que, à l’inverse d’autres offices fédéraux, elle ne fait pas que trancher un litige opposant deux parties. Aux termes de la LCDP, elle est chargée de convoyer la plainte. Avec son personnel, la Commission enquête et, si la plainte est confirmée, elle pourra porter l’affaire en conciliation[5]. Si un tribunal des droits de la personne est constitué pour statuer sur une plainte, la Commission, en comparaissant devant ce tribunal, est tenue d’adopter « l’attitude la plus proche, à son avis, de l’intérêt public[6] ». La Commission a, d’ailleurs, le droit de porter la décision du tribunal des droits de la personne en appel devant un tribunal d’appel[7]. Étant donné l’intérêt qui lui est reconnu pour agir devant le tribunal d’appel, elle peut demander à ce que cette décision fasse l’objet d’un contrôle judiciaire de la part de la Cour fédérale. Étant donné le rôle unique que la Loi confie à la Commission, celle-ci fait office de défenseur des individus portant plainte qui, en général, ne sont ni financièrement ni autrement en mesure de faire valoir leurs droits. Un affidavit signé par Frank Bernard et versé au dossier démontre que le plaignant avait effectivement compris que, étant donné le rôle qui est le sien, la Commission [traduction] « s’occuperait de tout ». Bernard n’entendait pas s’opposer à la requête étant donné qu’il ne comprenait pas de quoi il s’agissait et qu’il n’avait pas les moyens de retenir les services d’un avocat. Au vu de cette déposition, la Commission fait valoir que, contrairement à ce qu’il en était dans des affaires telles que Moosehead Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. et Registraire des marques de commerce[8], c’est bien elle, la Commission, et non pas le Procureur général, qui représente l’intérêt général. Elle estime que sa position diffère de celle de l’intervenant ordinaire dont la participation se limite à des questions liées à un intérêt particulier et non pas à l’ensemble de la question opposant les parties. Elle devrait se voir reconnaître, discrétionnairement, la qualité de partie à l’instance afin que la Cour puisse disposer de tous les renseignements pertinents et entendre les explications nécessaires.
L’argument est pour moi insoutenable.
Tout en reconnaissant le rôle que la Loi a confié à la Commission pour la mise en œuvre du texte qui l’a instituée, la seule question sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer dans cet appel porte sur la décision prise par la Commission à l’égard de l’alinéa 41e) de la LCDP. Ce qui retient notre attention ici, ce ne sont pas les autres rôles confiés à la Commission. C’est cette décision même que l’on peut expliquer à l’intérieur des bornes posées par la Cour suprême dans toute une série d’arrêts, dont le plus récent est l’arrêt Paccar, dans lequel le juge La Forest a déclaré[9] :
À mon avis, le Conseil a qualité pour agir devant notre Cour afin d’y présenter des arguments non seulement pour lui expliquer le dossier dont elle est saisie, mais également pour montrer qu’il avait compétence pour ouvrir l’enquête et qu’il n’a pas perdu cette compétence en raison d’une interprétation manifestement déraisonnable de ses pouvoirs.
Les Règles de la Cour fédérale visent à réglementer « la pratique et la procédure »[10]. Les nouvelles Règles 1600 et suivantes constituent un code permettant aux demandes de contrôle judiciaire d’être portées devant la Cour de manière informative et ordonnée, et se situent nettement à l’intérieur des frontières tracées, à l’intention des tribunaux, par la Cour suprême du Canada. La Règle 1716(2)b), que l’on trouve sous la rubrique « Règles concernant des cas spéciaux et des problèmes particuliers » et qui a trait à l’adjonction d’une partie à l’instance, est dorénavant écartée au profit des Règles 1600 et suivantes, plus précises. D’ailleurs, l’affaire Diotte, où ont été invoquées la Règle 1716(2)b) ainsi que la Règle 5, applicable aux lacunes, ne ressemble pas à la présente affaire. L’affaire Diotte portait sur l’adjonction, à titre de partie intimée dans le cadre d’une demande de certiorari, d’un officier des Forces canadiennes qui avait été de ceux qui avaient décidé de relâcher le requérant. Une telle personne se situait beaucoup plus près de l’intimé, en l’occurrence le Procureur général, et n’avait rien d’un organisme administratif.
Je ne suis, par ailleurs, pas convaincu que l’on puisse, en l’absence d’une disposition législative en ce sens, reconnaître à un organisme la qualité de partie à l’instance. Si, dans l’arrêt Northwestern Utilities Ltd.[11], le juge Estey a noté que la Commission des services publics était implicitement empêchée, de par ses statuts, d’interjeter appel, déclarant à la page 708, que la Commission ne pouvait pas « être considérée comme une partie , au sens plein du terme » [non souligné dans l’original], il n’a pas eu à décider, techniquement, de la nature précise du statut de la Commission à laquelle il a reconnu un intérêt pour agir.
Les Règles de la Cour fédérale se réfèrent constamment à la notion de « partie »[12] sans jamais en donner de définition[13]. Les attributs qui se rattachent à la qualité de partie sont, eux, mieux connus. Dans une décision unanime de la Cour dans l’affaire Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien),[14] le juge Stone, en se penchant sur la Règle 1716(2)b), a ainsi formulé la distinction à faire entre une « partie » et un « intervenant » :
La Règle 1716(2)b) n’est pas propre à la pratique et à la procédure en vigueur devant la Cour fédérale. En effet, cette Règle, ou une règle similaire, se trouve dans les règles régissant la pratique et la procédure en vigueur devant la Cour suprême de l’Ontario depuis au moins 1913. Apparemment, elle vient d’Angleterre. Elle ne vise pas à constituer une personne intervenante, mais partie. Bien sûr, il y a une différence considérable entre la situation d’un intervenant et celle d’une partie. Ainsi, l’intervenant doit en général accepter le dossier tel quel. Il n’a pas qualité pour interjeter appel (Corporation de la ville de Toronto c. Morencie, [1989] 1 R.C.S. vii). D’autre part, la partie qui est jointe à la suite de l’ordonnance rendue par un tribunal aura normalement les mêmes droits que les autres parties, et notamment le droit de présenter une preuve et de faire des observations. De fait, on a dit qu’elle a le droit absolu de contre-interroger les témoins qui sont défavorables à ses intérêts (voir Halton Community Credit Union Ltd. v. ICL Computers Can. Ltd. (1985), 3 C.P.C. (2d) 252 (C.A. Ont.), à la page 253).
Dans le Black’s Law Dictionary[15] on trouve la définition suivante du mot « party » (partie).
[traduction] Le mot « partie » est un terme technique qui a, en langage juridique, un sens précis; il s’applique aux personnes par qui ou à l’encontre de qui est intentée une action en justice , que celle-ci soit en droit ou en equity, que ce soit la partie demanderesse ou la partie défenderesse, que ces parties se composent d’une ou de plusieurs personnes naturelles ou juridiques; toutes les autres personnes susceptibles d’être affectées par l’action, de manière directe ou indirecte, sont des personnes intéressées mais non des parties. Golatte v. Mathews, D.C.Ala., 394 F.Supp. 1203, 1207. [Non souligné dans l’original.]
Voici comment ce même dictionnaire définit les mots « intervenor » (intervenant) et « intervention » (intervention)[16].
[traduction] Intervenant. L’intervenant est une personne qui, avec l’autorisation de la Cour, s’entremet volontairement dans une action ou dans le cadre d’une autre procédure. Voir Intervention.
Intervention. La procédure par laquelle une tierce personne, n’étant pas initialement partie à l’action mais qui fait valoir son intérêt en la matière, se mêle à l’action afin de protéger son droit ou d’interposer sa revendication. Les motifs d’intervention, et la procédure qui lui est applicable, sont généralement définis par des règles formulées par les divers États ou par les Rules of Civil Procedure; tels que le Fed. R. Civil P. 24. L’intervention peut avoir lieu de droit (Règle 24a)) ou à la discrétion de la Cour (Règle 24b)).
Dans le droit ecclésiastique anglais, la démarche engagée par une tierce personne qui n’était pas initialement partie à l’instance, mais revendiquant un intérêt à l’égard du point en litige, afin de mieux protéger cet intérêt, interpose sa revendication. Stillwell Hotel Co. v. Anderson, 16 Cal.App.2d 636, 61 P.2d 71, 72. [Non souligné dans l’original.]
Ces définitions ne sont citées qu’à titre d’illustrations, mais elles sont assez révélatrices et montrent, d’après moi, que le mot « partie », au sens strict, s’entend plutôt dans le sens de « prendre partie ». On ne saurait porter atteinte à la qualité de tribunal impartial, reconnue à la Commission, devant qui les questions en litige seront souvent renvoyées à l’issue du contrôle judiciaire et, compte tenu du besoin de protéger pour l’avenir la considération dont elle est entourée, il ne convient pas, d’après moi, de l’adjoindre à titre de partie. D’où la sagesse des nouvelles Règles.
Je trancherais cet appel dans le sens proposé par le juge Décary, J.C.A.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Décary, J.C.A. : Cet appel a trait à l’intérêt qu’il y aurait lieu de reconnaître à la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) pour agir dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire visant une de ses décisions. La question sera examinée dans le contexte des modifications apportées, en 1992, à la Loi sur la Cour fédérale et aux Règles de la Cour fédérale (les Règles).
L’intimé, Bernard, a déposé auprès de la Commission une plainte contre son ancien employeur, les Forces armées canadiennes (représentées durant ces procédures par le pocureur général du Canada (le procureur général)). La plainte a été déposée en-dehors des délais. La Commission décida [traduction] « d’exercer son pouvoir discrétionnaire en la matière et de prolonger les délais prévus » et « conformément à l’alinéa 41e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de statuer sur la plainte bien que l’acte en cause se soit produit plus d’un an avant que la plainte ne soit portée devant la Commission »[17].
Le procureur général a contesté cette décision, invoquant l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Dans son avis introductif de requête, le procureur général a nommé, comme unique intimé, Bernard, contrairement à la pratique suivie jusqu’alors et qui consistait à faire également figurer, à titre de partie intimée, la Commission.
La Commission demanda alors à la Cour de rendre une ordonnance [traduction] « modifiant l’intitulé de la cause afin de rendre compte du fait que, selon la Règle 1602(3), la Commission canadienne des droits de la personne est une partie intimée en l’espèce »[18]. Le procureur général s’est opposé à cette demande, estimant que la nouvelle procédure prescrite par les Règles ne permet pas de désigner la Commission, à titre d’intimée, dans une procédure de contrôle judiciaire visant une décision de la Commission, faisant valoir que celle-ci doit dorénavant demander l’autorisation d’intervenir. Le procureur général ne s’est pas opposé à ce que la Commission participe à l’action à titre d’intervenante.
Madame le juge McGillis a rejeté la demande, sans préjuger du droit qu’aurait la Commission de présenter une demande en vertu de la Règle 1611 [édictée par DORS/92-43, art. 19] afin d’obtenir l’autorisation d’intervenir au cours de la procédure de contrôle judiciaire.
La question n’est pas, à proprement parler, celle de savoir si l’on peut reconnaître à la Commission l’intérêt pour agir. Personne ne s’oppose aux arguments de la Commission qui fait valoir que les tribunaux administratifs peuvent se voir reconnaître, à certaines fins, l’intérêt pour agir, lorsqu’il s’agit, par exemple, de fournir des explications sur le dossier ou d’exposer ses arguments sur la question de la compétence[19]. L’avocat de la Commission a reconnu que si celle-ci avait demandé, plutôt, l’autorisation d’intervenir aux conditions que le procureur général était prêt à admettre, elle aurait pu participer, dans les limites fixées par la jurisprudence, aussi pleinement aux procédures que si elle avait été désignée comme partie intimée, sauf, peut-être, en ce qui concerne le droit d’interjeter appel. Le procureur général était disposé à accepter, parmi les conditions d’intervention, le droit d’interjeter appel, mais, ce droit étant généralement lié à la qualité de partie plutôt qu’à celle d’intervenant[20], l’avocat de la Commission a décliné l’offre du procureur général et maintenu sa demande en vue de se voir reconnaître la qualité de partie à l’instance. Il s’agit donc uniquement de savoir s’il y a lieu de reconnaître à la Commission la qualité d’intimée ou celle d’intervenante.
Il ne fait aucun doute que, fondée uniquement, comme elle l’était, sur la Règle 1602(3), la demande ne pouvait aboutir.
Aux termes de la Règle 1602(3), « [t]oute personne intéressée qui avait des intérêts opposés à ceux de la partie requérante lors de l’instance devant l’office fédéral est désignée à titre d’intimée dans l’avis de requête ». « Personne intéressée » est définie à la Règle 1600 comme une « [p]ersonne entendue lors de la procédure de l’office fédéral visée par la demande de contrôle judiciaire ». Il est clair qu’en l’espèce la Commission n’est pas une « personne intéressée »[21].
Il est également clair que la Commission relève exactement de la Règle 1611(1) selon laquelle « [q]uiconque, y compris l’office fédéral dont la décision fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire, désire intervenir à l’audition d’une demande de contrôle judiciaire dépose un avis de demande d’autorisation d’intervenir ». Aux termes de la Règle 1611(3), la Cour peut accorder l’autorisation d’intervenir « aux conditions qu’elle considère appropriées ».
Par ailleurs, la Règle 1604, qui prévoit que l’avis de requête soit signifié « a) aux autres parties; b) à l’office fédéral visé par la demande; c) à toute personne intéressée », implique de toute évidence que le tribunal ne sera, en général, ni partie à l’action ni personne intéressée.
Dans son mémoire à la Cour, la Commission a modifié le raisonnement qu’elle avait initialement adopté. Elle ne prétendait plus au statut de « personne intéressée » au sens de la Règle 1600, mais faisait plutôt valoir que la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’adjoindre la Commission, à titre de partie, en vertu de la Règle 1716(2)b) ainsi formulée :
Règle 1716. …
(2) La Cour peut, à tout stade d’une action, aux conditions qu’elle estime justes, soit de sa propre initiative, soit sur demande,
…
b) ordonner que soit constituée partie une personne qui aurait dû être constituée partie ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer qu’on pourra valablement et complètement juger toutes les questions en litige dans l’action et statuer sur elles.
Toutefois, nul ne doit être constitué codemandeur sans son consentement notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour peut juger adéquate dans les circonstances.
Invoquant la décision de la Cour dans l’affaire Diotte c. Canada,[22] l’avocat de la Commission soutint que la Règle 1716(2)b) pouvait s’appliquer également à des requêtes. Dans l’affaire Diotte, la Cour avait jugé que :
Même si la Règle 1716(2)b) porte sur une « action » qui, par définition, ne comprend pas « une demande ou une requête introductive d’instance » (Règle 2(1)), la Règle 5a) habilite la Cour à déterminer une question de pratique et de procédure non autrement visée « par analogie … avec les autres dispositions des présentes règles ».
Puisqu’il est acquis que la Règle 5—qui s’applique aux lacunes éventuelles—ne peut pas être invoquée en l’absence d’une lacune des Règles de la Cour fédérale, ni lorsque cela aurait pour effet d’entraîner une modification de ces Règles[23], il faut voir si les nouvelles Règles ont comblé la lacune qui, dans l’affaire Diotte, avait été constatée dans les anciennes Règles, ou si les nouvelles Règles sont incompatibles avec la Règle 1716(2)b).
J’estime qu’il y a lieu de clairement distinguer l’affaire Diotte du cas présent. Cette autre affaire remonte à une époque où la notion d’« intervenant » n’était pas utilisée par la Cour en matière de contrôle judiciaire, où il y avait souvent flottement au niveau des termes utilisés, le mot « intimé » étant le plus souvent utilisé au sens d’« intervenant », et où la Cour tolérait qu’on fasse figurer à titre d’intimées des parties qui étaient en fait des intervenantes. Il est en effet remarquable que la Règle 1716 offre la possibilité d’adjoindre une « partie » sans faire de distinction entre une partie « proprement dite » et une partie « intervenante ». Cette Règle a été invoquée afin d’adjoindre des « parties » qui n’étaient que des « intervenants ».
C’est cette confusion entre « partie » et « intervenant » que la Partie V.1 des Règles[24] essaye d’éviter et c’est pourquoi, comme l’a relevé le juge McGillis, s’agissant de trancher la question qui est ici en cause, la jurisprudence antérieure de la Cour n’est pas d’une grande utilité. La procédure prévue dans les nouvelles Règles pour l’intervention, devant la Cour, d’un tribunal qui ne saurait être constitué partie en l’occurrence, est assez simple. Puisque l’avis de requête nomme le tribunal visé par la demande et expose les motifs de celle-ci (Règle 1602(2)d) et e)), et puisque le requérant signifie au tribunal à la fois son avis de requête et les affidavits (Règle 1604(1)b)), le tribunal a largement l’occasion de décider, en temps utile, s’il entend prendre part aux procédures. S’il le décide effectivement, il demandera qu’on lui reconnaisse la qualité d’intervenant au titre de la Règle 1611[25]. Si c’est à tort qu’un tribunal est cité à titre d’intimé, il n’aura pas intérêt pour agir à ce titre et ne pourra pas prendre part à la procédure, sauf à obtenir, au titre de la Règle 1611, l’autorisation de participer à titre d’intervenant[26]. Il est peut-être utile de noter que la Règle 1619(1) [édictée par DORS/92-43, art. 19] offre en tout temps à la Cour la possibilité de déroger, en tout ou en partie, à la Règle 1611.
La Partie V.I des Règles définit en termes clairs qui est un intimé et qui peut être admis à titre d’intervenant. Les rédacteurs ont veillé à ce que la Règle 1611 s’applique aux tribunaux administratifs, ajoutant à cette fin une formule précise. Il serait illogique de décider qu’une personne qui, en vertu des anciennes Règles, ne pouvait être admise, au mieux, qu’à titre d’intervenante, pourrait néanmoins se fonder, par analogie, sur la Règle 1716(2)b) pour se faire désigner en tant qu’intimée.
Devant la Cour, l’avocat de la Commission a de nouveau modifié sa démarche. Tentant désespérément d’écarter l’exercice de toute forme de pouvoir discrétionnaire permettant à la Cour de refuser de reconnaître la Commission en tant que partie intimée, l’avocat a soutenu que la Cour ne disposait pas de pouvoir discrétionnaire en la matière et qu’elle devrait, par conséquent, en vertu de la règle applicable aux lacunes, interpréter les Règles comme l’obligeant, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de reconnaître à la Commission intérêt pour agir à titre de partie intimée à chaque fois que la Commission présente une demande en ce sens.
Cet argument, quelle que soit la manière dont il est formulé, est sans fondement aucun. La règle applicable aux lacunes est là pour compléter les Règles, non pour les modifier. La Commission nous demande de transformer une règle, la Règle 1716(2)b), qui confère de toute évidence à la Cour un pouvoir discrétionnaire en la matière, en une règle aux termes de laquelle ce pouvoir ne serait plus discrétionnaire et ne serait exercé qu’à l’égard de la Commission. Il est clair que ce n’est pas ce qu’on entend, à la Règle 5, par l’adoption « par analogie ». En faisant sienne l’idée avancée par l’avocat, la Cour se verrait dans la position d’avoir à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme je l’ai relevé à la note 21, de par son texte d’habilitation, la Commission s’est vu reconnaître, dans certaines circonstances, un statut tout à fait spécial, mais ces circonstances ne se retrouvent pas en l’espèce. Les dispositions reconnaissant aux tribunaux administratifs l’intérêt pour agir dans le cadre de procédures contestant une de leurs décisions revêtent un caractère exceptionnel et doivent être interprétées restrictivement[27]. Les cours de justice ne doivent pas aller plus loin que le législateur. Si celui-ci avait entendu faire de la Commission une partie à part entière dans une affaire où ce n’est pas elle qui a engagé la plainte, ou dans une affaire mettant en cause une de ses décisions à elle et non pas une décision d’un tribunal des droits de la personne, il faut croire qu’il se serait prononcé expressément en ce sens.
Je reconnais que les cours de justice ont été largement disposées à permettre aux commissions des droits de la personne de prendre une part active dans les procédures portant sur les droits de la personne, notamment dans les cas où, comme il en est ici, le plaignant n’avait pas les moyens de monter un dossier adéquat contre l’auteur des présumés actes discriminatoires. Mais, en l’absence de dispositions législatives précises accordant à la Commission canadienne des droits de la personne le droit, dans une affaire telle que celle-ci, de participer en tant que partie au sens plein du terme, la Commission doit, comme tous les autres tribunaux, s’en tenir aux Règles et demander, au titre de la Règle 1611, le droit de prendre part aux procédures à titre d’intervenant, aussi activement que peuvent le justifier les circonstances de l’affaire, à condition que cela soit compatible avec la qualité d’intervenant devant la Section de première instance. La Commission doit tenir pour acquis que le juge des requêtes devant qui est présentée la demande d’autorisation d’intervenir sera sensible aux besoins et aux intérêts du plaignant comme il le sera aux intérêts de la Cour, et qu’il exercera judicieusement le pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu.
L’appel devrait être rejeté.
[1] L.R.C. (1985), ch. H-6.
[2] Règle 1600. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie
…
« personne intéressée » Personne entendue lors de la procédure de l’office fédéral visé par la demande de contrôle judiciaire.
[3] [1991] 1 C.F. 731 (C.A.).
[4] [1979] 1 R.C.S. 684.
[5] Art. 47.
[6] Art. 51.
[7] Art. 55.
[8] (1985), 63 N.R. 140 (C.A.F.), à la p. 141.
[9] Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, à la p. 1014.
[10] Art. 46 de la Loi sur la Cour fédérale [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 14; 1992, ch. 1, art. 68].
[11] [1979] 1 R.C.S. 684.
[12] Les mots « demandeur » et « défendeur » sont définis à la Règle 2. La Règle 1726 définit « tierce partie » comme étant « une personne qui n’est pas partie à l’action ».
[13] Voir, à titre d’illustration, les Règles 300(4) [mod. par DORS/79-57, art. 2], 311 [mod. par DORS/90-846, art. 5], 319 [mod. par DORS/88-221, art. 4], 346 [mod. par DORS/87-221, art. 3], 408, 462 [mod. par DORS/90-846, art. 15], 481A [édictée par DORS/79-57, art. 15], 482 [mod. par DORS/90-846, art. 18], 483, 1201 [mod. par DORS/92-43, art. 9], 1310 (le titre), 1313, 1604(1) [édictée, idem, art. 19], 1612 [édictée, idem], 1615 [édictée, idem], 1715.
[14] [1991] 1 C.F. 416 (C.A.), à la p. 423.
[15] 5th ed. (St. Paul, Minn. : West Publishing Co., 1979), à la p. 1010.
[16] Black’s Law Dictionary, aux p. 736 et 737.
[17] Dossier d’appel, à la p. 24.
[18] Dossier d’appel, à la p. 27.
[19] Voir Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, à la p. 1014 et suivantes.
[20] Voir Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien), [1991] 1 C.F. 416 (C.A.), à la p. 423; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1990] 2 C.F. 18 (C.A.), à la p. 52; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1993] 2 C.F. 651 (C.A.), à la p. 655.
[21] La Commission pourrait cependant être « personne intéressée » dans des affaires où c’est elle qui a engagé la plainte en vertu de l’art. 40(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) ou dans des affaires mettant en cause la décision d’un tribunal des droits de la personne devant lequel elle se verrait reconnaître l’intérêt pour agir, conformément aux art. 50(1) et 51 de la Loi, ainsi qu’à l’égard de décisions dans le cadre desquelles l’art. 55 de la Loi lui accorde expressément le droit d’interjeter appel devant un tribunal d’appel, lorsque le tribunal qui a pris la décision initiale comprenait moins de trois membres. Ce ne sont pas ces cas qui nous intéressent ici.
[22] [1991] 1 C.F. 731 (C.A.), à la p. 736, note 4.
[23] R. c. CAE Industries Ltd. et autre, [1977] 2 R.C.S. 566.
[24] La Partie V.1 des Règles (Règles 1600 à 1620), adoptée le 12 décembre 1991 et entrée en vigueur le 1er février 1992 en même temps que les modifications à la Loi sur la Cour fédérale, constitue un code distinct réglant les demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu des art. 18.1 et 28 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 1992, ch. 26, art. 17] de la Loi sur la Cour fédérale, modifiée.
[25] Les Règles s’appliquent sous réserve des dispositions législatives accordant à certains tribunaux la possibilité de prendre part à des procédures judiciaires, en tant que partie ou intervenant, soit de plein droit, soit avec l’autorisation de la Cour. L’application des Règles doit s’adapter à ce type de disposition. Par exemple, un tribunal à qui la loi reconnaît l’intérêt pour agir en tant que partie ou en tant que partie intervenante et qui n’est pas nommé dans la requête introductive d’instance, verra sans peine accueillir sa demande, qui se fondera soit sur la Règle 1602(3) soit sur la Règle 1611, en vue de se faire adjoindre à titre d’intimé ou en tant qu’intervenant. On trouvera des exemples de dispositions législatives accordant à un tribunal la possibilité de prendre part à des procédures judiciaires, dans la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 78(1)a),b) et c) ainsi que 78(3); la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 42(1)a), b) et c); la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications, L.R.C. (1985), ch. N-20 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 301), art. 65(4); et la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 40(3), 50(1), 51, 55.
[26] Voir : Stelco Inc. c. Tribunal canadien du commerce extérieur, A-410-93, ordonnance en date du 23-11-93, C.A.F., le juge Décary, J.C.A., inédite.
[27] Voir Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la p. 708.