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T-1364-97

Le procureur général du Canada (demandeur)

c.

Dr H. Paul Simon (défendeur)

Répertorié: Canada (Procureur général)c. Simon(1re   inst.)

Section de première instance, juge Rothstein" Ottawa, 14 avril; Calgary, 15 mai 1998.

Pensions Le défendeur a reçu des prestations d'invalidité du RPC pendant qu'il résidait en AllemagneÉtait-ilassujetti au Régime de pensions du Canadaau sens de l'art. 11a) de l'Accord entre le Canada et l'Allemagne?Le Comité de révision formé en vertu du Règlement sur la sécurité de la vieillesse a défini les termesassujettie aucomme englobant les personnes qui versent des cotisations au Régime et celles qui reçoivent des prestations en vertu de celui-ciLa norme de contrôle applicable est celle du caractère manifestement déraisonnableLa décision du Comité de révision n'était pas manifestement déraisonnableLe Comité a eu raison de ne pas considérer la preuve (moyens complémentaires d'interprétation) relative à l'interprétation de l'art. 11a)Cette disposition n'a d'incidence que sur le gouvernement du Canada et sur les personnes qui vivent en Allemagne et qui peuvent avoir droit à une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse du Canada.

Droit administratif Contrôle judiciaire Certiorari Le Comité de révision formé en vertu du Règlement sur la sécurité de la vieillesse a défini les termesassujettie au Régime de pensions du Canadafigurant dans l'art. 11a) de l'Accord entre le Canada et l'Allemagne comme englobant les personnes qui versent une cotisation au Régime et celles qui reçoivent des prestations en vertu de celui-ci lorsqu'elles sont incapables d'y verser des cotisationsCompte tenu de la clause privative intégrale, la norme de contrôle applicable était celle du caractère manifestement déraisonnableLa décision contestée n'était pas manifestement déraisonnableLe Comité de révision a-t-il rejeté à tort la preuve de la pratique ultérieurement suivie et des moyens complémentaires d'interprétation prévue aux art. 31(3)b) et 32 de la Convention de Vienne?Le Comité a eu raison de rejeter la preuve, mais pour des motifs différents de ceux qu'il a invoquésLa preuve n'était d'aucun secours pour établir l'accord des parties à l'égard de l'interprétation de l'art. 11a)L'absence de plainte de la part de l'Allemagne n'était pas concluanteLa preuve de l'intention unilatérale du Canada n'aidait pas la Cour a déterminer l'interprétation à laquelle les parties ont donné leur accordLa note de service interne n'était pas utile pour interpréter l'art. 11a) de l'Accord.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un Comité de révision formé en vertu de l'ancien article 31 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse a conclu que le défendeur était "assujetti au Régime de pensions du Canada— pendant qu'il résidait en Allemagne, au sens de l'article 11a) de l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la sécurité sociale . Lorsqu'il est devenu invalide, le défendeur a reçu des prestations mensuelles d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) du mois de décembre 1987 au mois d'août 1993, pendant qu'il résidait en Allemagne. Devant le Comité de révision, il a soutenu que, pendant la période où il a résidé en Allemagne et reçu des prestations d'invalidité en vertu du RPC, il était "assujetti au Régime de pensions du Canada" et que cette période aurait dû être imputée à ses années d'admissibilité pour le calcul du montant de sa pension de sécurité de la vieillesse même s'il ne résidait pas au Canada. La majorité des membres du Comité ont tiré une conclusion favorable au défendeur, définissant les termes "assujettie au Régime de pensions du Canada" comme englobant non seulement les personnes qui versent des cotisations au Régime, mais encore celles qui, comme le défendeur, ont un lien avec le RPC du fait qu'elles reçoivent des prestations en vertu du Régime dans une situation où elles sont incapables de verser des cotisations. Trois questions étaient en litige: 1) la norme de contrôle des décisions du Comité de révision; 2) la question de savoir si le Comité de révision avait commis une erreur de droit selon cette norme de contrôle, et 3) la question de savoir s'il avait commis une erreur de compétence en refusant à tort de tenir compte d'une preuve pertinente.

Jugement: la demande est rejetée.

1) Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse constitue une clause privative intégrale parce que les décisions du Comité de révision sont définitives et péremptoires, qu'elles ne peuvent pas faire l'objet d'un appel et que toute forme de contrôle judiciaire est exclue dans leur cas. Lorsqu'une clause privative intégrale s'applique, la décision du tribunal n'est susceptible de contrôle que si elle est manifestement déraisonnable ou si le tribunal a commis une erreur dans l'interprétation d'une disposition législative limitant ses pouvoirs. En l'espèce, le Comité de révision n'a pas interprété une disposition législative limitant ses pouvoirs. En conséquence, la norme de contrôle était celle du caractère manifestement déraisonnable.

2) Si la décision du Comité de révision comportait une erreur, celle-ci ne ressortait pas manifestement à la simple lecture des motifs. La question à trancher était celle de savoir si les termes "assujettie au Régime de pensions du Canada" s'appliquent exclusivement à la personne qui verse des cotisations au Régime de pensions du Canada. En ce qui a trait au droit à pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse , on ne sait trop pourquoi les termes "cotisant au" RPC ou des termes ayant la même portée n'ont pas été utilisés dans l'article 11a) de l'Accord. Le sens de l'expression "assujettie au Régime de pensions du Canada" n'est donc pas évident. Ce n'était pas un cas dans lequel le caractère manifestement déraisonnable de la décision ressortait une fois que les contours du problème étaient devenus apparents. En conséquence, la décision de la majorité des membres du Comité de révision n'était pas manifestement déraisonnable.

3) Le demandeur a soutenu que le Comité de révision a refusé à tort de tenir compte de la pratique ultérieurement suivie prévue à l'article 31(3)b) de la Convention de Vienne sur le droit des traités et qu'il a rejeté à tort la preuve de moyens complémentaires d'interprétation prévue à l'article 32 de la Convention. Le Comité de révision a décidé de ne pas tenir compte de la preuve de la pratique ultérieurement suivie parce que la question qu'il devait trancher était celle de savoir si cette pratique était conforme ou non à l'article 11a) de l'Accord. Le Comité a eu raison de rejeter la preuve, mais pas pour le bon motif. L'article 31(3)b) de la Convention de Vienne oblige un tribunal à recevoir et à prendre en compte la preuve d'une pratique ultérieurement suivie si cette preuve aide à établir l'accord des parties à l'égard de l'interprétation d'un traité. La preuve que le demandeur a tenté de produire n'était d'aucun secours pour établir l'accord des parties à l'égard de l'interprétation de l'article 11a) de l'Accord. Le fait "qu'aucun autre pays ni aucune autre personne n'a déjà contesté l'interprétation donnée par le Canada de la disposition semblable que l'on trouve dans pratiquement tous les accords sur la sécurité sociale conclus par le Canada" ne constituait pas une preuve établissant un accord entre le Canada et l'Allemagne. L'absence de plainte de la part de l'Allemagne n'avait pas non plus de force probante. La deuxième erreur invoquée tient au rejet des "moyens complémentaires d'interprétation" qui consistaient en une note de service interne du gouvernement du Canada indiquant qu'une disposition semblable à l'article 11a) de l'Accord constituait une caractéristique type de tous les accords sur la sécurité sociale entre le Canada et d'autres pays. Le Comité de révision a eu raison d'exclure cette preuve, mais encore une fois, il ne s'est pas appuyé sur les motifs qui convenaient. La preuve de l'intention unilatérale du Canada n'était d'aucun secours à la Cour qui devait déterminer l'interprétation à laquelle les parties avaient donné leur accord. Le lien entre la note de service qui établirait l'interprétation voulue par le Canada et tout accord effectivement intervenu entre les parties à l'égard de l'interprétation de cette disposition relevait de la pure conjecture. La note de service de 1983 précisait qu'une disposition comme l'article 11a) constitue "exclusivement une question de politique interne canadienne qui ne peut réellement faire l'objet de négociations car elle n'a pas d'application réciproque". Elle ne traitait pas de la question en litige, soit celle de savoir si les périodes pendant lesquelles une personne reçoit des prestations d'invalidité en vertu du RPC à l'extérieur du Canada doivent aussi être imputées comme périodes de résidence au Canada pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse . Elle n'était pas utile pour l'interprétation de l'article 11a) de l'Accord.

lois et règlements

Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la sécurité sociale, 14 novembre 1985, [1988] R.T. Can. no 15, art. 7, 11a),b),c).

Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, [1980] R.T. Can. no 37, art. 31(3)b), 32.

Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, art. 3(2),(3), 28(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 33, art. 16).

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, art. 82(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 33, art. 35).

Règlement sur la sécurité de la vieillesse, C.R.C., ch. 1246, art. 31.

jurisprudence

décisions appliquées:

Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890; (1997), 149 D.L.R. (4th) 577; [1997] 8 W.W.R. 517; 158 Sask. R. 81; 50 Admin. L.R. (2d) 1; 30 C.C.E.L. (2d) 149; 37 C.C.L.T. (2d) 1; 216 N.R. 1; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] 2 C.F. 49; (1995), 191 N.R. 247 (C.A.).

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision du Comité de révision portant que le défendeur était "assujetti au Régime de pensions du Canada" pendant qu'il résidait en Allemagne et qu'il recevait des prestations d'invalidité du RPC, au sens de l'article 11a) de l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la sécurité sociale . Demande rejetée.

avocats:

Julie Lalonde-Goldenberg pour le demandeur.

Michael K. Walter pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Miller Thomson, Toronto, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Rothstein:

LES QUESTIONS EN LITIGE

Trois questions sont en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par le Comité de révision formé en vertu de l'ancien article 31 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse1:

a) Quel est la norme de contrôle des décisions du Comité de révision?

b) Selon cette norme, le Comité de révision a-t-il commis une erreur de droit pouvant donner lieu au contrôle judiciaire?

c) Le Comité de révision a-t-il refusé à tort de tenir compte d'une preuve pertinente, commettant ainsi une erreur de compétence?

La question soumise au Comité de révision était celle de savoir si le défendeur était "assujetti au Régime de pensions du Canada" lorsqu'il résidait en Allemagne, au sens de l'article 11a) de l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la sécurité sociale , 14 novembre 1985, [1988] R.T. Can. no 15 (l'Accord).

Règle générale, en vertu des paragraphes 3(2) et 3(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, modifiée, une personne qui a résidé au Canada moins de 40 ans après avoir atteint l'âge de 18 ans est admissible à une pension partielle (pension de sécurité de la vieillesse) calculée en divisant le nombre d'années de résidence au Canada par 40. En l'espèce, le demandeur a reconnu que le défendeur a droit à 33/40 de la pleine pension de sécurité de la vieillesse. Toutefois, en vertu de l'article 11a) de l'Accord, si une personne est "assujettie au Régime de pensions du Canada" pendant une période de résidence en Allemagne, cette période est considérée comme une période de résidence au Canada pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse . Voici l'article 11a):

ARTICLE 11

Aux fins de la Loi du Canada sur la sécurité de la vieillesse:

a) si une personne . . . est assujettie au Régime de pensions du Canada . . . pendant une période de résidence sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, ladite période est considérée comme une période de résidence au Canada relativement à cette personne, à son conjoint et aux personnes à sa charge qui résident avec elle et qui ne sont pas assujettis à la législation allemande relative à la participation obligatoire à un régime de pension;

Le défendeur est devenu invalide et il a reçu des prestations mensuelles d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, modifié (RPC) du mois de décembre 1987 au mois d'août 1993, soit jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 65 ans. Pendant cette période, il a résidé en Allemagne. Devant le Comité de révision, le défendeur a soutenu que, pendant la période où il a résidé en Allemagne et reçu des prestations d'invalidité en vertu du RPC, il était "assujetti au Régime de pensions du Canada" et que cette période aurait dû être imputée à ses années d'admissibilité pour le calcul du montant de sa pension de sécurité de la vieillesse même s'il ne résidait pas au Canada.

LA DÉCISION DU COMITÉ DE RÉVISION

La majorité des membres du Comité de révision ont tiré une conclusion favorable au défendeur. Les motifs du Comité de révision expliquent, à la page 2:

[traduction] En bout de ligne, la majorité des membres du tribunal accueillent l'appel. Essentiellement, la majorité estime que les termes "assujettie au Régime de pensions du Canada" englobent les personnes qui versent des cotisations au Régime, celles au profit desquelles un employeur verse des cotisations au Régime et les personnes qui reçoivent des prestations d'invalidité en vertu du Régime. Cette définition inclut le Dr Simon. De l'avis de la majorité, les mots "assujettie au" renvoient aux personnes qui ont effectivement un lien avec le RPC, du fait soit qu'elles versent des cotisations soit qu'elles reçoivent des prestations du RPC dans une situation où elles sont incapables de verser des cotisations. L'expression "assujettie au" a une portée large et ne doit pas être interprétée comme équivalant à l'expression "cotisant au".

La minorité (le président du Comité) a conclu que l'expression "assujettie au" ne doit pas être considérée isolément et qu'une personne qui reçoit des prestations d'invalidité et qui n'a pas de lien résiduel avec le Canada n'est pas "assujettie au" RPC:

[traduction] À la lecture de l'article 11a) en regard du reste de l'article et de l'Accord dans son ensemble, le membre dissident convient que, dans les circonstances, le sens de l'expression "assujettie au" ne doit pas être considéré isolément. La personne qui reçoit simplement une pension d'invalidité et qui n'a plus de lien résiduel avec le Canada ne peut être considérée comme assujettie au Régime de pensions du Canada simplement parce qu'elle reçoit des prestations d'invalidité du Régime.

LA NORME DE CONTRÔLE

À l'époque de la décision du Comité de révision, le paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse était libellé comme suit2:

28. (1) La personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la pension ou du supplément prise en application de la présente loi peut en appeler devant le tribunal prévu à l'alinéa 34n). Obligatoire et définitive, la décision de celui-ci n'est susceptible d'aucun recours, ni par voie d'appel, ni par voie de révision, étant toutefois entendu qu'il peut modifier sa décision à la demande de l'intéressé ou du ministre et sur présentation de nouveaux éléments de preuve. [Non souligné dans l'original.]

Dans l'arrêt Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890, le juge Sopinka définit la notion de clause privative intégrale à la page 905:

Une clause privative "intégrale" ou "véritable" est celle qui déclare que les décisions du tribunal administratif sont définitives et péremptoires, qu'elles ne peuvent pas faire l'objet d'un appel et que toute forme de contrôle judiciaire est exclue dans leur cas.

Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse est manifestement une clause privative intégrale.

À la page 904 de l'arrêt Pasiechnyk, le juge Sopinka a énoncé la norme de contrôle à utiliser lorsqu'une clause privative intégrale s'applique:

Pour déterminer la norme de contrôle applicable, je dois d'abord déterminer si l'objet de la décision du tribunal administratif était assujetti à une clause privative ayant un effet privatif intégral. Si je conclus qu'une clause privative intégrale s'applique, la décision du tribunal n'est alors susceptible de contrôle que si elle est manifestement déraisonnable ou si le tribunal a commis une erreur dans l'interprétation d'une disposition législative limitant ses pouvoirs.

En l'espèce, le Comité de révision n'a pas interprété une disposition législative limitant ses pouvoirs. En conséquence, la norme de contrôle est celle du caractère manifestement déraisonnable.

LA DÉCISION DU COMITÉ EST-ELLE

    MANIFESTEMENT DÉRAISONNABLE

Si la décision du Comité de révision comporte une erreur, celle-ci ne ressort pas manifestement à la simple lecture des motifs. Toutefois, le contrôle judiciaire fondé sur le caractère manifestement déraisonnable peut obliger la Cour à poursuivre son examen au-delà de la lecture des motifs. Selon les propos tenus par le juge Iacobucci dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, à la page 777:

La différence entre "déraisonnable" et "manifestement déraisonnable" réside dans le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors manifestement déraisonnable. Cependant, s'il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable. Comme l'a fait observer le juge Cory dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada , [1993] 1 R.C.S. 941, à la p. 963, "[d]ans le Grand Larousse de la langue française, l'adjectif manifeste est ainsi défini: "Se dit d'une chose que l'on ne peut contester, qui est tout à fait évidente" ". Cela ne veut pas dire, évidemment, que les juges qui contrôlent une décision en regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable ne peuvent pas examiner le dossier. Si la décision contrôlée par un juge est assez complexe, il est possible qu'il lui faille faire beaucoup de lecture et de réflexion avant d'être en mesure de saisir toutes les dimensions du problème. Voir National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations) , [1990] 2 R.C.S. 1324, à la p. 1370, juge Gonthier; voir aussi Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, au par. 47, le juge Cory. Mais une fois que les contours du problème sont devenus apparents, si la décision est manifestement déraisonnable, son caractère déraisonnable ressortira.

La question à trancher en l'espèce est celle de savoir si les termes "assujettie au Régime de pensions du Canada" s'appliquent à la personne qui reçoit une pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada ou s'ils se limitent exclusivement à celle qui verse des cotisations au Régime de pensions du Canada. Certes, lorsqu'on examine l'ensemble de l'Accord, les termes "assujettie au" peuvent bien viser uniquement la personne "cotisant au" RPC et non celle qui reçoit une pension d'invalidité en vertu du RPC. En ce qui concerne le droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada , l'Accord semble viser le salarié qui travaille temporairement dans un pays autre que le Canada à la demande de son employeur canadien. Dans ce cas, au cours des soixante premiers mois d'emploi à l'extérieur du Canada, le Régime de pensions du Canada s'applique à ces travailleurs salariés et ceux-ci cotisent au RPC.

Toutefois, en ce qui a trait au droit à pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, on ne sait trop pourquoi les termes "cotisant au" RPC ou des termes ayant la même portée n'ont pas été utilisés dans l'article 11a) de l'Accord. On ne m'a proposé aucune raison évidente pour laquelle ces termes n'auraient pas pu être employés et les termes plus larges "assujettie au" leur ont été préférés. Les mots "travailleur salarié", "emploi" et "emploi autonome" figurent aux articles 7, 11b) et 11c), alors que l'article 11a) contient simplement le terme "personne". Cela laisse croire que l'expression "assujettie au" dans l'article 11a) peut effectivement englober d'autres personnes que celles qui ont un emploi ou un emploi autonome et qui versent des cotisations au RPC. Le sens de l'expression "assujettie au Régime de pensions du Canada" n'est donc pas évident.

Pendant la plaidoirie, j'ai demandé à l'avocat du défendeur si une personne qui a fait le choix de recevoir une pension de retraire du RPC à l'âge de 60 ans et qui réside en Allemagne de l'âge de 60 ans à l'âge de 65 ans pourrait être considérée comme "assujettie au Régime de pensions du Canada" pour l'application de l'article 11a). Il serait à tout le moins surprenant qu'une personne qui a choisi de quitter le Canada et de recevoir une pension de retraite anticipée du RPC puisse imputer les années au cours desquelles elle a reçu cette pension et résidé à l'étranger aux années lui ouvrant droit à une pension de vieillesse du Canada.

Toutefois, l'avocat du défendeur m'a convaincu qu'une personne qui reçoit une pension d'invalidité du RPC ne se trouve peut-être pas dans la même situation. Il a souligné que la personne qui reçoit une pension d'invalidité du RPC n'est pas capable de verser des cotisations au RPC et que cette incapacité peut distinguer de façon déterminante sa situation de celle des personnes qui ont choisi de recevoir une pension de retraite anticipée du RPC et de quitter le Canada.

On ne sait trop pourquoi l'article 11a) utilise les termes "personne" et "assujettie au" alors que des termes comme "travailleur salarié" ou "travailleur autonome" et "cotisant au" auraient tout aussi bien pu être utilisés si telle avait été l'intention du rédacteur de l'Accord. Ce n'est pas un cas dans lequel le caractère manifestement déraisonnable de la décision ressort "une fois que les contours du problème sont devenus apparents". En conséquence, je ne puis affirmer que la décision du Comité de révision rendue à la majorité est manifestement déraisonnable en l'espèce.

EXCLUSION DE LA PREUVE

L'affaire n'est cependant pas réglée pour autant. Le demandeur soutient que le Comité de révision a commis une erreur de compétence en refusant de recevoir une preuve qui l'aurait aidé à interpréter l'article 11a) de l'Accord. Le demandeur s'appuie sur la Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, [1980] R.T. Can. no 37 (la Convention de Vienne) à laquelle le Canada est partie. La Convention de Vienne établit des règles expresses d'interprétation des traités et elle a été portée à l'attention du Comité de révision.

Le demandeur invoque deux erreurs: le Comité de révision aurait refusé à tort de tenir compte de la pratique ultérieurement suivie prévue à l'article 31(3)b) de la Convention de Vienne et il aurait rejeté à tort la preuve de moyens complémentaires d'interprétation prévue à l'article 32 de la Convention de Vienne.

Quant à la première erreur alléguée, l'article 31(3)b) de la Convention de Vienne prévoit:

Article 31

. . .

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte:

. . .

b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité;

Le Comité de révision a reçu la preuve produite par le Canada concernant la pratique ultérieurement suivie. Toutefois, il a décidé de ne pas tenir compte de la preuve de la pratique ultérieurement suivie parce que la question qu'il devait trancher était celle de savoir si cette pratique était conforme ou non à l'article 11a) de l'Accord. Voici les motifs prononcés par le Comité de révision à cet égard:

[traduction] L'avocate du ministre a également prétendu que le Tribunal aurait dû prendre en compte la pratique ultérieure à la signature de l'Accord entre les deux gouvernements. Elle a fait valoir que la pratique du ministre consistait à ne pas considérer une personne qui reçoit des prestations d'invalidité, mais qui ne réside pas au Canada, comme "assujettie au Régime de pensions du Canada". Nous sommes tous d'accord pour dire que nous ne pouvons pas retenir cet argument. Il s'agit du premier appel portant sur le sens de l'article 11et la question à trancher est celle de savoir si la pratique du ministre est régulière ou non.

La preuve que le Comité de révision a reçue, mais dont il n'a pas tenu compte, est résumée dans l'affidavit de Diane Cormier:

[traduction] J'ai précisé dans mon témoignage que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord, l'expression "assujettie au Régime de pensions du Canada" figurant à l'article 11 a été interprétée, de façon constante, comme signifiant "cotisant au Régime de pensions du Canada" et n'a donné lieu à aucune contestation de la part de l'Allemagne ou d'une autre personne. J'ai aussi souligné qu'aucun autre pays ni aucune autre personne n'a déjà contesté l'interprétation donnée par le Canada de la disposition semblable que l'on trouve dans pratiquement tous les accords sur la sécurité sociale conclus par le Canada. Depuis l'audition, aucune contestation n'a été formulée.

Le Comité de révision a eu raison de ne pas considérer la preuve, mais pas pour le bon motif. Contrairement à ce que le Comité de révision a affirmé dans ses motifs, et qui laisse croire qu'il ne doit tenir aucun compte de la preuve de la pratique ultérieurement suivie, l'article 31(3)b) de la Convention de Vienne oblige un tribunal à recevoir et à prendre en compte la preuve d'une pratique ultérieurement suivie si cette preuve aide à établir l'accord des parties à l'égard de l'interprétation d'un traité.

Le demandeur soutient que la preuve relative à la pratique suivie par le Canada quant à l'application de l'article 11a) et des dispositions semblables figurant dans d'autres accords internationaux établit l'interprétation que le Canada entend donner à cette disposition et qu'il est possible d'en déduire que l'Allemagne accepte cette interprétation puisqu'elle ne s'est pas opposée à cette pratique du Canada.

Néanmoins, la preuve que le demandeur a tenté de produire n'est d'aucun secours pour établir l'accord des parties à l'égard de l'interprétation de l'article 11a) de l'Accord. Premièrement, le fait "qu'aucun autre pays ni aucune autre personne n'a déjà contesté l'interprétation donnée par le Canada de la disposition semblable que l'on trouve dans pratiquement tous les accords sur la sécurité sociale conclus par le Canada" ne constitue pas une preuve établissant un accord entre le Canada et l'Allemagne. Même si d'autres pays avaient exprimé expressément leur accord relativement à la pratique suivie par le Canada quant à l'interprétation de cette disposition, il est plausible que l'Allemagne ne partage pas leur opinion.

Deuxièmement, l'avocat du demandeur soutient que l'absence de plainte témoigne de l'approbation implicite du point de vue canadien par l'Allemagne. Je ne partage pas cet avis. Certes, l'approbation ou l'opposition expresse manifestée par l'Allemagne à l'égard de cette pratique résoudrait la question, dans un sens ou dans l'autre. Toutefois, je ne sais pas si l'absence de plainte de la part de l'Allemagne découle du fait que personne ne lui a jamais demandé de s'engager ou de son choix de ne pas s'engager. Il n'est pas évident, compte tenu du silence de l'Allemagne, que ce pays est même au courant de la pratique canadienne. L'absence de plainte de la part de l'Allemagne n'a tout simplement aucune force probante.

En conséquence, je dois conclure que la preuve de la pratique ultérieure unilatérale du Canada sous le régime de l'article 11a) ne constitue pas une preuve par laquelle "est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation" de cette disposition (non souligné dans l'original), mais simplement une preuve intéressée proposée pour convaincre la Cour de reconnaître l'interprétation unilatérale privilégiée par le demandeur. Le Comité de révision n'a pas commis d'erreur en ne tenant pas compte de cette preuve.

La deuxième erreur invoquée tient au fait que le Comité de révision a rejeté des "moyens complémentaires d'interprétation" que le demandeur prétend admissibles en vertu de l'article 32 de la Convention de Vienne:

Article 32

. . .

Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31:

a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou

b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.

En ce qui a trait à cette deuxième erreur alléguée, le Comité de révision a déclaré:

[traduction] L'avocat a appelé Mme D. Cormier, agente des politiques de sécurité sociale de la Division des prestations internationales et des affaires étrangères, une fonctionnaire expérimentée et éloquente, à témoigner sur l'historique de l'Accord et sur la pratique suivie par le gouvernement relativement à l'Accord. Après la plaidoirie de l'avocat, le président du tribunal a décidé que Mme Cormier ne pouvait pas témoigner quant à la signification des termes en cause car c'est au tribunal qu'il incombait de se prononcer à cet égard.

Les "moyens complémentaires d'interprétation" que le Comité de révision a refusé de recevoir et d'examiner consistaient en une note de service interne du gouvernement du Canada, datée du 29 juin 1983, indiquant qu'une disposition semblable à l'article 11a) de l'Accord constituait une caractéristique type de tous les accords sur la sécurité sociale entre le Canada et d'autres pays. Voici un extrait de cette note de service:

[traduction] Nous avons pour politique d'inclure typiquement dans tous nos accords sur la sécurité sociale une disposition qui établit un lien entre les périodes de cotisation au Régime de pensions du Canada (ou à un régime général de pensions d'une province) et les périodes de résidence pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Notre objectif consiste à garantir qu'une personne qui participe au RPC pendant qu'elle réside à l'extérieur du Canada participera aux deux composantes de notre régime de pension de l'État. Ainsi, ces périodes de participation au RPC sont réputées constituer des périodes de résidence au Canada aux fins de la sécurité de la vieillesse; . . . À l'inverse, nous voulions nous assurer qu'à l'égard d'une personne qui réside au Canada, mais qui cotise au régime de sécurité sociale d'un autre pays (et donc pas au RPC), ces périodes ne soient pas considérées comme des périodes de résidence aux fins de la sécurité de la vieillesse.

La note de service indique en outre que le lien entre le RPC et la sécurité de la vieillesse constitue exclusivement une question de politique interne canadienne:

[traduction] Toutefois, je me demande sérieusement si cette disposition devrait faire partie de nos accords ou si elle ne devrait pas plutôt être intégrée au Règlement sur la sécurité sociale. Le lien entre le RPC et la sécurité de la vieillesse constitue, somme toute, exclusivement une question de politique interne canadienne qui ne peut réellement faire l'objet de négociations car elle n'a pas d'application réciproque. Les autres pays semblent inévitablement avoir de la difficulté à comprendre la raison d'être de cet article, et il faut toujours y consacrer au moins une demi journée de discussion. Si on modifiait la réglementation, le lien que nous voulons établir entre le RPC et la sécurité de la vieillesse découlerait de la conclusion d'un accord. En intégrant cette disposition au règlement, on simplifierait la négociation des accords et, ce qui est plus important, on la replacerait dans le cadre qui lui convient, compte tenu de sa nature nationale.

L'avocat du demandeur affirme que le Comité de révision était tenu d'appliquer l'article 32 de la Convention de Vienne et que, s'il l'avait fait, il n'aurait pas exclu la note de service. L'avocat prétend que la note de service est pertinente quant à l'interprétation de l'article 11a) de l'Accord parce qu'elle établit que le Canada voulait que les périodes de cotisation au RPC soient liées aux périodes de résidence pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Le Comité de révision a eu raison d'exclure cette preuve, mais une fois encore, il ne s'est pas appuyé sur les motifs qui convenaient. Le Comité de révision semble avoir cru que le tribunal ne peut absolument pas recevoir une preuve extrinsèque pour l'aider à établir le sens de l'Accord. Or, si cette preuve satisfait aux exigences de l'article 32 de la Convention de Vienne, le Comité de révision a le pouvoir discrétionnaire de la recevoir.

Il est implicite dans l'article 32 que les moyens complémentaires d'interprétation visés sont ceux qui contribuent à mettre au jour l'interprétation que les parties ont voulu donner à la disposition en cause. Ces moyens complémentaires d'interprétation seraient analogues à la preuve extrinsèque qui est parfois admise pour faciliter l'interprétation d'un contrat ambigu.

En l'espèce, il est clair que l'Allemagne a donné son accord à l'utilisation des termes "assujettie au Régime de pensions du Canada" à l'article 11a) de l'Accord. Ce qui n'est pas clair, et ce que le Canada a tenté de démontrer au Comité de révision par l'utilisation de "moyens complémentaires d'interprétation", c'est l'acquiescement de l'Allemagne à l'interprétation de l'article 11a) que privilégie le Canada, c'est-à-dire au fait que les termes "assujettie au" doivent être interprétés comme signifiant "cotisant au".

Tout comme en ce qui concerne la preuve de la "pratique ultérieurement suivie" dont il a déjà été question, la note de service de 1983 constitue tout au plus une expression de l'interprétation que le Canada entend donner de l'article 11a). En effet, cette note de service souligne expressément que le lien entre la sécurité de la vieillesse et le RPC constitue "exclusivement une question de politique interne canadienne qui ne peut réellement faire l'objet de négociations". La preuve établissant que l'Allemagne connaissait et acceptait l'interprétation proposée par le Canada serait effectivement utile pour l'interprétation de l'Accord. Cependant, la preuve de l'intention unilatérale du Canada n'est d'aucun secours à la Cour qui doit déterminer l'interprétation à laquelle les parties ont effectivement donné leur accord. Le juge Strayer, J.C.A. a formulé une remarque semblable dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] 2 C.F. 49 (C.A.), à la page 60:

. . . il est risqué de présumer que le sens qu'attribuent à un texte une ou deux délégations dans le cadre d'une négociation internationale multilatérale reflète nécessairement l'intention du groupe tout entier, si tant est qu'il existait effectivement une intention commune.

Même si la preuve établissait très clairement l'intention du Canada, il n'est pas manifeste que l'Allemagne connaissait cette intention et il n'est donc pas possible de déterminer quel était le point de vue de l'Allemagne à l'égard de l'interprétation de cette disposition. On demande à la Cour de tenir pour acquis que l'Allemagne souscrivait à l'interprétation voulue par le Canada. Le lien entre la note de service qui établirait l'interprétation voulue par le Canada et tout accord effectivement intervenu entre les parties à l'égard de l'interprétation de cette disposition relève de la pure conjecture.

Néanmoins, il semble que le demandeur souligne que l'article 11a) n'est pertinent qu'à l'égard du Canada, et que l'Allemagne a donné son accord au libellé de cette disposition en sachant qu'elle concernait uniquement la politique interne du Canada, pour avancer que la preuve de l'interprétation unilatérale donnée par la Canada à cette disposition satisfait aux conditions d'application de l'article 32, parce qu'elle établit l'intention de l'unique partie intéressée.

L'affaire dont la Cour est saisie est effectivement inhabituelle car l'article 11a), bien qu'il fasse partie de l'Accord, ne touche pas les deux parties; il n'a d'incidence que sur le gouvernement du Canada et sur les personnes qui vivent en Allemagne et qui peuvent avoir droit à une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse du Canada. La note de service de 1983 précise qu'une disposition comme l'article 11a) constitue "exclusivement une question de politique interne canadienne qui ne peut réellement faire l'objet de négociations car elle n'a pas d'application réciproque". Il est certes manifeste que cette disposition n'a qu'un intérêt limité, voire inexistant pour l'Allemagne.

Toutefois, même si l'Allemagne savait que l'article 11a) concernait exclusivement la politique interne du Canada et ne s'était pas formé d'opinion à l'égard de son interprétation, cela ne signifierait pas pour autant que l'Allemagne a donné son accord à l'interprétation de cette disposition que privilégie le Canada. La preuve visant à établir l'interprétation unilatérale du Canada, si convaincante soit-elle, ne porte tout simplement pas sur un consensus auquel seraient parvenues les parties concernant l'interprétation de la disposition en cause et ne peut donc pas être utilisée pour remplacer la preuve de l'intention mutuelle des parties.

En outre, la preuve elle-même n'est pas utile pour déterminer si ce ne sont que les périodes de cotisation au RPC qui doivent être imputées comme des périodes de résidence pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Bien que la note de service mentionne les "périodes de cotisation", rien n'indique qu'il s'agit des périodes de cotisation, à l'exclusion de toutes autres. En d'autres termes, elle ne traite pas de la question en litige en l'espèce, soit celle de savoir si les périodes pendant lesquelles une personne reçoit des prestations d'invalidité en vertu du RPC à l'extérieur du Canada doivent aussi être imputées comme périodes de résidence au Canada pour l'application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse .

La note de service n'est pas utile pour l'interprétation de l'article 11a) de l'Accord et le Comité de révision n'a pas commis d'erreur en n'en tenant pas compte.

INTÉRÊTS

La décision du Comité de révision recommandait que le défendeur reçoive des intérêts sur les prestations rétroactives versées par le ministre. Le demandeur a contesté la compétence du Comité de révision pour ordonner le paiement d'intérêts. Le défendeur a toutefois reconnu que la décision du Comité de révision ne constituait qu'une recommandation faite au ministre de verser des intérêts et non un ordre exécutoire adressé à celui-ci. La décision du Comité de révision ne soulève pas cette question de compétence.

CONCLUSION

Le Comité de révision n'a commis aucune erreur pouvant donner lieu au contrôle judiciaire en rendant la décision dont la Cour est saisie. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

Le défendeur demande les dépens en invoquant l'existence de raisons spéciales: il affirme que l'affaire serait une cause type. L'avocat du ministre a soutenu devant la Cour qu'il ne s'agit pas d'une cause type. Je ne dispose d'aucune autre preuve qui contredirait l'affirmation de l'avocat du ministre. Dans les circonstances, il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

1 C.R.C., ch. 1246, art. 31 (abrogé par DORS/96-521, art. 18) entré en vigueur le 1er janvier 1997.

2 Le régime de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a été modifié. Le chapitre 33 [art. 16] des L.C. 1995, entré en vigueur le 1er janvier 1997 (TR/96-105) prévoit qu'un prestataire doit maintenant demander au ministre de réviser sa décision avant d'interjeter appel devant un tribunal de révision en vertu de l'art. 82(1) [mod. par L.C. 1995, ch. 33, art. 35] du Régime de pensions du Canada.

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