T-1635-97
Novopharm Limited (requérante)
c.
Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Abbott Laboratories Limited (intimés)
Répertorié: Novopharm Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1reinst.)
Section de première instance, juge Hugessen" Toronto, 28 janvier et 3 février 1998.
Brevets — Contrôle judiciaire de la décision du ministre de refuser de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm — AC délivrés à Abbott en 1985 et en 1992 pour le même médicament — Moins de 30 jours suivant l'entrée en vigueur du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), Abbott a déposé des listes de brevets relativement à des doses individuelles visées par les AC — Des brevets expirant en juillet 1996 et en juillet 1997 figuraient dans ces listes — En 1995, un AC a été délivré à Abbott relativement à un échantillon de départ, comprenant trois doses différentes — En 1997, Abbott a obtenu trois nouveaux brevets fondés sur des demandes déposées entre 1991 et 1995 — Dans les trente jours suivants, Abbott a déposé des modifications à ses listes de brevets déposées relativement aux AC qui lui avaient été délivrés relativement aux doses individuelles, mais non à l'échantillon de départ — Le ministre a accepté les listes modifiées, et a soutenu qu'il lui était interdit de délivrer un AC à Novopharm — L'art. 4(5) du Règlement dispose que la première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'AC, soumettre une liste de brevets ou modifier la liste de brevets existante à l'égard d'un brevet qui a été délivré au cours des 30 jours précédents et qui était fondé sur une demande déposée avant la date de ce dépôt — Étant donné que les trois nouveaux brevets d'Abbott sont fondés sur des demandes déposées longtemps après la délivrance de ses AC en 1985 et en 1992, ils ne pouvaient être ajoutés par voie de modification aux listes de brevets — Le ministre a commis une erreur en traitant une modification tardive comme une liste de brevets originale — Il incombe au ministre de déceler les erreurs, mais non de les corriger — Sens des mots —drogue— et —médicament— figurant dans le Règlement — C'est la drogue (objet de la PDN), et non le médicament (objet du brevet), qui constitue le lien entre les listes de brevets, le registre et le Règlement — Étant donné que l'AC a été délivré relativement à l'échantillon de départ, c'est le —médicament— à l'égard duquel la liste de brevets a été déposée — Or la présentation de drogue nouvelle de Novopharm ne visait que les médicaments qui faisaient l'objet des AC délivrés à Abbott en 1985 et en 1992 — Les brevets figurant sur les listes de brevets à l'égard de ces médicaments sont expirés — L'art. 5 n'a pas pour effet d'interdire la délivrance d'un AC à Novopharm.
Interprétation des lois — Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), art. 4(5) — La version anglaise exige clairement que le nouveau brevet ait été demandé avant le dépôt de la présentation de drogue nouvelle et n'ait pas été délivré plus de trente jours avant le dépôt d'une liste de brevets — Absence de bien-fondé de l'argument voulant que suivant le texte français, le dépôt d'une nouvelle liste de brevets est assujetti à des conditions, alors que la modification d'une liste existante pourrait être faite en tout temps et sans conditions — Mention déroutante, dans le texte français, d'—un brevet . . . qui était fondé sur une demande au tribunal— — La délivrance de brevets ne fait pas partie des attributions d'une cour ou d'un tribunal — Étant donné l'ambiguïté du texte français, la règle du sens commun exige l'adoption d'une interprétation conforme à la version anglaise, laquelle n'est pas ambiguë — L'interprétation proposée est dénuée de sens vu le contexte — Il n'existe pas d'explication de principe rationnelle qui justifierait l'assujettissement du dépôt d'une liste de brevets nouvelle ou originale à des restrictions temporelles rigoureuses, tout en permettant l'ajout à volonté de brevets à une liste existante — Les demandes de brevets déposées longtemps après la délivrance des AC ne pouvaient être ajoutées par voie de modification aux listes de brevets.
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de refuser de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm. En 1985, un avis de conformité a été délivré à Abbott relativement à trois différentes doses de chlorhydrate de térazosine (CT). En 1992, un deuxième AC a été délivré relativement à une quatrième dose. En 1993, moins de trente jours après l'entrée en vigueur du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), Abbott a déposé des listes de brevets relativement aux quatre doses visées par les deux AC. Deux brevets expirant respectivement en juillet 1996 et en juillet 1997 figuraient dans ces listes. Novopharm a par la suite déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) relativement aux quatre doses de CT. En 1995, un AC a été délivré à Abbott relativement à un "échantillon de départ" comprenant trois doses de CT emballés ensemble. En 1997, Abbott a obtenu trois nouveaux brevets contenant des revendications pour le médicament CT. Chacun de ces brevets était fondé sur une demande déposée entre 1991 et octobre 1995. Dans les trente jours suivant leur délivrance, Abbott a déposé des modifications à ses listes de brevets déposées relativement aux AC qui lui avaient été délivrés en 1985 et 1992, mais non relativement à l'AC délivré en 1995. Le ministre a accepté les listes modifiées, ajouté les renseignements qu'elles contenaient au registre et, se fondant sur ces renseignements, il a soutenu que l'article 7 lui interdisait de délivrer un AC à Novopharm.
Le paragraphe 4(5) du Règlement dispose que la première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets ou modifier la liste de brevets existante à l'égard d'un brevet qui a été délivré au cours des 30 jours précédents et qui était fondé sur une demande au tribunal déposée avant la date de ce dépôt.
Les questions en litige étaient de savoir (1) si le paragraphe 4(5) permet la modification d'une liste de brevets existante en tout temps et sans conditions, et (2) si c'est le médicament pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication, ou la drogue qui est l'objet de la PDN, qui enclenche l'application de l'interdiction édictée dans le Règlement et qui empêche le fabricant d'un médicament générique d'obtenir un AC avant l'expiration des brevets énumérés.
Jugement: il est ordonné au ministre de rayer du registre les modifications de la liste de brevets déposées par Abbott en juin 1997, et d'évaluer la présentation de drogue nouvelle de Novopharm selon son bien-fondé, sans tenir compte des brevets qui y sont énumérés.
(1) La version anglaise du paragraphe 4(5) exige clairement que le nouveau brevet ait été demandé avant le dépôt de la PDN et n'ait pas été délivré plus de trente jours avant le dépôt de la liste de brevets modifiée (ou nouvelle). L'argument d'Abbott voulant que le texte français puisse être interprété comme si le dépôt d'une nouvelle liste de brevets était assujettie à des conditions, alors qu'il serait possible de modifier une liste existante en tout temps et sans conditions, est mal fondé. La mention d'"un brevet . . . qui était fondé sur une demande au tribunal" est déroutante. Selon la définition qui en est donnée, le terme "tribunal" s'entend d'une cour supérieure; la délivrance de brevets ne fait pas partie des attributions normales d'une cour. Étant donné que le texte français est à tout le moins ambigu, et qu'une seule des interprétations possibles est compatible avec la version anglaise, laquelle n'est pas ambiguë, la règle du sens commun exige qu'il lui soit donné préférence. En l'absence d'explication de principe rationnelle qui justifierait l'assujettissement du dépôt d'une liste de brevets nouvelle ou originale à des restrictions temporelles rigoureuses, tout en permettant l'ajout à volonté de brevets à une liste existante, l'interprétation proposée est tout simplement dénuée de sens. Étant donné que les trois nouveaux brevets d'Abbott sont fondés sur des demandes déposées longtemps après la délivrance de ses avis de conformité originaux pour les doses individuelles de CT, ils ne pouvaient être ajoutés par voie de modification aux listes de brevets déjà déposées relativement à ces avis de conformité et aux drogues qu'ils visaient.
La norme de contrôle applicable est celle de la justesse de la décision, et le ministre a commis une erreur. Il a reçu un document qui était désigné comme la modification d'une liste de brevets existante et qui renvoyait clairement aux drogues qui avaient fait l'objet des AC délivrés à Abbott en 1985 et en 1992. Le ministre pouvait soit accepter la modification telle qu'elle avait été déposée, soit la rejeter pour cause de non-conformité. Il n'a fait ni l'un ni l'autre. Il a, à juste titre, jugé la modification tardive, mais il l'a considérée comme une liste de brevets originale, plutôt que comme la modification d'une liste existante. Puis il ne l'a pas appliquée à la seule PDN à l'égard de laquelle il serait possible de prétendre qu'elle a été déposée, soit la PDN déposée pour l'échantillon de départ en 1995, mais plutôt aux avis de conformité de 1985 et de 1992. Il incombe au ministre de tenir le registre et d'administrer le Règlement de façon équitable. Cela ne l'autorise pas à apporter des corrections ou des modifications à ces documents, ni à les interpréter pour les rendre conformes à sa conception du droit.
De plus, la façon dont le ministre a agi dénote une grave méconnaissance du fonctionnement du Règlement. Les listes de brevets sont déposées relativement à des drogues visées soit par une PDN, soit par l'AC qui en résulte. Suivant le Règlement, les listes de brevets ne peuvent être déposées qu'à "l'égard d'une drogue qui contient un médicament" pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication. Le ministre a commis une erreur en présumant que c'est le médicament pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication qui enclenche l'application de l'interdiction édictée dans le Règlement et qui empêche une "seconde personne" (le fabricant de médicament générique) d'obtenir un AC avant l'expiration des brevets énumérés. Le lien entre les listes de brevets et le registre contenant les renseignements qui en découlent, d'une part, et l'interdiction édictée par le Règlement, d'autre part, se trouve au paragraphe 5(1). Ce paragraphe vise la personne (la "seconde personne" ) qui dépose une PDN renvoyant à "une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise". L'interdiction édictée par l'article 7 s'applique uniquement à cette deuxième personne. Le fait que le médicament pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication puisse faire partie d'une drogue, ou même être une drogue à l'égard de laquelle une personne a déposé une PDN, ne confère pas à cette personne la qualité de "seconde personne", à moins que la PDN renvoie à une autre drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré à une autre personne et une liste de brevets déposée. C'est l'objet de la PDN (la drogue) et non l'objet du brevet (le médicament) qui constitue le lien critique.
La modification de la liste de brevets d'Abbott n'aurait pu être déposée qu'à l'égard de la PDN de 1995 d'Abbott pour l'échantillon de départ. Étant donné que l'AC a été délivré pour l'échantillon de départ, la "drogue" à l'égard de laquelle la liste de brevets avait été déposée était l'échantillon de départ. Toutefois, la PDN de Novopharm ne cherchait pas à faire un renvoi à cette "drogue", mais uniquement aux drogues visées par les AC d'Abbott de 1985 et de 1992. Étant donné que les brevets figurant dans la liste de brevets déposée à l'égard de ces drogues ont expiré, les dispositions du paragraphe 5(1) ne s'appliquent pas et il n'est pas interdit au ministre de délivrer un AC à Novopharm.
lois et règlements
Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 2 "seconde personne", 3, 4, 5(1), 7.
jurisprudence
décision appliquée:
Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58; 97 F.T.R. 288 (C.F. 1re inst.); conf. par (1995), 67 C.P.R. (3d) 25; 193 N.R. 394 (C.A.F.).
décision citée:
Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; (1994), 114 D.L.R. (4th) 385; [1994] 7 W.W.R. 1; 22 Admin. L.R. (2d) 1; 46 B.C.A.C. 1; 92 B.C.L.R. (2d) 145; 14 B.L.R. (2d) 217; 4 C.C.L.S. 117; 168 N.R. 321; 75 W.A.C. 1.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre a refusé de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm. Il a été ordonné au ministre de rayer du registre les modifications de la liste de brevets déposées par Abbott en juin 1997, et d'évaluer la présentation de drogue nouvelle de Novopharm selon son bien-fondé, sans tenir compte des brevets qui y sont énumérés.
avocats:
Donald H. MacOdrum et Stephanie Chong, pour la requérante.
Ronald E. Dimock et Michelle L. Wassenaar, pour l'intimée Abbott Laboratories Limited.
Rick Woyiwada, pour l'intimé le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.
procureurs:
Ridout & Maybee, Toronto, pour la requérante.
Dimock, Stratton, Clarizio, Toronto, pour l'intimée Abbott Laboratories Limited.
Le sous-procureur général du Canada, pour l'intimé le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Hugessen: L'instance soulève deux questions, qui n'ont apparemment pas encore été résolues par la jurisprudence, concernant l'embêtant Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)1. La première question concerne les circonstances dans lesquelles une liste de brevets peut être modifiée et met en cause un conflit apparent entre les versions anglaise et française du paragraphe 4(5) du Règlement. La deuxième question touche les rapports complexes entre les listes de brevets, le registre des brevets qui doit être tenu par application de l'article 3 du Règlement, les présentations de drogue nouvelle (PDN), les avis de conformité (AC) et les drogues contenant des médicaments à l'égard desquels la protection d'un brevet est revendiquée.
Voici les faits, abstraction faite des détails non pertinents.
En 1983, Abbott a déposé une PDN à l'égard du chlorhydrate de térazosine (CT) en comprimés de 1, 2 et 5 milligrammes; cette PDN a donné lieu à la délivrance d'un premier AC en 1985 à l'égard de ces doses.
En 1991, Abbott a déposé une deuxième PDN relativement à des comprimés de 10 milligrammes de CT, après quoi un deuxième AC a été délivré en 1992 relativement à cette dose.
En avril 1993, moins de trente jours après l'entrée en vigueur du Règlement, Abbott a déposé des listes de brevets relativement aux comprimés de 1, 2, 5 et 10 milligrammes de CT visés par les deux AC susmentionnés. Ces drogues ont été identifiées, comme il se doit, par leur identification numérique (DIN). Deux brevets expirant respectivement le 3 juillet 1996 et le 8 juillet 1997 figuraient dans ces listes.
En décembre 1993, Novopharm a déposé une PDN relativement au CT en comprimés de 1, 2, 5 et 10 milligrammes et souhaitait comparer sa drogue avec les drogues visées par les AC délivrés antérieurement à Abbott. Comme le Règlement le permet, Novopharm a consenti au report de la délivrance de l'AC demandé jusqu'à l'expiration du dernier des brevets figurant dans la liste d'Abbott, soit jusqu'au 8 juillet 1997.
En octobre 1995, Abbott a déposé une PDN relativement à un "échantillon de départ" comprenant des comprimés de 1, 2 et 5 milligrammes de CT emballés ensemble, de façon que le patient augmente graduellement ses doses de la drogue sur une période de quatre semaines. La drogue elle-même était identique à celle visée par les AC antérieurs délivrés à Abbott et un AC a été délivré relativement à l'échantillon de départ le mois même où il a été demandé. Comme le veut la pratique, le nouvel AC attribuait un nouveau DIN à l'échantillon de départ.
En juin 1997, Abbott a obtenu trois nouveaux brevets qui contiennent, à ce qu'elle dit, des revendications pour le médicament CT. Chacun de ces brevets était fondé sur une demande déposée avant octobre 1995, mais après 1991. Dans les trente jours suivant leur délivrance, Abbott a déposé des modifications à ses listes de brevets déposées relativement aux AC qui lui avaient été délivrés antérieurement pour les doses individuelles (1, 2, 5 et 10 milligrammes), mais n'a pas déposé de nouvelle liste de brevets relativement à l'AC délivré pour l'échantillon de départ. Le ministre a accepté les listes modifiées, ajouté les renseignements qu'elles contenaient au registre et, se fondant sur ces renseignements, il a soutenu que l'article 7 du Règlement lui interdisait de délivrer un AC à Novopharm. C'est cette décision qui est contestée par la demande de contrôle judiciaire.
Les dispositions les plus pertinentes aux fins des présents motifs sont les articles 3 et 4 et le paragraphe 5(1) du Règlement:
3. (1) Le 30e jour suivant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, le ministre ouvre un registre de tout renseignement soumis aux termes de l'article 4 et le tient à jour.
(2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.
(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.
Liste de brevets
4. (1) La personne qui dépose ou qui, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue qui contient un médicament ou a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets.
(2) La liste de brevets visée au paragraphe (1) doit faire l'objet d'une attestation de la personne quant à son exactitude et doit contenir les éléments suivants:
a) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste et qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament et qu'elle souhaite inclure dans la liste;
b) une déclaration portant qu'à l'égard de chaque brevet, la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste;
c) la date d'expiration de la période à laquelle est limitée la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;
d) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé à l'alinéa 5(3)b) ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.
(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de sa demande d'avis de conformité.
(4) Sous réserve du paragraphe (5), la personne qui a déposé une demande d'avis de conformité ou qui a obtenu un tel avis avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement et qui souhaite soumettre une liste de brevets doit le faire dans les 30 jours suivant cette date.
(5) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets qui comprend les éléments visés au paragraphe (2) à l'égard d'un brevet qui a été délivré au cours des 30 jours précédents et qui était fondé sur une demande au tribunal déposée avant la date de ce dépôt ou elle peut modifier la liste de brevets existante pour inclure ces éléments.
5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu'elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l'égard de chaque brevet énuméré dans la liste:
a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;
b) soit une allégation portant que, selon le cas:
(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)b) est fausse,
(ii) le brevet est expiré,
(iii) le brevet n'est pas valide,
(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.
La première question à trancher touche, comme je l'ai déjà mentionné, l'interprétation qu'il faut attribuer au paragraphe 4(5) du Règlement et les conditions dans lesquelles une liste de brevets peut être modifiée par l'ajout d'un nouveau brevet. Bien que la version anglaise semble exiger clairement que le nouveau brevet ait été demandé avant le dépôt de la PDN et n'ait pas été délivré plus de trente jours avant le dépôt de la liste de brevets modifiée (ou nouvelle), Abbott soutient que la version française justifie une interprétation différente. Selon la thèse qu'elle fait valoir, bien que le dépôt d'une nouvelle liste de brevets soit assujettie à ces conditions, une liste de brevets existante peut être modifiée en tout temps et sans conditions. À mon avis, cet argument est mal fondé.
Premièrement, et bien qu'il ne fasse aucun doute que les versions française et anglaise ont également force de loi ou même valeur et sont également authentiques, certains motifs permettent de douter de la compréhension qu'avait le rédacteur de la version française du droit canadien des brevets. La mention d'"un brevet . . . qui était fondé sur une demande au tribunal" est extrêmement déroutante. Le terme "tribunal" est défini et s'entend de la Cour fédérale ou d'une autre cour supérieure; la délivrance de brevets ne fait pas partie des attributions normales d'une cour.
Deuxièmement, le texte français est à tout le moins ambigu. Bien qu'il soit possible, en lisant le texte isolément, d'interpréter le dernier segment commençant par les mots "ou elle peut" comme créant un droit indépendant et inconditionnel de modifier une liste existante, il est tout aussi possible d'interpréter les mots "ces éléments" comme renvoyant non seulement à la mention antérieure du mot "éléments" mais également aux caractéristiques de ces éléments énoncées immédiatement après, jusqu'aux mots "la date de ce dépôt". Étant donné que cette deuxième interprétation est la seule qui soit compatible avec la version anglaise, laquelle n'est pas ambiguë, la règle du sens commun exige qu'il lui soit donné préférence.
Enfin, il me semble qu'une interprétation contextuelle du paragraphe 4(5), en fonction de l'ensemble du Règlement, ne permet pas de soutenir l'interprétation proposée par Abbott. L'avocat n'a pas été en mesure de fournir une explication de principe rationnelle qui justifierait l'assujettissement du dépôt d'une liste de brevets nouvelle ou originale à des restrictions temporelles rigoureuses, tout en permettant l'ajout à volonté de brevets à une liste existante. Sans une telle explication logique, l'interprétation proposée est tout simplement dénuée de sens.
Je tire donc la conclusion suivante sur cet aspect de l'instance: étant donné que les trois nouveaux brevets d'Abbott sont fondés sur des demandes déposées longtemps après la délivrance de ses avis de conformité originaux pour les comprimés de 1, 2, 5 et 10 milligrammes de CT, ils ne pouvaient être ajoutés par voie de modification aux listes de brevets déjà déposées relativement à ces avis de conformité et aux drogues qu'ils visaient.
Cela nous amène à la deuxième question. Comme il l'a été mentionné plus tôt, Abbott entendait déposer en juin 1997 une modification des listes de brevets déposées relativement aux AC délivrés en 1985 et en 1992. La modification identifiait clairement les drogues, au moyen de leur DIN, comme celles visées par les avis de conformité de 1985 et de 1992. Néanmoins, le ministre semble avoir jugé que le document qui lui était soumis était une liste de brevets originale concernant la PDN d'Abbott pour l'échantillon de départ. En conséquence, même si le ministre n'adhère pas à l'interprétation qu'Abbott donne du paragraphe 4(5), il a agi comme si la liste déposée en juin 1997 était conforme à cette disposition, étant donné que les trois nouveaux brevets avaient été demandés avant le dépôt de la PDN pour l'échantillon de départ et que la liste avait été déposée dans les trente jours suivant leur délivrance. En conséquence, le ministre a décidé d'accepter la liste et d'ajouter les nouveaux brevets au registre. C'est la décision fondamentale qui est contestée dans la présente instance introduite par Novopharm.
Sur cet aspect de l'instance, je dois trancher de façon préliminaire, bien que brièvement, la question de la norme de contrôle applicable. Abbott s'appuie sur une jurisprudence aussi notoire que l'arrêt Pezim2, pour soutenir que le ministre est un tribunal spécialisé et que ses décisions sont susceptibles de contrôle judiciaire uniquement selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. À mon avis, cette prétention est mal fondée. En fait, même le ministre ne l'appuie pas. Le ministre n'est pas un tribunal spécialisé; il n'est pas un tribunal du tout. Il n'est investi d'aucun pouvoir décisionnel indépendant, d'aucun pouvoir discrétionnaire, ni d'aucun pouvoir d'établir des politiques en vertu du Règlement; ses fonctions sont purement ministérielles. Il a le devoir d'appliquer et d'administrer le Règlement et de le faire correctement. La norme de contrôle applicable est celle de la justesse de sa décision.
Je suis d'avis que le ministre a commis une erreur.
Premièrement, en me reportant aux faits de l'espèce, je ne parviens pas à trouver un motif qui justifierait la façon dont le ministre a agi. Il a reçu un document qui était nettement désigné comme la modification d'une liste de brevets existante et qui renvoyait, tout aussi clairement, aux drogues qui avaient fait l'objet des avis de conformité délivrés à Abbott en 1985 et en 1992, au moyen de leur DIN. Le ministre pouvait soit accepter la modification telle qu'elle a été déposée, soit la rejeter parce qu'elle n'était pas conforme au Règlement. En fait, il n'a fait ni l'un ni l'autre. Ayant, à juste titre, jugé la modification non conforme (elle était très tardive selon l'interprétation juste du paragraphe 4(5)), il l'a considérée comme une liste de brevets originale, plutôt que comme la modification d'une liste existante. Puis, et cet élément est encore plus déterminant, il ne l'a pas appliquée à la seule PDN à l'égard de laquelle il serait possible de prétendre qu'elle a été déposée, soit la PDN déposée pour l'échantillon de départ en 1995, mais plutôt aux avis de conformité de 1985 et de 1992 à l'égard desquels elle ne pouvait avoir été déposée.
Le ministre a le devoir de tenir le registre et d'administrer le Règlement. Il ne s'agit pas d'un devoir qui convient d'emblée à un ministre dont la fonction principale consiste à protéger la santé et la sécurité du public, car le Règlement n'a rien à voir avec cette matière et tout à voir avec la réglementation des rapports conflictuels entre les fabricants de médicaments de marque déposée et les fabricants de médicaments génériques. Ce devoir lui est toutefois imposé par le Règlement et il doit s'en acquitter de façon équitable et impartiale. Cela peut l'amener à attirer l'attention des personnes qui lui soumettent des documents sur ce qu'il considère comme des lacunes ou des erreurs; il ne l'autorise certainement pas à prendre l'initiative d'apporter des corrections ou des modifications à ces documents ni de les interpréter pour les rendre conformes à sa conception du droit. Ne serait-ce que pour cette raison, la décision du ministre doit être annulée.
Mais il y a plus. À mon avis, la façon dont le ministre a agi dénote une grave méconnaissance du fonctionnement du Règlement. Les listes de brevets sont déposées relativement à des drogues visées soit par une PDN, soit par l'AC qui en résulte. Le Règlement précise clairement que les listes de brevets ne peuvent être déposées qu'à "l'égard d'une drogue qui contient un médicament" pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication. Le ministre estime apparemment que c'est le médicament pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication qui enclenche l'application de l'interdiction édictée dans le Règlement et qui empêche, en fait, une "seconde personne" ou le fabricant d'un médicament générique d'obtenir un AC avant l'expiration des brevets énumérés. À mon avis, c'est une erreur. Le lien entre les listes de brevets et le registre contenant les renseignements qui en découlent, d'une part, et l'interdiction édictée par le Règlement, d'autre part, se trouve au paragraphe 5(1). Ce paragraphe vise la personne qui dépose une PDN renvoyant à "une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise" [non souligné dans l'original]. La personne ainsi décrite est définie comme la "seconde personne" à l'article 2 et l'interdiction édictée par l'article 7 s'applique uniquement à cette deuxième personne. Par conséquent, le fait que le médicament pour lequel les brevets énumérés comportent une revendication puisse faire partie d'une drogue, ou même être une drogue à l'égard de laquelle une personne a déposé une PDN, ne confère pas à cette personne la qualité de "seconde personne", à moins que la PDN renvoie à une autre drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré à une autre personne et une liste de brevets déposée. C'est l'objet de la PDN (la drogue) et non l'objet du brevet (le médicament) qui constitue le lien critique.
Les difficultés soulevées en l'occurrence découlent en partie de l'emploi, dans le Règlement, des termes "drogue" et "médicament" en opposition apparente l'un avec l'autre. Le juge Noël a expliqué cet emploi dans la décision Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst.), à la page 70; conf. par (1995), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.):
Néanmoins, étant donné qu'un médicament est une drogue et qu'un avis de conformité doit être obtenu par référence à une drogue, le terme "drogue" figure dans le Règlement chaque fois qu'il est utilisé relativement à l'obtention d'un avis de conformité en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Inversement, en vertu de la Loi sur les brevets, c'est le médicament qui est l'objet de la protection assurée contre la contrefaçon, protection que la loi cherche à accorder aux brevets pharmaceutiques, et le mot "médicament" défini dans le Règlement y apparaît chaque fois qu'il est utilisé par référence à la protection accordée contre la contrefaçon des brevets, qui est l'objet du Règlement.
En d'autres termes, la "drogue" est l'objet de l'AC, alors que le "médicament" est l'objet de la revendication de brevet. Sous le régime du Règlement, plusieurs AC peuvent être délivrés à l'égard du même "médicament" breveté, ce qui fait qu'il existe, sur le plan conceptuel, différentes "drogues" correspondant aux différents objets des nombreux AC.
Pour revenir aux faits dont la Cour est saisie, même après que le ministre eut irrégulièrement traité la modification de la liste de brevets d'Abbott comme une liste de brevets originale, cette liste n'aurait pu être déposée qu'à l'égard de la PDN de 1995 d'Abbott pour l'échantillon de départ. Étant donné que l'AC qui en a résulté a été délivré pour l'échantillon de départ, la "drogue" à l'égard de laquelle la liste de brevets avait été déposée était l'échantillon de départ. Toutefois, la PDN de Novopharm ne cherchait pas à faire un renvoi à cette "drogue", mais uniquement aux drogues visées par les AC d'Abbott de 1985 et de 1992. Étant donné que les brevets figurant dans la liste de brevets déposée à l'égard de ces drogues ont expiré, les dispositions du paragraphe 5(1) ne s'appliquent pas et il n'est pas interdit au ministre de délivrer un AC à Novopharm.
Novopharm m'a demandé d'ordonner au ministre de lui délivrer un AC. Je suis réticent à acquiescer à cette demande car je ne puis avoir la certitude qu'aucune autre question de santé et de sécurité ne préoccupe le ministre. Toutefois, pour les motifs énoncés, j'ordonnerai que les modifications de la liste de brevets déposées par Abbott, avec sa lettre du 9 juin 1997, soient rayées du registre et que le ministre évalue la présentation de drogue nouvelle de Novopharm selon son bien-fondé, sans tenir compte des brevets qui y sont énumérés.
Les parties n'ont pas demandé l'adjudication des dépens et elles n'ont pas invoqué de raisons spéciales qui justifieraient le prononcé d'une ordonnance à cette fin.
1 DORS/93-133.
2 Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.