A-912-96
Holm Hallbauer (appelant)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
Répertorié: Hallbauer c.Canada (C.A.)
Cour d'appel, juges Stone, Robertson et McDonald, J.C.A."Calgary, 31 mars; Ottawa, 20 avril 1998.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gains en capital — Appel formé contre une décision de la C.C.I. confirmant une cotisation par laquelle la partie non imposée d'un gain en capital réalisé lors de la disposition d'une participation dans un édifice commercial a été récupérée aux fins du calcul de l'impôt minimum payable en vertu de l'art. 127.5 de la Loi de l'impôt sur le revenu — L'art. 127.5 rétablit dans le revenu imposable la partie non imposable d'un gain en capital — Selon l'art. 127.52(1)d), une disposition à laquelle s'applique l'art. 79 n'est pas incluse dans le calcul du revenu imposable modifié d'une personne aux fins du calcul de l'impôt minimum — Le contribuable a transféré à des créancières non garanties une participation dans un édifice commercial — L'entente contenait des garanties concernant le revenu minimum de location et le prix de vente final — Appel rejeté — (1) Le juge de la C.C.I. a conclu à bon droit que le transfert n'avait pas été effectué dans le but de garantir des dettes antérieures — Le droit du débiteur d'obtenir une rétrocession du bien donné en garantie lors du remboursement de la dette est la principale caractéristique de toute opération garantie — Les deux créancières ont toutes deux obtenu un droit de copropriété indéfectible, droit qui n'est pas compatible avec la notion d'opération garantie — (2) L'art. 79 ne s'applique pas — Historique et objectif de l'art. 79 — L'art. 79 ne s'applique que dans les cas où aucun prix déterminé n'est payé — Un prix déterminé a été payé en l'espèce bien qu'aucune somme d'argent n'ait changé de mains et que les dettes n'aient pas été éteintes — Il y a un lien entre la valeur du bien cédé et les dettes — Le juge de la C.C.I. a commis une erreur en concluant qu'un créancier ne peut acquérir le beneficial ownership ou la propriété des biens —par suite— du défaut d'un débiteur que lorsque le créancier a le droit d'acquérir les biens — Cela rendrait l'art. 79 inapplicable aux créanciers non garantis — L'art. 79 s'applique également aux créanciers garantis et aux créanciers non garantis.
Il s'agissait d'un appel formé contre une décision par laquelle la Cour de l'impôt a confirmé une cotisation qui récupérait la partie non imposée du gain en capital réalisé par le contribuable lors de la disposition d'une participation dans un édifice commercial aux fins du calcul de l'impôt minimum payable en vertu de l'article 127.5 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le contribuable avait financé en partie l'achat de l'édifice grâce à des prêts non garantis. Pour calmer les inquiétudes de ses créancières lors du déclin des valeurs immobilières, le contribuable a cédé à chacune une participation dans l'édifice relativement aux créances respectives et en proportion de la valeur de l'édifice. Il a été convenu que, si l'édifice était vendu pour un prix inférieur à un certain montant, les créances ne seraient pas considérées comme ayant été remboursées. L'entente prévoyait que les créancières assumeraient chacune une partie de l'hypothèque existante et que, en tant que propriétaires partiaires, elles auraient un revenu minimum garanti en fonction du montant que chacune avait versé pour sa participation respective. De ce montant seraient déduits le principal et l'intérêt se rapportant à la prise en charge de leur part proportionnelle de l'hypothèque existante. Les créancières non garanties sont devenues deux des copropriétaires enregistrés de l'édifice. Le contribuable n'a reçu aucune somme d'argent comptant au moment de la conclusion de l'opération. Ni l'une ni l'autre des créancières n'ont effectué de versements relativement à l'hypothèque à cause de la "clause sur le revenu minimum". Lorsque l'édifice a été saisi par le créancier hypothécaire, ni l'une ni l'autre des créancières non garanties n'ont reçu d'argent. Dans sa déclaration de revenus pour l'année 1986, le contribuable a mentionné la disposition d'une participation de 40 % dans l'édifice pour un produit de 2 M$ (1,6 M$ pour la participation de 40 % et 400 000 $ pour la prise en charge de l'hypothèque existante). L'article 127.5 récupère la partie non imposable d'un gain en capital et la rétablit dans le revenu imposable. Le contribuable a soutenu que les cessions ne constituaient pas des "dispositions" donnant lieu à un gain en capital au sens de l'article 54, car elles ont été effectuées dans le seul but de garantir le remboursement de dettes antérieures. Le sous-alinéa 54c )(iv) exclut expressément les transferts effectués à ces fins. Subsidiairement, il a soutenu que, si elles constituaient des dispositions, elles étaient visées par l'article 79. Selon l'alinéa 127.52(1)d), une disposition à laquelle s'applique l'article 79 n'est pas incluse dans le calcul du revenu imposable modifié d'une personne aux fins du calcul de l'impôt minimum.
La question était de savoir (1) si les cessions constituaient des "dispositions" donnant lieu à un gain en capital et (2) si les transferts étaient visés par l'article 79.
Arrêt: l'appel doit être rejeté.
(1) La Cour de l'impôt a statué à bon droit que les transferts n'ont pas été effectués dans le but de garantir des dettes antérieures. La principale caractéristique de toute opération garantie est le droit du débiteur d'obtenir une rétrocession du bien donné en garantie lors du remboursement de la dette sous-jacente. Les créancières ont toutes deux obtenu un droit de copropriété indéfectible ou bénéficiaire, droit qui n'est pas compatible avec la notion d'opération garantie. Le contribuable n'avait pas droit à une rétrocession de la participation de 40 % dans l'édifice si la dette envers ces créancières était remboursée.
(2) L'article 79 s'applique aux cas où un contribuable qui était un créancier a acquis le beneficial ownership ou la propriété des biens "par suite" d'un défaut de paiement, de la part de leur propriétaire, d'un montant dû au contribuable. La Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant qu'un créancier ne peut acquérir le beneficial ownership ou la propriété des biens "par suite" du défaut d'un débiteur que lorsque le créancier a "le droit d'acquérir les biens". Un tel critère rendrait l'article 79 inapplicable quand il s'agit de créanciers non garantis, parce que ceux-ci n'ont pas le droit d'exiger la cession des biens d'un débiteur pour la seule raison qu'il y a eu défaut de rembourser un prêt. L'article 79 s'applique également aux créanciers garantis et aux créanciers non garantis.
Lorsqu'une dette est annulée, le débiteur touche un revenu en ce sens que l'annulation d'une dette accroît l'actif net d'une personne, tout particulièrement dans les cas où une dette commerciale est annulée et où le débiteur a réclamé des dépenses ou un actif comptabilisé qui ne lui ont rien coûté. L'article 79 cherche à permettre que le débiteur réalise un produit de disposition égal au montant de ce que réclame le créancier. Lorsque la valeur des biens du débiteur est inférieure au montant dû au créancier, le débiteur est obligé d'inclure dans son revenu tout avantage qui résulte de l'annulation ou du règlement de la dette sous-jacente. Au même moment, l'article 79 n'est pas limité aux cas où les créanciers acceptent un titre de propriété en règlement total d'une créance à recouvrer: l'alinéa 79d) englobe la possibilité pour un créancier d'obtenir un titre à l'égard des biens du débiteur tout en conservant le droit de le poursuivre en recouvrement de la créance. L'article 79 reflète la préoccupation du législateur fédéral selon laquelle un avantage peut être dévolu à un contribuable même si une dette n'a peut-être pas été éteinte légalement ou réglée complètement. Pour cette raison, un débiteur est tenu en vertu de l'alinéa 79c) de calculer le produit de disposition en incluant le principal de la créance. Comme il n'y a pas de lien entre la valeur des biens cédés et le montant de la créance, l'article 79 considère qu'une vente a eu lieu pour un montant égal au montant de la créance. Ainsi, tout avantage découlant de l'annulation ou du paiement possible d'une dette tombe dans le revenu à titre de produit de disposition.
L'article 79 ne s'applique pas aux cas où les biens d'un débiteur sont vendus à un tiers. Il ne s'applique qu'aux acquisitions où aucun prix déterminé n'est payé. Lorsqu'un créancier paie ce qu'un tribunal considère être une juste valeur marchande pour le bien d'un débiteur, aucun avantage du genre de celui envisagé à l'article 79 n'a été dévolu au débiteur. De telles ventes ne diffèrent pas, du moins en théorie, d'une vente faite à un tiers et, par conséquent, l'article 79 ne s'applique pas.
Le contribuable a soutenu que la disposition volontaire ne s'est pas faite à un "prix déterminé" du fait qu'aucune somme d'argent n'a changé de mains et que le transfert n'a pas entraîné l'extinction des dettes parce que les créancières ont dû attendre jusqu'à ce que l'édifice soit vendu avant de savoir si leurs créances respectives seraient acquittées. Aucune somme d'argent n'a changé de mains parce que la valeur de l'achat a pris la forme d'une dette antérieure. Le fait que les transferts aux créancières n'ont pas entraîné le règlement de leurs créances ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu vente à un prix déterminé. Dans les deux cas, il y a eu vente à un prix déterminé. Bien que la présente affaire diffère de la vente traditionnelle parce que les acquéreurs ont négocié non seulement en vue d'une participation dans un bien, mais également en vue de certaines garanties minimum concernant le revenu de location et le prix de vente final, ces nouvelles obligations contractuelles ne font pas moins une vente du transfert. La seule question qui n'a pas été "déterminée" était de savoir si les créancières recevraient ultimement plus que les montants qu'elles avaient versés pour leurs participations respectives. Le contribuable n'a pas reçu d'avantage du genre de celui que l'article 79 cherche à inclure dans le revenu comme produit de disposition. C'était un cas où il existe un lien entre la valeur du bien cédé et les montants dus. L'article 79 ne s'appliquait pas.
lois et règlements
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 54c),h), 79a),c),d), 80, 127.5 (édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 50), 127.52(1)d) (édicté, idem; 1988, ch. 55, art. 112).
jurisprudence
décision appliquée:
Corbett c. Canada, [1997] 1 C.F. 386; [1997] 1 C.T.C. 2; (1996), 96 DTC 6572; 205 N.R. 365 (C.A.).
décisions citées:
Friedberg (A.D.) c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 1; (1991), 92 DTC 6031; 135 N.R. 61 (C.A.F.); La Reine c. Paxton, J.D. (1996), 97 DTC 5012; 206 N.R. 241 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1997] S.C.C.A. no 82.
doctrine
Beninger, M. J. "The Scope and Application of Section 79 of the Income Tax Act" (1985), 33 Can. Tax J. 929.
Canada. Rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, tome 3. Ottawa: Imprimeur de la Reine, 1966 (Président: K. M. Carter).
Couzin, R. "Debt Restructuring" in Income Tax Considerations in Corporate Financing , 1986 Corporate Management Tax Conference. Toronto: Canadian Tax Foundation, 1987.
Flynn, G. W. "Restructuring Financially Troubled Corporations" in Report of Proceedings of the Forty-First Tax Conference , 1989 Conference Report. Toronto: Canadian Tax Foundation, 1990.
Goodwin, R. B. "Tax Consequences of Repossessions, Foreclosures, Forced Sales and Defaults" in Income Tax Aspects of Real Estate Transactions , 1983 Corporate Management Tax Conference. Toronto: Canadian Tax Foundation, 1984.
Robertson, J. T. "The Problem of Price Adequacy in Foreclosure Sales" (1987), 66 Rev. du Bar. can. 671.
APPEL d'une décision de la Cour de l'impôt (Hallbauer c. R., [1997] 1 C.T.C. 2428; (1996), 97 DTC 767 (C.C.I.)) déclarant (1) que les transferts à des créancières non garanties d'une participation dans un édifice commercial n'ont pas été effectués dans le seul but de garantir le remboursement de dettes antérieures; et (2) que l'article 79 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'appliquait pas pour soustraire les transferts à l'application de l'alinéa 127.52d). Appel rejeté.
avocats:
H. George McKenzie, c.r. pour l'appelant.
J. Edward Fulcher et Deborah Horowitz pour l'intimée.
avocats inscrits au dossier:
Felesky Flynn, Calgary, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Robertson, J.C.A.: Le présent appel porte principalement sur la question de savoir si le contribuable appelant est tenu de payer ce qui est communément appelé l'"impôt minimum de remplacement", perçu en vertu de l'article 127.5 [édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 50] de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63]. Si elle s'applique, cette disposition récupère la partie non imposable d'un gain en capital et la rétablit dans le revenu imposable. Le contribuable cherche à éviter cette situation par l'un des deux moyens suivants. Premièrement, il soutient que les cessions qui ont été faites à deux créanciers non garantis et qui équivalaient à une participation de 40 % dans un édifice commercial ne donnaient pas lieu à un gain en capital. Cet argument tourne autour du principe que les cessions ont été effectuées dans le seul but de garantir le remboursement de dettes antérieures. Donc, les cessions ne constituent pas des "dispositions" donnant lieu à un gain en capital au sens de l'article 54. Subsidiairement, le contribuable allègue que, si elles sont considérées comme des "dispositions", elles sont alors visées par l'article 79. Selon l'alinéa 127.52(1)d ) [édicté par S.C. 1986, ch. 55, art. 50; 1988, ch. 55, art. 112], une disposition à laquelle s'applique l'article 79 n'est pas incluse dans le calcul du revenu imposable modifié d'une personne aux fins du calcul de l'impôt minimum. Dans une décision publiée maintenant dans [1997] 1 C.T.C. 2428, la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les arguments du contribuable. Dans les motifs qui suivent, j'arrive à la même conclusion, bien que ce soit pour des raisons quelque peu différentes. Mon analyse commence par un exposé des faits pertinents.
Entre 1979 et 1982, le contribuable a acquis plusieurs biens, dont l'édifice "Liberty". (Le transfert concernant l'édifice "Weiler" n'est pas en cause dans le présent appel.) L'achat de ces biens a été financé en partie par des prêts consentis par la sœur du contribuable, Renata Doerre, et son ex-épouse, Monika Hallbauer. Les deux prêts n'étaient attestés par aucun document et n'étaient pas garantis. Dès 1985, la situation financière du contribuable s'est détériorée en raison du déclin des valeurs immobilières et de la baisse de l'économie dans l'Ouest canadien. En 1986, Renata et Monika ont toutes deux demandé le remboursement de leurs prêts respectifs. Une somme d'environ 2,3 M$ était due à Renata, tandis que le contribuable devait la somme de 600 000 $ à Monika. À cette date, le contribuable avait investi environ 5 M$ dans l'édifice Liberty, lequel édifice était grevé d'une première hypothèque de 2,4 M$.
Pour calmer les inquiétudes de ses créancières non garanties, le contribuable a convenu de céder à Renata une participation de 25 % dans l'édifice Liberty pour défalquer 1 M$ de la somme de 2,3 M$ qui lui était due. Monika obtiendrait une participation de 15 % dans le même édifice pour défalquer la somme de 600 000 $ qui lui était due. Au même moment, le contribuable a convenu que, si l'édifice Liberty était vendu pour un prix inférieur à 3,75 M$, sa dette envers chacune d'elles ne serait pas considérée comme ayant été remboursée.
En vertu de l'entente, Renata devait assumer 250 000 $ de l'hypothèque existante pour un prix d'achat total de 1,25 M$. Monika devait assumer 150 000 $ pour un prix d'achat total de 750 000 $. Il semble que le contribuable ait insisté pour arriver à cet arrangement afin de s'assurer que, dans l'éventualité où l'édifice Liberty serait vendu pour la somme de 5 M$, soit le montant qu'il avait investi dans l'édifice, Renata et Monika n'obtiendraient respectivement pas plus de 1 M$ (5 M$ x 25 %"250 000 $) et de 600 000 $ (5 M$ x 15 %"150 000 $).
Pour réaliser leur entente, le contribuable a chargé un avocat de Calgary de préparer les contrats nécessaires. Celui-ci a rédigé les deux ententes sous la forme d'une "Offre d'achat et de vente". Chaque entente prévoyait que, en tant que propriétaires partiaires de l'édifice Liberty, Renata et Monika auraient un revenu minimum garanti de 6 % en fonction du montant que chacune avait versé pour sa participation respective. De ce montant seraient déduits le principal et l'intérêt se rapportant à la prise en charge de leur part proportionnelle de l'hypothèque existante. De plus, les ententes prévoyaient que, si les revenus nets n'atteignaient pas le revenu minimum garanti, le contribuable serait tenu de payer la différence. Ce dernier n'a effectué aucun paiement de ce genre.
Le 22 décembre 1986, Renata et Monika ont fait enregistrer des oppositions à l'égard du titre de propriété de l'édifice Liberty. Réflexion faite, je présume que les oppositions ont été enregistrées à l'égard du titre de propriété afin de protéger leurs participations dans l'immeuble contre l'intervention possible de tiers en attendant la conclusion des opérations et l'enregistrement de leurs participations respectives dans l'édifice. Le 14 janvier 1987, Renata et Monika sont devenues deux des copropriétaires enregistrés de l'édifice Liberty. Le contribuable n'a reçu aucune somme d'argent comptant au moment de la conclusion de l'opération pour le motif évident que la valeur de l'acquisition prenait la forme d'une dette antérieure. Ni l'une ni l'autre des créancières n'ont effectué de versements relativement à l'hypothèque qu'elles étaient censées assumer à cause de la "clause sur le revenu minimum" prévue dans chacune des ententes d'achat et de vente.
L'édifice Liberty a été saisi par le créancier hypothécaire en octobre 1991 à un moment où le solde dû en vertu de l'hypothèque dépassait sa juste valeur marchande qui était de 2 M$. Par conséquent, ni Renata ni Monika n'a reçu d'argent par suite de la saisie.
Dans sa déclaration de revenus pour l'année 1986, le contribuable a mentionné, entre autres, la "disposition" d'une participation de 40 % dans l'édifice Liberty pour un produit de 2 M$ (1,6 M$ pour la participation de 40 % et 400 000 $ pour la prise en charge de l'hypothèque existante). En calculant la cotisation du contribuable pour l'année d'imposition 1986, le ministre a ajouté la partie non imposée du gain en capital que le contribuable a réalisé lors de la disposition. Cela a été fait dans le seul but de calculer l'impôt minimum payable en vertu de l'article 127.5. Le contribuable a interjeté appel auprès de la Cour de l'impôt.
On s'est attaché à débattre deux questions devant le juge de la Cour de l'impôt. Premièrement, il a été allégué que les transferts des participations dans l'édifice Liberty ont été effectués dans le but de garantir le remboursement de dettes et, par conséquent, ne constituaient pas des "dispositions" au sens de l'article 54. Le sous-alinéa 54c )(iv) exclut expressément les transferts effectués à ces fins. Les passages pertinents de l'article 54 sont libellés ainsi:
54. Dans la présente sous-section,
. . .
c) "disposition de biens" comprend, sauf dispositions contraires expresses,
(i) toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de disposition de biens,
(ii) toute opération ou tout événement par lequel
. . .
(B) toute créance d'un contribuable ou tout autre droit qu'a un contribuable de recevoir une somme est réglé ou annulé,
. . .
mais, pour plus de précision, ne comprend pas
(iv) tout transfert de biens effectué dans le seul but de garantir le remboursement d'une dette ou d'un emprunt, ou tout transfert effectué par un créancier dans le seul but de restituer des biens qui avaient servi à garantir le remboursement d'une dette ou d'un emprunt,
. . .
h) "produit de la disposition" d'un bien comprend
(i) le prix de vente du bien qui a été vendu,
. . .
(viii) toute somme comprise, en vertu de l'alinéa 79c), dans le calcul du produit de disposition de biens revenant à un contribuable,
Le juge de la Cour de l'impôt a statué que les transferts n'ont pas été effectués dans le but de garantir des dettes antérieures, conclusion avec laquelle je suis entièrement d'accord. La principale caractéristique de toute opération garantie est le droit du débiteur d'obtenir une rétrocession du bien donné en garantie lors du remboursement de la dette sous- jacente. En l'espèce, Renata et Monika ont toutes deux obtenu un droit de copropriété indéfectible ou bénéficiaire, droit qui n'est pas compatible avec la notion d'opération garantie. Bref, rien ne vient étayer l'arrangement selon lequel, si la dette envers ces créanciers était remboursée, le contribuable aurait droit à une rétrocession de la participation de 40 % dans l'édifice Liberty. Qui plus est, la preuve documentaire contredit un tel arrangement, comme le fait la propre déclaration de revenus du contribuable pour l'année d'imposition en question. Sur ce point précis, je n'ai qu'à me reporter à deux décisions de la Cour: Friedberg (A.D.) c. Canada, [1992] 1 C.T.C. 1 (C.A.F.), motifs du juge Linden, J.C.A., aux pages 2 et 3, et La Reine c. Paxton, J.D. (1996), 97 DTC 5012 (C.A.F.) (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [[1997] S.C.C.A. no 82]), motifs du juge Robertson, J.C.A., à la page 5018.
La deuxième question abordée par le juge de la Cour de l'impôt était celle de savoir si la disposition de la participation de 40 % dans l'édifice Liberty est visée par l'article 79. L'argument repose sur la constatation que l'alinéa 127.52(1)d) prévoit une exception dans le cas des dispositions qui satisfont aux critères établis à l'article 79, lequel est libellé en partie ainsi:
79. Lorsque, à une date quelconque pendant une année d'imposition, un contribuable qui
a) était créancier hypothécaire ou autre d'une autre personne qui avait auparavant acquis des biens, . . .
. . .
a acquis ou a acquis de nouveau le beneficial ownership ou la propriété de ces biens par suite d'un défaut de paiement total ou partiel, de la part de l'autre personne, d'une somme (appelée dans le présent article la "créance du contribuable") que celle-ci doit au contribuable, les règles suivantes s'appliquent:
c) doivent être inclus dans le calcul du produit tiré par l'autre personne de la disposition des biens en question, le principal de la créance du contribuable plus toutes les sommes dont chacune constitue le principal d'une dette qui avait été due par cette autre personne dans la mesure où cette dette a été éteinte du fait de l'acquisition ou de la nouvelle acquisition, selon le cas;
d) toute somme payée par l'autre personne après l'acquisition ou la nouvelle acquisition, selon le cas, au titre ou en paiement intégral ou partiel de la créance du contribuable, est réputée être une perte subie par cette personne du fait de la disposition de ces biens pour une année d'imposition dans laquelle cette somme a été versée; . . .
Le juge de la Cour de l'impôt a admis que l'article 79 s'applique également aux cas où un créancier non garanti acquiert plus tard le beneficial ownership ou la propriété des biens "par suite" d'un défaut de paiement, de la part du débiteur, des sommes dues. Il a dit qu'il doit exister un solide lien de causalité entre l'acquisition du beneficial ownership ou de la propriété d'un bien et le défaut, de la part du débiteur, de rembourser son créancier. Quant à la portée du lien de causalité, le juge de la Cour de l'impôt a déclaré, aux pages 2445 et 2446:
Il ne suffit pas que le défaut du débiteur entraîne ou fasse naître une possibilité pour le créancier d'acquérir la propriété des biens. Le débiteur doit réaliser que, s'il ne rembourse pas la dette au moment où il est tenu de le faire, le créancier a le droit d'acquérir les biens. Le droit du créancier d'acquérir les biens est le résultat du défaut du débiteur. [C'est moi qui souligne.]
Le passage ci-dessus établit qu'un créancier ne peut acquérir le beneficial ownership ou la propriété des biens "par suite" du défaut d'un débiteur que lorsque le créancier a "le droit d'acquérir les biens". À mon humble avis, c'est là que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur. Un tel critère aurait pour effet juridique de rendre l'article 79 inapplicable quand il s'agit de créanciers non garantis. Je souligne ce point parce qu'aucun créancier non garanti n'a le droit d'exiger la cession des biens d'un débiteur pour la seule raison qu'il y a eu défaut de rembourser un prêt. Accepter le raisonnement du juge de la Cour de l'impôt signifierait que l'article 79 ne s'appliquerait jamais dans les cas où un créancier non garanti a négocié l'acquisition des biens du débiteur après qu'il y a eu défaut de rembourser un prêt. Cela dit, il est admis que l'article 79 s'applique également aux créanciers garantis et aux créanciers non garantis et, par conséquent, l'expression "par suite" ne peut pas s'interpréter de façon stricte. Même l'avocat représentant le ministre du Revenu national a refusé de défendre, comme le contribuable l'invitait à le faire, le raisonnement tenu par le juge de la Cour de l'impôt sur cette question.
Une fois accepté le fait que l'article 79 s'applique aux cas où un terrain est transféré à un créancier non garanti après qu'un débiteur a été en défaut de rembourser un prêt, il reste à décider si les transferts d'une participation dans l'édifice Liberty sont visés par cet article. Le contribuable et le ministre invoquent tous deux l'arrêt Corbett c. Canada, [1997] 1 C.F. 386 (C.A.) [ci-après appelée Brill] à l'appui de leurs positions respectives. En toute justice pour le juge de la Cour de l'impôt, il faut reconnaître que l'arrêt Brill a été rendu après la présente affaire. Avant de passer à la description précise de cette affaire, il peut s'avérer utile de signaler comment je comprends le but qui sous-tend l'article 79 et les circonstances dans lesquelles il est prévu s'appliquer: voir d'une façon générale R. B. Goodwin, "Tax Consequences of Repossessions, Foreclosures, Forced Sales, and Defaults" dans Income Tax Aspects of Real Estate Transactions , 1983 Corporate Management Tax Conference, à la page 111; M. J. Beninger, "The Scope and Application of Section 79 of the Income Tax Act" (1985), 33 Can. Tax. J. 929; R. Couzin, "Debt Restructuring" dans Income Tax Considerations in Corporate Financing , 1986 Corporate Management Tax Conference; G. W. Flynn, "Restructuring Financially Troubled Corporations" dans Report of Proceedings of the Forty-First Tax Conference , 1989 Conference Report.
Dans le Rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité de 1966 (tome 3, L'imposition du revenu) (ci-après appelé le "Rapport Carter"), on a exprimé l'opinion que, lorsqu'une dette est annulée, le débiteur a de fait touché un revenu en ce sens que l'annulation d'une dette accroît l'actif net d'une personne (aux pages 528 à 530). C'est tout particulièrement juste dans les cas où une dette commerciale est annulée et où le débiteur a pu réclamer des dépenses ou un actif comptabilisé qui, en fait, ne lui auront rien coûté. On a reconnu en même temps qu'il existait un problème lorsqu'il s'agissait de déterminer quand une "annulation" devrait donner lieu à ce qui serait considéré comme un gain de revenu. Il y avait également le problème de savoir comment traiter le débiteur insolvable qui, par définition, ne serait pas en mesure de payer l'impôt.
Les articles 79 et 80 traitent des préoccupations soulevées dans le Rapport Carter. L'article 79 vise les cas où un débiteur cède des biens à un créancier en échange d'une dette non acquittée. Il s'applique à des créanciers garantis, tels que les créanciers hypothécaires ou les vendeurs en vertu d'un contrat de vente conditionnelle, tout comme à des créanciers non garantis qui obtiennent un titre de propriété sur des biens d'un débiteur. Avec l'inclusion de ce dernier groupe de créanciers, cela ne fait donc aucune différence quant à l'application de l'article 79 si le transfert des biens se produit à la suite d'un acte volontaire ou involontaire du débiteur. Ce qui est commun aux trois catégories, c'est le fait qu'un créancier a reçu un paiement en nature et non en argent comptant. Ce que l'article 79 cherche à permettre, c'est que le débiteur réalise un produit de disposition égal au montant de ce que réclame le créancier. Dans les cas où la valeur des biens du débiteur est inférieure au montant dû au créancier, le débiteur est obligé d'inclure dans son revenu tout avantage qui résulte de l'annulation ou du règlement de la dette sous-jacente. Au même moment, il faut reconnaître que l'article 79 n'est pas limité aux cas où les créanciers acceptent un titre de propriété en règlement total d'une créance à recouvrer. Au contraire, l'alinéa 79d) englobe la possibilité pour un créancier d'obtenir un titre à l'égard des biens du débiteur tout en conservant le droit de le poursuivre en recouvrement de la créance. Cet alinéa prévoit précisément que, si un débiteur fait ensuite un versement sur la dette pour laquelle les terrains ont été cédés, ces versements sont réputés constituer une perte résultant de la disposition des biens pour l'année durant laquelle le versement a été effectué.
Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi l'article 79 n'affirme pas que la dette sous-jacente doit être éteinte avant qu'il n'entre en jeu. La réparation désuète de la "saisie absolue" illustre la compréhension que son rédacteur avait des règles élémentaires du droit régissant les hypothèques. En common law, le défaut par un débiteur hypothécaire de payer le "jour prévu par la loi" avait pour effet de remettre au créancier hypothécaire la propriété des biens donnés en garantie sur obtention d'un jugement de saisie irrévocable. De plus, un créancier hypothécaire conservait le droit de poursuivre en vue de percevoir le montant de la créance à recouvrer sans être astreint à l'obligation correspondante de rétrocéder les biens. En résumé, un jugement de saisie absolue n'éteignait pas la dette sous-jacente. En raison de la possibilité du double recouvrement, ou de ce que nous appelons maintenant "l'enrichissement sans cause", les tribunaux d'équité ont refusé d'accorder aux créanciers hypothécaires le droit de poursuivre "en vertu du contrat" à moins d'être en mesure de rétrocéder les biens au débiteur hypothécaire.
Bien que la common law et les règles d'équité régissant la saisie d'un immeuble hypothéqué aient été remplacées par des dispositions législatives dans plusieurs des provinces, l'article 79 reflète la préoccupation du législateur fédéral selon laquelle un avantage peut être dévolu à un contribuable même si une dette n'a peut-être pas été éteinte légalement ou réglée complètement. C'est pour cette raison qu'un débiteur est tenu en vertu de l'alinéa 79c) de calculer le produit de disposition en incluant le principal de la créance. En effet, comme il n'y a pas de lien entre la valeur des biens cédés et le montant de la créance, l'article 79 considère qu'une vente a eu lieu pour un montant égal au montant de la créance. Ainsi, tout avantage découlant de l'annulation ou du paiement possible d'une dette tombe dans le revenu à titre de produit de disposition. En ce qui concerne la préoccupation du Rapport Carter au sujet de la condition des débiteurs insolvables, il est intéressant d'observer que les mesures législatives relatives à l'impôt minimum ne s'appliquent pas aux dispositions visées à l'article 79. Il s'agit des cas où il est plus probable que les débiteurs seront insolvables.
Il est banal d'observer que l'article 79 ne s'applique pas aux cas où les biens d'un débiteur sont vendus à un tiers. Ainsi, par exemple, dans les cas où un créancier hypothécaire effectue une "vente judiciaire" à un tiers, par suite d'un défaut aux termes de l'hypothèque, l'article 79 ne s'applique pas. C'est également vrai lorsque les biens sont vendus à un créancier garanti tel qu'un créancier hypothécaire. C'est la conséquence de l'arrêt Brill . Dans cette affaire, le contribuable n'avait pas fait les versements sur son hypothèque et, en réaction, le créancier hypothécaire avait engagé une procédure de saisie en vertu des lois de l'Alberta. Le créancier hypothécaire a demandé avec succès une "ordonnance de type Rice". Cette ordonnance permettait au créancier hypothécaire d'acquérir les biens à un prix déterminé par le tribunal. Le prix reflétait vraisemblablement la "juste valeur marchande" des biens. Le créancier hypothécaire a versé 49 000 $ pour les biens et, en même temps, il a obtenu un jugement ordonnant le paiement différentiel pour le solde dû en vertu de l'hypothèque.
Dans l'affaire Brill, le contribuable a réclamé un produit de disposition égal à la somme de 49 000 $ alors que le ministre a établi une nouvelle cotisation en fonction du montant impayé de l'hypothèque à l'époque du défaut en invoquant l'article 79. En appel devant la Cour, le débiteur hypothécaire a obtenu gain de cause. Le juge Linden a conclu que l'article 79 ne s'applique qu'aux acquisitions "où aucun prix déterminé n'est payé". Dans l'affaire Brill , le prix avait été déterminé non par le débiteur hypothécaire et le créancier hypothécaire, mais par la Cour de l'Alberta. À mon humble avis, cette conclusion est irréfutable. Lorsqu'un créancier paie ce qu'un tribunal considère être une juste valeur marchande pour le bien d'un débiteur, on ne peut soutenir qu'un avantage du genre de celui envisagé à l'article 79 a été dévolu au débiteur. De telles ventes ne diffèrent pas, du moins en théorie, d'une vente faite à un tiers et, par conséquent, l'article 79 ne s'applique pas. (Le problème de créanciers hypothécaires qui achètent en vertu de leur propre pouvoir de vendre, et à un prix nominal, soulève d'autres questions: voir de façon générale J. T. Robertson, "The Problem of Price Adequacy in Foreclosure Sales" (1987), 66 Rev. du Bar. can. 671.)
L'affaire Brill concernait la vente forcée de biens à un créancier garanti à un prix déterminé. En l'espèce, nous avons affaire à une disposition faite volontairement à un créancier non garanti. Ce que l'avocat du contribuable tente d'établir, c'est que la disposition volontaire ne s'est pas faite à un "prix déterminé" comme l'exigeait le raisonnement suivi dans l'affaire Brill . Très précisément, le contribuable saute sur le fait qu'aucune somme d'argent n'a été échangée entre les parties aux contrats d'achat et de vente et que le transfert n'a pas entraîné l'extinction ou le règlement des deux dettes. Renata et Monika ont dû attendre jusqu'à ce que l'édifice Liberty soit vendu avant de savoir si leurs créances respectives seraient acquittées.
À mon avis, l'argument ci-dessus ne peut pas être admis. Dans les circonstances de l'espèce, le fait qu'aucune somme d'argent n'ait changé de mains s'explique par le fait que la valeur de l'achat a pris la forme d'une dette antérieure. Le fait que les transferts à Renata et à Monika n'ont pas entraîné le règlement de leurs créances ne mène pas à la conclusion qu'il n'y a pas eu vente à un prix déterminé. Prenons par exemple le marché négocié avec Renata. En retour de la somme de 1 M$ sur les 2.3 M$ qui lui étaient dus par le contribuable, Renata a reçu: (1) une participation de 25 % dans l'édifice Liberty; (2) un revenu minimum garanti de 6 % de 1 M$ moins le principal et les intérêts se rapportant aux 250 000 $ du montant impayé de la première hypothèque; et (3) une garantie selon laquelle elle recevrait près de 1 M$ au moment de la vente de l'édifice Liberty. Si ce bien avait été vendu pour plus de 5 M$, elle aurait eu légalement droit à une part proportionnelle de l'excédent. D'après moi, c'est une vente à un prix déterminé au sens envisagé par l'affaire Brill et c'est également vrai en ce qui concerne l'acquisition par Monika de sa participation de 15 % dans l'édifice Liberty.
Il faut reconnaître que la présente affaire diffère de la vente traditionnelle parce que les acquéreurs ont négocié non seulement en vue d'une participation dans un bien, mais également en vue de certaines garanties minimum concernant le revenu de location et le prix de vente final. Toutefois, ces nouvelles obligations contractuelles ne font pas moins une vente du transfert. La seule question qui n'a pas été "déterminée" était de savoir si Renata et Monika recevraient ultimement plus que les montants qu'elles avaient versés pour leurs participations respectives. Surtout, ce n'est pas un cas où on peut soutenir que le contribuable a reçu un avantage du genre de celui que l'article 79 cherche à inclure dans le revenu comme produit de disposition. Ce n'est pas un cas où il n'existe pas de lien entre la valeur du bien cédé, l'édifice Liberty, et les montants dus à Renata et à Monika. À mon humble avis, l'article 79 ne s'applique pas aux dispositions en question.
Je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.
Le juge Stone, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.
Le juge McDonald, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.