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A-908-97

A-909-97

Glaxo Wellcome PLC (appelante)

c.

Le ministre du Revenu national (intimé)

Répertorié: Glaxo Wellcome PLCc. M.R.N. (C.A.)

Cour d'appel, juges Stone, Létourneau et Robertson, J.C.A."Ottawa, 25 mars; 17 juin 1998.

Equity Recours en equity relatif à l'interrogatoire préalableForme d'interrogatoire préalable avant l'actionQuestion de savoir si ce recours peut être exercé devant la C.F. 1re inst.Ancien recours suscitant de nouveau de l'intérêt depuis la décision rendue en 1974 par la Chambre des lords dans Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Comrs.Le recours permet à une personne qui a subi un préjudice d'intenter une action en vue de découvrir le nom de l'auteur du préjudiceEn tant que recours en equity, ce recours est de nature discrétionnaireConsidérations permettant de déterminer si le recours doit être accordéIl faut qu'il y ait une réclamation valable contre le présumé auteur du préjudiceLe recours ne peut être exercé contre un tiers n'ayant rien à voir avec la présumée inconduiteLa personne devant faire l'objet de l'interrogatoire préalable doit être la seule source de renseignementsIl faut tenir compte de l'intérêt public tant en ce qui concerne la communication que la non-communicationRessorts dans lesquels le recours est reconnu depuis la décision Norwich PharmacalLa Cour fédérale est un tribunal de droit et un tribunal d'equityLa Cour n'est pas dissuadée de reconnaître l'interrogatoire préalable en tant que redressement simplement parce qu'il s'agit d'un redressement nouveau dans les décisions canadiennesIl existe en l'espèce un chevauchement entre la législation et les règles de l'equityIl faut déterminer l'intention du législateurApplication des principes énoncés dans Norwich Pharmacal à la présente espèceLa question de savoir si les tribunaux d'equity peuvent contraindre la Couronne à se soumettre à un interrogatoire préalable n'est pas réglée par les arrêtsEn l'absence d'un arrêt ayant force obligatoire, la Couronne ne bénéficie pas d'une immunité.

Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Le recours relatif à l'interrogatoire préalable en equity permet à un tribunal, en se fondant sur sa compétence en equity, afin de découvrir le nom de l'auteur du préjudice causé au demandeur, d'ordonner l'interrogatoire préalable d'une personne contre laquelle celui qui demande l'interrogatoire préalable n'a aucune cause d'action et qui ne sera pas partie au litige envisagéLa Cour a compétence en equity pour accorder ce redressement au titulaire des brevets de façon que celui-ci puisse obtenir du MRN les noms des importateurs qui auraient censément importé des médicaments au Canada en violation des droits conférés par les brevets.

Pratique Interrogatoire préalableProduction de documentsRecours relatif à l'interrogatoire préalable en equityRecours d'origine ancienne permettant à un tribunal, en se fondant sur sa compétence en equity, afin de découvrir l'auteur du préjudice causé au demandeur, d'ordonner l'interrogatoire préalable d'une personne contre laquelle celui qui demande l'interrogatoire préalable n'a aucune cause d'action et qui ne sera pas partie au litige envisagéApplication de la décision rendue par la Chambre des lords dans Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Comrs., où le recours a été examiné et les exigences préliminaires définiesLorsque des médicaments sont censément importés au Canada en violation des droits qu'il possède en vertu de brevets, le titulaire des brevets peut obtenir du MRN les noms des importateurs au moyen de l'interrogatoire préalable en equity.

Douanes et accise Loi sur les douanes PratiqueLa décision qui a été prise en vertu de l'art. 108 de la Loi sur les douanes au sujet d'une demande de communication des renseignements obtenus en vertu de la Loi (à savoir, les noms des importateurs ayant censément importé des médicaments au Canada en violation des droits que possédait l'appelante en vertu de ses brevets) relève du pouvoir discrétionnaire du ministreDans le cadre du contrôle judiciaire de la décision du ministre, il n'y a pas lieu d'intervenir si l'intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle et en se fondant sur des considérations pertinentesEn l'espèce, rien ne montre qu'il y ait eu entrave au pouvoir discrétionnaire ou qu'on se soit fondé sur des considérations non pertinentes.

Couronne Prérogatives La prérogative dont jouit la Couronne en common law en matière d'interrogatoire préalable ne l'emporte pas sur le recours relatif à l'interrogatoire préalable existant en equityL'immunité dont jouit la Couronne en matière d'interrogatoire préalable n'est pas absolue et a été limitée par la loi tant au palier fédéral qu'au palier provincialIl n'est pas clair qu'une prérogative que possède la Couronne en common law l'emporte sur le recours exceptionnel existant en equity à l'égard de l'interrogatoire préalableEn l'absence d'un arrêt ayant force obligatoire selon lequel l'immunité de la Couronne en matière d'interrogatoire préalable s'étend à l'exercice de la compétence que possède la Cour en equity, il ne doit pas être considéré qu'il en est ainsi.

En se fondant sur des rapports de Statistique Canada, l'appelante a appris qu'environ 68 000 kilos de chlorhydrate de ranitidine (RHCL) à l'égard duquel elle détient deux brevets canadiens avaient été importés au Canada par des sociétés autres qu'elle-même ou les titulaires de licences obligatoires. L'appelante s'inquiétait de ce que les droits qui lui sont reconnus par l'article 42 de la Loi sur les brevets, à savoir le droit de fabriquer, de construire, d'exploiter et de vendre à d'autres pour qu'ils l'exploitent l'objet de son invention, ont été enfreints et continuent à l'être. En outre, l'appelante croyait qu'il était uniquement possible de savoir jusqu'à quel point il y avait eu contrefaçon si on lui divulguait les noms des importateurs. Après avoir tenté sans succès d'obtenir ces renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, l'appelante les a demandés directement à l'intimé, en vertu du paragraphe 108(1) de la Loi. L'intimé a refusé la demande en disant qu'il fallait respecter, en ce qui concerne la confidentialité, les attentes des personnes, notamment les importateurs, qui lui fournissent des renseignements.

Cet appel découlait de deux ordonnances de la Section de première instance rejetant les demandes que l'appelante avait faites en vue d'obtenir les noms des importateurs conformément au paragraphe 108(1) de la Loi sur les douanes, ou au moyen d'un interrogatoire préalable conformément à la compétence que la Cour possède en equity.

Arrêt: l'appel doit être accueilli.

La demande de contrôle judiciaire

Le pouvoir que possède le ministre, en vertu du paragraphe 108(1) de la Loi sur les douanes, de communiquer les renseignements recueillis conformément à la Loi étant de nature discrétionnaire, la cour qui exerce le contrôle judiciaire doit uniquement se demander si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle, et s'il s'est fondé sur des considérations se rapportant à l'objet de la Loi.

L'appelante a soutenu que l'intimé avait entravé son pouvoir discrétionnaire en se conformant aveuglément aux lignes directrices du Ministère et que sa décision était fondée sur des considérations non pertinentes et notamment sur le fait qu'il y avait d'autres moyens d'obtenir les noms des importateurs. Toutefois, compte tenu des faits, l'intimé n'a pas simplement appliqué une politique générale de non-communication, mais il a plutôt examiné à fond la demande de renseignements que l'appelante avait faite et il a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à maintenir le caractère confidentiel de l'identité des importateurs. Le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'intimé.

L'interrogatoire préalable en equity

La possibilité en première instance de se prévaloir du recours à l'interrogatoire préalable en equity était une question particulièrement nouvelle. Ce recours, dont l'origine est ancienne, permet à un tribunal, en se fondant sur sa compétence en equity, d'ordonner l'interrogatoire préalable d'une personne contre laquelle celui qui demande l'interrogatoire préalable n'a aucune cause d'action et qui ne sera pas partie au litige envisagé. Il permet à une personne qui a subi un préjudice d'intenter une action en vue de découvrir le nom de l'auteur du préjudice. L'appelante s'est fortement fondée sur la décision que la Chambre des lords venait de rendre dans l'affaire Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise, dont les faits étaient fort semblables à ceux de la présente espèce et dans laquelle la Chambre des lords s'était de nouveau intéressée à ce recours. Les dispositions législatives en cause n'autorisaient pas les Commissioners of Customs and Excise à divulguer les noms des importateurs, mais la Chambre des lords a conclu que le texte législatif n'empêchait pas la Cour de le faire. La Chambre des lords a établi les exigences préliminaires à satisfaire pour obtenir l'interrogatoire préalable: les demanderesses doivent avoir une véritable demande à présenter contre les présumés auteurs du préjudice; un simple témoin ou un tiers n'ayant rien à voir avec la présumée inconduite ne peut pas être assujetti à l'interrogatoire préalable. En outre, la personne devant faire l'objet de l'interrogatoire préalable doit être la seule source pratique de renseignements dont disposent les appelantes. Enfin, il faut tenir compte de l'intérêt du public tant en ce qui concerne la communication que la non-communication.

Une question préliminaire se rapportait à la compétence que possède la Cour d'accorder un redressement au moyen d'un interrogatoire préalable. Ni la Loi sur la Cour fédérale ni les Règles de la Cour fédérale qui étaient en vigueur au moment où l'appelante a fait la demande ne renfermaient une disposition permettant expressément l'interrogatoire avant l'action, mais cela n'empêchait pas pour autant l'octroi de ce redressement en equity. Dans l'arrêt Reekie c. Messervey, la Cour a dit qu'"[à] titre de principe général, la procédure doit être la servante du droit et non sa maîtresse". En outre, la jurisprudence indiquait qu'en sa qualité de tribunal d'equity , cette Cour était autorisée à accorder un redressement en equity dans des affaires sur lesquelles elle avait par ailleurs compétence comme c'était ici le cas. La Cour ne devrait pas être dissuadée de reconnaître l'interrogatoire préalable en tant que redressement simplement parce qu'il s'agit d'un redressement nouveau dans les décisions canadiennes. Bref, cette Cour possédait la compétence nécessaire en equity pour autoriser l'interrogatoire préalable. Cet appel portait en fin de compte sur la question de savoir si l'interrogatoire préalable en equity était un redressement approprié compte tenu des circonstances de l'espèce.

Il existait en l'espèce un chevauchement entre la législation et les règles de l'equity. Il s'agissait de savoir si l'octroi de l'interrogatoire préalable en equity était contraire à l'intention du législateur telle qu'elle est exprimée au paragraphe 108(1) (qui conférait au ministre le pouvoir de communiquer les renseignements recueillis conformément à la Loi) et s'il usurpait le pouvoir décisionnel de l'intimé. Lorsqu'il y a chevauchement entre des redressements fondés sur la loi et des redressements en equity, l'analyse comporte une interprétation du texte législatif applicable visant à permettre de déterminer l'intention du législateur. En l'espèce, l'article 107 de la Loi sur les douanes empêchait expressément la communication des renseignements recueillis conformément à la Loi et prévoyait que les renseignements devaient demeurer confidentiels. L'article 108 prévoyait plusieurs exceptions à l'interdiction et conférait au ministre le pouvoir discrétionnaire de déterminer quelles autres personnes avaient droit à la communication. Toutefois, en attribuant cette fonction au ministre, le législateur n'empêchait pas la Cour de s'ingérer dans des affaires de communication autrement qu'au moyen du contrôle judiciaire.

Le recours à l'interrogatoire préalable en equity relevait de la compétence de la Cour et l'appelante pouvait s'en prévaloir en l'espèce si elle remplissait par ailleurs les conditions pertinentes.

Si les principes pertinents établis dans Norwich Pharmacal sont appliqués, l'appelante satisfait au critère préliminaire relatif à l'interrogatoire préalable en ce sens qu'elle dispose d'une véritable demande ou d'une demande légitime contre les personnes qui importent le RHCL au pays. Il s'agissait ensuite de savoir si les renseignements demandés pouvaient être obtenus d'une autre source. Contrairement à ce que le juge des requêtes a conclu, le recours à un enquêteur privé ne constituait pas une méthode efficace en vue d'obtenir l'identité des importateurs. En outre, l'appelante pouvait encore se prévaloir des procédures de dépôt d'une plainte et de contrôle judiciaire prévues par la Loi sur l'accès à l'information, mais l'efficacité de cette source de renseignements était douteuse.

Le droit d'inspection et de rapport prévu au paragraphe 7 des ententes relatives aux licences ne permettrait pas à l'appelante, compte tenu des renseignements qu'il est ainsi possible d'obtenir, de connaître l'identité des personnes qui ont importé du RHCL au Canada.

Il devient donc nécessaire, sur le plan de l'intérêt public, d'établir l'équilibre entre la nécessité de préserver le caractère confidentiel des noms des importateurs et la bonne administration de la justice. Étant donné que les noms des importateurs passeront probablement entre les mains de nombreuses personnes avant d'être transmis aux fonctionnaires des douanes, il n'était pas raisonnable de considérer l'identité des importateurs comme constituant un renseignement particulièrement délicat. Compte tenu des circonstances de l'espèce, l'intérêt public, lorsqu'il s'agissait de s'assurer que l'appelante puisse poursuivre en justice ceux qui avaient censément enfreint les droits qu'elle avait en vertu de ses brevets, l'emportait sur l'intérêt public qui voulait que les noms des importateurs demeurent confidentiels.

La prérogative de la Couronne en matière d'interrogatoire préalable

La prérogative de la Couronne, en matière d'interrogatoire préalable, existe en common law. Il n'est donc pas clair qu'une prérogative que possède la Couronne en common law l'emporte sur le recours exceptionnel existant en equity à l'égard de l'interrogatoire préalable. En l'absence d'un arrêt ayant force obligatoire selon lequel l'immunité de la Couronne en matière d'interrogatoire préalable s'étend à l'exercice de la compétence que possède la Cour en equity, il ne devrait pas être considéré qu'il en est ainsi.

Étant donné qu'il s'agit d'un cas nouveau, que le redressement demandé est exceptionnel et que le ministre, qui n'avait commis aucune faute, avait raison de refuser de communiquer les renseignements en l'absence d'une ordonnance judiciaire, le ministre devrait avoir droit à des frais raisonnables à l'égard de l'interrogatoire préalable.

lois et règlements

Civil Procedure Rules, Règle 18.02(c) (N.S.).

Finance Act 1967 (R.-U.), 1967, c. 54, s. 3.

Loi de 1986 sur le droit de la famille, L.O. 1986, ch. 4.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 3 (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 68).

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 24(1), 30(1), 41.

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 42 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16).

Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 107 (mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 27), 108 (mod., idem, art. 28).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 5, 466.3 (édictée par DORS/90-846, art. 16; 92-726, art. 4), 477.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, Règles 224(1)d), 237(2).

Rules of Court, Règle 1802(1)(c) (P.E.I.).

jurisprudence

décisions appliquées:

Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Comrs., [1974] A.C. 133 (H.L.); Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; (1982), 137 D.L.R. (3d) 558; 44 N.R. 354; conf. Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500; (1980), 114 D.L.R. (3d) 634; 42 N.R. 312 (C.A.); Dawkins c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 639; (1991), 45 F.T.R. 198 (1re inst.); Reekie c. Messervey, [1990] 1 R.C.S. 219; (1990), 66 D.L.R. (4th) 765; [1990] 3 W.W.R. 673; 43 B.C.L.R. (2d) 145; 39 C.P.C. (2d) 1; 104 N.R. 387; Teledyne Indust. Ltd. c. Lido Indust. Products Ltd. (1982), 31 C.P.C. 285; 68 C.P.R. (2d) 204 (C.F. 1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391; (1997), 151 D.L.R. (4th) 119; 1 Admin. L.R. (3d) 1; 118 C.C.C. (3d) 443; 14 C.P.C. (4th) 1; 10 C.R. (5th) 163; 40 Imm. L.R. (2d) 23; 218 N.R. 81; Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19; 209 N.R. 342 (C.A.F.).

distinction faite avec:

Crompton (Alfred) Amusement Machines Ltd. v. Customs and Excise Comrs. (No. 2), [1974] A.C. 405 (H.L.); Procureur général (Qué.) et Keable c. Procureur général (Can.) et autre, [1979] 1 R.C.S. 218; (1979), 90 D.L.R. (3d) 161; 43 C.C.C. (2d) 49; 6 C.R. (3d) 145; 24 N.R. 1.

décisions examinées:

Johnston and Frank Johnston's Restaurants Limited, Re (1980), 33 Nfld. & P.E.I.R. 341 (C.A.Î.-P.-É.); Rawluk c. Rawluk, [1990] 1 R.C.S. 70; (1990), 71 O.R. (2d) 480; 65 D.L.R. (4th) 161; 36 E.T.R. 1; 103 N.R. 321; 38 O.A.C. 81; 23 R.F.L. (3d) 337; Zaidan Group Ltd. v. London (City) (1990), 71 O.R. (2d) 65; 64 D.L.R. (4th) 514; 35 E.T.R. 162; 47 M.P.L.R. 1; 36 O.A.C. 384 (C.A.); conf. par [1991] 3 R.C.S. 593; (1991), 5 O.R. (3d) 384; 85 D.L.R. (4th) 448; 44 E.T.R. 193; 7 M.P.L.R. (2d) 235; 129 N.R. 227; 50 O.A.C. 1; Canada Deposit Insurance Corp. v. Code (1988), 84 A.R. 241; 49 D.L.R. (4th) 57; [1988] 3 W.W.R. 481; 57 Alta. L.R. (2d) 289 (C.A.); Attorney-General v. London (Corporation of) (1850), 2 Mac. & G. 247; 42 E.R. 95 (Ch.).

décisions citées:

British Steel Corpn v Granada Television Ltd, [1981] 1 All ER 417 (C.A.); Bankers Trust Co v Shapira, [1980] 3 All ER 353 (C.A.); Wilson v. Church (1878), 9 Ch. D. 552 (C.A.); MacRae v. Lecompte; The Queen in right of Ontario, Third Party (1983), 143 D.L.R. (3d) 219 (H.C. Ont.); RCA Corporation v Reddingtons Rare Records, [1975] 1 All ER 38 (Ch. D.); X Ltd. v. Morgan-Grampian (Publishers) Ltd., [1991] 1 A.C. 1 (H.L.); Pressed Steel Car Co. v. Union Pac. R. Co., 240 F. 135 (S.D.N.Y. 1917); Sinclair Refining Co. v. Jenkins Pet. Process Co., 289 U.S. 717 (1932); Comeau, Re (1986), 77 N.S.R. (2d) 57; 191 A.P.R. 57 (C.S. 1re inst.); Leahy v. Dr. A.B. (1992), 113 N.S.R. (2d) 417; 309 A.P.R. 417; 8 C.P.C. (3d) 260 (C.S. 1re inst.); Deare v. Attorney-General (1835), 1 Y. & C. Ex. 197; 160 E.R. 80 (Ex. Div.).

doctrine

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APPELS d'ordonnances de la Section de première instance (Glaxo Wellcome PLC c. Canada (Ministre du Revenu nationalM.R.N.), [1997] A.C.F. no 1636 (1re inst.) (QL); Glaxo Wellcome Plc c. M.R.N. (1997), 77 C.P.R. (3d) 136 (C.F. 1re inst.)) rejetant les demandes que l'appelante avait présentées en vertu du paragraphe 108(1) de la Loi sur les douanes et au moyen d'un interrogatoire préalable en equity en vue d'obtenir les noms des importateurs qui auraient censément importé des médicaments au Canada en violation des droits que l'appelante possédait en vertu de ses brevets. L'appel concernant le paragraphe 108(1) de la Loi sur les douanes doit être rejeté. L'appel concernant l'interrogatoire préalable en equity doit être accueilli.

ont comparu:

Simon V. Potter, Brenda C. Swick-Martin et Sally A. Gomery pour l'appelante.

Christopher M. Rupar et Janice Palmer pour l'intimé.

avocats inscrits au dossier:

Ogilvy Renault, Ottawa, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Stone, J.C.A.: Ces appels découlent de deux ordonnances de la Section de première instance, datées du 27 novembre 1997, par lesquelles les demandes que l'appelante avait faites en vue d'obtenir les noms des importateurs d'expéditions de chlorhydrate de ranitidine (RHCL) au Canada ont été rejetées. La première ordonnance [[1997] A.C.F. no 1636 (1re inst.) (QL)] rejetait la demande de contrôle judiciaire que l'appelante avait présentée par suite du refus de l'intimé de communiquer les noms de ces importateurs conformément au paragraphe 108(1) [mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 28] de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1 (la Loi). Par la seconde ordonnance [(1997), 77 C.P.R. (3d) 136 (C.F. 1re inst.)], le juge des requêtes a refusé la demande que l'appelante avait faite en vue d'obtenir de l'intimé les mêmes renseignements au moyen d'un interrogatoire préalable conformément à la compétence que la Cour possède en equity.

Avant d'examiner les questions soulevées dans ces appels, je résumerai brièvement les faits pertinents ainsi que les motifs prononcés par le juge des requêtes à l'égard des ordonnances ici en cause.

Historique

L'appelante est l'une des plus grosses sociétés pharmaceutiques au monde. Elle est titulaire de deux brevets canadiens à l'égard du RHCL. Le brevet no 1099268, qui a expiré le 14 avril 1998, visait à protéger le droit de propriété que possédait l'appelante sur la base de ranitidine et sur toutes les formes de son sel chlorhydrique (le RHCL, formule 1). Le brevet no 1202638, qui expire le 1er avril 2003, vise apparemment à protéger une deuxième forme cristalline de chlorhydrate de ranitidine auparavant inconnue (le RHCL, formule 2). La validité de ces brevets n'est pas en litige. Le médicament breveté a d'abord été commercialisé par l'appelante en 1981 sous la marque de commerce "Zantac". En 1987, "Zantac" était devenu l'un des principaux médicaments contre les ulcères sur le marché et le médicament le plus souvent prescrit au monde.

La Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, modifiée par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, telle qu'elle était libellée avant le 12 mars 1993, établissait un système d'octroi de licences obligatoires de médicaments brevetés. Ces licences permettaient aux sociétés pharmaceutiques vendant des produits génériques d'importer et de commercialiser le médicament breveté pour une période déterminée, moyennant une redevance déterminée. Six sociétés étaient titulaires de licences obligatoires accordées par l'appelante, lesquelles leur permettaient d'importer et de vendre au Canada le RHCL, formule 11. Aucune licence de ce genre n'a été délivrée à l'égard de l'importation et de la vente au Canada du RHCL, formule 2.

En se fondant sur des rapports de Statistique Canada, l'appelante a appris qu'environ 68 000 kilos de RHCL avaient été importés au Canada entre le 1er janvier 1995 et le 30 septembre 1996 par des sociétés autres que l'appelante et par les titulaires de licences obligatoires. Les rapports de Statistique Canada n'identifiaient pas les importateurs. La plupart de ces importations censément non autorisées se rapportaient au RHCL, formule 1, mais l'appelante a appris qu'environ 5 150 kilos de RHCL, formule 2, avaient été importés au Canada en 1996.

L'appelante s'inquiète de ce que les droits qui lui sont reconnus par l'article 42 de la Loi sur les brevets, tel qu'il a été modifié par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16, à savoir le droit de fabriquer, de construire, d'exploiter et de vendre à d'autres pour qu'ils l'exploitent l'objet de son invention, ont été enfreints et continuent à l'être. En outre, l'appelante croit qu'il est uniquement possible de savoir jusqu'à quel point il y a eu contrefaçon si on lui divulgue les noms des importateurs des expéditions de RHCL dont il était question dans les rapports de Statistique Canada.

Le 15 juillet 1996, l'appelante a fait une demande conformément à la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, en vue d'obtenir des renseignements au sujet de la vente, de l'importation ou de l'exportation de RHCL et de deux autres produits pharmaceutiques (le zidovudine et l'acyclovir). La demande de l'appelante a été rejetée le 1er octobre 1996, pour le motif que les renseignements étaient exemptés de la communication conformément au paragraphe 24(1) de la Loi sur l'accès à l'information2. L'appelante a refusé de déposer une plainte devant le Commissaire à l'information conformément au paragraphe 30(1) de cette Loi. Elle a plutôt demandé directement à l'intimé, par une lettre datée du 25 février 1997, en vertu du paragraphe 108(1) de la Loi, les noms des personnes qui avaient importé du RHCL au Canada en 1995 et en 19963.

Par une lettre datée du 11 juillet 1997, l'intimé a refusé la demande de l'appelante en invoquant le caractère confidentiel des renseignements demandés. Les paragraphes suivants de cette lettre indiquent les raisons fondamentales du refus:

[traduction] Les fonctionnaires du ministère ont maintenant terminé l'examen de votre demande. Ils ont notamment examiné au complet le classement tarifaire de plus de 700 produits visés par le rapport de Statistique Canada que vous m'avez remis lorsque nous nous sommes rencontrés. Ils ont également examiné les arrêts se rapportant à des demandes semblables à celle que vous avez faite. Le Ministère a minutieusement examiné le rapport ainsi que les arguments convaincants que vous avez invoqués au nom de votre cliente, et il a décidé de ne pas communiquer les renseignements en question à votre cliente.

Les renseignements fournis à Revenu Canada dans le cadre de la législation sur les douanes doivent, de par la loi, être tenus par le Ministère pour confidentiels. Revenu Canada ne peut se départir de la responsabilité qui lui incombe d'assurer la confidentialité des renseignements obtenus des importateurs. Le Ministère ne peut mettre en péril les liens de confidentialité tissés avec le secteur de l'importation pour prêter main-forte à une société privée dans une poursuite civile. La propriété intellectuelle est d'ordre privé et sa protection incombe pleinement au détenteur du droit. Glaxo dispose des moyens et des lois lui permettant de poursuivre les titulaires de licences, ou quiconque d'autre, pour contrefaçon de brevet sans nécessairement compromettre les dispositions de la Loi sur les douanes relatives à la confidentialité.

La confidentialité est une question épineuse fort controversée. Le Ministère obtient ces renseignements non seulement aux fins des douanes, mais aussi au nom de nombreux autres ministères gouvernementaux. Il doit respecter les attentes des personnes qui lui fournissent pareils renseignements, à savoir que ces renseignements ne seront pas utilisés à une fin autre que celle pour laquelle ils ont été obtenus. Il importe de noter que Glaxo s'est déjà vu refuser ces renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. La protection contre la contrefaçon n'est garantie nulle part dans la législation sur les douanes4.

Le 16 juillet 1997, l'appelante a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Parmi les motifs invoqués, tels qu'ils sont énoncés dans l'avis de requête introductive d'instance, figurent les motifs suivants:

[traduction]

5. Glaxo ne dispose d'aucun moyen raisonnable lui permettant d'identifier la personne ou les personnes qui ont enfreint les droits qu'elle possède sur ses brevets et lui permettant d'agir pour défendre son droit de propriété, si ce n'est au moyen de la communication du nom des importateurs de certaines expéditions de chlorhydrate de ranitidine au Canada en 1995 et en 1996.

6. Le ministre a déjà communiqué à Glaxo des renseignements détaillés au sujet de l'importation de chlorhydrate de ranitidine et notamment, sur la base de transactions individuelles, le volume, la valeur et la provenance du produit, mais il n'a pas communiqué les noms des importateurs, ce qui aurait permis à Glaxo de protéger les droits qu'elle possède, lesquels ont clairement été ou sont clairement enfreints.

7. L'intérêt de la justice veut que Glaxo ne soit pas obligée d'engager aveuglément des poursuites en vue de mettre fin à la contrefaçon, que toute poursuite éventuelle soit uniquement engagée contre les personnes dont les importations semblent à première vue constituer une contrefaçon, et que pareille poursuite ne se rapporte qu'à ces importations.

8. L'intérêt de la justice exige que la communication des renseignements qui figurent dans les dossiers de l'intimé, en ce qui concerne des infractions flagrantes et la violation de droits de propriété, ne soit pas refusée à la partie lésée, Glaxo5.

Au paragraphe 19 de son affidavit, qui était joint à l'avis de requête introductive d'instance de l'appelante, Laurence D. Jenkins a mis l'accent sur la perte financière considérable que représente pour l'appelante l'importation non autorisée:

[traduction]

19. Les recherches effectuées par Glaxo montrent donc que 70 650 kilos de chlorhydrate de ranitidine ont été importés au Canada entre le 1er janvier 1995 et le 30 septembre 1996, et qu'il n'existe aucune explication sur le plan juridique. Cette quantité de produit en vrac, si elle avait été vendue en comprimés sur le marché américain avant l'expiration du brevet américain, aux prix en cours aux États-Unis, aurait une valeur marchande nette d'environ 588 millions de dollars américains. La même quantité, si elle était vendue en comprimés sur le marché canadien des produits génériques, aux prix en cours au Canada, aurait une valeur marchande nette d'environ 83 millions de dollars canadiens, et Glaxo toucherait une redevance de 4 p. 100 correspondant à un montant, après impôt, de 3 millions de dollars canadiens6.

Douze jours plus tard, l'appelante a présenté une demande en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à interroger l'intimé au préalable afin de connaître l'identité des importateurs d'expéditions de RHCL au Canada en 1995, en 1996 et en 1997. Cette demande était elle aussi étayée par l'affidavit de M. Jenkins. Les motifs pour lesquels l'interrogatoire préalable était demandé étaient presque identiques à ceux que l'appelante avait invoqués dans sa demande de contrôle judiciaire. L'appelante soutient essentiellement que ses droits aux brevets sont enfreints et que l'unique "moyen raisonnable" par lequel elle peut identifier les présumés auteurs du préjudice et agir pour défendre son droit de propriété consiste à interroger l'intimé. Selon les paragraphes 10 et 11 de l'avis de requête introductive d'instance, la demande est fondée sur la compétence que possède la Cour en equity ainsi que sur les Règles 5, 466.3 [édictée par DORS/90-846, art. 16; 92-726, art. 4] et 477 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663]7.

Le juge des requêtes a entendu les deux demandes ensemble. En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire, il s'agissait principalement de savoir si l'intimé avait entravé son pouvoir discrétionnaire en se conformant simplement aux lignes directrices du Ministère et en omettant de tenir compte des faits de l'affaire dont il était saisi. L'appelante a également soutenu que l'intimé avait interprété d'une façon erronée l'article 108 de la Loi et qu'il s'était fondé sur des considérations non pertinentes en prenant sa décision. Le juge des requêtes était d'avis que l'intimé s'était conformé aux lignes directrices énoncées dans la "circulaire D1-16-1"8 et qu'il les avait citées dans sa lettre du 11 juillet 1997 comme principal motif du rejet de la demande de l'appelante, mais qu'il n'avait pas pour autant entravé son pouvoir discrétionnaire. Au contraire, il a fait remarquer, au paragraphe 5 de ses motifs, que l'intimé "[avait] consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'examen du bien-fondé de la demande". Il a conclu que l'appelante avait amplement eu la possibilité de présenter sa cause et que l'intimé et son personnel étaient conscients des circonstances particulières de la demande. En examinant la demande de l'appelante, l'intimé avait notamment pris les mesures suivantes, que le juge des requêtes a mentionnées au paragraphe 5 de ses motifs:

Des représentants des deux parties ont discuté ensemble de ladite demande, après quoi on s'est employé à établir l'exactitude des renseignements de Statistique Canada obtenus par la requérante. Celle-ci avait mentionné que les quantités non retracées de chlorhydrate de ranitidine importées pouvaient nuire à la santé des Canadiens et elle a immédiatement fait part de ses préoccupations à Santé Canada. Pour étudier la demande de la requérante, l'intimé a requis, à titre d'aide supplémentaire, que les porteurs de licence de la requérante fassent l'objet d'une vérification indépendante, mais la requérante n'a pas coopéré à cet égard. L'intimé s'est adressé à elle pour obtenir un complément d'information au sujet de [traduction] "nouveaux renseignements" qu'elle disait détenir. Il a également demandé des avis juridiques sur des points de droit soulevés dans la demande de la requérante.

De l'avis du juge des requêtes, la lettre de l'intimé du 11 juillet 1997, si elle est considérée dans son ensemble, montre que celui-ci a minutieusement examiné les arguments que l'appelante avait invoqués en vue de la communication et qu'il ne s'est pas conformé à la lettre aux lignes directrices. En outre, le juge des requêtes a conclu que l'intimé avait tenu compte de considérations pertinentes en prenant sa décision, et notamment de l'existence d'autres voies permettant d'obtenir les noms des importateurs et de l'intérêt public, voulant que justice soit faite.

En ce qui concerne la demande d'interrogatoire préalable fondée sur l'equity, le juge des requêtes a fait remarquer à juste titre que la Cour n'avait jamais encore accordé ce genre de redressement. À son avis, pour qu'un redressement en equity soit accordé, le demandeur doit être incapable d'obtenir les renseignements voulus par d'autres moyens, que ce soit au moyen de procédures judiciaires ou de sources personnelles. À son avis, l'appelante n'avait pas encore épuisé toutes les autres voies de recours dont elle disposait. Le juge des requêtes a fait remarquer par exemple que la demande de renseignements que l'appelante avait faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information avait été rejetée, mais que l'appelante n'avait pas encore porté plainte ou présenté une demande de contrôle judiciaire comme cette loi le prévoyait. En outre, il a dit que l'appelante aurait pu retenir les services d'un enquêteur privé pour découvrir l'identité des importateurs, même s'il a reconnu qu'elle l'avait fait "sans trop de succès" par le passé. Le juge des requêtes a également maintenu que l'appelante a le droit, en vertu de ses licences obligatoires, d'exiger que les titulaires de licences se soumettent à une vérification indépendante, et que l'appelante ne s'était pas encore prévalue de cette voie de recours. En dernier lieu, il a fait remarquer que l'appelante avait déjà découvert l'identité d'un contrefacteur possible, Torpharm Inc., par elle-même sans l'aide de l'intimé.

Pendant l'audience qui a eu lieu devant le juge des requêtes comme dans cet appel, l'appelante a mis l'accent sur la décision que la Chambre des lords avait rendue dans l'affaire Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Comrs., [1974] A.C. 133. Toutefois, le juge des requêtes a dit, à la page 138 de ses motifs, qu'il était possible de faire une distinction entre la décision Norwich Pharmacal, précitée, et l'affaire dont il était saisi parce que, dans cette affaire-là, on "[n'avait] pas obtenu le pouvoir discrétionnaire de divulguer les renseignements qu'il a reçus et, par conséquent, la Cour avait discrétion en la matière". Il a conclu que les principes que la Chambre des lords avait énoncés dans la décision Crompton (Alfred) Amusement Machines Ltd. v. Customs and Excise Comrs. (No. 2) , [1974] A.C. 405, s'appliquaient aux faits dont il était saisi. Permettre l'interrogatoire préalable en equity compte tenu des circonstances de l'affaire serait, en fait, comme le juge des requêtes l'a maintenu à la page 139 de ses motifs, usurper les fonctions conférées à l'intimé par la loi:

Le Ministre s'acquitte de son obligation légale de recueillir ces renseignements et, contrairement à ce qui se fait en Grande-Bretagne, c'est lui que le Parlement canadien investit du pouvoir de décider de la divulgation et sa décision est susceptible de contrôle judiciaire. En autorisant l'interrogatoire préalable, je passerais outre au point de vue du Parlement en la matière.

Analyse

Ces deux appels se rapportent à l'article 108 [art. 108(2) (mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 28), (3) (mod., idem)] de la Loi, qui prévoit plusieurs exceptions à l'interdiction générale énoncée à l'article 107 [mod., idem, art. 27] à l'égard de la communication de certains renseignements. Les articles 107 et 108 se lisent en partie comme suit :

107. (1) Sauf dans les cas prévus à l'article 108, il est interdit aux fonctionnaires et aux personnes autorisées:

a) de communiquer ou laisser communiquer sciemment à quiconque des renseignements obtenus soit par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes, soit par une personne autorisée en vue de la mise en oeuvre d'un accord conclu en vertu du paragraphe 147.1(3);

b) de laisser sciemment quiconque examiner des livres, dossiers, écrits ou autres documents obtenus soit par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes, soit par une personne autorisée en vue de la mise en oeuvre d'un accord conclu en vertu du paragraphe 147.1(3), ou y avoir accès;

c) d'utiliser sciemment, autrement que dans le cadre de leurs fonctions relatives à l'application et à l'exécution de la présente loi ou du Tarif des douanes, des renseignements obtenus soit par le ministre ou en son nom pour l'application de ces lois, soit par une personne autorisée en vue de la mise en oeuvre d'un accord conclu en vertu du paragraphe 147.1(3).

. . .

108. (1) L'agent peut communiquer ou laisser communiquer des renseignements obtenus en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes aux personnes suivantes, ou laisser celles-ci examiner les livres, dossiers, écrits ou autres documents obtenus par le ministre ou en son nom pour l'application de ces lois, ou y avoir accès :

a) les agents ou les personnes employées par le ministère du Revenu national;

b) les personnes autorisées par le ministre ou appartenant à une catégorie de personnes ainsi autorisées, sous réserve des conditions que celui-ci précise;

c) les personnes ayant, d'une façon générale, légalement qualité à cet égard.

(2) L'agent peut, sur ordonnance ou assignation d'une cour d'archives :

a) déposer au sujet des renseignements obtenus par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes;

b) produire les livres, dossiers, écrits ou autres documents obtenus par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes.

(3) L'agent peut présenter tout livre, dossier, écrit ou autre document obtenu pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes, ou permettre d'en donner copie, soit à la personne par qui ou au nom de qui le document a été fourni, soit au mandataire autorisé par elle à accomplir les opérations visées par ces lois, à condition que l'intéressé en fasse la demande et acquitte les frais éventuellement fixés par règlement.

(1) La demande de contrôle judiciaire

Je me propose de traiter d'abord de l'appel que l'appelante a interjeté contre l'ordonnance par laquelle le juge des requêtes avait rejeté sa demande de contrôle judiciaire. Les arguments que l'appelante a invoqués devant cette Cour étaient en général les mêmes que ceux qu'elle avait avancés devant le tribunal d'instance inférieure"à savoir que l'intimé avait entravé son pouvoir discrétionnaire en se conformant aveuglément aux lignes directrices du Ministère et que sa décision était fondée sur des considérations non pertinentes et notamment sur l'existence d'autres façons d'obtenir les noms des importateurs. Par contre, l'intimé soutient qu'il n'a pas simplement appliqué une politique générale de non-communication, mais qu'il a plutôt examiné à fond la demande de renseignements que l'appelante avait faite et qu'il a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à maintenir le caractère confidentiel de l'identité des importateurs.

Le libellé de l'alinéa 108(1)b) de la Loi révèle que le pouvoir que possède le ministre de communiquer les renseignements recueillis conformément à la Loi aux "personnes autorisées par le ministre ou appartenant à une catégorie de personnes ainsi autorisées" est de nature discrétionnaire. Partant, la cour de révision doit uniquement se demander si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle, et s'il s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi: Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada , [1982] 2 R.C.S. 1, juge McIntyre, aux pages 7 et 8. La jurisprudence montre également qu'il est tout à fait approprié pour ceux qui prennent des décisions administratives d'indiquer le genre de considérations dont ils tiennent compte en exerçant leur pouvoir discrétionnaire. L'essence du pouvoir discrétionnaire exige néanmoins que chaque cas soit considéré comme un cas d'espèce et qu'il soit examiné selon les faits et les circonstances qui lui sont propres. Comme le juge McIntyre l'a fait remarquer dans l'arrêt Maple Lodge Farms, précité, à la page 7, en citant la décision que le juge d'appel Le Dain avait rendue dans cette Cour [[1981] 1 C.F. 500 (C.A.), à la page 514], celui qui prend une décision administrative "ne peut pas entraver ce pouvoir discrétionnaire en tenant les lignes directrices pour obligatoires et en excluant tous les autres motifs valides ou pertinents pour lesquels il peut exercer son pouvoir discrétionnaire". Le juge Cullen a réitéré cette remarque dans le jugement Dawkins c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) , [1992] 1 C.F. 639 (1re inst.), à la page 649, où il a dit que "[s]i les lignes directrices limitent trop strictement le pouvoir discrétionnaire de l'administrateur, cela peut influer d'une manière négative sur la souplesse et le jugement dont il faut faire preuve dans l'exercice de ce pouvoir".

L'appelante n'a pas réussi à me convaincre que l'intimé avait entravé son pouvoir discrétionnaire en suivant de trop près les lignes directrices du Ministère. Comme le juge des requêtes l'a fait remarquer au paragraphe 12 de ses motifs, la lettre du 11 juillet 1997 de l'intimé a peut-être "un caractère plus absolu que ne l'exige la loi", mais à mon avis, le dossier dans son ensemble laisse entendre que l'intimé a minutieusement tenu compte du bien-fondé de la demande de l'appelante. En particulier, le juge des requêtes a constaté qu'une rencontre avait eu lieu entre les membres du personnel de l'intimé et les représentants de l'appelante et qu'on avait demandé à plusieurs reprises à l'appelante de soumettre des documents additionnels à l'égard de sa demande de renseignements. Le juge des requêtes a fait le raisonnement suivant, au paragraphe 10 de sa décision:

Il est clair que celui-ci [le ministre] ne s'est pas strictement limité aux directives. Si ces dernières manquaient de souplesse, pourquoi aurait-il passé trois mois et demi à enquêter sur les préoccupations de la requérante. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'un cas où le ministre a formé d'avance une opinion, comme l'allègue la requérante.

En plus de la rencontre, l'intimé signale dans ses observations écrites les diverses lettres qui ont été échangées entre son bureau et celui de l'appelante au sujet de la demande présentée en vertu du paragraphe 108(1). En outre, la lettre du 11 juillet 1997 montre elle-même que l'intimé a tenu compte des faits uniques en leur genre de l'affaire en prenant sa décision. Je ferai par exemple remarquer que la lettre parle de la fin visée par l'appelante dans sa demande. La lettre montre également que l'intimé a soupesé ses propres intérêts, à savoir le maintien du caractère confidentiel de l'identité des importateurs, et les intérêts de l'appelante, en ce qui concerne la communication. Comme nous l'avons vu, il a décidé de préserver la confidentialité, ce qui était clairement selon lui une considération primordiale.

À mon avis, le juge des requêtes a également eu raison de conclure que la décision de l'intimé n'était pas fondée sur des considérations non pertinentes. La lettre du 11 juillet 1997 révèle que l'intimé a tenu compte de l'obligation qui incombe au gouvernement fédéral, en vertu de l'article 107, d'assurer le caractère confidentiel des renseignements recueillis. L'intimé a également tenu compte du fait qu'il était important d'assurer la confidentialité compte tenu de la relation qui existait entre le Ministère et le secteur de l'importation. De plus, l'intimé a fait remarquer que l'appelante pouvait obtenir les noms des importateurs par d'autres moyens. À mon avis, tous ces facteurs se rapportent à l'objectif visé par les articles 107 et 108, soit de préserver le caractère confidentiel des renseignements recueillis dans le cadre de l'application de la Loi et de les communiquer dans certaines circonstances seulement. J'estime également que ces considérations sont conformes à l'un des buts visés par la Loi, celle-ci visant probablement à encourager les particuliers à déclarer honnêtement les marchandises qu'ils importent au Canada. Avec égards, je souscris à la conclusion que le juge des requêtes a tirée, à savoir qu'il n'y a pas lieu d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'intimé. Je rejetterais donc le premier appel avec dépens.

(2) L'interrogatoire préalable en equity

Le second appel se rapporte à une question particulièrement nouvelle, soit la possibilité en première instance de se prévaloir du recours à l'interrogatoire préalable en equity. L'interrogatoire préalable en equity est essentiellement un genre d'interrogatoire avant l'action9. Son origine est ancienne. Il a été élaboré parallèlement aux procédures d'interrogatoire préalable qui existent habituellement dans le cours d'un litige et qui, notons-le, ont également pris naissance dans les tribunaux d'equity10. Ce recours permet à un tribunal, en se fondant sur sa compétence en equity, d'ordonner l'interrogatoire préalable d'une personne contre laquelle celui qui demande l'interrogatoire préalable n'a aucune cause d'action et qui ne sera pas partie au litige envisagé. Il semble qu'une action indépendante en vue de l'interrogatoire préalable ne puisse pas être intentée contre une personne qui est un [traduction] "simple témoin" ou un tiers n'ayant rien à voir avec la cause d'action, mais la jurisprudence laisse entendre que la personne qui est de quelque façon associée à l'inconduite ou qui y participe peut être assujettie à l'interrogatoire préalable11 .

L'interrogatoire préalable existe depuis fort longtemps dans les tribunaux d'equity, mais la Chambre des lords s'y est récemment de nouveau intéressée dans la décision Norwich Pharmacal, précitée. Lord Reid a énoncé comme suit les principes fondamentaux qui s'appliquent à ce recours en equity, à la page 175:

[traduction] . . .  si, sans que ce soit sa faute, une personne est mêlée aux actes délictuels d'autres personnes et facilite ainsi le préjudice causé, elle n'engage peut-être pas sa responsabilité personnelle, mais elle est tenue d'aider la personne lésée en lui donnant tous les renseignements et en lui divulguant l'identité de l'auteur du préjudice . . . la justice exige que cette personne coopère afin de réparer le préjudice causé si, sans le vouloir, elle l'a facilité.

Dans l'arrêt British Steel Corp. v Granada Television Ltd, [1981] 1 All ER 417 (C.A.), à la page 439, lord Denning, maître des rôles, a dit que, par suite de la décision qui avait été rendue dans l'affaire Norwich Pharmacal [traduction] "un nouveau chapitre avait commencé en droit". Comme il l'a dit succinctement, l'interrogatoire préalable [traduction ] "permet à une personne qui a subi un préjudice d'intenter une action en vue de découvrir le nom de l'auteur du préjudice". Toutefois, dans l'arrêt Bankers Trust Co v Shapira , [1980] 3 All ER 353 (C.A.), à la page 357, lord Denning, maître des rôles a fait remarquer que [traduction] "[c]ette nouvelle compétence doit bien sûr être exercée avec prudence".

a) La décision Norwich Pharmacal

Comme je l'ai déjà mentionné, l'appelante soutient que la décision Norwich Pharmacal, précitée, est un précédent important en matière d'interrogatoire préalable et demande à cette Cour de suivre le raisonnement de la Chambre des lords. Les faits de l'affaire Norwich Pharmacal sont fort semblables à ceux de la présente espèce et peuvent être brièvement résumés. Les personnes qui avaient demandé l'interrogatoire préalable, soit les appelantes lors de l'audience qui a eu lieu devant la Chambre des lords, étaient propriétaires d'un brevet concernant un composé chimique et titulaires d'une licence à cet égard. Lorsqu'elles ont appris que des quantités de composé non visées par une licence avaient été importées au Royaume-Uni par des personnes non désignées, les appelantes ont cherché à connaître l'identité des présumés auteurs du préjudice. Leurs tentatives ayant échoué, elles ont demandé au Commissioners of Customs and Excise de révéler les noms des importateurs. Les commissaires ont rejeté la demande pour le motif que le paragraphe 3(3) du Finance Act 1967 (R.-U.), 1967, ch. 54, les empêchait de divulguer les noms des importateurs12. Les appelantes ont donc demandé à la Cour de contraindre les commissaires à se soumettre à un interrogatoire préalable.

Les commissaires ont soutenu que la divulgation des noms des importateurs irait à l'encontre des dispositions législatives en cause. Ils ont en outre soutenu que la communication de l'identité des importateurs serait contraire à l'intérêt public, en ce sens que cela nuirait à l'exercice des fonctions qui leur étaient conférées par la loi puisque les importateurs seraient portés à ne pas déclarer complètement et en toute honnêteté leurs importations. La Chambre des lords a conclu que le texte législatif n'empêchait pas la Cour de divulguer le nom des importateurs. Lord Morris of Borth-y-Gest a reconnu, à la page 182, que les dispositions législatives en cause permettaient aux commissaires de communiquer certains renseignements au sujet des importateurs, mais qu'elles n'autorisaient pas la communication du prix des marchandises ou des noms des importateurs. À son avis, cela démontrait que [traduction] "l'identité des importateurs tombe dans un domaine que le législateur juge particulièrement délicat". Toutefois, il a fait remarquer qu'aucune disposition législative n'interdisait expressément aux tribunaux d'ordonner la communication des renseignements lorsque les circonstances de l'affaire et l'intérêt de la justice l'exigeaient. De même, lord Cross of Chelsea a maintenu, à la page 198, que l'interdiction figurant à l'article 3 de la Finance Act 1967 , selon laquelle les commissaires ne pouvaient pas communiquer les noms des importateurs, [traduction] "n'a rien à voir avec la communication, en vertu d'une ordonnance judiciaire, aux fins de procédures judiciaires"que ce soit au civil ou au criminel". Il a ajouté que le simple fait que les renseignements avaient été communiqués à titre confidentiel [traduction ] "n'empêche pas la cour"en l'absence d'une interdiction législative expresse"d'ordonner leur communication".

L'interrogatoire préalable prévu en equity est de nature discrétionnaire, mais dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, la Chambre des lords a énuméré un certain nombre de considérations essentielles. À la page 199, lord Cross of Chelsea a dit que parmi les facteurs importants, il y avait:

[traduction] . . . la force de la preuve présentée par la demanderesse contre le présumé contrefacteur inconnu, la relation qui existe entre le présumé contrefacteur et l'intimé, la question de savoir si le renseignement peut être obtenu d'une autre source et la question de savoir si la communication du renseignement peut causer à l'intimé un préjudice qui ne pourrait pas être indemnisé au moyen du paiement des frais par la demanderesse.

Lord Kilbrandon a réitéré une bonne partie de ces considérations, à la page 205:

[traduction] Par conséquent, à mon avis, la Cour peut à bon droit ordonner aux intimés, par suite de la relation qu'ils entretiennent avec les appelantes, du fait des fonctions qui leur sont conférées par la loi et en raison des droits de propriété des appelantes, de communiquer aux appelantes les noms des personnes qui enfreignent les droits de ces dernières, selon ce que croient vraiment les appelantes, étant donné qu'ils constituent la seule source de renseignements possible permettant aux appelantes de savoir contre qui des poursuites peuvent être engagées, sous réserve de toute immunité que les intimés peuvent invoquer en leur qualité de ministère d'État.

Il me semble que la condition relative à l'existence d'une véritable demande que l'appelante peut présenter contre les présumés auteurs du préjudice est destinée à assurer que les actions en vue d'un interrogatoire préalable ne soient pas intentées futilement ou sans justification. De même, le critère selon lequel les appelantes doivent entretenir une relation quelconque avec les intimés peut être interprété comme constituant une autre façon d'énoncer le principe selon lequel un simple témoin ou un tiers n'ayant rien à voir avec la présumée inconduite ne peut pas être assujetti à l'interrogatoire préalable. Je qualifierais donc ces considérations de conditions essentielles aux fins de l'interrogatoire préalable en equity.

Les passages susmentionnés des motifs de lord Cross of Chelsea et de lord Kilbrandon indiquent également que, selon une condition fondamentale, la personne devant faire l'objet de l'interrogatoire préalable doit être la seule source pratique de renseignements dont disposent les appelantes. Lord Reid a souligné l'importance de ce critère à la page 174, où il a tiré la conclusion suivante:

[traduction] Dans ce cas-ci, si les renseignements qui sont en la possession des intimés ne peuvent pas être communiqués maintenant au moyen d'un interrogatoire préalable, aucune action ne pourra être intentée parce que les appelantes ne savent pas qui sont les contrefacteurs. Les appelantes ne pourront donc jamais obtenir les renseignements.

En dernier lieu, la Chambre des lords a tenu compte de l'intérêt public tant en ce qui concerne la communication que la non-communication. À la page 175, lord Reid a maintenu que sa tâche consistait à [traduction] "établir l'équilibre entre le fait qu'il fallait rendre justice aux appelantes et les considérations avancées par les intimés à l'appui de la non-communication". À son avis, les commissaires étaient tenus de communiquer les noms des importateurs [traduction ] "à moins qu'il n'existe une considération d'intérêt public les empêchant de le faire". La Chambre des lords a examiné la question sous divers angles. Les lords juristes ont reconnu qu'à cause de l'interdiction prévue par la loi en ce qui concerne la communication des noms des importateurs, l'intérêt public l'emporte peut-être sur le maintien du caractère confidentiel des renseignements. Ils ont reconnu que les importateurs peuvent donc s'attendre à ce que leurs noms demeurent confidentiels. L'intérêt public, en ce qui concerne la non-communication, a également été examiné du point de vue de l'État et compte tenu du fait que l'État a intérêt à assurer l'application et l'exécution efficaces de la législation en cause. En même temps, les lords juristes se rendaient compte que la communication des noms des importateurs peut fort bien servir l'intérêt public, lorsqu'il s'agit d'administrer la justice d'une façon équitable et efficace. Comme le vicomte Dilhorne l'a dit, à la page 188:

[traduction] Sous réserve de l'intérêt public voulant que le caractère confidentiel des renseignements fournis aux douanes soit protégé, à mon avis, l'intérêt public et le droit que possèdent les titulaires de brevets d'être protégés, lorsque la validité du brevet est reconnue et que la contrefaçon n'est pas contestée, exigent clairement que ces derniers soient en mesure d'obtenir d'une personne concernée qui n'a pas participé à la contrefaçon, au moyen d'un interrogatoire préalable, les noms et adresses des contrefacteurs.

En confirmant le jugement rendu en première instance par lequel l'interrogatoire préalable avait été autorisé, la Chambre des lords a supposé que le brevet des appelantes concernant le composé chimique était valide, que leur conviction que le brevet avait été contrefait était fondée et que la demande contre les importateurs était donc légitime. Les lords juristes ont également conclu que les commissaires constituaient la seule source possible de renseignements dont disposaient les appelantes. En outre, ils ont conclu que, sur le plan de l'intérêt public, la bonne administration de la justice l'emportait sur la protection du caractère confidentiel des noms des importateurs. En appréciant le degré de confidentialité à accorder aux noms des importateurs et la façon dont ces noms étaient communiqués aux commissaires, lord Cross of Chelsea a dit, à la page 198, que ce renseignement

[traduction] . . . est donné à de nombreuses autres personnes à part les commissaires. Les expéditeurs, le capitaine du navire et les préposés des entrepôts dans lesquels les marchandises sont conservées connaissent tous le nom des importateurs ou sont en mesure de le connaître. Ce renseignement ne peut donc pas vraiment être considéré comme confidentiel entre les mains des commissaires.

De même, lord Kilbrandon a fait remarquer, à la page 206, que les noms et adresses des importateurs sont inscrits dans [traduction] "les connaissements, les manifestes, "les rapports de mer" et les documents des exploitants d'entrepôts", en plus de l'être dans les propres dossiers des commissaires.

La Chambre des lords a également rejeté la prétention des commissaires selon laquelle s'il y avait communication, les importateurs seraient portés à ne pas déclarer pleinement et franchement les produits importés. Comme le vicomte Dilhorne l'a supposé à la page 190:

[traduction] À mon avis, il n'est pas réaliste de soutenir que la plupart des importateurs qui ne contrefont pas de brevets ou qui ne commettent pas d'autres fautes, seront dissuadés de donner les renseignements appropriés aux Douanes du fait qu'ils savent que, si une ordonnance judiciaire est rendue, les noms des contrefacteurs seront communiqués.

Lord Kilbrandon a également rejeté cet argument, en ajoutant à la page 206, qu'il [traduction] "ne favoriser[ait] pas le refus de mettre fin à une fraude flagrante de crainte qu'une autre fraude la remplace".

Je tiens à faire remarquer que les principes énoncés dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, ont été suivis dans un certain nombre de décisions rendues par les tribunaux anglais, en particulier British Steel, précitée, RCA Corporation v Reddingtons Rare Records, [1975] 1 All ER 38 (Ch. D.), Bankers Trust, précitée, et X Ltd. v. Morgan-Grampian (Publishers) Ltd., [1991] 1 A.C. 1 (H.L.). L'arrêt Norwich a fait l'objet d'une distinction dans la décision Alfred Crompton, précitée, que j'examinerai ci-dessous. Un certain nombre de tribunaux américains ont également reconnu l'existence de l'interrogatoire préalable en equity13.

Il est intéressant de noter que plusieurs tribunaux canadiens ont adopté l'approche préconisée dans la décision Norwich Pharmacal, en interprétant les règles de la procédure civile autorisant l'interrogatoire avant l'action14. Ainsi, dans l'arrêt Re Johnston and Frank Johnston's Restaurants Limited (1980), 33 Nfld. & P.E.I.R. 341, aux pages 348, 351 et 353, la Cour d'appel de l'Île-du-Prince-Édouard a énoncé trois critères principaux auxquels le demandeur doit satisfaire afin d'avoir le droit d'interroger un tiers avant d'engager des procédures judiciaires. Le demandeur doit démontrer qu'il dispose d'une véritable demande. La Cour a ajouté la condition selon laquelle il sera vraisemblablement fait droit à la demande au procès, laquelle, selon l'interprétation que je donne à la décision Norwich Pharmacal, n'avait pas été énoncée par la Chambre des lords à titre de condition absolue. Dans une action en contrefaçon de brevet, indépendamment d'une dénégation générale, le défendeur invoque souvent l'invalidité fondée sur l'absence de nouveauté, le caractère évident ou l'insuffisance du mémoire descriptif ou des revendications ou encore sur un autre motif reconnu15. Il me semble qu'on va trop loin lorsqu'on exige qu'à l'égard de ce genre de litige anticipé, la personne qui demande l'interrogatoire préalable montre qu'elle aura vraisemblablement gain de cause au procès. Comme nous l'avons déjà vu, lord Cross of Chelsea exigeait que la force de la preuve présentée par le demandeur soit considérée comme un facteur, alors que lord Kilbrandon n'a parlé que de la communication des noms des personnes qui, selon ce que les appelantes croient vraiment, enfreignent les droits que ces dernières ont sur les brevets. Enfin, le demandeur doit également établir qu'il entretient une relation quelconque avec le tiers qui doit faire l'objet de l'interrogatoire préalable (c'est-à-dire que la personne a contribué de quelque façon au préjudice), et que le tiers constitue l'unique source possible de renseignements. Ces trois exigences ont également été approuvées par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, première instance, dans les décisions Comeau, Re (1986), 77 N.S.R. (2d) 57, aux pages 59 et 60, et Leahy v. Dr. A.B. (1992), 113 N.S.R. (2d) 417, à la page 419.

b) La compétence de la Cour en matière d'interrogatoire préalable

La question préliminaire ici en cause se rapporte à la compétence que possède la Cour d'accorder un redressement au moyen d'un interrogatoire préalable. Contrairement aux règles de procédure civile qui existent en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, ni la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] ni les Règles de la Cour fédérale qui étaient en vigueur au moment où l'appelante a fait la demande ne renferment une disposition permettant expressément l'interrogatoire avant l'action. Toutefois, à mon avis, cette règle ne nous empêche pas pour autant d'accorder le redressement en equity que l'appelante sollicite. Je tiens ici à rappeler la remarque que le juge Sopinka a faite dans l'arrêt Reekie c. Messervey, [1990] 1 R.C.S. 219, à la page 222, à savoir qu'"[à] titre de principe général, la procédure doit être la servante du droit et non sa maîtresse". Le juge Sopinka a ensuite reconnu que ce principe est assujetti à la restriction selon laquelle la Cour n'a pas le droit d'agir d'une manière contraire à une disposition expresse d'une règle. En l'espèce, il n'existe aucune disposition de ce genre.

Comme le prévoit l'article 3 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 68] de la Loi sur la Cour fédérale, en plus d'être un tribunal de droit, la Cour fédérale est un tribunal d'equity. Cette disposition est ainsi libellée:

3. Tribunal de droit, d'equity et d'amirauté du Canada, la Cour fédérale du Canada est maintenue à titre de tribunal additionnel propre à améliorer l'application du droit canadien. Elle continue d'être une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale.

La jurisprudence indique qu'en sa qualité de tribunal d'equity, cette Cour est autorisée à accorder un redressement en equity dans des affaires sur lesquelles elle a par ailleurs compétence. En l'espèce, les parties ne contestent pas que la Cour a compétence sur l'objet du litige, qui se rapporte à une présumée contrefaçon de brevet. Dans la décision Teledyne Indust. Ltd. v. Lido Indust. Products Ltd. (1982), 31 C.P.C. 285 (C.F. 1re inst.), à la page 296, le juge Addy a défini comme suit la portée de la compétence que possède la Cour en equity:

Bien que la Cour fédérale du Canada soit créée par une loi et ne soit pas une cour de compétence générale, puisque c'est une Cour d'equity, lorsque l'objet du litige relève, par ailleurs, de sa compétence et lorsque des principes d'equity lui sont applicables, elle peut exercer tous les pouvoirs et appliquer tous les recours dont dispose une Cour d'equity traitant du même litige.

À mon avis, la Cour ne devrait pas être dissuadée de reconnaître l'interrogatoire préalable en tant que redressement simplement parce qu'il s'agit d'un redressement nouveau dans les décisions canadiennes. Comme Mme le juge McLachlin l'a fait remarquer dans "The Place of Equity and Equitable Doctrines in the Contemporary Common Law World: A Canadian Perspective", dans D. W. M. Waters, éd., Equity, Fiduciaries and Trusts, 1993 (Toronto: Carswell, 1993), à la page 39, au cours des quelques dernières décennies, les juristes canadiens n'ont pas hésité à élaborer de nouvelles causes d'action en equity pour atténuer la rigueur du droit lorsque les circonstances l'exigent. Je conclurais donc qu'au départ, cette Cour possède la compétence en equity nécessaire pour autoriser l'interrogatoire préalable.

À mon avis, cet appel porte en fin de compte sur la question de savoir si l'interrogatoire préalable en equity est un redressement approprié compte tenu des circonstances de l'espèce. Le juge des requêtes a conclu qu'étant donné le texte de la Loi et l'existence d'autres sources de renseignements, l'interrogatoire préalable n'était pas un redressement approprié et il a exercé son pouvoir discrétionnaire en conséquence. La jurisprudence montre clairement que lorsqu'il examine une ordonnance discrétionnaire, le tribunal d'appel ne doit pas substituer son propre pouvoir discrétionnaire à celui du décideur, mais qu'il doit plutôt déterminer si ce dernier a commis une erreur de principe: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, aux pages 426 et 427; Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19 (C.A.F.), à la page 22.

c) L'effet réciproque existant entre les redressements en equity et les redressements fondés sur la loi

En examinant la question de savoir s'il convient d'autoriser l'interrogatoire préalable en l'espèce, il faut essentiellement déterminer l'effet réciproque qui existe entre ce redressement en equity et les dispositions législatives ici en cause. L'intimé a fondamentalement soutenu devant cette Cour qu'au paragraphe 108(1), le législateur lui a expressément conféré le pouvoir discrétionnaire de communiquer les renseignements recueillis conformément à la Loi. L'intimé soutient qu'autoriser l'interrogatoire préalable en equity dans une affaire comme celle-ci serait contraire à l'intention du législateur et usurperait son pouvoir décisionnel. Selon lui, une fois que le pouvoir discrétionnaire reconnu par la loi a été exercé, le contrôle judiciaire est le seul redressement dont dispose l'appelante. Par contre, l'appelante soutient que ce raisonnement omet de tenir compte du paragraphe 108(2) de la Loi, qui autorise une cour d'archives à ordonner l'interrogatoire préalable. L'appelante affirme que cette disposition montre que le législateur voulait qu'un tribunal soit autorisé à rendre ses propres décisions au sujet de la communication.

À mon avis, il existe en l'espèce un chevauchement entre la législation et les règles de l'equity. Comme Ruth Sullivan le dit dans Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto: Butterworths, 1994), à la page 298, une loi qui est validement édictée l'emporte sur la jurisprudence prétorienne. L'auteur ajoute, à la page 305, que lorsqu'il y a chevauchement, les tribunaux sont chargés de déterminer [traduction] "si la législation remplace la common law ou empêche qu'on ait recours à la common law ou si, au contraire, la common law s'applique en plus du droit établi dans la législation ou à la place de ce droit". Dans l'arrêt Rawluk c. Rawluk , [1990] 1 R.C.S. 70, à la page 90, le juge Cory a souligné que, selon un principe général, le législateur "est présumé ne pas s'écarter du droit existant [traduction ] "sans exprimer de façon incontestablement claire son intention de le faire"". Toutefois, la jurisprudence montre que cette présomption peut être réfutée s'il est clair que le législateur avait l'intention de modifier la common law existante ou les droits en equity en réglementant d'une façon exhaustive la question en litige: Driedger, précité, aux pages 307 et 309.

Les décisions qui ont été rendues dans les affaires Rawluk, précitées, et Zaidan Group Ltd. v. London (City) (1990), 71 O.R. (2d) 65 (C.A.), conf. par [1991] 3 R.C.S. 593, indiquent particulièrement bien l'effet réciproque qui existe entre les redressements prévus par la loi et ceux qui sont prévus en equity et il vaut la peine d'en prendre note. Dans l'arrêt Zaidan, précité, la Cour d'appel de l'Ontario s'est demandée si la restitution peut être accordée en equity dans le cas d'un enrichissement sans cause découlant de l'application d'une loi. Dans l'affaire Zaidan, l'appelante avait payé les impôts fonciers établis; elle en avait appelé avec succès de la cotisation et le montant payé en trop lui avait été remboursé. L'appelante avait ensuite cherché à recouvrer les intérêts que l'intimée avait gagnés sur le montant payé en trop. Conformément à la législation provinciale en cause, la municipalité avait le pouvoir discrétionnaire d'édicter un règlement autorisant le paiement de pareils intérêts. Or, la ville de London ne l'avait pas fait. L'appelante a soutenu que l'intimée s'était enrichie sans cause en refusant de payer des intérêts sur le montant payé en trop et qu'elle avait donc droit à la restitution. En refusant d'ordonner la restitution, la Cour a dit que les dispositions législatives en cause constituaient [traduction] "un code législatif complet qui exclut la common law" et qui interdit en fait à la Cour d'y greffer le redressement en equity sollicité par l'appelante. Le juge d'appel Carthy a résumé le raisonnement de la Cour comme suit, à la page 69:

[traduction] L'injustice reconnue par la common law [dans les cas d'enrichissement sans cause] n'existe plus lorsqu'un corps législatif, agissant dans les limites de sa compétence, prévoit, comme c'est ici le cas, que la municipalité perçoit les montants établis, que les contribuables paient ces montants, que la municipalité peut utiliser l'argent perçu et qu'elle doit effectuer un remboursement si, en appel, le montant établi est rajusté à la baisse, et ce, avec intérêts, si elle a adopté un règlement . . . Il est certain qu'il existe dans la législation une lacune que la common law peut combler. Les impôts sont prévus par la loi et les conditions relatives au paiement et au remboursement doivent être énoncées dans des lois se rapportant à leur établissement. La common law ne peut pas considérer une loi valide comme injuste; or, c'est ce qu'elle ferait si elle imposait une obligation additionnelle de payer des intérêts par suite de l'obligation légale qui existe à l'égard de la perception et du remboursement d'un montant précis.

L'affaire Rawluk, précitée, illustre bien le problème auquel les tribunaux font parfois face lorsqu'ils déterminent s'il est approprié d'avoir recours à un redressement en equity dans un contexte législatif donné. Dans cette affaire-là, il s'agissait de savoir s'il était approprié d'imposer une fiducie par interprétation dans un cas auquel la Loi de 1986 sur le droit de la famille de l'Ontario, L.O. 1986, ch. 4, s'appliquait. Plus précisément, la loi prévoyait que chaque conjoint avait droit à la moitié des biens familiaux tels qu'ils étaient évalués au moment de la séparation. Cependant, la doctrine de la fiducie par interprétation qui existe en equity permet l'évaluation à la date du procès. Or, la valeur des biens du couple avait considérablement augmenté entre ces deux dates; Mme Rawluk voulait donc que les biens soient évalués à la date ultérieure au moyen d'une fiducie par interprétation. Une faible majorité de la Cour a conclu à la coexistence du recours à la fiducie par interprétation et des recours prévus par la loi en question. Après avoir examiné à fond la loi, le juge Cory, au nom de la majorité, a maintenu aux pages 89 et 90 que "loin d'abroger la théorie de la fiducie par interprétation, la Loi de 1986 sur le droit de la famille fait du recours à la fiducie par interprétation une partie intégrante du processus de détermination du droit de propriété et d'égalisation établi par cette loi".

Dans l'arrêt Rawluk, précité, où une décision minoritaire a été rendue, la Cour a adopté une approche quelque peu différente pour régler la question. Sa principale préoccupation, telle qu'elle a été exprimée par Mme le juge McLachlin, à la page 99, consistait à savoir si la théorie de la fiducie par interprétation en tant que moyen de réparer, est nécessaire et appropriée lorsque la loi prévoit déjà un recours par suite du présumé enrichissement sans cause. Mme le juge McLachlin souscrivait à l'avis du juge Cory, à savoir que la Loi de 1986 sur le droit de la famille, n'élimine pas la fiducie par interprétation à titre de redressement, mais elle a conclu, à la page 110, qu'il n'était pas approprié d'appliquer la doctrine compte tenu des circonstances, étant donné que la loi prévoyait déjà un redressement en cas d'enrichissement sans cause:

Selon les principes juridiques, lorsque le législateur a prévu un moyen de remédier à l'enrichissement sans cause qui se serait produit en l'espèce, il n'appartient pas à cette Cour d'imposer une réparation additionnelle en equity pour corriger le même tort.

À son avis, ajouter la fiducie par interprétation au recours prévu par la loi créerait une incertitude et pourrait gêner l'application des autres redressements.

Entre autres choses, ces deux décisions révèlent que lorsqu'il y a chevauchement entre des redressements fondés sur la loi et des redressements en equity, l'analyse comporte une interprétation du texte législatif applicable visant à permettre de déterminer l'intention du législateur. Dans l'arrêt Zaidan, précité, la Cour d'appel de l'Ontario a interprété les dispositions législatives en question comme constituant un code exhaustif réglementant le paiement des impôts fonciers et toutes les questions accessoires, y compris le paiement d'intérêts sur le montant payé en trop. La Cour a conclu qu'accorder un redressement en equity lorsque l'administration municipale avait expressément refusé de prévoir un redressement aurait entraîné l'échec de la politique adoptée. Dans l'arrêt Rawluk, précité, la majorité de la Cour suprême a interprété la législation en question comme incorporant la doctrine de la fiducie par interprétation existant en equity. À la page 97, la Cour a statué que la loi n'était pas destinée à être un "code exclusif pour déterminer le droit de propriété dans les biens familiaux du mariage". La fiducie par interprétation avait plutôt encore un rôle important à jouer lorsqu'il s'agissait de permettre aux tribunaux d'incorporer "cette mesure . . . essentielle de justice et d'équité individuelles dans le processus plus général d'égalisation prévu par la Loi".

En ce qui concerne les dispositions de la Loi ici en cause, je ferai remarquer que l'article 107 empêche expressément les fonctionnaires des douanes de communiquer, d'utiliser et de laisser communiquer à d'autres personnes sciemment des renseignements recueillis par le ministre ou en son nom conformément à la Loi. Cette disposition prévoit que les renseignements recueillis dans le cadre de l'application et de l'exécution de la Loi, y compris les renseignements fournis par les importateurs, doivent demeurer confidentiels. Pourtant, l'article 107 est expressément assujetti à l'article 108 de la Loi, qui révèle que les renseignements ne sont pas exemptés de la communication d'une façon absolue. L'article 108 prévoit plusieurs exceptions à l'interdiction générale figurant à l'article 107. Les alinéas 108(1)a) et 108(1)c) prévoient qu'un fonctionnaire des douanes peut communiquer des renseignements recueillis conformément à la Loi aux employés du ministère du Revenu national et aux personnes qui y ont légalement droit, mais l'alinéa 108(1)b) précise que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de déterminer quelles autres personnes ont droit à la communication.

Comme le juge des requêtes l'a fait remarquer, le législateur a expressément autorisé le ministre à décider des personnes ou des catégories de personnes qui peuvent obtenir les renseignements recueillis conformément à la Loi. Toutefois, avec égards, je ne suis pas d'accord avec le juge des requêtes pour dire qu'en attribuant cette fonction au ministre, le législateur empêchait la Cour de s'ingérer dans des affaires de communication autrement qu'au moyen du contrôle judiciaire. Le paragraphe 108(2) de la Loi autorise expressément une cour d'archives comme celle-ci à ordonner à un agent des douanes de témoigner au sujet des renseignements recueillis conformément à la Loi, ou de produire tout document obtenu pour l'application de la Loi. L'agent des douanes serait certainement tenu de se conformer à pareille ordonnance judiciaire. Étant donné que les dispositions figurant au paragraphe 108(2) sont incluses dans la Loi, je ne puis conclure que le ministre doit être le seul juge en matière de communication. À mon avis, la Loi ne peut pas être considérée comme un code statutaire exhaustif qui, par mention expresse ou par déduction nécessaire, exclut les redressements en equity. Ce pouvoir discrétionnaire judiciaire implicitement prévu au paragraphe 108(2) a de fait une large étendue, et je ne puis interpréter le libellé de cette disposition comme interdisant aux tribunaux de tenir compte des principes qui s'appliquent en equity lorsqu'ils exercent ce pouvoir discrétionnaire. À mon avis, le paragraphe 108(2) peut plutôt être interprété comme incorporant les redressements en equity, y compris l'interrogatoire préalable, lorsqu'une cour d'archives détermine que pareil redressement est par ailleurs approprié compte tenu des circonstances.

En résumé, à mon avis, le recours à l'interrogatoire préalable en equity relève de la compétence de la Cour et l'appelante peut s'en prévaloir en l'espèce si elle remplit par ailleurs les conditions pertinentes.

d) L'application des principes énoncés dans l'arrêt Norwich Pharmacal à la présente espèce

Il s'agit ensuite de déterminer si l'appelante satisfait aux critères nécessaires pour qu'un interrogatoire préalable soit autorisé. À mon avis, les principes énoncés dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, s'appliquent directement aux circonstances de l'espèce. Si j'examine ces principes, je suis d'avis que l'appelante satisfait au critère préliminaire en ce sens qu'elle dispose d'une véritable demande ou d'une demande légitime contre les personnes qui importent le RHCL au pays. Il n'est pas contesté que l'appelante est titulaire de deux brevets à l'égard du RHCL, et la validité de ces brevets n'est pas remise en question. Le dossier montre également qu'environ 68 000 kilos de la substance en question ont été importés au Canada par des personnes autres que l'appelante et les titulaires de licences. De plus, l'intimé n'est pas un simple témoin ou une personne non associée au présumé préjudice. Comme les commissaires dans l'affaire Norwich Pharmacal, les fonctionnaires des douanes qui travaillaient pour le compte de l'intimé ont innocemment participé à l'importation du RHCL, en ce sens qu'ils ont autorisé son transport au pays et qu'ils ont ainsi [traduction] "facilité sans le vouloir" la présumée violation des droits que l'appelante possédait sur les brevets.

Il ressort de l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, qu'on ne peut recourir à l'interrogatoire préalable lorsque les renseignements demandés peuvent être obtenus d'une autre source. Le juge des requêtes a notamment refusé d'autoriser l'interrogatoire préalable parce qu'il avait conclu que l'appelante disposait d'autres sources de renseignements. Je me propose maintenant d'examiner cette question. Comme je l'ai ci-dessus souligné, le juge des requêtes a conclu que l'appelante aurait pu avoir recours à un enquêteur privé, déposer une plainte et demander le contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, ou obliger les titulaires de ses licences à se soumettre à une vérification indépendante "secondaire". Le juge des requêtes a en outre maintenu que l'appelante avait découvert l'identité d'un importateur qui ne détenait pas de licence, Torpharm Inc., par ses propres moyens, mais je ferai remarquer qu'il a omis de dire quels étaient ces moyens. Bien sûr, l'appelante a déjà épuisé le recours au contrôle judiciaire de la décision de l'intimé conformément au paragraphe 108(1).

Au départ, je dois dire avec égards que je ne suis pas d'accord avec le juge des requêtes pour dire que le recours à un enquêteur privé constitue une méthode efficace en vue d'obtenir l'identité des importateurs. Le seul élément de preuve figurant au dossier sur ce point est le témoignage de M. Jenkins, qui a déclaré que l'appelante avait retenu les services d'un enquêteur privé par le passé afin d'assurer le respect des droits qu'elle possédait sur ses brevets et que ces services avaient donné [traduction] "des résultats déplorables"16. L'intimé a omis de contester cette preuve. À mon avis, le dossier laisse entendre qu'il n'est pas pratique d'avoir recours à un enquêteur privé.

En ce qui concerne la Loi sur l'accès à l'information en tant qu'autre voie de recours, l'appelante soutient qu'il aurait été futile d'en appeler du rejet de la demande de renseignements parce que ni le Commissaire à l'information ni la Cour ne sont autorisés à déroger à l'exemption obligatoire prévue au paragraphe 24(1) de cette Loi. L'intimé soutient qu'en vertu de l'article 30 de la Loi sur l'accès à l'information, l'appelante a le droit de déposer une plainte auprès du Commissaire à l'information par suite du rejet de sa demande de renseignements et qu'elle aurait dû le faire.

Comme je l'ai ci-dessus mentionné, la demande que l'appelante avait présentée en vue d'obtenir la communication a été rejetée compte tenu du paragraphe 24(1) de la Loi sur l'accès à l'information, qui se lit comme suit:

24. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d'une disposition figurant à l'annexe II.

À l'annexe II, il est notamment fait mention de l'article 107 de la Loi. En vertu de l'alinéa 30(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information, le Commissaire à l'information est tenu de faire enquête sur les plaintes déposées par toute personne qui s'est vu refuser la communication d'un document qu'elle a demandé en vertu de cette Loi. L'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit que toute personne dont la demande a été rejetée et qui a déposé une plainte auprès du Commissaire à l'information peut présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire à cet égard.

Je ne puis souscrire à l'argument de l'appelante selon lequel il aurait été futile de déposer une plainte en vertu de l'alinéa 30(1)a) parce que le Commissaire à l'information n'est pas autorisé à déroger à l'exemption prévue au paragraphe 24(1). Il est important de noter que le Commissaire n'est pas autorisé à annuler une décision rendue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information à l'égard d'une demande de renseignement. Le Commissaire est plutôt principalement chargé, en vertu de la loi, de faire enquête sur les plaintes et de faire part de ses conclusions et recommandations au plaignant et au responsable de l'institution en cause. Si le Commissaire conclut au bien-fondé de la plainte, il peut recommander que les renseignements soient communiqués. Toutefois, pareille recommandation ne lie pas le responsable de l'institution en question.

L'appelante peut encore se prévaloir des procédures de dépôt d'une plainte et de contrôle judiciaire prévues par la Loi sur l'accès à l'information, mais je doute énormément de l'efficacité de cette source de renseignements. Il me semble qu'en invoquant ces procédures, l'appelante réitérerait simplement les efforts qu'elle a déjà faits en demandant le contrôle judiciaire. De fait, le juge des requêtes semble avoir été conscient de cette réalité lorsque, à la page 138 de ses motifs, en refusant d'autoriser l'interrogatoire préalable, il a dit ceci: "[T]ous les arguments invoqués ici auraient pu l'être dans le cadre de cette procédure [prévue par la Loi sur l'accès à l'information ]". Une plainte déposée en vertu de l'alinéa 30(1)a ) pourrait tout au plus donner lieu, de la part du Commissaire à l'information, à une recommandation selon laquelle l'intimé, en sa qualité de responsable de l'institution en question, devrait communiquer les renseignements demandés. Étant donné que l'intimé a refusé de le faire à deux reprises pour le motif que la nécessité d'assurer la confidentialité doit l'emporter, il est fort peu probable qu'il consente à divulguer les noms des importateurs à la demande du Commissaire.

L'appelante n'aurait plus qu'à exercer, conformément à l'article 41, un recours en révision de la décision par laquelle l'intimé a refusé de communiquer les renseignements. À mon avis, pareille demande porterait en fait sur les mêmes questions que celles qui ont été examinées dans la demande de contrôle judiciaire que l'appelante a présentée le 16 juillet 1997, et dont la Cour d'appel est maintenant saisie. Plus précisément, l'intimé a fondé son refus sur le paragraphe 24(1) de la Loi sur l'accès à l'information, ce qui montre que les renseignements qui sont protégés en vertu de l'article 107 de la Loi le sont également en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Comme je l'ai déjà dit, l'interdiction de communiquer les renseignements figurant à l'article 107 est assujettie à plusieurs exceptions en vertu de l'article 108, notamment le pouvoir discrétionnaire, conféré au ministre à l'alinéa 108(1)b), de déterminer quelles personnes peuvent obtenir les renseignements recueillis conformément à la Loi. Un recours fondé sur l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information viserait nécessairement à mon avis à l'examen de la décision discrétionnaire que l'intimé a prise. Telle est précisément la question qui a été débattue à fond devant le juge des requêtes et devant nous. À mon avis, les procédures prévues par la Loi sur l'accès à l'information ne permettront probablement pas à l'appelante elles non plus de connaître les noms des importateurs. Il ne serait donc pas pratique de s'attendre à ce que l'appelante poursuive cette voie de recours.

J'examinerai maintenant les chances de succès des procédures de vérification secondaire dont l'appelante peut se prévaloir conformément aux ententes relatives aux licences obligatoires qui lient les titulaires de licences. Ces ententes obligent chaque titulaire de licence à remettre à l'appelante des déclarations trimestrielles et annuelles indiquant la quantité de RHCL vendue, le prix de vente et les redevances en résultant. Ces déclarations doivent être certifiées conformes par le vérificateur du titulaire de la licence. Les ententes relatives aux licences permettent également à l'appelante d'exiger qu'une vérification indépendante des livres des titulaires de licences soit effectuée par un comptable agissant pour son compte. Je tiens à faire remarquer que l'entente relative à la licence que l'appelante a accordée à Apotex Inc. est représentative des ententes qui lient les autres titulaires de licences. Les paragraphes pertinents de cette entente se lisent comme suit:

[traduction]

5. Le titulaire de la licence doit préparer, pendant la durée d'application de la présente licence, des déclarations trimestrielles, certifiées conformes par ses vérificateurs, décrivant les médicaments vendus sous quelque forme que ce soit et les quantités vendues, les prix de vente nets des médicaments, sous leur forme posologique finale, dans laquelle le médicament est le seul ingrédient actif, et les redevances résultant de ses activités. La première déclaration doit être faite à l'égard du premier trimestre complet qui suit la délivrance de la licence. Si aucun médicament n'est vendu au cours d'un trimestre donné, le titulaire de la licence doit néanmoins préparer une déclaration indiquant la chose.

6. Le titulaire de la licence doit transmettre au titulaire du brevet les déclarations mentionnées aux paragraphes 4 et 5 ainsi que les copies certifiées conformes des déclarations (le cas échéant) mentionnées au paragraphe 3, et y joindre le paiement intégral de la redevance y afférente; la déclaration doit être transmise dans les trente (30) jours de la réception des déclarations (le cas échéant) mentionnées au paragraphe 3, ou dans les soixante (60) jours qui suivent la fin de chaque trimestre mentionné, selon l'événement qui se produit en premier lieu. La transmission des redevances (le cas échéant) et des déclarations se fera à tous les trimestres pendant toute la durée d'application de la présente licence.

7. À tout moment raisonnable, sur préavis de quarante-huit (48) heures, et tant que toutes les opérations qui ont été conclues pendant la durée d'application de la présente licence n'auront pas été complètement réglées, le titulaire de la licence doit permettre à un comptable agréé indépendant qui lui convient, lequel agit pour le compte du titulaire du brevet (sans toutefois être un employé du titulaire du brevet), d'inspecter les dossiers et livres concernant les activités qu'il exerce conformément à la licence et d'en faire des copies; ledit comptable aura uniquement le droit de faire rapport au titulaire du brevet au sujet de la question de savoir si les déclarations fournies conformément au paragraphe 6 sont exactes ou à peu près exactes, ou si elles sont inexactes.

8. Dans les soixante (60) jours qui suivent la fin de chaque année civile, le titulaire de la licence transmettra au titulaire du brevet une déclaration, certifiée conforme par ses vérificateurs, décrivant le médicament vendu sous quelque forme que ce soit et les quantités vendues, ainsi que les prix de vente du médicament sous sa forme posologique finale, produit conformément à la licence, et vendu au cours de l'année civile antérieure17.

L'appelante soutient que les vérifications secondaires ne constituent pas une source possible de renseignements parce qu'elles ne révèlent pas si les titulaires de licences importent du RHCL. Elle affirme que, par le passé, ces vérifications n'ont pas permis non plus de découvrir des inexactitudes dans les déclarations relatives aux ventes conclues par les titulaires de licences et aux redevances y afférentes. L'appelante fait en outre remarquer que cette voie de recours laisse au départ supposer que les importateurs dont elle veut connaître les noms sont titulaires de licences, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Par contre, l'intimé soutient que, selon certains éléments de preuve, au moins un titulaire de licence, Apotex Inc., n'a déclaré qu'en partie ses ventes de RHCL et qu'une vérification indépendante permettrait de déceler d'autres écarts.

Je ne suis pas convaincu que le droit d'inspection et de rapport prévu au paragraphe 7 des ententes relatives aux licences permette à l'appelante de connaître l'identité des personnes qui ont importé du RHCL au Canada. À mon avis, la vérification indépendante est plus ou moins utile à plusieurs égards. Il vaut la peine de répéter que, selon les paragraphes 5 et 8 des ententes relatives aux licences, le titulaire de la licence doit uniquement révéler les [traduction] "quantités vendues sous quelque forme que ce soit". Les titulaires de licences ne sont pas tenus de divulguer la quantité de RHCL qui a été importée au pays ou dont ils disposaient à un moment donné. De fait, la transcription de l'audience qui a eu lieu devant le juge des requêtes montre que les déclarations relatives aux ventes et aux redevances ne permettent pas en pratique de savoir combien de RHCL a été importé. Les propos suivants qui ont été tenus entre l'avocat de l'intimé et M. Jenkins pendant le contre-interrogatoire sont instructifs à cet égard:

[traduction]

Q. Vous conviendrez donc avec moi que les déclarations relatives aux redevances parlent uniquement des redevances relatives au chlorhydrate de ranitidine et non des quantités de chlorhydrate de ranitidine importées?

R. C'est exact, autant que je sache, elles ne parlent pas expressément des importations18.

Une inspection effectuée conformément au paragraphe 7 de l'entente ne révélerait donc que le fait que le titulaire de la licence a bien calculé la quantité de RHCL vendue. En outre, selon le paragraphe 7, le vérificateur est uniquement autorisé à faire savoir à l'appelante si les calculs du titulaire de licence sont exacts, s'ils sont à peu près exacts, ou encore s'ils sont tout à fait inexacts. Cela étant, une inspection ne permettrait pas nécessairement de découvrir exactement jusqu'à quel point les calculs du titulaire de la licence sont inexacts. Une vérification indépendante ne permettrait pas non plus à l'appelante de déterminer, à partir des ventes déclarées, la quantité exacte de RHCL que le titulaire d'une licence peut avoir importée au Canada au cours d'une année donnée.

En outre, certains éléments de preuve tendent à montrer que lorsqu'elle a en fait été effectuée, la vérification indépendante n'a pas révélé d'erreurs dans le calcul des quantités vendues par les titulaires de licences et des redevances y afférentes. En janvier 1998, l'appelante a retenu les services d'un comptable pour inspecter les dossiers de Genpharm Inc. conformément au paragraphe 7 de l'entente relative à la licence. Le rapport du comptable, daté du 30 janvier 1998, confirmait que les déclarations que Genpharm Inc. avait faites à l'égard des ventes et des redevances étaient [traduction] "dans l'ensemble exactes"19. L'appelante a également pris des dispositions pour qu'un vérificateur examine les dossiers de Novopharm Ltd. Par une lettre datée du 10 février 1998, le comptable a fait savoir que les déclarations du titulaire de la licence, en ce qui concerne les ventes et les redevances, étaient [traduction] "exactes"20. L'appelante a également essayé d'entreprendre une inspection des dossiers d'Apotex Inc., laquelle, au 9 mars 1998, n'avait pas encore été commencé21.

Enfin, sur ce point, j'estime convaincant l'argument de l'appelante selon lequel le fait de proposer une vérification indépendante comme autre source de renseignements laisse supposer que les importateurs en question sont titulaires de licences. Comme le juge des requêtes l'a fait remarquer, l'appelante a déjà découvert que Torpharm Inc., qui n'est pas titulaire d'une licence, avait importé du RHCL. Le dossier montre clairement que les vérifications indépendantes de deux des titulaires de licences de l'appelante, Genpharm Inc. et Novopharm Ltd., n'ont pas permis de découvrir les renseignements que l'appelante cherche. À mon avis, le droit d'inspection prévu au paragraphe 7 des ententes relatives aux licences ne permettrait pas à l'appelante de connaître les noms des importateurs d'expéditions de RHCL en question. Cela ne constitue donc pas une source possible efficace en ce qui concerne les renseignements demandés par l'appelante.

Le fait qu'il n'existe pas d'autre source pratique de renseignements ne permet pas pour autant d'autoriser l'interrogatoire préalable en equity. Comme nous l'avons vu, l'article 107 impose à l'intimé une obligation de confidentialité en tant que politique gouvernementale, obligation qui vise sans doute à faciliter l'application et l'exécution de la Loi. Il devient donc nécessaire, sur le plan de l'intérêt public, d'établir l'équilibre entre la nécessité de préserver le caractère confidentiel des noms des importateurs et la bonne administration de la justice. C'est ce qu'a fait la Chambre des lords dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, lorsqu'elle a conclu, compte tenu des circonstances, que l'administration de la justice devait l'emporter. En l'espèce, le juge des requêtes a statué que l'analyse que la Chambre des lords avait faite au sujet des intérêts publics contradictoires dans l'arrêt Alfred Crompton, précité, s'appliquait aux faits dont il était saisi et qu'elle était préférable à l'approche adoptée dans l'arrêt Norwich Pharmacal.

Toutefois, à mon avis, il est possible de faire à plusieurs égards une distinction entre l'arrêt Alfred Crompton, précité, d'une part et l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, et le présent appel d'autre part. En premier lieu, dans l'affaire Alfred Crompton, il n'était pas strictement question d'un interrogatoire préalable. Dans cette affaire-là, l'appelante s'était plainte aux Commissioners of Customs and Excise que la cotisation établie à l'égard de la taxe de vente était inexacte, et elle avait demandé que la question soit soumise à l'arbitrage. Les commissaires ont entrepris une enquête sur la plainte de l'appelante et ont obtenu des clients ainsi que d'autres vendeurs dans l'industrie des renseignements se rapportant à la procédure d'arbitrage anticipée. L'appelante a sollicité une ordonnance en vue d'obtenir la communication des documents que les commissaires avaient recueillis dans le cadre de leur enquête. Par conséquent, contrairement aux faits de la présente espèce, il y avait au moment pertinent un litige existant entre l'appelante et les commissaires. Dans l'affaire Alfred Crompton, l'appelante n'a pas demandé la communication des renseignements en vue d'intenter une action contre un contrefacteur inconnu. Au contraire, c'étaient les commissaires, et non les informateurs, qui étaient les adversaires éventuels de l'appelante.

En outre, le genre de renseignements demandés par l'appelante et le texte législatif, dans l'affaire Alfred Crompton, précitée, sont sensiblement différents de ceux qui sont ici en cause. Comme lord Cross of Chelsea l'a fait remarquer à la page 426, l'appelante a demandé un certain nombre de documents aux commissaires, y compris des factures, des notes de crédit, des listes de prix confidentielles, des extraits de grands livres, des lettres et des accords entre des tiers. Un grand nombre de ces documents sont sans aucun doute sensibles sur le plan commercial. Par contre, en l'espèce, l'appelante demande uniquement les noms des personnes qui ont importé du RHCL au Canada en 1995, en 1996 et en 1997. En outre, les renseignements dont il était question dans l'affaire Alfred Crompton avaient été recueillis dans le cadre d'une enquête autorisée par la loi. Dans cette affaire-là, les commissaires se préoccupaient principalement de ce que la communication des documents qui avaient été rassemblés dans le cadre de leur enquête refroidirait les informateurs et nuirait à leurs enquêtes dans l'avenir. De fait, lord Cross de Chelsea a conclu, à la page 434, que la preuve concernant la non-communication était [traduction] "beaucoup plus forte" que celle qui existait dans l'affaire Norwich Pharmacal , précitée, pour les motifs suivants:

[traduction] Dans cette affaire-là, les importateurs dont les noms étaient communiqués avaient probablement contrefait le brevet, et la communication du nom de tout importateur non fautif, le cas échéant, ne lui aurait vraisemblablement pas causé préjudice. D'autre part, dans ce cas-ci, on peut facilement constater que les tiers qui ont fourni ce renseignement aux commissaires en raison des pouvoirs conférés à ces derniers par la loi n'apprécieraient pas que les commissaires le communiquent aux appelants et . . . que le fait qu'ils savent que les commissaires ne peuvent pas assurer le caractère confidentiel de pareil renseignement peut nuire au fonctionnement efficace de la Loi.

J'examinerai maintenant de plus près les différents intérêts publics qui sont ici en jeu. L'appelante soutient que les noms des importateurs ne sont pas de nature confidentielle et que l'intérêt public voulant que justice soit faite doit l'emporter sur l'intérêt qu'ont les importateurs à la protection des renseignements personnels. De son côté, l'intimé soutient que les renseignements demandés par l'appelante ont été fournis aux fonctionnaires des douanes à titre confidentiel et que la communication des noms des importateurs ne répondrait pas aux attentes des importateurs à l'égard de la confidentialité de ces renseignements.

Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'une justification suffisante pour refuser de communiquer l'identité des importateurs en l'espèce. L'article 107 laisse entendre que les renseignements recueillis conformément à la Loi seront considérés comme confidentiels, mais en vertu de l'article 108, ces renseignements peuvent être communiqués dans certains cas. Je doute donc que les importateurs s'attendent vraiment à ce que les renseignements qu'ils fournissent aux fonctionnaires des douanes demeurent confidentiels. Fait encore plus important, j'ai des doutes au sujet de l'attente et du degré de confidentialité associés à la nature des renseignements demandés par l'appelante. Comme la Chambre des lords l'a fait remarquer dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, les noms des importateurs passeront probablement entre les mains de nombreuses personnes avant d'être transmis aux fonctionnaires des douanes. Il n'est donc pas raisonnable de considérer l'identité des importateurs comme constituant un renseignement particulièrement délicat. À mon avis, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'intérêt public, lorsqu'il s'agit de s'assurer que l'appelante puisse poursuivre en justice ceux qui ont censément enfreint les droits qu'elle a sur les brevets, l'emporte sur l'intérêt public qui veut que les noms des importateurs demeurent confidentiels.

e) La prérogative de la Couronne en matière d'interrogatoire préalable

Je dois maintenant examiner le dernier point soulevé par l'intimé. L'intimé affirme ne pas pouvoir être contraint à se soumettre à l'interrogatoire préalable parce que la Couronne possède une prérogative à cet égard. L'intimé invoque à l'appui de sa thèse l'arrêt Procureur général (Qué.) et Keable c. Procureur général (Can.) et autre, [1979] 1 R.C.S. 218, à la page 245, dans lequel le juge Pigeon a dit, au nom de la majorité de la Cour, qu'"en common law  . . . le gouvernement jouit d'une prérogative contre toute contrainte à l'examen préalable". Comme le sait tout plaideur qui a engagé des poursuites contre la Couronne, l'immunité dont jouit cette dernière en matière d'interrogatoire préalable n'est pas absolue et a été limitée par la loi tant au palier fédéral qu'au palier provincial22 . Ainsi, je ferai remarquer que l'alinéa 224(1)d) et le paragraphe 237(3) des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106] laissent entendre que la Couronne est assujettie aux mêmes obligations, en matière d'interrogatoire préalable, que toute partie à une action devant la Cour23.

La prérogative de la Couronne, en matière d'interrogatoire préalable, n'a pas été expressément invoquée dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité. À mon avis, cela est important, parce que l'immunité de la Couronne en la matière est définie par le juge Pigeon, dans l'arrêt Procureur général, précité, comme existant "en common law". Il n'est donc pas clair qu'une prérogative que possède la Couronne en common law l'emporte sur le recours exceptionnel existant en equity à l'égard de l'interrogatoire préalable. Comme je l'ai déjà mentionné, le droit à l'interrogatoire préalable qui peut être exercé dans le cadre ordinaire d'un litige a son origine dans les tribunaux d'equity. De fait, le juge d'appel Kerans a maintenu, dans l'arrêt Canada Deposit Insurance Corp. v. Code (1988), 84 A.R. 241 (C.A.), à la page 248, que la pratique, dans la Court of Chancery anglaise, voulait qu'on permette l'interrogatoire préalable des représentants de la Couronne. Le juge Kerans a expressément mentionné la décision rendue dans l'affaire Attorney-General v. London (Corporation of) (1850), 42 E.R. 95 (Ch.), où lord Cottenham a fait la remarque suivante, à la page 100:

[traduction] Il a été dit que le Statute of James, tel qu'il a été plaidé dans la réponse, confère à une partie qu'un litige oppose à la Couronne un avantage différent de celui qui est conféré à tout autre défendeur. Ce n'est pas du tout ainsi que je comprends la chose. La loi visait à mettre une partie qui faisait face à un litige contre la Couronne dans la même situation qu'une partie qui fait face à un litige contre un autre demandeur; cependant, dans ce cas-ci, en equity, la Couronne et le sujet étaient toujours sur un pied d'égalité, comme elles le sont maintenant; il n'y avait donc aucun tort à réparer. Toutefois, en droit, un grave préjudice était en théorie causé au défendeur dans un litige avec la Couronne. Le titre de la Couronne était considéré comme établi, à moins qu'un titre contraire n'ait été invoqué et plaidé. Il s'agissait d'un privilège que la Couronne avait contre un défendeur en droit; cependant, dans ce cas-ci, aucun privilège de ce genre n'a été invoqué; je ne crois pas non plus que les règles qui s'appliquent, en ce qui concerne l'interrogatoire préalable, au litige entre la Couronne et un sujet soient différentes de celles qui s'appliquent au litige entre des personnes ordinaires. [Non souligné dans l'original.]

Toutefois, le juge Kerans a dit que la question de savoir si les tribunaux d'equity peuvent contraindre la Couronne à se soumettre à un interrogatoire préalable n'est pas entièrement réglée par les arrêts. Voir par exemple les remarques que le lord juge en chef Baron a faites dans l'arrêt Deare v. Attorney-General (1835), 160 E.R. 80 (Ex. Div.), à la page 85. En l'absence d'un arrêt ayant force obligatoire selon lequel l'immunité de la Couronne en matière d'interrogatoire préalable s'étend à l'exercice de la compétence que possède la Cour en equity, je ne crois pas que l'argument de l'intimé doive être retenu.

f) Remarques finales

J'ai conclu que la communication restreinte du nom ou des noms des importateurs de RHCL au Canada en 1995, en 1996 et en 1997 constitue un redressement approprié compte tenu des circonstances de l'espèce. J'ai également conclu qu'en principe, rien ne justifie le refus de communiquer ces renseignements.

J'aimerais enfin parler des avis qui ont été exprimés par certains lords juristes dans l'arrêt Norwich Pharmacal, précité, à savoir qu'il ne faudrait pas critiquer les autorités douanières du fait qu'elles ont volontairement refusé de communiquer les noms des importateurs. Les lords juristes ont également maintenu que les fonctionnaires des douanes ne devraient pas non plus être tenus de supporter les frais de l'interrogatoire préalable. Je remarque par exemple l'avis suivant que lord Cross of Chelsea a exprimé, à la page 199, auquel je souscris:

[traduction] . . . dans toute affaire où il existe le moindre doute au sujet de la question de savoir si la communication doit être faite, la personne à qui la demande a été faite aurait tout à fait raison de dire qu'elle ne communiquerait le renseignement en question qu'en vertu d'une ordonnance judiciaire. Le tribunal devrait alors décider si, compte tenu des circonstances dans leur ensemble, il a le droit de rendre une ordonnance . . . Les frais de l'intimé et toutes les dépenses engagées en vue de la communication des renseignements devraient être à la charge du demandeur.

De même, en l'espèce, il est clair que l'intimé n'a commis aucune faute à l'égard des expéditions importées de RHCL. Il s'agit d'un cas nouveau et le redressement demandé est exceptionnel. Je crois que l'intimé avait raison de refuser de communiquer les renseignements demandés en l'absence d'une ordonnance judiciaire. J'estime également que l'intimé devrait avoir droit à des frais raisonnables à l'égard de l'interrogatoire préalable.

J'accueillerais le second appel; j'infirmerais l'ordonnance de la Section de première instance et j'ordonnerais à l'intimé de se soumettre à un interrogatoire préalable, mais uniquement afin de communiquer à l'appelante le nom ou les noms des importateurs de RHCL au Canada en 1995, en 1996 et en 1997. L'appelante devrait verser immédiatement à l'intimé, dès que l'interrogatoire préalable aura eu lieu, des frais entre parties raisonnables ainsi que les débours découlant de l'interrogatoire préalable. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, les montants devraient être taxés comme si l'interrogatoire avait eu lieu dans le cadre d'une action. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur la date et sur le lieu de l'interrogatoire ou sur la personne qui doit être interrogée, l'appelante pourra demander une ordonnance en vue de régler le litige. Cette Cour demeure saisie de l'affaire à cette fin seulement.

Le juge Létourneau, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

Le juge Robertson, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

1 Voir, par exemple, la licence obligatoire accordée à Apotex Inc., Dossier d'appel, vol. II, à la p. 259 et suivantes.

2 Dossier d'appel, vol. II, à la p. 399.

3 Dossier d'appel, vol. I, aux p. 22 à 34.

4 Dossier d'appel, vol. III, à la p. 501.

5 Dossier d'appel, vol. I, à la p. 8.

6 Dossier d'appel, vol. I, à la p. 20.

7 Dossier d'appel, (A-909-97), à la p. 8.

8 Dossier d'appel, vol. II, aux p. 402 à 407.

9 Ce recours est examiné dans les ouvrages suivants: Sir James Wigram, Points in the Law of Discovery, 2e éd. (Londres: Maxwell, 1840), aux p. 2 et 5; Mitford, John F., A Treatise on the Pleadings in Suits in the Court of Chancery by English Bill, 5e éd. par J. W. Smith (Londres: Stevens et Norton, 1847), aux p. 36, 64 et 172; J. Story, Commentaries on Equity Jurisprudence as Administered in England and America, vol. 2, 13e éd. (Boston: Little, Brown and Company, 1886), aux p. 810 à 830; et P. V. Baker et P. J. Langan, Snell's Equity, 29e éd. (Londres: Sweet & Maxwell, 1990), à la p. 582.

10 Snell's Equity, supra, note 9, aux p. 28 et 582. Voir également Halsbury's Laws of England, vol. 16, 4e éd. réédition (Londres: Butterworths, 1992), aux p. 655 et 656.

11 Halsbury's Laws of England, vol. 13, 4e éd. (Londres: Butterworths, 1975), aux p. 18 et 19. Il importe de noter que l'interrogatoire préalable diffère du cas dans lequel une personne est désignée à titre de défenderesse dans une action uniquement pour qu'on puisse l'interroger au préalable, pratique que le maître des rôles Jessel a jugée inappropriée dans Wilson v. Church (1878), 9 Ch. D. 552 (C.A.). Pour un examen de ce principe au Canada, voir MacRae v. Lecompte; The Queen in right of Ontario, Third Party (1983), 143 D.L.R. (3d) 219 (H.C. Ont.), aux p. 224 et 225.

12 Les passages pertinents de l'art. 3 du Finance Act 1967 (R.-U.), 1967, ch. 54, se lisent comme suit:

[traduction]

3."(1) Sur avis du secrétaire d'État l'informant qu'il est convaincu que l'intérêt national exige que les renseignements en question soient communiqués, les commissaires peuvent communiquer à l'intéressé les renseignements visés par la présente disposition à l'égard des marchandises importées désignées.

(2) Les renseignements visés par la présente disposition sont ceux qui figurent dans tout document fourni aux commissaires après le 7 mars 1967 conformément à la Loi de 1952 aux fins de la déclaration de marchandises importées et plus précisément les renseignements suivants seulement:

a) la description des marchandises, et notamment le numéro de catalogue du fabricant;

b) les quantités de marchandises importées au cours d'une période particulière, mais si la quantité est indiquée au moyen de la valeur de la marchandise, elle ne peut pas l'être également sous quelque autre forme;

c) le nom du fabricant des marchandises;

d) le pays d'où proviennent les marchandises;

e) le pays où les marchandises ont été consignées.

(3) Le secrétaire d'État peut, par ordonnance, ajouter aux renseignements visés par la présente disposition tout autre renseignement figurant dans un document mentionné au paragraphe (2), à part le prix des marchandises ou le nom de l'importateur; l'ordonnance est rendue par texte réglementaire et . . . [Je souligne.]

13 Ces diverses décisions sont examinées dans R. F. Barron, "Existence and Nature of Cause of Action for Equitable Bill of Discovery" (1996), 37 ALR 5th 645. Les décisions du juge Learned Hand dans Pressed Steel Car Co. v. Union Pac. R. Co. , 240 F. 135 (S.D. N.Y. 1917) et du juge Cordozo dans Sinclair Refining Co. v. Jenkins Pet. Process Co., 289 U.S. 717 (1932) illustrent également le recours à l'interrogatoire préalable aux États-Unis.

14 Voir, par exemple, la Règle 18.02c) des Civil Procedure Rules de la Nouvelle-Écosse et la Règle 18.02(1)c) des Rules of Court de l'Île-du-Prince-Édouard.

15 Voir R. T. Hughes et J. H. Woodley, Hughes and Woodley on Patents (Toronto: Butterworths, 1984) au par. 36.

16 Transcription du contre-interrogatoire de Laurence D. Jenkins, Dossier d'appel, vol. III, aux p. 579 et 580.

17 Dossier d'appel, vol. II, aux p. 261 et 262. Voir également l'entente relative à la licence obligatoire conclue entre l'appelante et Novopharm Ltd., aux p. 289 et 290, et entre l'appelante et Genpharm Inc., aux p. 297 et 298.

18 Dossier d'appel, vol. III, à la p. 609.

19 Affidavit de Paul Herbert, 4 février 1998, par. 11 et 12.

20 Affidavit de Paul Herbert, 9 mars 1998, par. 1.

21 Ibid., au par. 2.

22 Paul Lordon, La Couronne en droit canadien (Montréal: Yvon Blais, 1992), aux p. 571 et 572 et Peter W. Hogg, Liability of the Crown, 2e éd. (Toronto: Carswell, 1989), aux p. 30 et 31.

23 Les art. 224(1)d) et 237(2) des Règles (1998) se lisent comme suit:

224. (1) L'auteur de l'affidavit de documents est:

. . .

d) un représentant autorisé de la Couronne, si la partie est la Couronne.

. . .

237. (1) . . .

(2) Lorsque la Couronne est soumise à un interrogatoire préalable, le procureur général du Canada désigne un représentant pour répondre en son nom.

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