[1993] 1 C.F. 3
T-44-88
Arthur Clemiss (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
Répertorié : Clemiss c. Canada (1re inst.)
Section de première instance, juge Reed—Vancouver, 9 septembre; Ottawa, 16 septembre 1992.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Une société a acheté une usine et elle a payé le prix d’achat en partie comptant, en partie au moyen d’actions — Le président et directeur général, le président du conseil d’administration, un autre administrateur, l’avocat et le comptable ont été accusés de vol et de complot dans le but de frauder la société — Le contribuable, président et directeur général, a reçu une option d’achat d’actions de la société librement négociables — On a demandé au surintendant des courtiers de la Colombie-Britannique de décider que les actions étaient négociables — Le surintendant a refusé de rendre une décision en attendant l’issue du procès intenté contre le contribuable et d’autres dirigeants de la société — Le contribuable prétend avoir levé l’option et remis le paiement le 23 février 1978, mais aucune somme d’argent ni certificat d’action n’ont été échangés — Le 30 août 1979, le conseil d’administration a décidé d’émettre des actions non négociables au prix prévu dans la convention d’option d’achat — Les actions sont devenues librement négociables à la suite des décisions rendues par le surintendant entre le 15 octobre 1979 et le 20 février 1980 — La valeur des actions est passée de 4 25 $ le 23 février 1978 à 8 80 $ le 30 août 1979 — Le contribuable a dépensé approximativement 150 000 $ pour assurer sa défense contre des accusations criminelles — Tous les accusés ont été acquittés — Les statuts de la société prévoient l’indemnisation — Les actionnaires ont voté en faveur du remboursement — Moment où les actions sont acquises aux fins de l’évaluation de l’avantage — Le remboursement des frais judiciaires constitue-t-il un avantage imposable? — Les actions n’ont pas été véritablement acquises au moment de la levée présumée de l’option — Le contribuable n’a pas renoncé à la condition portant que les actions devaient être librement négociables — Les actions ont été véritablement acquises lors du transfert des droits que représente le certificat d’action — Les sommes que représentent les frais judiciaires ne constituent pas le remboursement de dépenses engagées dans l’exercice de la fonction de président — L’avantage a été reçu au titre d’un emploi au sens de l’art. 6(1)a) de la Loi.
Contrats — Le président et directeur général d’une société a reçu une option d’achat d’actions devant être librement négociables, pouvant être levée jusqu’en février 1978 — Le contribuable désirait lever l’option et a remis le paiement en février 1978 — Le surintendant provincial des courtiers a refusé de rendre la décision nécessaire à la vente des actions en attendant l’issue des poursuites pour fraude engagées contre l’équipe de direction — La société a attribué des actions au prix prévu dans l’option en août 1980 — Les actions ne sont devenues négociables qu’au moment des décisions rendues entre octobre 1980 et juillet 1981 — Le détenteur de l’option avait-il renoncé à la condition portant que les actions devaient être librement négociables? — Il y a renonciation lorsque l’une des parties acquiesce à un changement à l’avantage de l’autre partie — Les conditions du contrat demeurent les mêmes — Il y a modification lorsque les parties changent, d’un commun accord, les conditions du contrat dans la mesure de la modification — Le contrat a été modifié afin de permettre la vente ultérieure d’actions devant devenir négociables — Les actions ont été acquises en août 1980.
Il s’agit d’un appel d’une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, par laquelle elle a confirmé les nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 1979 et 1980.
Le contribuable est président et directeur général de B.X. Developments Ltd., et membre du conseil d’administration de cette société. B.X. est une société dont les actions sont détenues par le public. B.X. a acheté une usine de chaux dont le prix d’achat a été payé comptant et au moyen d’actions. À la suite de cette opération, en janvier 1977, le contribuable, le président du conseil d’administration, un autre administrateur ainsi que le comptable et l’avocat de la société furent accusés de vol de biens de la société et de complot dans le but de frauder la société. Le 1er mars 1977, le contribuable et la société ont conclu une convention d’option d’achat de 60 000 actions librement négociables, à 1 64 $ chacune, pouvant être levée jusqu’à la fin de février 1978. En février 1978, lorsque le demandeur a décidé de lever son option d’achat, le surintendant des courtiers de la Colombie-Britannique a refusé de rendre une décision en faveur du demandeur, portant que la vente d’actions par le demandeur ne constituait pas une négociation au cours d’un placement initial dans le public, ou de rendre une décision semblable, en faveur de la société, à l’égard de la convention d’option d’achat, tant que les poursuites criminelles n’étaient pas réglées. Le demandeur a remis le paiement, mais aucune somme d’argent n’a été échangée et aucun certificat d’action n’a été émis. La société a avisé la bourse de Vancouver de la levée de l’option à cette date et elle en a informé ses actionnaires dans son rapport annuel. Le 30 août 1979, la société a émis 60 000 actions à l’intention du demandeur, au prix prévu dans l’option d’achat, qui ne sont devenues négociables qu’au moment des décisions rendues par le surintendant le 15 octobre 1979 (15 000 actions), le 20 février 1980 (20 000 actions) et le 31 juillet 1980 (25 000 actions). Selon les déclarations d’initié, c’est le 30 août 1979 que le demandeur est devenu détenteur des actions. Il n’a déclaré aucun avantage tiré de ces actions dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1978. Le demandeur et les autres membres de l’équipe de direction furent acquittés des accusations criminelles qui pesaient contre eux le 9 novembre 1979. Entre le 23 février 1978 et le 30 août 1979, la valeur des actions est passée de 4 25 $ à 8 80 $. L’alinéa 7(1)a) de la Loi prévoit que la valeur de l’avantage reçu par un employé en vertu d’un programme d’option d’achat d’actions est égale à la différence entre la valeur au marché des actions au moment où il les a acquises et le prix prévu dans l’option d’achat. Le ministre a établi la cotisation en fonction de la valeur au marché au 30 août 1979. Les statuts de la société stipulent que la société doit indemniser un administrateur de tous les coûts engagés dans le cadre d’une procédure de nature civile, criminelle ou administrative imputable à des actes faits de bonne foi pour le compte de la société, dans la mesure où l’indemnisation est autorisée par un tribunal en vertu de la Company Act de la Colombie-Britannique. Les actionnaires ont autorisé le remboursement au demandeur des frais judiciaires qu’il avait engagés pour assurer sa défense contre les accusations criminelles, et le remboursement a été effectué après avoir été approuvé par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans sa cotisation, le ministre a estimé que ce remboursement constituait un avantage tiré d’une charge ou d’un emploi.
Jugement : l’appel doit être rejeté.
La délivrance de certificats d’actions n’est pas un facteur déterminant quant à la date à laquelle les actions ont été acquises. L’acceptation par le demandeur, au mois de février 1978, de l’offre d’actions librement négociables prévue dans la convention d’option d’achat ne pouvait constituer un accord liant les parties puisque ces actions n’existaient pas. Le fait que les actions devaient être librement négociables constituait une condition de la convention et rien n’indique, selon la preuve, que le demandeur ait renoncé à cette condition. Il y a renonciation lorsque l’une des parties acquiesce à un changement apporté aux conditions à l’avantage de l’autre partie. Lorsqu’il y a modification, le premier accord est complètement changé à cet égard. En l’espèce, les parties ont modifié de fait le contrat afin de prévoir la distribution ultérieure d’actions qui devaient devenir librement négociables. L’avantage tiré de la convention d’option d’achat a été reçu au moment où le contribuable a obtenu l’ensemble des droits de propriété que représentent des actions. Le contribuable n’a pas payé le prix des actions le 23 février 1978. Il n’a pas inclus cet avantage dans son revenu de l’année. La société n’a adopté aucune résolution afin d’attribuer les actions avant le 30 août 1979. C’est alors que le demandeur a acquis les attributs de la propriété des actions, comme le droit de voter.
Les mots utilisés dans la Loi ont un sens assez large pour inclure tous les avantages tirés « au titre » de la charge ou de l’emploi. Les tribunaux n’ont pas considéré le remboursement de sommes que des employés ont été obligés d’engager, notamment des frais de déménagement, comme un avantage personnel versé à l’employé. En l’espèce, toutefois, le demandeur a engagé les dépenses non pour s’acquitter de sa fonction de président mais pour répondre à des accusations criminelles portées personnellement contre lui. La société n’était pas une coaccusée mais plutôt la victime présumée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Company Act, R.S.B.C. 1979, ch. 59, art. 152(1)a),b),(2).
Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 6(1)a) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 1), 7(1)a) (mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 3).
Securities Act, 1967, S.B.C. 1967, ch. 45, art. 56.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC :
Steen (W.R.) c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 256; (1988), 88 DTC 6171; 86 N.R. 165 (C.A.F.); confirmant Steen c. Canada, [1987] 1 C.F. 139 [1986] 2 C.T.C. 394; (1986), 86 DTC 6498; 6 F.T.R. 179 (1re inst.); Grant c. La Reine, [1974] 2 C.F. 31 [1974] CTC 332; (1974), 74 DTC 6252 (C.F. 1reinst.); Reynolds, PM c La Reine, [1975] CTC 85 (C.F. 1reinst.); Falconer v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 664; (1962), 34 D.L.R. (2d) 721; [1962] C.T.C. 426; 62 DTC 1247; Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] 1 C. de l’É. 293; [1967] C.T.C. 346; (1967), 67 DTC 5235; McNeill c. Canada, [1987] 1 C.F. 119 [1986] 2 C.T.C. 352; (1986), 86 DTC 6477; 5 F.T.R. 133 (1reinst.); Greisinger c. M.R.N. (1986), 15 C.C.E.L. 29; [1986] 2 C.T.C. 2441; 86 DTC 1802 (C.C.I.); Phillips (W.R.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2372; (1990), 90 DTC 1274 (C.C.I.); Splane (R.O.J.) c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 199; (1990), 90 DTC 6442; 36 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.); Huffman c. Canada (1990), 71 D.L.R. (4th) 385; [1990] 2 C.T.C. 132; 90 DTC 6405; 112 N.R. 78 (C.A.F.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
R. v. Clemiss, juge McGivern, jugement en date du 9 novembre 1979, C. prov. C.-B., non publié; Rendell v. Went (1963), 41 Tax Cas. 641 (Ch. D.); modifié [1963] 3 All E.R.; (1963), 41 Tax Cas. 650 (C.A.); confirmé [1964] 2 All E.R. 464; (1963), 41 Tax Cas. 654 (H.L.); Pellizzari (T.) c. M.R.N., [1987] 1 C.T.C. 2106; (1987), 87 DTC 56 (C.C.I.); R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; [1983] C.T.C. 393; 83 DTC 5409; 50 N.R. 321; R. v. Poynton, [1972] 3 O.R. 727; (1972), 29 D.L.R. (3d) 389; 9 C.C.C. (2d) 32; [1972] CTC 412; 72 DTC 6329 (C.A.).
DÉCISION CITÉE :
Turney v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578.
DOCTRINE
Fridman, G. H. L. The Law of Contract in Canada, 2e éd., Toronto : Carswell Co. Ltd., 1986.
Welling, Bruce Corporate Law in Canada : The Governing Principles, 2e éd., Toronto : Butterworths, 1991.
APPEL d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt ([1987] 2 C.T.C. 2275; (1987), 87 DTC 569) rejetant l’appel du contribuable contre les nouvelles cotisations. Appel rejeté.
AVOCATS :
Leslie M. Little, c.r. pour le demandeur.
Margaret Clare pour la défenderesse.
PROCUREURS :
Thorsteinssons, Vancouver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Reed : Il s’agit d’un appel, par voie de procès de novo, d’une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt le 9 septembre 1987 [[1987] 2 C.T.C. 2275]. Cette décision a maintenu la cotisation d’impôt du demandeur établie par le ministre du Revenu national à l’égard des années d’imposition 1979 et 1980.
Le demandeur prétend, en ce qui a trait à l’année d’imposition 1979, que l’avantage imposable qu’il a tiré de la convention d’option d’achat d’actions devrait être évalué à 104 400 $ et non à 286 400 $ comme le soutient le ministre. Quant à l’année d’imposition 1980, il prétend que la somme de 146 533 37 $ qu’il a reçue en remboursement de frais judiciaires engagés pour assurer sa défense contre des accusations criminelles ne devrait pas être traitée comme un revenu personnel.
Les faits — option d’achat d’actions
Durant la période en cause, le demandeur était président et directeur général de B.X. Developments Ltd. (« B.X. »). Il était aussi membre du conseil d’administration de cette société.
En 1974, le président du conseil d’administration, Murray Pezim, a entrevu l’occasion d’acquérir une usine de chaux, connue sous le nom de Paul Lime Plant. Cette usine a finalement été acquise par B.X. par l’intermédiaire d’une filiale en propriété exclusive, Can-AM Lime Inc. Le prix d’achat s’élevait à environ 2,2 millions de dollars. Environ 900 000 $ ont été versés comptant, le reste du prix d’achat étant réglé au moyen d’actions de B.X. Le demandeur a joué un rôle important dans cette acquisition, notamment au chapitre du financement.
En contrepartie de ces efforts, B.X. et le demandeur ont conclu une convention d’option d’achat d’actions. Cette convention, datée du 1ermars 1977, accordait au demandeur :
[traduction] … le droit et l’option uniques et exclusifs d’acheter soixante mille (60 000) actions entièrement libérées, non susceptibles d’appels subséquents et librement négociables du capital-actions de la société, au prix de un dollar soixante-quatre cents (1 64 $) l’action, cette option pouvant être levée en tout temps jusqu’au 28 février 1978 inclusivement … [Je souligne.]
Le délai était une condition essentielle du contrat.
Le 17 janvier 1977, peu de temps avant l’octroi de cette convention d’option, le demandeur, deux autres administrateurs ainsi que le comptable et l’avocat de B.X. furent accusés sous trois chefs de complot dans le but de frauder B.X. et sous un chef de vol des biens de B.X. Ces accusations étaient liées à l’acquisition de la Paul Lime Plant. Selon les allégations, la partie du prix d’acquisition versée en actions aurait été une « imposture », et le demandeur et ses coaccusés se seraient concertés pour conclure l’opération au détriment de B.X. et de ses actionnaires. B.X. était une société dont les actions étaient détenues par le public et cotées à la Bourse de Vancouver.
Au début de 1978, le demandeur a décidé de lever son option d’achat d’actions de B.X. Le 5 janvier 1978, l’avocat du demandeur, Me George Scott, a écrit au surintendant des courtiers (Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique) pour lui demander de rendre une décision sous le régime de l’article 56 qui permette au demandeur de négocier 15 000 des actions visées par l’option d’achat. L’article 56 de la Securities Act, 1967 [S.B.C. 1967, ch. 45], de la Colombie-Britannique porte :
[traduction] 56. (1) En cas de doute sur la question, la Commission peut, sur demande d’une partie intéressée, déterminer si la négociation proposée ou projetée constituerait une négociation au cours d’un placement initial de ce titre dans le public et rendre une décision en conséquence, décision qui est finale et sans appel.
(2) Lorsque la Commission détermine sous le régime du paragraphe (1) que la négociation proposée ou projetée d’un titre ne constituerait pas une négociation au cours d’un placement initial de ce titre dans le public, elle peut décréter qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’enregistrement de cette négociation.
(3) En cas de doute sur la question de savoir si un placement initial de titres dans le public a été ou est effectué, la Commission peut trancher et rendre une décision en conséquence, décision qui est finale et sans appel. [Je souligne.]
Le 12 janvier 1978, en réponse à la demande présentée par le demandeur, était expédiée une lettre portant qu’une décision sous le régime de l’article 56 ne pouvait être rendue à l’égard de la négociation des 15 000 actions puisque aucune décision semblable n’avait été rendue à l’égard de l’octroi au demandeur de la convention d’option d’achat d’actions par la société. La lettre demandait à la société B.X. si elle entendait demander que soit rendue cette décision préalable.
L’avocat du demandeur à l’époque, Me Scott, appelé à la barre comme témoin, explique avoir alors estimé que la position adoptée par le surintendant des courtiers était erronée et avoir fait valoir à celui-ci que l’option d’achat d’actions en cause était une option d’achat d’actions accordée à des employés et que, partant, il y avait exemption de l’obligation d’obtenir une décision sous le régime de l’article 56. Il a aussi souligné qu’en sa qualité de président et de directeur général de la société, le demandeur n’avait pas besoin des garanties que vise à assurer la présentation d’information au sujet de l’émission d’actions.
De toute façon, la position adoptée par le surintendant des courtiers a reporté à plus tard la possibilité qu’une décision sous le régime de l’article 56 soit rendue à l’égard de la négociation des actions de l’option d’achat. Le 19 janvier 1978, l’avocat de B.X., Me Lawrence Page, a écrit au surintendant des courtiers pour demander, au nom de la société, que soit rendue une décision sous le régime de l’article 56 à l’égard de l’octroi d’une convention d’option d’achat d’actions au demandeur comme au président du conseil d’administration.
Le 1er février 1978, la réponse suivante a été reçue :
[traduction] Comme MM. Pezim et Clemiss sont impliqués dans des poursuites criminelles relativement à l’acquisition de la Paul Lime Plant, nous n’entendons pas rendre de décision sous le régime de l’article 56 à l’égard des options d’achat d’actions qui leur ont été octroyées avant que soit connue l’issue des poursuites criminelles.
S’il fallait rendre une décision avant l’issue des poursuites criminelles, elle serait nécessairement défavorable.
La demande visant à obtenir une décision sous le régime de l’article 56 à l’égard des options d’achat d’actions octroyées a été retirée. Aucune décision sous le régime de l’article 56 permettant la négociation des actions de l’option d’achat n’a été rendue. Par conséquent, à la date d’expiration de l’option, B.X. n’était pas en possession d’« actions librement négociables » et, partant, ne pouvait délivrer de telles actions au demandeur comme le stipulait la convention d’option d’achat d’actions.
Le demandeur a déclaré en preuve que, de toute façon, sur les conseils de son avocat, il avait remis à la société un chèque certifié de 98 400 $ afin de lever son option. Le demandeur prétend avoir procédé ainsi par l’entremise de son avocat, le 23 février 1978. Son avocat à l’époque déclare que sa façon habituelle de procéder en pareil cas consiste à s’assurer que le chèque est remis en main propre et qu’un reçu est obtenu en échange. Aucune preuve documentaire ne vient étayer cette opération. Il semble que le chèque n’ait pas été encaissé. Aucun chèque oblitéré n’a été produit en preuve. Aucun reçu en échange du chèque n’était disponible.
Le 13 juillet 1978, B.X. a déposé un avenant au dossier d’inscription à la Bourse de Vancouver. Il faisait mention de la convention d’option d’achat d’actions accordée au demandeur et portait :
[traduction] Le 23 février 1978, Clemiss a levé son option conformément aux dispositions de la convention d’option Clemiss en remettant à la société la somme de 98 400 $ et a demandé qu’on lui remette 60 000 actions du capital-actions de la société. La société a accusé réception de l’avis de levée de l’option et de l’offre réelle de paiement, et n’a pas encore émis, attribué ni délivré les actions à Clemiss.
Clemiss a conclu une convention avec M. Isadore Rotterman (« Rotterman »), administrateur de la société, aux termes de laquelle il consent à vendre à Rotterman 20 000 actions acquises grâce à la levée de l’option visée par la convention d’option Clemiss, au prix de 1 64 $ l’action. La convention avec M. Rotterman n’a pas encore été acceptée aux fins de production devant la Bourse de Vancouver et elle pourrait aussi être assujettie à l’obtention d’une décision favorable du surintendant des courtiers sous le régime de l’article 56. [Je souligne.]
Le 31 juillet 1978, B.X. a publié son rapport annuel de même que l’avis de convocation à l’assemblée générale annuelle et une circulaire d’information. La circulaire d’information révèle que le demandeur ne détenait « aucune » action de la société. La circulaire porte aussi :
[traduction] Le 23 février 1978, Clemiss a levé son option conformément aux dispositions de la convention d’option Clemiss en remettant à la société la somme de quatre-vingt-dix-huit mille quatre cents dollars (98 400 $) et a demandé qu’on lui remette soixante mille (60 000) actions du capital-actions de la société qui, selon les dispositions de la convention d’option Clemiss, doivent être émises comme des « actions librement négociables ». La société a accusé réception de l’avis de levée de l’option et de l’offre réelle de paiement, et n’a pas encore émis, attribué ni délivré les actions à Clemiss, en attendant que soit clarifiée la nécessité de qualifier l’émission de ces actions du capital et, en outre, l’obligation de la Société de qualifier les actions d’« actions librement négociables » qui peuvent être offertes au public.
La même circulaire comprenait un avis de proposition de résolution ordinaire qui devait être présentée à l’assemblée générale annuelle du vendredi 29 septembre 1978 :
[traduction] L’assemblée n’aura à se prononcer sur aucun contrat important si ce n’est l’examen et l’adoption avec, ou sans modification, de la résolution ordinaire suivante :
Il est proposé comme résolution ordinaire que la Société modifie ces convention d’option d’achat d’actions accordées à des employés de façon à y inclure un engagement de la société en vertu duquel, sauf en cas de renonciation par l’employé, le paiement du prix d’achat des actions visées par l’option est conditionnel au fait que la société qualifie d’abord ces actions d’actions offertes au public ou, subsidiairement, à l’obtention d’une exception de négociation pour l’employé ou d’une décision sous le régime de l’article 56 de la Securities Act de la Colombie-Britannique, portant que la négociation proposée ou projetée par cet employé ne constituera pas une négociation au cours d’un placement initial de ce titre dans le public.
Le 1er décembre 1978, un avenant au dossier d’inscription produit à la Bourse de Vancouver par la direction de la société a décrit ainsi la situation :
[traduction] Le paiement par M. Clemiss des actions qu’il entend acquérir par la levée de son option est conditionnel au fait que la société qualifie d’abord ces actions d’actions offertes au public ou, subsidiairement, à l’obtention d’une décision du surintendant des courtiers sous le régime de l’article 56 de la Securities Act de la Colombie-Britannique, portant que la négociation de ces actions ne constituerait pas une négociation au cours d’un placement initial de titres dans le public.
À cette date, la société n’avait pas réussi à obtenir la qualification ou la décision sous le régime de l’article 56 nécessaires à l’égard de ces actions.
Dans une circulaire d’information datée du 19 décembre 1978 qui accompagnait l’avis de convocation à une assemblée générale de la société, la direction de la société a décrit encore une fois la situation :
[traduction] À l’assemblée générale annuelle tenue le 29 septembre 1978, les membres de la société ont approuvé une résolution ordinaire destinée à clarifier davantage la convention d’option Clemiss en prévoyant d’y inclure un engagement de la société en vertu duquel, sauf en cas de renonciation par Clemiss, le paiement du prix d’achat des actions visées par l’option est conditionnel au fait que la société qualifie d’abord ces actions d’actions offertes au public ou, subsidiairement, à l’obtention d’une exception de négociation pour lui ou d’une décision sous le régime de l’article 56 de la Securities Act (Colombie-Britannique) portant que la négociation proposée ou projetée par lui ne constituerait pas une négociation au cours d’un placement initial de ce titre dans le public.
Le 30 août 1979, les administrateurs de B.X. ont décidé par résolution d’émettre 60 000 actions entièrement libérées, non susceptibles d’appels subséquents, à l’intention du demandeur :
[traduction] et que la secrétaire de la société soit autorisée par les présentes à livrer l’ordre de trésorerie exécuté à l’agent des transferts, avec instruction de livrer à M. Clemiss ou à son ordre des certificats d’actions à son nom représentant les 60 000 actions de la société en échange d’un chèque certifié ou d’une traite bancaire de 98 400 $ payable à la société.
Le jour même de l’exécution de l’ordre de trésorerie, le nom du demandeur a été inscrit dans le registre de la société comme actionnaire détenant les 60 000 actions et des certificats d’actions ont été délivrés au demandeur.
Je voudrais souligner que les actions émises le 30 août 1979 n’étaient pas librement négociables. Ce n’est que plus tard, soit le 15 octobre 1979, qu’a été rendue une décision sous le régime de l’article 56 à l’égard de 15 000 de ces actions, puis une autre, le 20 février 1980 à l’égard de 20 000 actions qui furent cédées à M. Rotterman, puis une dernière, le 31 juillet 1980, à l’égard des 25 000 actions qui restaient.
Le demandeur et ses coaccusés furent acquittés des accusations criminelles qui pesaient contre eux le 9 novembre 1979 [le juge McGivern, jugement en date du 9 novembre, 1979, C.P. C.-B., non publié].
Dans les diverses déclarations d’initié qu’il a produites à la Bourse de Vancouver entre le 14 mars 1977 et août 1979, le demandeur ne s’est inscrit comme détenteur d’aucune des 60 000 actions. Dans la déclaration d’initié produite le 5 septembre 1979, il a indiqué qu’il était devenu le détenteur de 60 000 actions le 30 août 1979. Le demandeur n’a déclaré aucun avantage tiré de ces actions dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1978. Son conseiller en comptabilité et en fiscalité a déclaré en preuve avoir examiné avec le demandeur la question du droit de propriété des actions; toutefois, en raison de l’incertitude quant à l’existence d’un avantage, on a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’inclure quelque montant à ce poste dans la déclaration de revenu du contribuable pour l’année d’imposition 1978. L’avantage a été déclaré dans la déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1979.
Date d’acquisition des actions — valeur de l’avantage découlant de l’option d’achat d’actions
L’alinéa 7(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 3)] applicable en 1979 porte :
7. (1) … lorsqu’une corporation a convenu de vendre ou d’attribuer un certain nombre d’actions de son capital-actions …
a) si l’employé a acquis des actions en vertu de la convention, un avantage, égal à la fraction de la valeur des actions qui, au moment où il les a acquises, était en sus de la somme qu’il a payée ou devra payer pour ces actions à la corporation, est réputé avoir été reçu par l’employé en raison de son emploi dans l’année d’imposition où il a acquis les actions … [Je souligne.]
Le demandeur prétend avoir acquis les 60 000 actions le 23 février 1978 parce que, à cette date, s’est formé un accord liant les parties qui lui a donné le droit d’obliger, à son gré, la société à lui délivrer les actions. Le ministre prétend que les actions ont été acquises le 30 août 1979 quand les actions ont été attribuées, apparemment payées, et transmises au demandeur, et les certificats délivrés.
Le 23 février 1978, la valeur au marché des actions était de 4 25 $ l’action. Le 30 août 1979, la valeur au marché était passée à 8 80 $ l’action. Par conséquent, le 23 février 1978, la valeur au marché de 40 000 des 60 000 actions représentait la somme de 170 000 $. Le 30 août 1979, elle s’élevait à 352 000 $. Le coût des actions pour le demandeur était de 65 600 $. Par conséquent, si la date d’acquisition est le 23 février 1978, l’avantage tiré de l’option d’achat d’actions par le demandeur est de 104 400 $. Si la date d’acquisition est le 30 août 1979, l’avantage est de 286 400 $. La question porte uniquement sur 40 000 actions, et non sur 60 000 actions, puisque le demandeur a transféré 20 000 actions à son coût d’achat à M. Rotterman, conformément à la convention conclue entre eux.
Il s’agit donc de déterminer à quelle date le demandeur a acquis les actions, au sens donné à ce terme par l’alinéa 7(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il est reconnu que la date de délivrance des certificats d’actions n’est pas en soi un facteur déterminant. Voir par exemple l’ouvrage de Welling, Corporate Law in Canada : The Governing Principles (1991), à la page 602, qui décrit la distinction entre une action et un certificat d’actions. Un certificat d’actions ne représente que la preuve de l’ensemble des droits de propriété constitué par l’action. Le contexte factuel de l’espèce diffère de celui où l’actionnaire est devenu détenteur de l’action à un moment autre que celui de la délivrance du certificat d’actions. Il y a eu plus que la seule délivrance de certificats d’actions le 30 août 1979.
L’avocat du demandeur prétend que les actions ont été acquises le 23 février 1978 parce qu’à cette date le demandeur a accepté l’offre stipulée dans la convention d’option d’achat d’actions de la société et que cette dernière était par conséquent tenue d’émettre les actions. L’avocat de la défenderesse prétend que même si le demandeur a accepté l’offre de la société à cette date, il n’a pas pour autant acquis les actions à cette même date. Il n’a acquis que le droit d’obtenir les actions, et puisque celles-ci (c’est-à-dire des actions librement négociables) n’existaient pas à ce moment, il y a eu inexécution fondamentale que le demandeur aurait pu invoquer pour intenter une poursuite en dommages-intérêts. Il aurait difficilement pu exiger une exécution pure et simple étant donné l’inexistence de l’objet visé par le contrat.
On prétend que l’acceptation par le demandeur de l’offre de la société, stipulée dans la convention d’option d’achat d’actions, ne pouvait constituer un accord liant les parties puisque l’objet visé par le contrat n’existait pas. L’acceptation par le demandeur de l’offre de la société ne signifie pas que le demandeur a acquis les actions par suite de cette acceptation. Je suis d’accord avec cette analyse juridique des faits de l’espèce.
L’avocat du demandeur prétend que l’offre et l’acceptation dont font foi la convention d’option d’achat d’actions et l’avis du 23 février 1978 par lequel le demandeur a fait part à la société de son intention de lever l’option comprenaient deux promesses : la promesse d’émettre 60 000 actions et la promesse que ces actions seraient librement négociables. Il fait remarquer que les actions qui ont été émises le 30 août 1979 n’étaient pas librement négociables et que la société était en mesure d’émettre des actions non librement négociables le 23 février 1978. Il prétend que la condition selon laquelle les actions devaient être librement négociables constituait pour la société une obligation à laquelle le demandeur pouvait renoncer, et que la Cour devrait interpréter sa conduite comme un signe implicite de renonciation. En ce qui a trait aux conditions préalables, on a cité l’arrêt Turney v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578.
L’avocat a aussi cité l’ouvrage de Fridman, The Law of Contract in Canada (2e édition, 1986), aux pages 415 à 419, et, en ce qui a trait à la renonciation, aux pages 510 et 511 :
[traduction] Il existe essentiellement deux méthodes pour modifier l’obligation originale d’exécution convenue par contrat, soit la modification du contrat et la renonciation aux droits contractuels. Ces deux méthodes doivent être distinguées avec soin. Dans les cas de modification, il y a changement subséquent de l’accord original, par consentement mutuel, à l’avantage et à la convenance des deux parties. Dans les cas où l’on prétend qu’il y a eu renonciation, le changement n’a lieu qu’à l’avantage ou à la convenance d’une seule partie, l’autre partie étant réputée acquiescer au changement apporté aux conditions originales du contrat … Dans les cas de renonciation, le changement invoqué est, tout au plus, implicite et peut être déduit de ce qui s’est produit. En outre, lorsque l’accord original a été modifié par l’accord subséquent, dans la mesure où cette modification s’applique, le premier accord doit être considéré comme complètement changé en ce qui a trait à la modification en question. Par ailleurs, lorsqu’on invoque la renonciation, les droits et obligations originaux des parties demeurent inchangés …
L’avocat du demandeur prétend qu’à compter du 23 février 1978, le demandeur avait un droit exécutoire à l’égard de 60 000 actions, qu’elles soient librement négociables ou non. Je ne puis tirer cette conclusion des faits de l’espèce. Il n’existe aucun élément rattaché au 23 février 1978 ou aux dix-sept mois subséquents qui puisse m’amener à conclure que le demandeur était intéressé à acquérir les actions si celles-ci n’étaient pas librement négociables. Rien n’indique qu’avant le 30 août 1979 le demandeur ait renoncé à la condition stipulant que les actions soient librement négociables. En fait, les événements subséquents semblent montrer clairement que même à cette dernière date, le demandeur a acquis les actions en s’attendant absolument à ce qu’elles deviennent librement négociables.
L’avocat fait valoir que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur puisqu’il a estimé que les actions délivrées le 30 août 1979 étaient librement négociables alors qu’elles ne l’étaient pas [à la page 2284] :
… l’appelant a choisi d’attendre que B.X. soit en mesure d’obtenir une décision favorable du surintendant des courtiers. Il a refusé de considérer le bris de contrat comme la fin du contrat et les parties ont tacitement prolongé le délai d’exécution de l’obligation de B.X. Dès que B.X. a obtenu une décision favorable, les actions librement négociables ont été délivrées. Cela s’est produit au mois d’août 1979. Par conséquent, il n’existe pas de fondement qui permette de dire que l’appelant a acquis les actions avant le mois d’août 1979. L’appelant est donc débouté sur ce point également.
L’erreur factuelle qui s’est glissée dans cette décision n’entraîne aucun effet sur le résultat. En fait, je crois comprendre que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ne disposait pas de la totalité des éléments de preuve qui ont été produits devant notre Cour. Il est clair que le demandeur a choisi, le 30 août 1979, d’accepter des actions qui n’étaient pas librement négociables. Aucun élément de preuve n’indique pourquoi il en fut ainsi, mais cela ne permet pas de conclure que le demandeur ait été prêt à s’en accommoder le 23 février 1978 ou à quelque autre date avant le 30 août 1979. Quand, le 23 février 1978, la société a été dans l’impossibilité d’émettre des actions librement négociables, les parties ont simplement reporté le tout à plus tard. Dans les faits, elles ont modifié le contrat. Je ne puis conclure que, le 23 février 1978, le demandeur avait renoncé à la condition portant que les actions soient librement négociables. Tous les faits amènent à la conclusion que les actions ont été acquises le 30 août 1979.
L’arrêt Steen (W.R.) c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 256 (C.A.F.) n’est d’aucun secours pour le demandeur. Dans cette affaire, la Cour a conclu que les actions avaient été acquises au moment de la levée de l’option, mais le débat ne portait pas sur une date pertinente ultérieure. Il s’agissait de déterminer si les actions devaient être évaluées à la date de l’octroi de l’option ou à la date de la levée de l’option. C’est dans le contexte de cet argument qu’il faut lire l’arrêt de la Cour d’appel fédérale. La décision du juge de première instance, à [1987] 1 C.F. 139 porte, à la page 149 :
Ainsi, l’élément essentiel … n’était pas la date à laquelle les actions ont été intégralement payées ni celle à laquelle les certificats d’actions ont été attribués, mais plutôt la date à laquelle le contribuable a établi un droit de propriété sur les actions.
…
… je suis convaincu qu’un contribuable est réputé avoir reçu un avantage, s’il y a lieu, au moment où il obtient le droit de propriété ou bénéficie des effets du droit de propriété sur les actions souscrites.
En l’espèce, tous les effets du droit de propriété sont passés au demandeur le 30 août 1979 et pas avant.
La décision Grant c. La Reine, [1974] 2 C.F. 31 n’est d’aucun secours pour le demandeur. Dans cette affaire, un accord liant les parties avait été complété à l’égard de la vente d’actions. Il s’agissait d’un plan d’intéressement en vertu duquel on offrait aux employés d’acquérir un certain nombre d’actions. Une résolution fut adoptée afin d’approuver le plan. La Cour a conclu que même si le demandeur n’avait payé les actions qu’à une date ultérieure (un an plus tard), l’acquisition des actions avait vraiment eu lieu à la date antérieure [à la page 38] :
La compagnie a reçu sa souscription qui contenait une promesse exécutoire de payer les actions. Si le cours des actions avait baissé, le demandeur n’aurait pas pu revenir sur sa promesse et la compagnie n’avait aucun droit d’annuler la convention du fait que la valeur des actions avait augmenté. Conformément à l’intention de la compagnie et des employés, ces derniers ont acquis les actions qu’ils avaient souscrites lorsque le conseil d’administration adopta la résolution confirmant le plan, le 25 juillet 1968.
Et, à la page 36, la Cour déclare :
La création d’un contrat n’exige aucune formalité stricte. Si les parties ont l’intention de s’obliger mutuellement par un contrat et parviennent à un accord ad idem, la Cour lui donnera effet. Il convient d’examiner l’opération dans son ensemble, tant le texte que la ligne de conduite des parties, et l’ordre des différentes étapes menant à l’accord n’a pas d’importance si, compte tenu de tous les faits, on peut déterminer que le contrat était bien le but recherché. La compagnie décida de mettre 1,267 actions à la disposition de ses employés les plus anciens et exécuta ensuite son plan en deux étapes. La résolution adoptée par le comité exécutif le 11 juillet 1968 énonçait les conditions du plan. Au cours de sa réunion du 25 juillet 1968, le conseil d’administration reçut les souscriptions d’actions des employés faites en conformité du plan et confirma la vente des actions. C’est à ce moment que le demandeur acquit 835 actions et il convient de considérer la valeur des actions au cours du marché à cette date.
En l’espèce, la ligne de conduite des parties montre qu’il n’y a pas eu conclusion d’un contrat liant les parties à l’égard de l’achat des actions avant le 30 août 1979. Le demandeur n’a pas payé le prix des actions le 23 février 1978. Il ne se considérait pas comme un actionnaire à l’égard de ces actions à cette date. Il n’a pas inclus l’avantage imposable dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1978 parce qu’il ne savait pas alors si, en fait, il réussirait à obtenir les actions. Avant le 30 août 1979, la société n’avait adopté aucune résolution afin d’attribuer les actions, le demandeur ne se décrivait pas comme actionnaire de la société dans les déclarations d’initié et les parties ne se comportaient pas comme si le demandeur était un actionnaire de la société. La question ne se limitait pas seulement à l’établissement du prix d’achat; il n’y avait pas encore eu conclusion d’un contrat complet. En l’espèce, l’accord au sujet de l’achat éventuel d’actions par le demandeur était tout simplement resté en suspens jusqu’au mois d’août 1979.
L’avocat du demandeur se fonde aussi sur les arrêts Reynolds, PM c La Reine, [1975] CTC 85 (C.F. 1re inst.); et Falconer v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 664. Un passage extrait de l’arrêt Reynolds, à la page 87, montre qu’à l’alinéa 85A(1)a) [S.R.C. 1952, ch. 148] (maintenant l’alinéa 7(1)a)), il est question du cas où l’employé « a exercé son option d’achat d’actions d’une compagnie ». Ce serait surestimer ce passage que de le traiter comme une interprétation déterminante pour l’issue de la présente instance. Le juge Gibson ne faisait que paraphraser de façon générale la portée de cette disposition. Il n’avait pas à se prononcer sur la question de l’application de cette disposition dans une situation comme celle de l’espèce.
Dans l’affaire Falconer, l’appelant était membre d’un syndicat financier de quatre personnes qui avaient acquis une participation dans un accord d’affermage relatif à certains droits pétroliers. Le syndicat financier de quatre membres a vendu 75 % de sa participation dans l’accord d’affermage, puis convenu de constituer une société par actions à qui céder la partie restante, soit 25 % de sa participation. Les quatre membres ont convenu à cette date que la contrepartie de la cession à la société de leurs droits en vertu de l’accord d’affermage serait constituée de 748 000 actions entièrement libérées de la société. L’appelant devait recevoir 166 000 de ces actions. En mai 1975, les actions n’avaient pas été émises et aucun accord formel n’avait été signé à l’égard de la cession de la propriété et de l’émission des actions. Le 25 septembre 1951 toutefois, eut lieu la signature d’un accord formel portant qu’il [traduction] « entrait en vigueur à compter du 15 juin 1951 », soit la date à laquelle les parties avaient convenu de céder à la société leur participation dans l’accord d’affermage en contrepartie d’actions. Entre-temps, la société était devenue une société ouverte et l’accord d’affermage avait connu le succès. La valeur des actions de la société s’était par conséquent élevée substantiellement entre le 15 juin 1951 et le 25 septembre 1951. Les actions n’ont pas été « attribuées » ou « émises » par la société aux quatre membres du syndicat financier avant le 25 septembre 1951.
Dans une décision majoritaire, la Cour suprême a statué qu’il y avait eu conclusion d’un accord liant les parties le 15 juin 1951 et que c’est à cette date que les actions ont été acquises. Pour arriver à cette conclusion, la majorité des juges se sont amplement fondés sur la conclusion de fait selon laquelle la société avait obtenu possession des éléments d’actif et des droits du syndicat financier le 15 juin 1951 et s’était acquittée des obligations qui incombaient au syndicat financier aux termes de l’accord d’affermage à compter de cette date. La Cour a mentionné que, le cas échéant, elle aurait fait droit à une demande d’exécution pure et simple tendant à réclamer l’émission des actions. Selon la Cour, la documentation formelle subséquente de l’opération n’a fait que suivre avec un certain retard l’accord réel qui existait déjà.
Pour les motifs susmentionnés, je ne puis conclure en l’espèce qu’un accord complet existait le 23 février 1978 quant à l’acquisition d’actions non librement négociables. Comme je l’ai déjà mentionné, le demandeur voulait acquérir des actions qu’il pouvait vendre. Lorsqu’il a donné avis de son intention de lever l’option le 23 février 1978, il savait que la société ne pouvait lui fournir des actions librement négociables. Il n’a pas versé de paiement pour les actions à ce moment. Il n’a exercé aucun des attributs de la propriété de ces actions, comme le droit de voter. Il ne s’est pas décrit comme détenteur de ces actions. La société ne l’a pas décrit comme détenteur de ces actions. Comme je l’ai déjà indiqué, je dois conclure en me fondant sur les faits que les actions ont été acquises par l’actionnaire le 30 août 1979.
Les faits — remboursement des frais judiciaires
Comme cela a déjà été mentionné, le demandeur et d’autres personnes furent accusés sous plusieurs chefs de complot dans le but de frauder B.X. et sous un chef de vol. Les faits qui ont donné lieu à ces accusations sont ainsi résumés dans le jugement du juge H.L. McGivern de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique :
[traduction] Sous une forme simplifiée, on peut résumer ainsi la preuve de la Couronne : Pezim, (président du conseil d’administration de B.X.) a, au printemps de 1974, pris connaissance de la possibilité d’acquérir en Arizona une usine de chaux connue sous le nom de Paul Lime Plant. Pezim a commencé à en discuter avec Sherwood Owens qui, pour sa part, connaissait le syndic de faillite d’une société nommée Homestake. La Paul Lime Plant a finalement été achetée au syndic par Owens et vendue à une filiale de B.X. Developments Ltd. Le prix d’achat comprenait de l’argent liquide et la prise en charge de certaines dettes et actions de la société mère, B.X. Developments Ltd. La Couronne prétend que la part de la contrepartie composée d’actions était depuis le début une « imposture » ou est devenue une « imposture » lorsque Pezim et ses coaccusés ont fait en sorte de recevoir d’Owens environ 350 000 actions de B.X. Developments Ltd. La Couronne prétend qu’une entente existait entre les accusés pour que la transaction se fasse au détriment de B.X. Developments et/ou de ses actionnaires.
La Couronne prétend de plus qu’un deuxième complot existait et consistait en une fraude de 50 000 $ à l’égard de B.X. Developments Ltd. Cette allégation qui représente le quatrième chef d’accusation de la dénonciation, touche deux paiements de 25 000 $ à Shillingford Investments Ltd. : « dissimulés » et considérés comme coûts d’acquisition de Paul Lime Plant. Selon la théorie de la Couronne, les accusés Clemiss, Pezim et Rotterman étaient d’accord pour acquérir ces fonds d’une manière illégale pour leur propre bénéfice et ils y ont été aidés par l’accusé Leverant.
Ainsi, le demandeur a été accusé, sous un premier chef, de complot dans le but de frauder B.X. à l’égard de 350 000 actions de son capital-actions. Il a été accusé, sous un deuxième chef, de complot dans le but de frauder les actionnaires de la société à l’égard des 350 000 actions. Le demandeur a été accusé, sous un troisième chef, de complot dans le but de voler à la société 350 000 actions de son capital-actions. Enfin, il a été accusé, sous un quatrième chef, de complot dans le but de frauder la société à l’égard de la somme de 50 000 $ versée à Shillingford Investments.
Ainsi que cela a été mentionné, le demandeur et ses coaccusés furent acquittés le 9 novembre 1979.
L’article 117 des statuts de B.X. stipule ce qui suit :
[traduction] INDEMNISATION ET PROTECTION DES ADMINISTRATEURS, CADRES, EMPLOYÉS ET DE CERTAINS MANDATAIRES
117. La société indemnisera quiconque a été … partie … à une action ou à une procédure terminée, de nature civile, criminelle ou administrative, engagée par la société ou par une société par actions ou quelque autre personne morale ou entreprise tel qu’il est stipulé plus loin, parce qu’il est ou a été un administrateur, … de la société ou, à la demande de la société, un administrateur … d’une autre société par actions, … de tous les coûts, frais et dépenses, y compris les frais judiciaires, et de tout montant versé en règlement de l’action ou de la procédure ou en exécution d’un jugement, s’il a agi honnêtement et de bonne foi au mieux des intérêts de la société par actions, autre personne morale ou entreprise susmentionnée dont il est ou a été un administrateur, … selon le cas, et fait preuve du soin, de la diligence et de la compétence d’une personne raisonnablement prudente et, en ce qui a trait à quelque action ou procédure de nature criminelle ou administrative, s’il avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était légitime; toutefois aucune indemnité ne doit être versée à un administrateur … de la société, ou à un administrateur ou ancien administrateur d’une société par actions dont la société est ou était actionnaire, sauf dans la mesure où elle est autorisée par un tribunal en vertu de la Company Act ou de quelque autre loi. La conclusion de toute action, poursuite ou procédure par jugement, ordonnance, règlement, condamnation ou autre moyen ne créera pas en soi une présomption portant que la personne visée n’a pas agi honnêtement et de bonne foi au mieux des intérêts de la société et qu’elle n’a pas fait preuve du soin, de la diligence et de la compétence d’une personne raisonnablement prudente et, en ce qui a trait à quelque action ou procédure de nature criminelle ou administrative, qu’elle n’avait pas de motifs raisonnables de croire que sa conduite était légitime.
L’article 152 de la Company Act de la Colombie-Britannique [R.S.B.C. 1979, ch. 59] porte :
[traduction] 152. (1) Une société peut, avec l’autorisation d’un tribunal, indemniser un administrateur ou un ancien administrateur d’une société ou un administrateur ou un ancien administrateur d’une société par actions dont il est ou a été actionnaire …, de tous les coûts, frais et dépenses y compris un montant payé pour régler un différend ou donner suite à un jugement, effectivement et raisonnablement engagés par lui, y compris un montant payé pour régler un différend ou pour satisfaire à un jugement dans une poursuite ou une cause civile, criminelle ou administrative à laquelle il est partie parce qu’il est ou qu’il a été un administrateur, y compris une action menée par la société ou la société par actions,
a) s’il a agi honnêtement et de bonne foi au mieux des intérêts de la société par actions dont il est ou a été un administrateur; et
b) si dans le cas d’une poursuite ou action dans une action criminelle ou administrative, il avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était légitime.
2) Le tribunal peut à la requête de la société, de l’administrateur ou d’un ancien administrateur rendre une ordonnance approuvant l’indemnité en vertu de cet article et le tribunal peut rendre toute autre ordonnance qu’il juge appropriée.
Le 24 mars 1980, un avis de convocation à une assemblée extraordinaire était expédié aux actionnaires. Le but de cette assemblée était d’autoriser le remboursement au demandeur des frais judiciaires qu’il avait engagés pour assurer sa défense contre les accusations criminelles. La direction recommandait qu’on lui accorde un remboursement en vertu de l’article 117 des statuts de la société et de l’article 151 de la Company Act de la Colombie-Britannique. La circulaire d’information jointe à cet avis portait :
[traduction] Trois des personnes qui demandent une indemnité, soit MM. Pezim, Clemiss et Rotterman, sont actuellement administrateurs de la société; le conseil d’administration a donc décidé, avant d’étudier la question de l’indemnisation de ces administrateurs, d’en saisir les actionnaires pour qu’ils donnent leur approbation ou émettent des directives …
MM. Pezim et Clemiss ont avisé la société du fait qu’ils avaient donné instruction à leurs avocats de présenter en leur nom au tribunal, sous le régime de l’article 151 de la Company Act, une demande d’approbation du paiement de l’indemnité qu’ils réclament. Toutefois, MM. Pezim et Clemiss ont tous deux consenti à retenir la demande qu’ils se proposent de faire devant le tribunal jusqu’à ce que la société ait eu l’occasion de demander l’approbation ou des directives de ses actionnaires au cours d’une assemblée générale extraordinaire qui doit être convoquée à cette fin.
…
Advenant que les actionnaires n’approuvent pas la totalité ou partie des demandes ou, dans le cas de MM. Pezim et Clemiss, que le tribunal n’approuve pas les demandes, le conseil d’administration rejettera les demandes et les demandeurs devront engager des poursuites judiciaires. De toute façon, les administrateurs n’ont pas l’intention d’approuver quelque versement réclamé avant que les demandes de MM. Pezim et Clemiss aient été examinées par le tribunal et qu’une décision ait été rendue.
À l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires qui s’est tenue le 5 mai 1980, la société a approuvé le versement d’un remboursement au demandeur :
[traduction] Il est résolu que les administrateurs soient autorisés à approuver le versement à Arthur Clemiss de la somme de 146 555 37 $, en guise de règlement de la demande d’indemnisation qu’il a présentée à la société, sous réserve de l’approbation de la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
La Cour suprême de la Colombie-Britannique a approuvé ce paiement le 13 juin 1980.
Remboursement des frais judiciaires — avantage tiré d’une charge ou d’un emploi
Le paragraphe 6(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 1] porte :
6. (1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments appropriés suivants :
a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit … qu’il a reçus ou dont il a joui dans l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu de la charge ou de l’emploi … [Je souligne.]
Le ministre a qualifié la somme de 146 533 37 $ comme un avantage reçu par le demandeur au sens de l’alinéa 6(1)a). Le demandeur prétend n’avoir reçu aucun avantage puisque le paiement était le remboursement de dépenses qu’il avait engagées, et n’avoir obtenu aucun avantage net.
L’avocat du demandeur invoque la décision Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] 1 C. de l’É. 293, dans laquelle la Cour a conclu que le versement de frais de déménagement à un employé ne constituait pas un avantage. Selon la Cour, le remboursement par un employeur des dépenses ou pertes engagées par un employé à cause d’un emploi ne représente ni une rémunération en soi, ni un avantage « de quelque nature que ce soit ». Les frais ont été versés à cause de son emploi mais non dans l’occupation de son emploi, et le paiement [traduction] « n’enrichit pas l’employé, mais ne fait que le défrayer ».
On a cité un certain nombre de décisions portant que le remboursement de dépenses engagées au cours de déménagements à la demande d’un employeur ne représentait pas un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a). Le remboursement de dépenses semblables a été examiné dans les affaires suivantes : McNeill c. Canada, [1987] 1 C.F. 119(1re inst.); Greisinger c. M.R.N. (1986), 15 C.C.E.L. 29 (C.C.I.); Phillips (W.R.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2372 (C.C.I.); Splane (R.O.J.) c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 199 (C.F. 1re inst.). Voir aussi Huffman c. Canada (1990), 71 D.L.R. (4th) 385 (C.A.F.), où la Cour a conclu qu’une indemnité de vêtements ne constitue pas un revenu. La Cour a conclu qu’il n’y avait aucun élément d’« avantage » économique pour le contribuable en cause. L’employeur ne faisait que rétablir la situation économique dans laquelle se trouvait le contribuable avant que l’employeur ne l’oblige à engager des dépenses pour des vêtements.
Dans l’affaire Rendell v. Went (1963), 41 Tax Cas. 641 (Ch. D.), modifiée à la page 650 (C.A.) [[1963] 3 All E.R. 325] et confirmée à la page 654 (H.L.) [[1964] 2 All E.R. 464], la Cour a conclu qu’un avantage avait été conféré à un contribuable quand son employeur avait payé les frais judiciaires engagés pour assurer sa défense contre des accusations d’avoir causé la mort d’autrui en conduisant de façon dangereuse et imprudente. Au moment en cause, l’employé conduisait la voiture de la société dans le cadre de son emploi. Il n’y a pas eu remboursement des frais judiciaires au contribuable, mais ce fait entraîne peu de conséquence. La société a tout simplement assuré la défense du contribuable et payé directement les frais judiciaires, qui auraient été plus élevés que si l’employé avait assuré lui-même sa défense. La Cour a conclu que les sommes dépensées constituaient un avantage qui devait être considéré comme un revenu aux mains de l’employé. L’avocat du demandeur prétend que l’affaire Rendell n’a qu’une valeur limitée puisqu’elle a été tranchée en vertu de la Income Tax Act du Royaume-Uni et que cette loi établit une catégorie d’« avantages » plus vaste que celle que prévoit notre loi.
De toute façon, eu égard à la jurisprudence canadienne, il s’agit de savoir si les frais judiciaires payés par le demandeur étaient des pertes subies à cause de son emploi ou de son poste d’administrateur, ou des frais de nature surtout personnelle. Dans la décision Pellizzari (T.) v. M.R.N., [1987] 1 C.T.C. 2106, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le remboursement de frais judiciaires engagés par une contribuable pour assurer sa défense contre des accusations criminelles liées aux activités commerciales de la société par actions dont elle était administratrice et employée constituait un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a). La Cour a conclu que le paiement des frais judiciaires avait constitué une dépense personnelle de la contribuable et que, par conséquent, leur remboursement par la société représentait un avantage pour elle. La société avait aussi été accusée, et les deux accusations avaient par la suite été retirées. L’avocat cherche à établir une distinction entre la présente instance et cette affaire en faisant valoir que dans cette dernière, la contribuable avait assuré elle-même sa défense et, partant, n’avait pas invoqué de cas types en matière de remboursement devant la Cour.
La décision de la Cour canadienne de l’impôt en l’espèce est largement fondée sur les arrêts R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 et R. v. Poynton, [1972] 3 O.R. 727 (C.A.), à la page 738. Dans l’arrêt Savage, la Cour affirme [à la page 440] :
Notre loi renferme la stipulation « avantages de quelque nature que ce soit … au titre, dans l’occupation ou en vertu de la charge ou de l’emploi », qui ne se trouve pas dans les lois anglaises mentionnées. Les mots « avantages de quelque nature que ce soit » ont nettement un sens très large; … De plus, notre loi parle d’un avantage « au titre » de la charge ou de l’emploi. Dans l’arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, cette Cour affirme ce qui suit, à la p. 39 : Dans cet arrêt, il est question de la Loi sur les Indiens où l’expression « in respect of » est rendue par « quant à ».
À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui a la portée la plus large.
L’interprétation suivante a été donnée dans l’arrêt Poynton [à la page 738] :
[traduction] Je ne crois pas que ces termes ne visent que les avantages liés à la charge ou à l’emploi en ce sens qu’ils représentent une forme de rémunération pour des services rendus. S’il s’agit d’une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l’objet d’une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive de l’art. 3.
Je trouve convaincant le raisonnement énoncé dans les décisions Pellizzari, Savage et Poynton. Dans les affaires de remboursement, il existe un lien entre la dépense et les exigences de l’emploi. En l’espèce, le demandeur a engagé les dépenses non pour s’acquitter de sa fonction mais pour répondre à des accusations criminelles portées personnellement contre lui. Les accusations ne portaient même pas sur des accusations contre la société. La société aurait été la victime présumée. Même si les actions qui ont donné lieu aux accusations criminelles se sont déroulées dans le contexte de l’emploi du demandeur au sein de la société et de son poste au sein du conseil d’administration, je ne puis déceler aucun lien étroit entre les frais engagés à leur égard et la position du demandeur en sa qualité d’employé et d’administrateur de la société, qui me permette de conclure qu’ils ont été engagés à cause de cet emploi ou de ce poste d’administrateur. Il est utile de se référer à l’arrêt Rendell. Dans cette affaire, l’employé était tenu, dans le cadre de son emploi, de conduire la voiture à l’endroit où l’accident s’est produit, mais non de façon imprudente ou dangereuse. Les frais engagés pour assurer la défense de l’accusé n’ont pas été engagés à cause de son emploi, mais tenaient de la nature de dépenses personnelles. Pour les motifs déjà mentionnés, la somme de 146 533 37 $ a été incluse à bon droit dans le revenu du demandeur.
Conclusion
Le demandeur a acquis les 40 000 actions de B.X. le 30 août 1979. Par conséquent, l’avantage imposable qu’il a reçu s’élevait à 286 400 $. Le remboursement des frais judiciaires qu’il a engagés pour assurer sa défense contre les accusations criminelles découlant des opérations liées à la Paul Lime Plant constituait un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a); il a donc, à bon droit, été inclus à titre de revenu. L’appel du demandeur est donc rejeté et la défenderesse aura droit à ses dépens dans l’action.