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[1993] 1 C.F. 231

A-915-92

Syndicat des travailleurs en télécommunications (requérant)

c.

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. et British Columbia Telephone Company (intimés)

Répertorié : Syndicat des travailleurs en télécommunications c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications) (C.A.)

Cour d’appel, juges Stone, MacGuigan et Desjardins, J.C.A.—Ottawa, 14 septembre et 13 octobre 1992.

Contrôle judiciaire — Appels prévus par la loi — Requête visant à obtenir le rejet d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du CRTC, aux termes de l’art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, au motif que l’existence d’un droit d’appel prévu par la loi fait obstacle audit contrôle — Selon l’art. 18.5, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel d’une décision d’une commission fédérale, cette décision ne peut « dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel » faire l’objet d’un contrôle — Demande d’autorisation d’appel rejetée — Le requérant n’étant pas reconnu comme partie devant le CRTC, il n’avait accès à aucune réparation en cas de prescription d’un contrôle judiciaire — L’art. 18.5 a été interprété d’une manière restrictive — Il n’est pas conçu pour empêcher la tenue d’un contrôle judiciaire — Une partie peut demander un contrôle judiciaire lorsqu’elle ne peut interjeter appel d’une décision.

Télécommunications — Le droit d’appel prévu par l’art. 68 de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications n’empêche pas d’effectuer un contrôle judiciaire d’une décision du CRTC, en exécution de l’art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, lorsqu’il est refusé à une partie d’interjeter appel — Une partie peut demander un contrôle judiciaire lorsqu’elle ne peut interjeter appel d’une décision.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications, L.R.C. (1985), ch. N-20 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 301), art. 68.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.5 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 28 (mod., idem, art. 8).

Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, ch. B-11, art. 26(1) (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art. 65, item 2).

Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. (1985), (2e suppl.), ch. 19, art. 13(1).

JURISPRUDENCE

DÉCISION NON SUIVIE :

Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Imperial Oil Ltd. (1990), 31 C.P.R. (3d) 284 (C.A.F.).

DÉCISION APPLIQUÉE :

Rich Colour Prints Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national, [1984] 2 C.F. 246; (1984), 60 N.R. 235 (C.A.).

DÉCISION EXAMINÉE :

Cathay International Television Inc. c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (1987), 50 C.P.R. (3d) 417; 80 N.R. 117 (C.A.F.).

REQUÊTE en vue d’obtenir le rejet d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, au motif qu’un tel contrôle ne peut être effectué dans les cas où un droit d’appel est prévu par la loi. Requête rejetée.

AVOCATS :

Morley D. Shortt pour le requérant.

Carolyn G. Pinsky pour l’intimé Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Christopher C. Johnston, c.r. et Christopher A. Taylor pour les intimés Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. et Association canadienne de télévision par câble.

Judy Jansen pour l’intimée British Columbia Telephone Company.

Personne n’a comparu pour le compte du Procureur général du Canada.

PROCUREURS :

Shortt, Moore & Arsenault, Vancouver, pour le requérant.

Contentieux du CRTC, Ottawa, pour l’intimé Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Johnston, Buchan & Dalfen, Ottawa, pour les intimés Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. et Association canadienne de télévision par câble.

Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancouver, pour l’intimée British Columbia Telephone Company.

Le sous-procureur général du Canada pour le Procureur général du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Desjardins, J.C.A. : L’unique point soulevé dans cette demande en vertu de l’article 28 de la Loi sur la Cour fédérale[1] consiste à savoir si le requérant, à qui la présente Cour a refusé d’interjeter appel de la lettre—décision Télécom CRTC 92-4 le 14 septembre 1992[2], peut quand même solliciter un contrôle judiciaire de la même décision, rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) le 26 juin 1992.

Le point en litige vient de ce que Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. (l’intimée) a demandé par voie de requête que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée au motif que, aux termes de l’article 18.5 [édicté, idem, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale[3], le requérant ne peut demander que la lettre—décision Télécom CRTC 92-4 soit soumise à un contrôle judiciaire en raison de l’existence d’un droit d’appel prévu par l’article 68 de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications[4] Puisque, comme il a été mentionné précédemment, la présente Cour a refusé que le requérant interjette appel, l’intimée soutient que la simple existence d’un droit d’appel dans le recueil de lois empêche le requérant de recourir à un contrôle judiciaire.

Certes, dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Imperial Oil Ltd., où le paragraphe 13(1) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence[5] procurait un droit d’appel d’une grande portée relativement à une décision au sujet de laquelle les appelants avaient demandé un contrôle judiciaire, le juge Mahoney, de la Cour d’appel, siégeant seul, a décrété ce qui suit[6] :

Il n’est pas pertinent de savoir si les appelants avaient eux-mêmes ce droit à l’égard de cette décision, parce qu’ils n’étaient pas parties à la procédure qui y a donné lieu. La disposition législative qui prévoit expressément un droit d’appel exclut la compétence découlant de l’article 28.

Cependant, dans Cathay International Television Inc. c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes[7], la Cour d’appel fédérale, en rejetant une demande interjetée en vertu de l’article 28 parce que le paragraphe 26(1) de la Loi sur la radiodiffusion[8] prévoyait un droit d’appel, s’est fondée sur la décision Rich Colour Prints Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national[9], où le juge Pratte, J.C.A. a déclaré ceci :

À notre avis, l’article 29 dit clairement qu’une décision qui, en vertu d’une loi du Parlement, peut faire l’objet d’un appel à une autorité visée à l’article ne peut, dans la mesure où il peut en être ainsi interjeté appel, faire l’objet d’une demande fondée sur l’article 28. Il s’ensuit que si le droit d’appel n’est pas limité, la décision ne peut être examinée en vertu de l’article 28; si le droit d’appel est limité, par exemple à la question de compétence, la décision peut être examinée en vertu de l’article 28 sur le fondement de moyens qui ne peuvent être soulevés en appel. Contrairement à ce qui a été allégué par l’avocat de la requérante, cette interprétation ne rend pas superflus les derniers mots de l’article 29. Ces mots sont nécessaires pour préserver la compétence de la Cour lorsqu’une loi du Parlement prévoit qu’une décision d’un office fédéral peut non seulement faire l’objet d’un appel à une autorité mentionnée à l’article 29 mais également être examinée par la Cour fédérale; dans un tel cas, la décision peut être examinée par la Cour mais seulement « dans la mesure et de la manière prévues dans cette Loi ». [Soulignement dans l’original.]

Nous avons affaire en l’espèce non pas à la limitation d’un droit d’appel due à un texte législatif, encore qu’il en existe une, mais à la situation où, étant donné que le requérant n’est pas reconnu comme partie devant le CRTC, il n’aurait accès à aucune réparation possible en cas d’exclusion d’un contrôle judiciaire. J’incline à interpréter l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, notamment les mots « dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel », de manière très restrictive, en accord avec la décision Rich Colour Prints Ltd., avec le résultat qu’une partie, lorsqu’elle ne peut interjeter appel d’une décision, peut demander un contrôle judiciaire. Je ne crois pas que l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale soit conçu pour empêcher la tenue d’un contrôle judiciaire dans de telles circonstances.

Je suis d’avis de rejeter cette requête en annulation.

Le juge Stone, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge MacGuigan, J.C.A. : J’y souscris.



[1] L.R.C. (1985), ch. F-7 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8]

[2] 92-A-4516. Dans la cause 92-A-4517, la Cour a autorisé le même jour, soit le 14 septembre 1992, l’intimée British Columbia Telephone Company à interjeter appel de la lettre—décision Télécom 92-4.

[3] 18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l’impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi. [C’est moi qui souligne.]

[4] L.R.C. (1985), ch. N-20 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 301], art. 68 :

68. (1) Les décisions de la Commission sont susceptibles d’appel à la Cour d’appel fédérale sur une question de droit ou une question de compétence, quand une autorisation à cet effet a été obtenue de cette Cour sur demande faite dans le délai d’un mois après que l’ordonnance, la décision, la règle ou le règlement dont appel est projeté a été pris, ou dans telle autre limite de temps que le juge permet dans des circonstances spéciales, après avis aux parties et à la Commission, et après audition de ceux des intéressés qui comparaissent et désirent être entendus. [C’est moi qui souligne.]

[5] L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19.

[6] (1990), 31 C.P.R. (3d) 284 (C.A.F.), p. 286 et 287.

[7] (1987), 50 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.).

[8] S.R.C. 1970, ch. B-11 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10, art. 65, item 2).

[9] [1984] 2 C.F. 246 (C.A.), à la p. 248.

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