[2000] 3 C.F. 18
A-38-00
Rhea Panchoo par sa tutrice à l’instance, Yvette Panchoo (appelante)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
Répertorié : Panchoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.)
Cour d’appel, juge Robertson, J.C.A.—Ottawa et Toronto (téléconférence), 21 janvier; Ottawa, 31 janvier 2000.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Le bien-fondé de la jurisprudence voulant qu’on ne puisse interjeter appel d’un refus de surseoir à une ordonnance d’expulsion en attendant qu’il soit statué sur la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire est mise en doute — La Cour doute que les art. 82 et 83 de la Loi sur l’immigration fassent obstacle à tout appel — On peut prétendre qu’une demande de sursis est sollicitée en vertu de la Loi sur la Cour fédérale et non en vertu de la Loi sur l’immigration — L’insistance du ministre à procéder immédiatement à l’expulsion court-circuite le processus de demande d’autorisation et est déroutante eu égard aux considérations d’ordre humanitaire.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — L’arrêt de la C.S.C. dans Baker c. Canada (MCI) n’étaye pas la proposition voulant qu’un enfant puisse légalement recourir de son chef à la justice pour contester une mesure d’expulsion rendue contre un parent.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Recours — Une enfant tente d’éviter l’expulsion de son père du Canada — Seule la personne qui a personnellement subi une atteinte aux droits que lui garantit la Charte peut chercher à obtenir un redressement en vertu de l’art. 24 de la Charte.
La jeune appelante a sollicité, par les soins de sa tutrice à l’instance, la suspension interlocutoire de la mesure d’expulsion de son père en attendant que la Cour statue sur un appel contre la décision du juge des requêtes de rejeter sa demande de sursis en attendant que la Cour statue sur l’action introduite en vue d’obtenir diverses mesures par jugement déclaratoire. L’appelante avait intenté cette dernière action après qu’on eut refusé à son père sa demande de sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion en attendant que la Cour statue sur la demande d’autorisation relative au contrôle judiciaire de la décision rejetant sa requête visant à obtenir le droit d’établissement pour des considérations d’ordre humanitaire.
Arrêt : la demande est rejetée.
L’insistance du ministre à vouloir expulser le père de l’appelante avant l’examen de sa demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire était déroutante. Il possédait des permis de travail en règle et occupait un emploi à plein temps. La mère de l’appelante a dû subir une chirurgie reliée au cancer et par la suite, elle était moins capable qu’auparavant de faire face au stress de la vie quotidienne et il en est résulté que la responsabilité du bien-être de l’appelante était retombée dans l’ensemble sur les épaules de son père. Sans le revenu d’emploi du père, la famille n’aurait d’autre choix que de recourir au bien-être social.
La jurisprudence actuelle confirme la proposition voulant qu’on ne puisse interjeter appel d’un refus de la Section de première instance de surseoir à une ordonnance d’expulsion en attendant qu’il soit statué sur la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire; la Cour doute cependant que les articles 82 et 83 de la Loi sur l’immigration fassent obstacle à tout appel d’un tel refus. On peut prétendre qu’une ordonnance de sursis ne constitue pas « une question relevant de », la Loi sur l’immigration, l’ordonnance étant sollicitée en vertu de la Loi sur la Cour fédérale. L’insistance du ministre à procéder immédiatement à l’expulsion court-circuite le processus de demande d’autorisation. Le juge a déjà fait part de ses frustrations au regard du refus du ministre de donner à des personnes l’occasion de faire valoir leur point de vue au tribunal.
Du fait que l’article 82.2 de la Loi sur l’immigration a été interprété comme faisant obstacle à tout appel de la décision du juge des requêtes, l’avocat a déposé une action au nom de la fille de son client en vue d’obtenir, entre autres, une déclaration affirmant que l’expulsion de son père serait contraire à ses intérêts supérieurs conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration). Le juge des requêtes a déclaré ne pas avoir compétence pour entendre la requête en sursis du fait qu’elle constitue un recours abusif, qu’une mesure de redressement déclaratoire ou par injonction doit être demandée par voie de contrôle judiciaire et que la demanderesse n’a pas qualité pour contester l’ordonnance d’expulsion de son père.
Il n’existe aucune question grave en l’espèce puisque l’appelante n’a pas qualité pour contester la mesure d’expulsion. L’arrêt Baker n’étaye pas la proposition voulant que l’enfant puisse légalement aujourd’hui recourir de son propre chef à la justice pour empêcher que son parent ne soit renvoyé du Canada.
L’appelante ne peut recourir au paragraphe 24(1) de la Charte pour éviter sous forme d’interdiction faite au ministre d’expulser son père en attendant qu’une évaluation de ses intérêts supérieurs ait lieu. Seule la victime d’une atteinte à des droits garantis par la Charte peut chercher à obtenir un redressement.
Enfin, les demandes de jugement déclaratoire et d’injonction peuvent, et devraient normalement, être instruites par voie de contrôle judiciaire : Moktari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration). Intenter une action parallèle est inutile et gaspille les ressources de la Cour.
Il s’agit d’un cas où la justice et la loi sont en conflit. Bien que la Cour ne soit pas saisie des éléments de fond concernant la demande du père, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles le père ne pouvait se prévaloir d’une exception pour des raisons d’ordre humanitaire. Le ministre a été incapable de donner une raison convaincante quant à la nécessité d’expulser le père avant que la Cour n’ait statué sur sa demande d’autorisation. La demande de sursis est rejetée, mais les dépens sont adjugés à l’appelante déboutée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 24(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 82 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33; L.C. 1992, ch. 49, art. 72; 1997, ch. 22, art. 9), 82.2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 83 (mod., idem), 114(2) (mod., idem, art. 102).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Langner c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration et al. (1994), 98 F.T.R. 188 (C.F. 1re inst.); conf. par (1995), 29 C.R.R. (2d) 184; 184 N.R. 230 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1995] 3 R.C.S. vii; Moktari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 341 (C.A.); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (C.A.).
DÉCISION MISE EN DOUTE :
Ramnarine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] F.C.J. no 404 (C.A.) (QL).
DÉCISION CITÉE :
Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 206 (1999), 176 D.L.R. (4th) 296 (C.A.).
DEMANDE de sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion en attendant que la Cour statue sur un appel. Demande rejetée.
ONT COMPARU :
Osborne G. Barnwell pour l’appelante.
Ann Margaret Oberst pour l’intimé.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ferguson, Barnwell, Toronto, pour l’appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
[1] Le juge Robertson, J.C.A. : Patrick Toussaint, père de l’appelante, a été frappé d’expulsion suite au rejet de sa requête visant à obtenir le droit d’établissement pour des considérations humanitaires. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration voulait expulser M. Toussaint avant que la Section de première instance de cette Cour n’étudie sa demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Après le rejet de la demande de sursis de la mesure d’expulsion de M. Toussaint, sa fille de six ans, Rhea Panchoo, a introduit une action en justice par les soins de sa tutrice à l’instance en vue d’obtenir diverses mesures par jugement déclaratoire. Elle a ensuite demandé qu’il soit sursis à la mesure d’expulsion de son père en attendant l’issue de l’instance. Le 20 janvier 2000, Mme le juge Tremblay-Lamer a rejeté ladite demande et un appel de cette décision est pendant devant la Cour. La fille appelante veut obtenir une suspension interlocutoire en attendant que la Cour statue sur l’appel.
[2] Je dois exprimer tout d’abord ma consternation devant l’insistance du ministre à vouloir expulser le père de l’appelante, M. Toussaint, avant la mise en état et l’examen de sa demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, et ce, en raison même des faits de cette affaire. L’appelante est la fille d’Yvette Panchoo (sa tutrice à l’instance) et de M. Toussaint. Mme Panchoo et M. Toussaint se sont connus en 1983 et ont quitté la Grenade pour le Canada en 1989. Ils vivent depuis lors en union de fait. Rhea est née en août 1993. À peu près à cette date, M. Toussaint a décroché un emploi à plein temps qui lui rapporte environ 660 $ par semaine. Depuis 1996, il a obtenu du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration des permis de travail en règle. En 1997, on a décelé chez Mme Panchoo un cancer du sein qui a entraîné l’ablation de son sein gauche. Cette maladie a eu un effet dévastateur sur Mme Panchoo qui est devenue craintive et moins capable qu’auparavant de faire face aux événements de la vie quotidienne. De ce fait, la responsabilité du bien-être de Rhea est retombée dans l’ensemble sur les épaules de M. Toussaint. La maladie a également causé des tensions entre les époux et, à un moment donné, Mme Panchoo a quitté le domicile familial durant plusieurs semaines mais y est retournée par la suite. En août 1999, M. Toussaint a demandé, du Canada même, le droit d’établissement au pays pour des raisons humanitaires étant donné la maladie de Mme Panchoo et le fait que la famille compte pour vivre sur le salaire hebdomadaire de M. Toussaint, sans qui elle n’a d’autre choix que de recourir au bien-être social.
[3] Le 1er décembre 1999, M. Toussaint a été informé par lettre que sa demande d’obtention du droit d’établissement à partir du Canada pour des raisons d’ordre humanitaire était rejetée. Le 15 décembre 1999, son avocat a demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire contre le refus de l’agent d’immigration de faire bénéficier son client de l’exception prévue au paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod par L.C. 1992, ch. 49, art. 102)]. Toutefois, avant que la demande d’autorisation n’ait pu être mise en état, le départ de M. Toussaint a été fixé suite à une mesure d’expulsion conditionnelle prise en octobre 1994. On l’a requis de se présenter le 21 janvier 2000 au Centre d’immigration de l’Aéroport international Lester B. Pearson pour s’envoler le matin même pour la Grenade. Le 5 janvier 2000, son avocat a présenté une requête en ordonnance de sursis à l’exécution de la mesure expulsion. La requête a été débattue devant le juge des requêtes, à Toronto, le 10 janvier. Le lendemain, la demande de sursis a été rejetée sans motifs à l’appui.
[4] Je conviens que la jurisprudence actuelle confirme la proposition voulant qu’on ne puisse interjeter appel d’un refus de surseoir à une ordonnance d’expulsion en attendant qu’il soit statué sur la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire : voir Ramnarine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] F.C.J. no 404 (C.A.) (QL). Avec égards, je doute fort cependant que les articles 82 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33; L.C. 1992, ch. 49, art. 72; 1997, ch. 22, art. 9] et 83 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73] de la Loi sur l’immigration fassent obstacle à tout appel d’un refus par la Section de première instance d’accorder un sursis en attendant la mise en état et l’examen d’une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. S’il en allait ainsi, même une partie dont la demande de sursis, par exemple, aurait été entendue par un juge « somnolent » n’aurait aucune voie de recours pour obtenir redressement. En outre, on peut prétendre que, au regard de l’interprétation législative, une ordonnance de sursis ne constitue pas « une question relavant », de la Loi sur l’immigration. Une demande portant sur une telle ordonnance est présentée en vertu de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] et, par conséquent, n’est pas visée par les objets qui sous-tendent les articles 82 et 83.
[5] Il importe de savoir que la décision ministérielle de procéder à l’expulsion a été prise avant même la mise en état de la demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Le ministre sait fort bien qu’en agissant de la sorte, il force la personne frappée d’expulsion à demander une ordonnance de sursis à l’exécution où on fera valoir que la demande de contrôle judiciaire porte sur une question grave. Par ailleurs, cet argument est, à toutes fins utiles, le même qui sera exposé à un juge de première instance dans le cadre de son examen visant à déterminer s’il accueillera la demande d’autorisation. Par conséquent, l’insistance du ministre à procéder immédiatement à l’expulsion court-circuite le processus relatif à cette demande. J’ai déjà fait part de mes frustrations au regard du refus du ministre de donner à des personnes l’occasion de faire valoir leur point de vue au tribunal : voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 206 (C.A.). On aurait pensé que le ministre ne recourrait à l’expulsion que dans les cas les plus nets et les plus déterminants.
[6] Du fait que l’article 82.2 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73] de la Loi sur l’immigration a été interprété comme faisant obstacle à tout appel de la décision du juge des requêtes, l’avocat de M. Toussaint a déposé une action au nom de la fille de son client en vue d’obtenir, entre autres, une déclaration affirmant que l’expulsion de son père serait contraire à ses intérêts supérieurs conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. En fait, la jeune appelante réclamait ce que le juge des requêtes lui avait déjà refusé, soit un sursis de l’ordonnance d’expulsion de son père. L’avocat a alors demandé le sursis en attendant l’issue de l’action.
[7] Le 20 janvier 2000, Mme le juge Tremblay-Lamer a rejeté la requête en sursis d’exécution dans les termes suivants :
[traduction] Considérant qu’une mesure de redressement déclaratoire ou par injonction doit être demandée par voie de contrôle judiciaire et vu que la demanderesse n’a pas qualité pour contester l’ordonnance d’expulsion de son père, la Cour déclare ne pas avoir compétence pour entendre la requête en sursis du fait qu’elle constitue un recours abusif.
[8] Avec égards, j’estime qu’il n’existe aucune question grave en l’espèce puisque l’appelante n’a pas qualité pour contester la mesure d’expulsion. Comme l’observe à juste titre l’avocate du ministre, la décision Baker exige que le ministre (ou son représentant) tienne suffisamment compte de l’intérêt des enfants que sa décision peut toucher avant de décider s’il faut ou non accorder le droit d’établissement à un parent pour des raisons d’ordre humanitaire. Elle n’étaye pas la proposition voulant que l’enfant puisse légalement aujourd’hui recourir de son propre chef à la justice pour empêcher que son parent ne soit renvoyé du Canada.
[9] En outre, l’appelante réclame un redressement en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] sous forme d’interdiction faite au ministre d’expulser son père en attendant qu’une évaluation de ses intérêts supérieurs ait lieu. La jurisprudence dit clairement, toutefois, qu’une personne qui cherche à obtenir redressement en vertu du paragraphe précité doit personnellement avoir subi une atteinte aux droits que lui garantit la Charte et qu’elle ne peut fonder sa demande sur une violation des droits de tierces parties. Voir Langner c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration et al. (1994), 98 F.T.R. 188 (C.F. 1re inst.); confirmé par (1995), 29 C.R.R. (2d) 184 (C.A.F.), autorisation de se pourvoir devant la C.S.C. refusée, [1995] 3 R.C.S. vii.
[10] Je dois également convenir avec l’avocate du ministre que notre Cour a expressément statué dans l’affaire Moktari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 341 (C.A.), que les demandes de jugement déclaratoire et d’injonction peuvent, et devraient normalement, être instruites par voie de contrôle judiciaire. Il est inutile d’intenter une action parallèle qui réduira l’aptitude de la Cour à rendre justice de façon rapide et efficace. L’avocat de M. Toussaint admet qu’il n’aurait pas engagé cette action si le juge des requêtes avait accepté de surseoir à l’expulsion. C’est pour ces trois motifs que je conclus à l’absence d’une question grave.
[11] On dit parfois que les cas d’exception font de mauvais précédents. Cela n’est vrai que dans la mesure où, pour aboutir à une issue équitable, il faut bousculer les principes juridiques reconnus. Cela dit, voici un cas où la justice et la loi sont en conflit. M. Toussaint semble être un homme qui a durement travaillé pour s’établir au Canada et assurer l’avenir de sa femme et de sa fille. C’est un travailleur qualifié qui a un emploi stable et son employeur le dit digne de confiance. Il détient légalement un permis de travail qui est accordé indépendamment de son statut au Canada. Il paye ses impôts, n’a jamais demandé l’aide sociale et n’a pas de casier judiciaire. Son ministre du culte le qualifie d’homme généreux qui participe au fonctionnement d’une banque alimentaire et fait preuve des qualités propres à un travailleur assidu. Considérant les qualités personnelles de M. Toussaint et la dépendance financière et psychologique de sa famille à son endroit, on est porté à se demander ceci : si M. Toussaint ne peut se prévaloir d’une exception pour des raisons d’ordre humanitaire, qui donc le peut? Je trouve également curieux que le ministre n’ait apparemment pas tenu compte du fait que l’expulsion de M. Toussaint aura vraisemblablement pour conséquence que sa femme et sa fille devront demander l’aide sociale. De plus, je constate que le ministre a été incapable de donner une raison convaincante quant à la nécessité d’expulser M. Toussaint avant que la Section de première instance de cette Cour n’ait statué sur sa demande d’autorisation. Cela dit, je sais bien que je ne suis pas saisi des éléments de fond concernant la demande de M. Toussaint. (En ce qui a trait à la norme de contrôle appropriée pour l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire, voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), précité, et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (C.A.), à partir du paragraphe 129.)
[12] C’est avec regret que, me conformant à la loi, je rejette la demande de sursis, mais avec dépens en faveur de l’appelante, dont je fixe le montant à 500 $.