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X01.4. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. 399 QUEBEC ADMIRALTY DISTRICT.. CANADIAN ELECTRIC CO .. PLAINTIFF ; 910 Nov. 18. AND THE STEAMSHIP " CROWN OF ARAGON." ShippingCollisionElectric CableAgreement between Plainti f and Quebec Harbour CommissionersValidity--DonationStipulation for . the benefit of third partiesC. C. P. Q. Art. 1029Infringement of Local RuleJustification. Held : That the Harbour of Quebec is the property of the State (i.e. the Dominion of Canada), and is controlled by the Quebec Harbour Commissioners in the interest of shipping; hence an agreement between the plaintiff company and the Commissioners, permitting the former to lay down an electric cable on the bed of the harbour must be held to be valid as having been made in the interest of navigation which the Commission is bound to protect and promote. 2. The said agreement operates as a donation to the plaintiff company, and in such a case the Commissioners could validly stipulate for the benefit of others (C.C.P.Q. Art. 1029). 3. That under the said agreement the defendant can only be held responsible for wilful or culpable fault, and, under the evidence, it did not appear that the defendant was guilty of such fault. 4. The defendant ship had collided with and damaged the plaintiff's cable While it appeared that the damage was occasioned by the defendant transgressing a local regulation of the Harbour of Quebec,it was done to avoid a collision with other vessels, and was held to be justifiable, under the circumstances. [Rule of Navigation No. 27, secs. 916, 917, R.S.C. 1906 c. 113, considered.) A CTION in rem for damages against a ship for injury to a submarine cable. The facts are fully stated in the reasons for judgment. The case was heard at Quebec on the 26th October, 1910. L. P. Pelletier, K.C., for plaintiff. C. Pentland, K.C., and C. A. Duclos, K.C., for ship. 26
400 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. XIII. 1910 ROUTHIER, L. J., now (November 18th, 1910, CANADIAN delivered judgment. ELECTRIC CO. V. Dans la cause Canadian Electric Co. vs. SS. TIIE STEAMSIHIP "Crown of Aragon," il s'agit d'une action au montant F ARA ox de $10,000 de dommages causés au câble électrique Reasons for de la Compagnie demanderesse, qui était posé au Judgment. fond du fleuve, dans le Havre de Québec, et qui a été endommagé par le Steamer "Crown of Aragon", le 9 juillet dernier, vers huit heures du soir, par la faute et la négligencedit la demanderessedes officiers du Steamer "Crown of Aragon". La défense expose les faits suivants: 1° Que le Steamer était attaché au shed ou hangar No. 19 du bassin Louise, le 9 juillet. Vers huit heu-res et dix (8.10) du soir, sous la conduite du pilote Perron, assisté d'un remorqueur, le steamer est sorti du bassin. Deux amarres le retenaient au quai, aux soins d'hommes expérimentés, pour faciliter la ma-nœuvre; 2° Quand ces amarres ont été lâchéesje fais toujours le récit de la défensedu quai, elles ont été tirées â bord aussi promptement que possible, mais l'extrémité de l'une de ces amarres s'est enroulée dans l'hélice; il fallut arrêter la machine et, pour empêcher la marée montante de jeter le steamer sur un bateau amarré au quai Crawford, on jeta l'ancre qui s'accrocha dans le câble de la demanderesse et d' on le dégagea le plus tôt possible; 3° Que tout cela s'est fait sous les ordres d'un pilote dans le cours ordinaire de la navigation, avec la prudence et l'habileté d'usage, et que l'accident est arrivé en conséquence par cas fortuit; La défense allègue de plus une convention entre la demanderesse et les Commissaires du Havre, du 27 novembre 1901, par laquelle la demanderesse, la
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. 401 Canadian Electric Co., a renoncé à tout recours pour 1910 dommages à son câble, dans le cas d'accidents causés CANADIAN ELECTRIC CO. par 'des navires qui seraient sous les ordres de pilotes v. réguliers, et même sans pilotes dans certains cas CROWN OF expliqués par la convention. _ ARAGON. La preuve faite consiste dans des. admissions de LeIrm R n e a e e s o n Pu r faits, dans les témoignages et dans certains documents qui sont produits. L'admission de fait admet la propriété du câble de la demanderesse; elle admet qu'il était placé dans l'espace il est défendu aux vaisseaux d'ancrer; elle admet que les traversiers circulent dans cet espace-là, et enfin, elle admet les règlements du port, qui sont produits dans la cause. Monsieur L. P. Pelletier, avocat de la deman-deresse, en même temps que président de la demande- resse, s'est fait entendre comme témoin et, dans son témoignage, il parait faire une question de ce que le câble posé en 1901, très peu de temps après l'acte de convention sur lequel nous reviendrons, n'existe plus, et que le câble actuel, celui qui a été brisé, fût posé en 1907 sans convention spéciale; il parait croire que cela peut avoir quelque effet sur l'issue de cette cause, mais il est évident que cela est absolument sans effet; car la convention stipule explicitement non pas de poser un câble, mais de poser dés câbles quand la compagnie demanderesse en aura besoin et non pas seulement celui qui sera posé immédiatement après la convention. Il est évident que l'acte d'arrangement n'était pas pour un seul câble ni pour une seule année, mais pour le temps que la compagnie en aura besoin. Les autres moyens invoqués par la demanderesse sont. les suivants: Elle dit d'abord que la convention de 1901 est nulle, parce qu'elle est une stipulation pour autrui. En thèse générale en effet, on ne peut pas 26/
402 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. XIII. 191° stipuler pour autrui. Mais on peut le faire dans '1J CANADIAN bien des cas cependant, qui sont des exceptions à ELECTRIC CO. cette règle générale. Par exemple, qu'est-ce que la STEAMSHIP CROWN OF gestion d'affaires? La gestion d'affaires n'est rien ARAGON. autre chose qu'une stipulation pour autrui et elle est Re r J( Igmen . parfaitement légale. Dans la gestion d'affaires, vous agissez pour un tiers vis-à-vis de quelqu'un sans l'autorisation de ce tiers; la convention que vous faite est valide et elle produit ses effets. Elle vaut aussi, dans le cas de l'article 1029. Or, l'article 1029 de notre code civil se lit comme suit: "On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers "lorsque telle est la condition d'un contrat que l'on "fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait "à un autre . Celui qui fait cette stipulation ne peut "plus la révoquer si le tiers a signifié d'en profiter". Voilà donc un cas bien spécial, déterminé par l'article 1029, dans lequel on peut stipuler valablement au profit d'un tiers. On peut imposer à la donation des conditions et des stipulations en faveur d'un tiers. C'est précisément le cas ici. La Commission du Havre a fait une vraie donation à la Compagnie demanderesse en lui donnant le droit de poser son câble sur le lit du fleuve. C'est un vrai don parce que la . Compagnie demanderesse ne paie rien pour cela; et alors la Commission du Havre lui a imposé les conditions qui sont contenues dans la convention. Ce premier moyen invoqué par la demanderesse n'est donc pas fondé. Il est évident que la convention, quoiqu'elle ait été faite en faveur de tiers, c'est-à-dire en faveur des navires qui sillonnent le port de Québec, était parfaitement valide en loi, parce qu'elle était une véritable donation consentie par les Com-missaires du Havre à la Compagnie demanderesse.
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. En outrè, la Commission du Havre représente l'Etat; elle administre le domaine public dans l'intérêt de la marine, et quand elle concède à une Compagnie privée des droits, des privilèges, des jouissances sur ou dans cette propriété publique dont elle a l'admi- nistration, elle peut y m ettre les conditions, le réser-. 1 ves, les limitations qu'elle juge nécessaires dans l'intérêt public, ou dans l'intérêt d'une industrie ou d'un service d'utilité publique. Ce n'est pas stipuler pour autrui, si elle stipule pour les intérêts de la Marine, c'est stipuler pour les intérêts qui liai sont confiés. Elle agit alors comme mandataire de la marine marchande dont elle repré-sente les intérêts. En réalité d'ailleurs, dans ce cas-ci, elle ne fait que mettre des restrictions, des limitations aux droits, à la jouissance qu'elle concède gratuitement. Cette convention . est donc valide en droit; cela ne fait aucun doute, à mon avis. La vraie question est de savoir quelle est l'étendue des effets de cette convention. En ce qui concerne la Commission du Havre, la convention est parfaitement claire. La condition troisième l'exempte de toute, responsabilité. Voici comment se lit cette clause troisième de la conven- tion: "That the Commissioners shall in no way be res- ponsible for any damage that may occur through the "infraction of the By-Law by whomsoever, or through "any other cause, and that all and every infraction "of the said By-Law, brought under the notice of the "Harbour Commissioners, shall be - prosecuted by "them, if the Commissioners shall think fit so to do, "against any and every party or parties infringing "the rules laid down by the said By-Law". 403 1910 CANADIAN E LECTRIC Co. v. o ROwN f, o Aiouoi Ju 7 d :1 g 7 n 1 ~ a ~ n o t ~ ~ .
404 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. XIII. 1910 Elle ne s'oblige pas même à poursuivre les infrac- CANADIAN tions et elle n'est responsable en aucune manière. ELECTRIC Co. V. Mais dans quel cas les navires seront-ils irrespon- STEAMSHIP caowN oe ponsables, d'après la clause huitième Voici com-ARAGON. ment se lit cette clause, relativement aux navires: Rea9onca tr . : "That vessels when in charge of pilots shall be "relieved by the said Company from all respon-"sibility whatever for accidents to their cables or "lines, and will only be held responsible when an "accident is caused by the wilful or culpable carelessness on the part of their officers when the said "vessels are not in charge of pilots". Comme on le voit, il y a deux cas prévus par cette clause huitième; Quand ces navires seront en charge d'un pilote, c'est-à-dire sous la direction et la conduite d'un pilote, la restriction de la responsabilité dans ce premier cas paraît être absolue et générale. Mais on l'attaque en droit, en disant "qu'il n'est pas permis de stipuler qu'on ne sera pas responsable de sa faute". Il est incontestable en effet, qu'une telle stipulation ne peut pas être absolue et couvrir par exemple un dé-lit. Au deuxième cas, quand ces navires ne sont pas en charge d'un pilote, la convention dit: " When an acci- dent is caused by the wilful or culpable carelessness "of the officers". Je viens de dire que quand ils sont en charge d'un pilote, d'après la convention, la restriction de la responsabilité est absolue et géné-rale, mais que même dans ce cas elle ne couvrirait pas un délit. Dans le deuxième cas, il faut encore, d'après la convention "the wilful or culpable carelessness of "the officers", pour que le navire soit responsable. Cela veut dire évidemment que le fait préj udi-ciable ne suffit pas pour entraîner la responsabilité, mais
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. 405 qu'il faut une faute lourde pour qu'il y ait responsabilité. 1 910 On sait qu'en droit civil, un fait préjudiciable suffit CANADIAN ELECTy ic co. pour rendre responsable celui qui l'a `commis, même sans intention criminelle, même sans avoir voulu CRowN oF faire mal; une seule négligence, une seule imprudence ARAGON. suffitpo ur le rendre responsable. Ceci, c'est le droit x Ju ea d s g o m ne n fo t. r commun; mais, en vertu de cette convention-là, on -- voit qu'il faut plus qu'une simple imprudence, plus qu'une simple négligence, mais "the wilful and culpable "carelessness" c'est-à-dire une faute lourde et volon- taire. Quelle est la raison de cette stipulation dans cette convention? C'est évidemment l'intérêt public que la Commission du Havre a voulu. protéger. Elle a voulu faire une faveur à la Compagnie demande- resse, en lui donnant gratuitement le droit de poser son câble sur le lit du Fleuve St-Laurent ; mais elle a voulu favoriser plus encore, la circulation des navires ' dans le port. C'est l'intérêt majeur dont elle est chargé, c'est l'intérêt primordial. Attirer les navires dans le port de Québec, leur assurer le plus de liberté, le plus de sécurité, le plus de privilèges possibles. Le port, c'est le domaine de la Marine et non pas le domaine des cables électriques. Par exception, on permet à la Compagnie demanderesse d'en poser; mais à la condition qu'elle ne sera pas une gêne pour les navires et que si les accidents de la navigation causent des dommages â ses câbles, elle n'aura de recours que contre les navires sans pilote et coupables de faute volontaire, ou encore contre les navires ayant pilote, mais coupables de véritable délit. Pour que la Compagnie ait droit de se plaindre, il faudra donc deux conditions: Absence de pilote et négligence volontaitre et coupable. Ici, il y avait
406 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. xIII. 1910 pilote et il n'y a pas eu, suivant nous, une faute volon- 7~ CANADIAN taire et coupable. ELEOTRIC Co. V. Le pilote Perron a peut-être commis une erreur de STEAMSHIP CROWN OF jugement; il a peut-être commis un fait d'inexpé- ARAGON. rience, mais il n'a pas voulu faire mal. Il ne peut Judgmentr pas avoir voulu un accident à son propre navire. -- Quand il a jeté l'ancre, il voulait éviter une collision, et les circonstances et les témoins le prouvent. Il s'en allait se frapper sur les navires qui étaient amar-rés au quai Crawford, s'il n'avait pas arrêté son vais-seau. Quand il a jeté l'ancre, il voulait donc éviter une collision avec d'autres vaisseaux, c'est-à-dire éviter un plus grand mal pour les autres et pour lui-même. On dit: "Mais il a trangressé une règle ayant force de loi, une règle Iocale de la Commission du Havre, en jetant l'ancre dans l'espace prohibé par les règle-ments de la Commission du Havre, et la section 917 du statut dit qu'alors la faute volontaire est présumée". Voilà le grand argument de la Compagnie demanderesse. Elle dit: "Vous avez commis une trangression contre la règle locale qui défend de jeter l'ancre dans cet endroit-là; or, en transgressant cette règle, vous avez commis en loi, un véritable délit, et la faute volon-taire est présumé, aux termes de la loi". On cite le statut à ce sujet, mais on n'a pas tout cité. Voici ce que dit le statut au sujet de ces règlements locaux: C'est à la section 916 et à la section 917 des statuts refondus, chapitre 113, reproduit dans les "Rules and Regulations of Navigation". Section 916, qui est la règle 5: "If, in any .case of collision, it appears to the court "before which the case is tried, that such collision was "occasioned by' the non-observance of any of such
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. s 407 "regulations Act, the vessel or raft by which such rules 1 "have been violated shall be deemed to be in fault." CANADIAN ELECTRIC Co. Et voici ce que le statut ajoute: "Unless it can be v. ST EAMSHI "shown to the satisfaction of the court that the cir- CRo\ ofP "cumstances of the case rendered a departure_ from ARAGON. "the said regulations necessary ". Judgm ents Si la règle de la navigation a été mise de côté pour éviter un plus grand mal, une , collision, on avait droit de la mettre de côté. La règle sixième qui est la section 917 du statut dit encore ceci: "If any damage to person , or. property "arises from the non-observance by any vessel or "raft of any of the said regulations Act (La règle "qui défend de jeter l'ancre dans un endroit ré- "servé) such damage shall be deemed to have been "occasioned by the wilful default of the person in "charge of such raft, or of the deck of such vessel at "the time, unless (toujours unless) the contrary is "proved; or it is shown to the satisfaction of the court "that the circumstances of the case rendered a departure "from the said rules necessary, etc". Cette disposition n'est pas seulement relative aux règles locales passées par la Commission du Havre ou par les autres autorités locales, mais cette excep- tion est relative à toutes les règles de la Navigation. Ainsi, si l'on réfère à la règle 27 de la Navigation qui est' une règle générale, voici ce qu'on y lit: "In obey- "ing and construing these rules, due regard shall be "had to all dangers of navigation and collision, and "to any special circumstances which may render a depar- ture from the above rules necessary in order to avoid "immediate danger". ' C'est la règle que l'on applique constamment dans les cas de collision. Non -seulement c'est le droit des navires de mettre de côté les règles dans certains cas,
408 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. X111. 1910 pour éviter une collision, par exemple, mais c'est leur CANADIAN devoir, et s'ils ne le font pas, ils peuvent en être tenus ELECT 110 Co. v. responsables. RIP CROWNOL' Ainsi, par exemple, dans les cas de collision, il ARAGON. arrive quelquefois ceci: Voici deux navires qui se rencon-trent, ils se voient venir de loin. Les deux doivent savoir ce qu'ils ont à faire; l'un observe la règle et l'autre ne le fait pas. En transgressant la règle, celui-ci va causer une collision dont il sera responsable. Mais si celui qui observe la règle voit clairement qu'en la mettant de côté il va éviter la collision, c'est son devoir de le faire. C'est le cas ici: Le navire "Crown of Aragon" était exposétout le monde le dità s'en aller se je-ter sur les vaisseaux qui se trouvaient au quai Craw-ford. Pour éviter cette collision très dommageable pour lui et pour les autres, il met de côté la règle qui lui défend de jeter l'ancre. Il avait droit de le faire et c'était son devoir de le faire pour éviter un plus grand mal. Remarquons bien une chose d'ailleurs: La règle qui défend de jeter l'ancre à cet endroit-là veut dire qu'il ne faut pas mouiller à cet endroit-là. Or le "Crown of Aragon" n'avait pas du tout l'intention de mouiller à cet endroit-là; il jetait l'ancre pour éviter une collision. C'était par conséquent une manœuvre néces-saire pour éviter la collision. Or c'est le droit et même le devoir des navires de mettre les règles de côté quand c'est nécessaire pour éviter une collision. Mais, dit la demanderesse, s'il est devenu néces-saire de jeter l'ancre pour éviter une collision, c'est parce que le pilote Perron a commis la faute de jeter une amarre en sortant du Bassin Louise et que cette amarre s'est enroulée dans l'hélice.
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT. REPORTS. 409 Voyons comment cela est arrivé. Il est prouvé par 1910 un grand nombre de témoins, qu'on a fait comme de CANADIAN ELICTRto. Co. coutume; que pour sortir le "Crown of Aragon", on v. ROWN F a suivi l'usag g e ordinaire. On a loué un remorq q u eur C C Row N o~ qui a tiré le vaisseau qui était dans le Bassin Louise, ARAGON. le devant du côté de la ville et le derrière vers l'em- Reason s f or Judme nt. bouchure du Bassin. Alors, pour le sortir, il fallait nécessairement le tirer par l'arrière, la chose se fait toujours ainsi. Un remorqueur a été loué pour tirer le vaisseau par derrière; l'hélice a été mise en mou-vement avec l'ordre "Slow Astern", lentement en arrière. C'est l'ordre qu'il fallait donner et, par conséquent,. jusque , pas de faute. On a reproché au pilote d'avoir donné cet ordre-là; on a dit: "Pour-quoi avoir fait marcher son hélice, il n'en avait pas besoin"? D'abord, c'est l'usage; on le fait toujours et on comprend parfaitement l'utilité de l'hélice. Le navire qui est remorqué n'a aucun mouvement propre quelconque; il est tiré alors comme une pièce de bois et, par conséquent, il n'est pas maître de tous ses mouvements. Tandis que, si son hélice marche len-tement dans le même sens que le remorqueur, il est prêt à modifier son mouvement comme bon lui semble et il faut qu'il se tienne dans cette position-là pour être un navire bien dirigé, bien commandé. On dit encore qu'en allant ainsi en arrière avec l'hélice en mouvement, on devait prévoir très cer-tainement que l'amarre qui était attachée sur le quai et qu'on laissait tomber à l'eau allait s'enrouler dans l'hélice. Eh bien! je ne crois pas que ce fût inévi-table; je ne crois pas que ce soit un danger certain que si l'on jette une amarre à l'eau, elle aille s'enrou-ler dans` l'hélice et, je crois que la chose est expliquée très bien par le témoin Thompson et aussi par le témoin Dinan.
410 EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. XI11. 1910 Quand une amarre est jetée du quai et que le vais - CANADIAN seau est en marche, naturellement, l'amarre tombe ELECTRIC CO. v. au pied du quai et si le vaisseau n'est pas tout près, STEAMSHIP CROWN OF elle est entraînée par le mouvement du navire, et ARAGON. traîne le long du navire. Ici, au lieu de traîner le Tâgroent long, elle est allée s'enrouler dans l'hélice. On se demande pourquoi. Ces deux témoins dont je viens de parler l'expliquent comme ceci: "A ce mo-ment-là, l'arrière du navire sortait du Bassin, la mer montait et en montant elle se précipite dans l'ou-verture du Bassin, et elle fait, à cette étage de la marée, un remous, un tourniquet, et l'amarre, tom-bant dans ce tourniquet, a roulé sur elle-même et s'est prise dans l'hélice. Sans ce remous-là, l'amarre aurait traîné le long du vaisseau et n'aurait pas été s'enrouler dans l'hélice." On dira encore: "Le pilote aurait prévoir cela". Il y a tant de choses dans la navigation, qu'on ne peut pas prévoir; on se le dit après: "Si je n'avais pas fait tel mouvement, l'accident ne serait pas arri-". Et c'est comme cela que, transquestionné par M. Pelletier, le pilote Perron a dit qu'il avait fait une erreur, erreur qu'il n'avait pas prévue, ni faite volontairement, puisqu'elle paralysait le mouvement de son navire. Remarquons bien encore une chose: L'amarre, en s'enroulant autour de l'hélice, arrêtait le mouve-ment de l'hélice. Alors, si c'était une faute de mettre l'hélice en mouvement, l'amarre aurait plutôt rendu un service et réparé cette faute en arrêtant l'hélice. Mais non! c'était un bon mouvement, c'était une bonne manoeuvre de mettre l'hélice en mouvement et, selon l'usage ordinaire, on a jeté l'amarre pour la tirer à bord, mais elle s'est accrochée par cas fortuit.
VOL. XIII.] EXCHEQUER COURT REPORTS. 411 On dit: "On n'aurait pas jeter l'amarre. On 191° aurait attendre que le derrière du navire fût sorti CANADIAN ELECTRIC CO. du Bassin". Cela est bien facile à dire; mais 71. les deux hommes qui , portaient l'amarre ont dit: CRô vN o; "Nous étions au bout du quai et nous ne pouvions ARAGON. pas arrêter le steamer avec l'amarre, ni nous jeter à Jadgmentr l'eau; alors nous l'avons lancée à l'eau". Evidem- ment, le pilote n'a pas cru que son amarre allait -s'ac- crocher dans l'hélice,. c'est clair comme le jour. If n'a pas prévu la chose, et supposons qu'il ait commis une erreur comme il parait l'admettre, il n'a constaté son erreur qu'après coup, comme dans tous les cas d'accidents. Il a voulu faire pour le mieux et il n'a certainement pas commis une faute grave et volontaire parce que, enfin, commettre une faute volontaire, c'est commettre une faute dont on prévoit les con- séquences. Je crois; qu'en face de la convention, les navires ne peuvent être responsables que de fautes graves et volontaires. Sinon, il faudrait dire que la convention est absolument nulle, qu'elle n'a aucun effet quelcon- que. Or, c'est un principe de droit qu'il faut faire les conventions de bonne foi et les interpréter de bonne foi en leur donnant autant qu'il se peut l'effet que les parties contractantes ont eu en vue. O Qu'est-ce que les parties contractantes ont voulu? Elles ont voulu que les navires ne fussent pas respon-sables lorsqu'il n'y a pas eu faute volontaire' et cou-pable. En prétendant que la convention est absolument nul-le, on ne se conforme pas à ce principe de droit qu'il faut faire des conventions de bonne foi et les inter-préter aussi de bonne foi. Si celle-ci n'avait aucun effet, elle aurait été une du-perie, un véritable dol de la part de la demanderesse.
412 , EXCHEQUER COURT REPORTS. [VOL. XIII.. O n a fait une convention pour obtenir une faveur, CANADIAN on a obtenu cette faveur et quand elle est obtenue, ELECTRIC CO. V. on veut mettre la convention de côté. ST MSHIP %vI\ Evidemment la Commission ne voulait pas mettre ARAGON. un nouvel embarras sur le lit du fleuve, et une nou- Jadg mentr velle gêne pour les navires. La demanderesse a alors dit: "Mais nous n'y avons pas d'objections du tout; nous allons renoncer à tout dommage, à toute ga-rantie. Si les navires nous font du tort, des dom-mages, nous allons renoncer à tous r ecours. Commission du Havre a dit: "Très bien, nous allons en faire un écrit redigé par un notaire". Cela a été fait. Et maintenant, voilà que la Compagnie dit: "La convention est nulle en loi". Ce serait injuste. Les conventions doivent être respectées. Il est prouvé d'ailleurs, que le steamer était bien commandé, bien équippé, qu'il avait le nombre voulu d'officiers et d'hommes, qu'il était sous la conduite d'un pilote branché dont les ordres étaient transmis par mégaphone. Le capitaine a déclaré qu'il était sorti plusieurs fois sans accident de la même manière; il dit: "I cannot say it was anybody's fault; it was an accident". L'ordre donné à l'ingénieur était "slow astern", et c'est ce qu'il devait être. Par conséquent, je ne crois pas qu'il y ait eu une faute grave et volontaire commise par le pilote, s'il y a eu une faute quelconque. C'est un pur accident, un cas fortuit, et je n'ai aucun doute que la convention doit avoir son application, et que la compagnie ne doit pas réclamer de dommage. En conséquence, l'action est renvoyée avec dépens. Judgment accordingly.
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