NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Marques de commerce
Appel à l’encontre d’une décision du registraire des marques de commerce radiant du registre des marques de commerce l’enregistrement de la marque North Brewing de l’appelante — Bien que l’intimée ait engagé la procédure d’annulation sommaire, elle ne s’est pas prononcé au sujet du présent appel — L’appelante a enregistré la marque de commerce North Brewing (la marque) le 8 avril 2015 aux fins d’emploi en liaison avec les produits suivants : 1) Boissons alcoolisées brassées (nommément bière, ale, lager, liqueur de malt); 2) articles promotionnels (nommément verres à bière, grandes tasses, ouvre-bouteilles, chaînes porte-clés, vêtements, nommément chandails, chapeaux, vestes et pantalons) (les produits visés par l’enregistrement) — À la demande de l’intimée, le registraire a donné à l’appelante un avis en date du 31 mai 2021, en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (l’avis prévu à l’article 45), lui enjoignant de fournir, dans les trois mois : 1) une preuve d’emploi de la marque au cours des trois années précédant immédiatement l’avis prévu à l’article 45 (de mai 2018 à mai 2021) à l’égard de chacun des produits enregistrés; ou la date à laquelle l’appelante a utilisé la marque pour la dernière fois au Canada, et la raison justifiant son défaut d’emploi depuis cette date — L’appelante n’a pas reçu l’avis prévu à l’article 45 en 2019 en raison d’un changement d’adresse non enregistré; elle n’a donc pas fourni la preuve demandée au registraire — Le registraire a ensuite envoyé une lettre à l’appelante en octobre 2021, l’informant de la décision de radier l’enregistrement (décision) pour défaut de réponse à l’avis prévu à l’article 45, à moins que l’appelante ne dépose un appel en vertu de l’article 56 de la Loi dans le délai spécifié à l’article 45 — La lettre a été réadressée et envoyée à l’adresse actuelle de l’appelante; par conséquent, l’appelante a déposé cet appel dans les délais prescrits — Il s’agissait de savoir si la nouvelle preuve de l’appelante était pertinente et, dans l’affirmative, si elle établissait l’emploi par l’appelante de la marque pendant la période pertinente en liaison avec les produits enregistrés, de sorte que l’enregistrement puisse être maintenu — Pour être jugés « pertinents », les nouveaux éléments de preuve devaient être suffisamment importants et avoir une valeur probante — Il ne s’agissait donc pas de déterminer si la preuve nouvelle aurait conduit le registraire à changer d’avis, mais plutôt de déterminer la possibilité qu’elle influe sur sa décision — Conformément au paragraphe 56(5) de la Loi, une conclusion selon laquelle la preuve nouvelle est pertinente permet à la Cour d’exercer toute discrétion dont le registraire est investi — En l’espèce, le registraire n’a tiré aucune conclusion de fait utile à l’appel, étant donné l’absence de réponse de l’appelante à l’avis prévu à l’article 45 — L’appelante a été constituée en société en vertu des lois de la province de la Nouvelle-Écosse en juillet 2011; Peter Burbridge est depuis le président de la société — Depuis 2019, l’appelante exploite dans ses installations actuelles une microbrasserie, une boutique de détail et un bar; depuis 2018, l’appelante exploite une microbrasserie et une boutique dans une brasserie en plein air appelée Battery Park — L’appelante a vendu les produits suivants depuis ses emplacements ou sa boutique en ligne à des clients au Canada pendant la période pertinente : boissons alcoolisées brassées, nommément bière, ale et lager; articles promotionnels, nommément verres à bière, grandes tasses, ouvre-bouteilles, chaînes porte-clés, vêtements, nommément chandails et chapeaux — L’appelante a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve relative aux produits que sont la liqueur de malt, les pantalons et les vestes; de sorte que ces produits spécifiques devraient être supprimés de l’enregistrement — Selon M. Burbridge, l’appelante a également vendu des boissons alcoolisées brassées par l’intermédiaire de la Nova Scotia Liquor Corporation ainsi que de restaurants et bars — L’appelante a vendu des articles promotionnels dans ses emplacements physiques et dans sa boutique en ligne, et elle en a donné à des clients — Des photos ont été fournies montrant la marque employée pendant la période pertinente sur différents articles, comme des verres à bière, des grandes tasses, des factures, des articles promotionnels, etc. [20 et 21] — La preuve fournie par l’appelante décrivant l’emploi qu’elle a fait de la marque pendant la période pertinente aurait eu une incidence importante sur la décision si elle avait été soumise à l’examen du registraire des marques de commerce, étant donné que l’appelante n’avait pas répondu à l’avis prévu à l’article 45 — Il était loisible à la Cour d’admettre et d’examiner de nouveaux éléments de preuve dans un appel où aucune preuve n’a été présentée au registraire — Par conséquent, eu égard au paragraphe 56(5) de la Loi, la Cour pouvait exercer toute discrétion dont le registraire est investi — Le fait que l’intimée n’ait pas pris position dans cette affaire ne dispensait l’appelante de l’obligation d’établir ni ne réduisait le fardeau qui lui incombait d’établir, à la satisfaction de la Cour : a) le caractère pertinent de sa preuve en appel de la décision; b) l’emploi avéré de la marque au Canada pendant la période pertinente — Même après avoir exclu de l’examen la liqueur de malt, les pantalons et les vestes parce que l’appelante avait reconnu qu’il n’y avait pas de preuve d’emploi en liaison avec ces produits enregistrés, il a été démontré que l’appelante a employé la marque au cours de la période pertinente pour certains des autres produits enregistrés, mais pas tous — La procédure d’annulation prévue à l’article 45 de la Loi est de nature sommaire et vise à débarrasser du registre les marques tombées en désuétude — Pour maintenir son enregistrement, le propriétaire d’une marque doit alléguer des faits qui témoignent de l’emploi de celle-ci et ne pas se contenter de simples allégations d’emploi — En vertu du paragraphe 4(1) de la Loi, « [u]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits s’il est prouvé que le propriétaire inscrit ou sa licenciée a vendu les produits visés au Canada au cours de la période pertinente et que la marque était apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si la marque est, de toute autre manière, liée aux produits au moment de la vente » (Randy River Inc. c. Osler, Hoskin & Harcourt LLP, 2022 CF 1015) — Lorsque, comme en l’espèce, le propriétaire d’une marque donne des exemples d’emploi de variantes qui diffèrent de la marque enregistrée, la Cour doit examiner la mesure dans laquelle ces variantes constituent néanmoins un emploi de la marque enregistrée — La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale expose clairement le critère qu’il convient d’appliquer en ce qui concerne l’emploi d’une marque de commerce enregistrée [33 à 37] — Le critère peut être divisé en deux volets, tous deux axés sur les différences qui existent entre la forme sous laquelle la marque a été enregistrée et celle sous laquelle la marque est employée — Le premier volet consisterait à examiner si les différences entre les versions de la marque faisant l’objet de l’examen sont susceptibles de tromper le public quant à l’origine des produits (ou services) visés — S’il est établi que la probabilité de tromper le public est nulle, le second volet consisterait alors à déterminer si « la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée » (Registraire des marques de commerce c CII Honeywell Bull, [1985] 1 C.F. 406 (C.A.)) — La preuve fournie par l’appelante démontrait un emploi suffisant de la marque enregistrée, de sorte que l’enregistrement peut être maintenu en liaison avec les boissons alcoolisées brassées, nommément bière, ale, lager, et les articles promotionnels, nommément grandes tasses et chaînes porte-clés, mais pas en liaison avec les autres articles promotionnels — Il ne faisait aucun doute que l’emploi démontré de la marque, y compris de ses variantes, a eu lieu au cours de la période pertinente — Il convenait toutefois de déterminer si les variantes figurant dans la preuve de NBCL présentait les mêmes traits dominants que la marque et si les différences étaient si insignifiantes qu’elles ne tromperaient pas l’acheteur non averti. — La Cour a toutefois exprimé des réserves quant aux logos, comme ceux figurant sur les canettes de boissons alcoolisées brassées et les factures de vente de ces dernières, les verres à bière, les chandails et certains chapeaux — Les logos en cause représentaient plus que le simple ajout d’un élément purement descriptif ou mineur; ils correspondaient à la création d’une marque composite formée d’un élément graphique important — Cependant, ces logos ne tromperaient pas ou ne seraient pas susceptibles de tromper le public quant à l’origine des produits associés aux logos — Les mots NORTH BREWING ne sont pas employés comme trait dominant de la marque de commerce; ils sont plutôt intégrés à ces derniers — En conclusion, la décision du registraire a été annulée; l’enregistrement a été maintenu au registre en liaison avec les produits suivants : boissons alcoolisées brassées, nommément bière, ale et lager; articles promotionnels (nommément grandes tasses, ouvre-bouteille, porte-clés); vêtements (nommément chapeaux) — Toutefois, les liqueurs de malt, les verres à bière, les chandails, les pantalons et les vestes ont été supprimés de l’enregistrement — Appel accueilli.
North Brewing Company Ltd. c. DLA Piper (Canada) S.E.N.C.R.L (T-1881-21, 2023 CF 1188, juge Fuhrer, motifs du jugement en date du 31 août 2023, 29 p.)