Douanes et Accise
Tarif des douanes
Marchandises extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, au moyen du travail forcé — Contrôle judiciaire de la décision rendue par le gestionnaire des programmes de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui a affirmé dans un courriel que l’ASFC n’avait pas le pouvoir d’interdire ou de réglementer les marchandises produites au moyen d’un travail forcé uniquement parce qu’elles venaient d’une région ou d’un pays en particulier — Aux termes de l’art. 23.6 de l’Accord Canada‑États‑Unis‑Mexique (ACEUM), les signataires sont tenus d’interdire l’importation de produits issus du travail forcé — Cette interdiction a été mise en œuvre sous le numéro 9897.00.00 du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36 (Tarif) — Les demandeurs ont demandé que l’ASFC établisse une présomption qui interdirait de façon générale l’importation de marchandises du Xinjiang (Chine) au motif que celles‑ci ont été extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par du travail forcé des Ouïghours — Selon le gestionnaire des programmes, l’adoption d’une telle loi relevait d’Affaires mondiales Canada — Les activités de recherche et d’analyse de l’ASFC étaient essentiellement axées sur des entités (producteurs ou importateurs) plutôt que sur des régions ou des pays, et l’interdiction était appliquée au cas par cas — Les demandeurs ont fait valoir que le gestionnaire des programmes avait commis une erreur de droit en affirmant que l’ASFC n’avait pas le pouvoir d’appliquer la présomption — La question préliminaire était de savoir si le courriel de l’ASFC constituait un objet valide de la demande de contrôle judiciaire et si les demandeurs avaient qualité pour déposer la présente demande — La question principale était de savoir si l’ASFC interprétait le Tarif de manière raisonnable — Le courriel ne tranchait pas sur le fond une question concernant les demandeurs et il ne s’agissait donc pas d’une question susceptible de contrôle judiciaire — L’intérêt général des demandeurs à l’égard de la prévention du travail forcé n’était pas suffisant pour transformer le courriel en une question qui touche leurs droits ou leurs obligations — Il n’y a aucun élément du cadre législatif qui impose à l’ASFC l’obligation de rendre une décision comme celle que les demandeurs souhaitaient obtenir — Bien que le gestionnaire des programmes ait communiqué une interprétation juridique, cela n’équivalait pas à une détermination finale sur la question des marchandises importées du Xinjiang — Le courriel de l’ASFC n’a pas touché directement les droits juridiques des demandeurs ni ne leur a causé préjudice — Les demandeurs n’ont pas répondu aux critères pour se voir accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public — La manière dont le gestionnaire de programmes a interprété la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, et le Tarif était raisonnable — Dans le chapitre où se trouve le numéro tarifaire 9897.00.00, rien n’est dit au sujet d’une détermination a priori — L’annexe du Tarif constitue un code complet qui régit le classement des marchandises par numéro tarifaire à mesure qu’elles sont importées ou à mesure que l’on demande une décision anticipée — Une interprétation ordinaire de la législation frontalière de l’ASFC confirme que les marchandises sont classées au cas par cas par numéro tarifaire et par pays d’origine — Le gestionnaire des programmes n’a pas laissé entendre qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) est habilité à se prononcer sur les marchandises ou les cargaisons qui sont interceptées, et il a plutôt dit qu’EDSC effectue des recherches qui aident les agents de l’ASFC — Rien ne prouve que le régime législatif actuel n’est pas efficace pour ce qui est d’empêcher l’importation au Canada de marchandises extraites, fabriquées ou produites au moyen du travail forcé — Demande rejetée.
KILGOUR C. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) (T-259-21, 2022 CF 472, juge en chef adjointe Gagné, motifs du jugement en date du 5 avril 2022, 23 p.)