Marques de commerce
Enregistrement
Opposition
La demanderesse, propriétaire de NAKED GRAPE au Canada, a interjeté appel de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (la COMC) rendue au nom du registraire des marques de commerce (2018 COMC 134) — La COMC a rejeté l’opposition de la demanderesse à l’égard des demandes de marque de commerce simultanément en instance no 1561944 pour NAKED TURTLE (la demande ’944) et no 1592265 pour THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de devant (la demande ’265), mais elle a rejeté la demande de marque de commerce simultanément en instance no 1592266 pour THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de dos (la demande ’266) — La défenderesse a produit la demande ’944 pour la marque nominale THE NAKED TURTLE sur la base d’un emploi proposé de la marque au Canada, initialement en liaison avec des « boissons alcoolisées sauf la vodka et la bière » — La demande a été modifiée à deux reprises pour redéfinir les produits; elle a été contestée par Constellation Brands Canada, Inc., qui est devenue plus tard la demanderesse — La défenderesse a déposé également la demande ’265 pour le dessin‑marque THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de devant, également basée sur l’emploi projeté de la marque au Canada, initialement en liaison avec des « boissons alcoolisées (sauf la vodka), du rhum et des boissons aromatisées au rhum » — La demande ’265 a elle aussi été modifiée pour redéfinir les produits; elle a ensuite été contestée par Constellation Canada — Constellation Canada s’est opposée aux deux demandes en vertu des art. 12(1)d) et 38(2)b) (non enregistrable), des art. 16(3)a) et 38(2)c) (sans droit), et des art. 2 « distinctive » et 38(2)d) (sans caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (Loi), sur la base du fait que les marques de commerce faisant l’objet des demandes étaient source de confusion avec les marques de commerce déposées NAKED GRAPE, NAKED GRAPE & Dessin de raisin et NAKED GRAPE FIZZ — La demanderesse a poursuivi ces oppositions après qu’un changement de titre a été enregistré pour les marques de commerce en litige auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour nommer la demanderesse en tant qu’opposante (demanderesse ou opposante) — Il s’agissait de savoir quelle était la norme de contrôle applicable en appel, compte tenu de la production de nouveaux éléments de preuve; si, gardant à l’esprit la norme de contrôle applicable en appel, sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé », qui voit les marques de commerce de la défenderesse, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce de la demanderesse, serait vraisemblablement confus; c’est‑à‑dire s’il est probable que ce consommateur considérerait que la défenderesse était la même source de boissons alcoolisées (rhum d’une part et vins d’autre part) que la demanderesse — Les parties ont déposé de nouveaux éléments de preuve en appel — La décision dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, rendue deux semaines après l’audience de la présente affaire, n’a pas remplacé nécessairement la jurisprudence antérieure concernant les nouveaux éléments de preuve produits auprès de la Cour fédérale dans le cadre d’un appel d’une décision du registraire, mais elle nécessitait plutôt un ajustement — Les parties étaient d’accord pour dire que la norme de contrôle applicable est déterminée au cas par cas, selon l’importance de tout nouvel élément de preuve produit concernant la ou les questions en litige — Si les nouveaux éléments de preuve sont jugés importants pour une question, la Cour doit examiner l’issue de cette question pertinente en procédant à un examen de novo ou en appliquant la norme de la décision correcte — Pour procéder à un examen de novo en vertu de l’art. 56(5) de la Loi, la preuve nouvelle doit être « suffisamment importante; [...] une preuve qui simplement complète ou répète la preuve existante ne dépassera pas le seuil requis » — La Cour doit évaluer la qualité et la quantité des éléments de preuve supplémentaires (en tenant compte de leur nature, de leur valeur probante et de leur fiabilité) pour déterminer s’ils ajoutent des éléments importants et, par conséquent, s’ils auraient sensiblement influé sur la décision de la COMC — Ainsi, lorsque de nouveaux éléments de preuve importants sont produits, la norme de la décision correcte envisagée par l’art. 56(5) de la Loi et la jurisprudence applicable permet à la Cour fédérale de procéder à une analyse de novo à l’égard des questions pertinentes, sans déférence pour la ou les conclusions du décideur sous‑jacent — En l’absence de nouveaux éléments de preuve importants, cependant, la norme de contrôle en appel de la jurisprudence Housen c. Nikolaisen , 2002 CSC 33, [2002] 2 S.C.R. 235, s’appliquait, par opposition à celle de la décision raisonnable — La demanderesse n’a pas établi l’existence d’une famille de marques de commerce avec ses nouveaux éléments de preuve, de sorte que la balance concernant l’analyse relative à la confusion penchait en faveur de la demanderesse pour ce seul motif — En ce qui concerne la deuxième question en litige, la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en formulant la charge de la preuve imposée à un opposant et le fardeau qui incombe au demandeur dans une procédure d’opposition, ni dans la décision d’irrecevabilité concernant le témoignage d’un maître sommelier — Concernant le motif d’opposition fondé sur l’art. 12(1)d) de la Loi, la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en formulant le critère de la confusion — La COMC a estimé que l’argument le plus solide de l’opposante était la marque de commerce déposée NAKED GRAPE, qui était la préoccupation principale de l’analyse relative à la confusion de la COMC — La COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en arrivant à ses conclusions concernant les questions du caractère distinctif inhérent, de la durée d’utilisation, de la nature des produits et du commerce — Cependant, l’examen de l’évaluation par la COMC du degré de ressemblance a permis de conclure que la COMC a commis plusieurs erreurs manifestes qui, d’une manière cumulative, ont eu un effet prépondérant — La probabilité de confusion doit être déterminée selon la prépondérance des probabilités, toute incertitude devant être tranchée en faveur du propriétaire — Chaque situation est propre aux faits et au contexte — De plus, le degré de ressemblance suppose des considérations disjonctives d’apparence, de son ou d’idées suggérées, qui chacune doit être évaluée — En résumé, l’analyse relative à la confusion telle qu’elle est énoncée à l’art. 6 de la Loi, y compris l’art. 6(5) de la Loi et la jurisprudence applicable, est beaucoup plus nuancée et n’aboutit pas nécessairement à la conclusion que les marques en cause ne sont pas identiques ou très similaires — La COMC a commis les erreurs manifestes suivantes qui, d’une manière cumulative, ont eu un effet prépondérant : percevoir THE NAKED TURTLE comme une expression indissociable, mais non NAKED GRAPE; juger les marques de commerce « plus différentes que semblables »; disséquer la marque de commerce de la demanderesse et écarter le mot GRAPE [raisin], en dépit de la conclusion selon laquelle la marque de commerce NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin; assigner différentes idées au mot NAKED; ne pas avoir envisagé d’éventuelles présentations futures des marques des parties — Par conséquent, il était dans l’intérêt de la justice que la Cour fédérale tranche la présente affaire, plutôt que de la renvoyer devant la COMC — Il existait une certaine ressemblance entre les marques de commerce nominatives et figuratives de la demanderesse, d’une part, et les marques de commerce nominatives et figuratives de la défenderesse, d’autre part, en raison de l’élément « commun » NAKED [nu], qui est frappant dans les deux marques des parties, et le premier élément significatif — En outre, les deux mots et les marques figuratives des parties respectives seraient prononcés comme deux mots – NAKED GRAPE dans le cas de la demanderesse et NAKED TURTLE dans le cas de la défenderesse — En conséquence, il y avait suffisamment de ressemblance entre la marque de commerce de la demanderesse, NAKED GRAPE, y compris les versions figuratives, et la marque nominale de la défenderesse, NAKED TURTLE, pour conclure que la confusion relative à la source telle qu’envisagée par l’art. 6(2) de la LMC était probable — Il ne s’agissait pas d’une confusion entre du rhum et du vin, mais plutôt d’un consommateur ordinaire plutôt pressé et n’ayant qu’un vague souvenir du produit NAKED GRAPE de la demanderesse, croyant à tort que la source du produit THE NAKED TURTLE est la même que celle du produit NAKED GRAPE — De plus, en dépit des doutes de la Cour quant au degré de ressemblance entre NAKED GRAPE et la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant, l’incertitude a été résolue et la prépondérance penchait en faveur de la demanderesse — Cette conclusion concernant la probabilité de confusion a eu un effet sur les deux motifs d’opposition prévus à l’art. 16(3) de la Loi et la COMC a bien relevé les dates pertinentes pour ces motifs d’opposition en ce qui concerne les demandes en litige — Les diverses conclusions de la COMC, y compris que NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada pour le vin, n’ont pas été affectées par les dates pertinentes applicables à ces motifs — Par conséquent, la conclusion quant à la probabilité de confusion concernant ces motifs était la même que celle à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’art. 12(1)d) de la Loi — Donc, les demandes de la défenderesse ont été rejetées pour ces autres motifs également — La défenderesse n’a pas rempli son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque raisonnable de confusion — En conséquence, la décision de la COMC a été annulée en ce qui concerne les demandes d’enregistrement de marque de commerce n° 1561,944 pour THE NAKED TURTLE, et 1592265 pour THE NAKED TURTLE Dessin – étiquette de devant; et il a été ordonné au registraire de refuser, au titre de l’art. 38(8) de la Loi, ces demandes d’enregistrement de marque de commerce — Appel accueilli.
Arterra Wines Canada, Inc. c. Diageo North America, Inc. (T-23-19, 2020 CF 508, juge Fuhrer, motifs du jugement en date du 9 avril 2020, 54 p.)