Pénitenciers
Revenu de détenu
Contrôle judiciaire de la décision du Service correctionnel du Canada (SCC) de retenir la totalité du revenu de détenu du demandeur — Le demandeur n’a pas approuvé la décision de le transférer dans un autre pénitencier — Il a déposé une demande de contrôle judiciaire — La Cour a adjugé des dépens à la suite du rejet de la demande pour abus de procédure — Les retenues équivalant à 100 pour cent du revenu de détenu du demandeur pour payer les dépens adjugés contre lui se sont poursuivies jusqu’à ce que le demandeur soit libéré — Le demandeur a soutenu que le SCC n’avait pas le pouvoir de prélever des retenues sur son revenu de détenu pour exécuter l’ordonnance relative aux dépens — Il s’agissait principalement de savoir si la décision du SCC de déduire la totalité du revenu de détenu du demandeur pour exécuter l’ordonnance relative aux dépens était raisonnable — L’art. 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), c. F-11 confère au SCC le pouvoir de prélever des retenues sur le revenu d’un détenu conformément à la Directive du commissaire 860 afin d’acquitter une dette envers la Couronne fédérale, y compris des dépens impayés — Toutefois, les retenues prélevées sur le revenu de détenu du demandeur n’ont pas été effectuées conformément à ces textes de loi — Compte tenu de l’objectif du système correctionnel, il incombait au SCC de tenir compte des conséquences que pourraient avoir les retenues visant à payer une dette envers la Couronne fédérale sur le détenu — Le droit du demandeur de demander au directeur de l’établissement de réduire ou d’annuler les retenues ne libère pas le SCC de cette responsabilité avant de commencer à les prélever — Les délinquants peuvent présenter un grief conformément à l’art. 104.1(7) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC), DORS/92-620 relativement aux retenues effectuées pour l’acquittement d’une dette envers la Couronne — Il doit y avoir une procédure interne pour permettre à un détenu de demander un allègement lorsque des retenues sont prélevées sur son revenu à d’autres fins que celles prévues à l’art. 78(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20 — Une telle procédure pour demander un allègement constitue une importante mesure de protection après coup — Le SCC a la responsabilité d’examiner la question soulevée à l’art. 104.1(7) du RSCMLC avant de commencer à prélever les retenues, c.‑à‑d. la question de savoir si les retenues sur le revenu d’un délinquant réduiront excessivement sa capacité d’atteindre les objectifs de son plan correctionnel, de répondre à des besoins essentiels ou de faire face à des responsabilités familiales ou parentales — Une obligation imposée par un tribunal, comme une ordonnance relative aux dépens, est une affaire sérieuse — Il pourrait être approprié que le SCC intervienne et facilite le paiement par les délinquants relativement à de telles obligations — Le principe directeur doit être d’agir conformément au plan correctionnel du délinquant et aux objectifs généraux du système correctionnel — Le fait de limiter les retenues à un certain pourcentage du revenu du délinquant pourrait permettre d’éviter cette conséquence — En l’espèce, l’issue est indéfendable — La décision du SCC de retenir 100 pour cent du revenu du demandeur pour exécuter l’ordonnance relative aux dépens était illégale — Demande accueillie.
Johnston c. Canada (Procureur général) (T-2038-18, 2020 CF 352, juge Norris, motifs de jugement en date du 9 mars 2020, 35 p.)