Citoyenneté et Immigration
Statut au Canada
Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger
Contrôle judiciaire de la décision défavorable de l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a conclu qu’il n’y avait pas « suffisamment d’éléments de preuve objectifs » que son ex-époux la cherchait toujours — La demanderesse a demandé l’asile au Canada au motif qu’elle était persécutée par son ex-époux et que la police dans son pays d’origine, la Tanzanie, était impuissante à la protéger — Sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) — La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas un témoin crédible, que son témoignage était incompatible avec sa preuve écrite et que les documents qu’elle avait présentés contenaient de nombreuses erreurs — Ces conclusions de la SPR ont été subséquemment confirmées par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la CISR — La demanderesse a présenté une demande d’ERAR et produit des éléments de preuve qui démontraient que, depuis la décision rejetant sa demande d’asile, son ex-époux a continué à harceler sa mère et ses amies en Tanzanie — Elle a présenté de l’information à propos de plusieurs incidents qui se sont produits après l’audience de la SPR — Toutefois, l’agent d’ERAR a accordé peu de poids à la preuve relative à ces incidents, concluant que, si elle était menacée, la demanderesse pouvait se prévaloir de la protection offerte par la Tanzanie — La demanderesse a fait valoir plus particulièrement que l’agent d’ERAR est parvenu à une appréciation déraisonnable de sa preuve concernant le risque — Il s’agissait de savoir si la décision de l’agent d’ERAR était raisonnable — L’analyse relative au risque qu’a effectuée l’agent d’ERAR était déraisonnable, parce que l’agent n’a pas énoncé de motifs intelligibles pour accorder peu de poids à la plus grande partie de la preuve produite par la demanderesse — De plus, la conclusion de l’agent voulant que la preuve fût insuffisante était déraisonnable, étant donné qu’elle pouvait seulement s’expliquer par des attributions de poids qui étaient elles-mêmes entachées d’erreurs — Les concepts fondamentaux auxquels les cours ont recours lorsqu’elles justifient des conclusions de fait, comme la crédibilité, la valeur probante, le poids et la suffisance, ont été passés en revue — L’analyse des motifs de l’agent d’ERAR a clairement démontré que ce dernier a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité pour des motifs que la Cour fédérale a constamment jugés déraisonnables, même si l’agent n’a jamais employé le mot « crédibilité » — Plus particulièrement, l’agent a rejeté la preuve fournie par des membres de la famille, il a rejeté des faits non signalés à la police, et il a apprécié la suffisance de la preuve de manière déraisonnable, en plus de n’invoquer aucun motif pour justifier sa conclusion d’insuffisance — Quand ils importent des conclusions sur la crédibilité formulées dans le cadre d’instances antérieures, les agents d’ERAR doivent expliquer pourquoi ces conclusions influent sur la preuve dont ils sont saisis — Les documents que la demanderesse a déposés à l’appui de sa demande d’ERAR n’étaient pas les mêmes que ceux qui avaient été produits en preuve devant la SPR et la SAR — Il fallait expliquer pourquoi les conclusions sur la crédibilité que la SPR et la SAR avaient tirées pouvaient être transposées à ces documents — L’agent d’ERAR n’a pas donné une telle explication et il n’a pas conclu que l’un ou l’autre des documents présentés était falsifié ou contenait de faux renseignements — Il n’y avait aucun motif évident pour remettre en question leur authenticité — Les motifs que l’agent d’ERAR a énoncés pour rejeter la preuve de la demanderesse n’avaient aucun lien logique avec l’attribution d’un « faible poids » que contenait la décision — Par surcroît, la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve était insuffisante était fondée sur un constat général et inexpliqué de manque de crédibilité — L’examen du dossier n’a pas remédié aux lacunes de la décision — Par conséquent, la décision était déraisonnable — L’analyse de l’agent d’ERAR au sujet de la protection de l’État était déraisonnable; il était impossible de concilier les conclusions de l’agent avec la preuve qu’il a étudiée ou aurait dû étudier — Les principes sur la question de la protection de l’État ont été examinés — Dans la présente affaire, l’agent d’ERAR n’a pas appliqué le critère de l’efficacité opérationnelle adopté par la Cour fédérale — Les agents d’ERAR sont liés par la jurisprudence de la Cour fédérale; ils ne peuvent pas omettre le critère de l’efficacité opérationnelle ni y substituer un critère de leur propre cru — Quand ils ont recours au mauvais critère, leurs décisions sont jugées déraisonnables — De plus, dans la présente affaire, l’agent d’ERAR a fait abstraction de la preuve accablante selon laquelle la Tanzanie n’offrait pas une protection adéquate de l’État aux victimes de violence familiale, sans énoncer de motifs — De plus, l’agent d’ERAR a déraisonnablement conclu que la plainte faite à la police par la demanderesse constituait une preuve de protection adéquate de l’État — L’affaire a donc été renvoyée pour nouvelle décision — Demande accueillie.
Magonza c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-1506-18, 2019 CF 14, juge Grammond, jugement en date du 7 janvier 2019, 39 p.)