[2018] 4 R.C.F. F-16
Pratique
Ordonnances conservatoires
Motifs de l’ordonnance rejetant la requête de la défenderesse en vue d’obtenir une ordonnance conservatoire — Les parties à l’action sous-jacente en contrefaçon de brevet étaient sur le point d’entreprendre le processus de communication préalable de documents et d’interrogatoire préalable oral — Elles ont reconnu que les informations en cause contenaient des renseignements confidentiels ou sensibles sur le plan commercial — Les parties ont négocié et se sont entendues notamment sur les conditions régissant la manière dont elles désigneraient ces renseignements et à qui ils pourraient être communiqués — La défenderesse a dit être d’avis que cette mesure ne serait pas suffisante pour protéger ses droits — Elle a soutenu qu’elle respectait tous les critères antérieurement établis par la jurisprudence en lien avec la délivrance d’une ordonnance conservatoire et qu’il ne devrait pas y avoir d’autres exigences pour montrer l’existence de circonstances inusitées — Elle a contesté la conclusion tirée dans l’affaire Live Face on Web LLC c. Soldan Fence and Metals (2009) Ltd., 2017 CF 858, à savoir que le fait de se fonder sur l’engagement implicite ainsi que sur des ententes privées procure une protection suffisante — L’analyse de la jurisprudence de la Cour en l’espèce a montré que la pratique consistant à rendre systématiquement des ordonnances conservatoires a pris naissance à une époque où l’applicabilité de la règle de l’engagement implicite et ses contours étaient encore mal définis — L’existence d’une pratique bien ancrée et de longue date ne constitue pas une règle de droit que la Cour est tenue de suivre — Il s’agissait de savoir s’il était nécessaire de rendre une ordonnance conservatoire dans la présente affaire — L’ordonnance conservatoire n’était pas nécessaire en l’espèce — Il est clair que les ordonnances conservatoires s’appliquent à des tiers — Le manque de jurisprudence reflète peut-être tout simplement le caractère évident de ce principe — Il serait impensable que des tiers agissant comme des mandataires des parties ne soient pas liés par la même obligation que leur mandant — Soutenir le contraire reviendrait à admettre que la protection importante que l’engagement implicite est censé accorder pourrait être contrecarrée et rendue inopérante par le simple fait d’autoriser une partie à agir par l’entremise d’un mandataire — Sauf s’il existe des circonstances qui établissent un risque réel d’emploi non autorisé, il n’est nul besoin de rendre une ordonnance conservatoire explicite pour mettre en garde les parties étrangères à l’instance contre tout manquement à la règle de l’engagement implicite — La Cour n’était pas persuadée que la délivrance d’une ordonnance conservatoire offre un avantage pour ce qui est de garantir son exécution à l’encontre de personnes situées en dehors de la juridiction de la Cour — Le fait que la règle de l’engagement implicite n’est pas codifiée dans les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 n’en rend pas la portée incertaine — Les parties sont en mesure de clarifier tout aspect de la règle jugée incertaine ou ambigüe au moyen d’une entente explicite entre elles — Elles sont libres d’imposer des limites au nombre ou aux catégories de personnes qui peuvent avoir accès à des renseignements désignés en recourant à des engagements supplémentaires — Laisser entendre qu’un nombre « potentiellement illimité » de personnes pourraient avoir besoin de recevoir des renseignements fournis au stade de la communication préalable aux fins de l’action revient à dénaturer l’utilisation appropriée de ces renseignements — La règle de l’engagement implicite a évolué au fil des ans au point de devenir un code jurisprudentiel clairement reconnu, bien établi et exhaustif — Il y a lieu de faire preuve de prudence en invoquant des affaires qui ont été tranchées avant l’arrêt Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522, de la Cour suprême — Il est peu souhaitable de rendre une ordonnance conservatoire car celle-ci tend à déprécier l’engagement implicite, risque de mener à une utilisation abusive ou à une mauvaise compréhension des obligations auxquelles les parties sont assujetties en vertu de l’engagement implicite, et utilise inutilement le temps et les ressources de la Cour — Requête rejetée.
Seedlings Life Science Ventures LLC c. Pfizer Canada Inc. (T-608-17, 2018 CF 443, protonotaire Tabib, motifs de l’ordonnance en date du 24 avril 2018, 34 p.)