Alberta c. Canada ( Commission du blé )
A-863-97
juge Desjardins, J.C.A.
23-11-98
18 p.
Appel interjeté du rejet, par la Section de première instance, d'une demande de contrôle judiciaire visant le programme de livraison de grains pour 1995-1996 ([1998] 2 C.F. 156)-Le programme de livraison comprenait deux volets-Dans le cadre du volet des livraisons fondées sur la surface cultivée, la Commission annonçait au début de la campagne agricole les demandes de livraison concernant les catégories précises de grain-Les demandes de livraison étaient fonction de la surface cultivée que le producteur avait choisi d'affecter au programme de livraison-Cette quantité était inscrite dans le carnet de livraison du producteur-Chaque producteur avait le droit de livrer la plus forte des deux quantités suivantes; un minimum de 30 tonnes de la qualité de grain visée par la demande de livraison, ou le total de la surface cultivée multiplié par le chiffre prévu dans la demande de livraison fondée sur la surface cultivée-S'agissant des livraisons prévues par contrat, les producteurs pouvaient proposer de vendre, dans le cadre de quatre contrats différents (dont chacun prévoyait une date limite différente), un type de grain précis, dans des quantités fixées au préalable, d'une catégorie et d'une qualité elle aussi spécifiées-Les conditions de l'offre étaient consignées par le producteur dans son carnet de livraison-Les producteurs étaient libres, jusqu'à la date limite d'inscription, de modifier la quantité de grain offerte-Passée cette date limite, la Commission devait, dans les 18 jours, annoncer les quantités qu'elle accepterait-Aux termes du contrat, la Commission était tenue de demander qu'on lui livre les quantités acceptées-Si la Commission acceptait une quantité de grain inférieure au total de la quantité offerte, le producteur pouvait, dans un délai de 14 jours, résilier le contrat-Les producteurs qui ne livraient pas au moins 85 p. 100 de la quantité de grain demandée dans le cadre d'un contrat de livraison, étaient considérés comme ayant manqué à leurs obligations contractuelles et pouvaient être tenus au versement de dommages-intérêts conventionnels, la Commission pouvant également annuler le contrat ainsi que tout autre contrat de livraison conclu avec le même producteur-L'appelante affirme que la Commission a commis un triple excès de pouvoir 1) en concluant des contrats qui ne constituent ni des accords en vue de l'achat des grains ni des mesures utiles à l'exercice de ses activités, contrairement à ce que prévoit l'art. 6b) et k) de la Loi; 2) en délivrant des carnets de livraison qui n'autorisent pas la livraison de grain, contrairement à l'art. 26(1) de la Loi; et 3) en imposant des pénalités excessives qui font que les contrats en question ne sont pas principalement conclus dans l'intérêt des producteurs-L'appel est rejeté-1) Les producteurs doivent solliciter la délivrance d'un carnet de livraison-Les conditions applicables au contrat de livraison sont consignées dans ces carnets-Une des principales conditions veut que les producteurs ne puissent pas revenir sur la quantité de grain qu'ils ont offert de livrer avant l'expiration d'une période de 18 jours suivant la date limite-Les producteurs acceptent ces conditions lorsqu'ils précisent, dans leurs demandes de carnet de livraison, la quantité de grain affectée à telle ou telle série de contrats-Ce verrouillage des quantités au début de la période de 18 jours suivant la date butoir pour chaque série de contrats n'est qu'une étape du processus devant aboutir au contrat de livraison prévu dans la série en question-La décision de la Commission concernant la quantité de grain qu'elle entend accepter donne naissance à un contrat de livraison aux termes duquel la Commission est tenue d'accepter la livraison du grain spécifié, et de le payer-Le producteur dispose d'un délai de 15 jours pour annuler le contrat si la Commission n'accepte pas l'intégralité de la quantité offerte-L'art. 6b) et k) autorise la Commission à prendre, de façon générale, les mesures utiles à l'exercice de ses activités-L'appelante n'a pas démontré que ces pouvoirs ne sont pas suffisamment larges pour englober les étapes prévues dans les contrats de livraison-2) Selon l'art. 26(1), la Commission est tenue de délivrer des carnets de livraison autorisant les livraisons de grain-Le «carnet de livraison» est défini à l'art. 2(1) comme étant un carnet de livraison délivré par la Commission pour une campagne agricole-«Contingent» est défini comme étant la quantité de grain, sur la quantité produite sur une terre désignée dans un carnet de livraison, dont la livraison est autorisée et que la Commission détermine au besoin, soit en indiquant que telle quantité peut être livrée pour tel nombre d'acres, soit par une autre indication-Il n'y a rien d'illégal à ce que la Commission, s'agissant de livraisons calculées en fonction de la surface cultivée, délivre des carnets de livraison oú figure non pas une quantité de grain mais un certain nombre d'acres de surface cultivée, surtout si l'on tient compte des mots «pour tel nombre d'acres, soit par une autre indication»-La méthode utilisée pour établir le contingent attribué à chaque producteur relève des larges pouvoirs de la Commission de concevoir et de mettre en _uvre un système de contingentement-Selon l'art. 28a), b) et c), la Commission peut fixer les modalités de délivrance des carnets de livraison-Peu importe que la Commission consigne dans le carnet de livraison les offres qui lui sont faites plutôt qu'un montant déterminé de grain qui devra être livré-L'élément essentiel de la Loi est ce système de contingents, qui finit par se refléter dans le carnet de livraison une fois fixées les quantités que la Commission est prête à accepter-3) La clause des dommages-intérêts conventionnels a été adoptée en réponse aux producteurs eux-mêmes, afin d'assurer que le coût des livraisons non effectuées serait assumé par des producteurs qui n'ont pas respecté leurs engagements contractuels envers la Commission-Ils correspondent aux coûts des livraisons manquées, y compris le montant des ventes non effectuées, les surestaries, les frais d'annulation des contrats, les frais découlant d'une utilisation moins efficace des réseaux de distribution, l'atteinte à la réputation de fournisseur fiable, le besoin de livrer aux clients une qualité supérieure de grain afin que la Commission puisse respecter ses propres engagements-Rien dans le dossier n'indique pourquoi avait été ajoutée la faculté d'annuler tous les autres contrats de livraison, mais le bon sens porte à penser qu'il est raisonnable d'exclure un producteur qui a de façon répétée manqué aux obligations qui lui incombaient dans le cadre du programme-Aucun élément de preuve n'étaye la thèse de l'appelante ou confirme si les sanctions ont été effectivement appliquées-Faute de faits précis, la Cour ne peut se prononcer sur cet argument-L'appelante n'a pas été capable de dire au regard de quel critère un tribunal judiciaire pourrait évaluer l'«intérêt des producteurs»-La question ne saurait être tranchée dans le vide-Loi sur la Commission canadienne du blé, L.R.C. (1985), ch. C-24, art. 2(1) «carnet de livraison», «contingent», 6b),k), 26(1), art. 28.