Citizen's Mining Council of Newfoundland and Labrador Inc. c. Canada ( Ministre de l'Environnement )
T-2015-97
juge MacKay
8-3-99
51 p.
Demande concernant l'évaluation environnementale du projet relatif à la mine de nickel à Voisey's Bay-Le demandeur conteste le processus de l'évaluation environnementale faite au moyen de deux évaluations distinctes des incidences environnementales des projets proposés par la défenderesse Voisey's Bay Nickel Co. (VBNC), l'un se rapportant à une mine et à une usine à Voisey's Bay, au Labrador, et l'autre à une fonderie et à une raffinerie à Argentia (Terre-Neuve)-Le demandeur soutient que les deux projets doivent faire l'objet d'une seule évaluation-En janvier 1997, les gouvernements fédéral et provincial et les groupes autochtones concernés se sont entendus sur un protocole d'entente (PE) aux fins de l'évaluation environnementale du projet relatif à la mine et à l'usine à Voisey's Bay-Le projet lié à la fonderie et à la raffinerie, à Argentia, n'a pas été inclus dans l'accord relatif à l'évaluation environnementale du projet se rapportant à la mine et à l'usine-Les parties au PE ont envisagé l'inclusion possible du projet lié à la fonderie et à la raffinerie, à Argentia, mais elles ont conclu que la grande distance entre les deux projets, la différence entre les environnements et les populations touchées ainsi que la nature différente des projets proposés et leurs incidences possibles sur l'environnement justifiaient deux évaluations distinctes-En outre, compte tenu de la distance entre les projets, on ne prévoyait pas qu'il y ait des effets environnementaux cumulatifs et il a également été noté que les connaissances et l'expérience que devaient avoir les membres éventuels de la commission d'évaluation seraient différentes pour les deux projets-Les lignes directrices finales concernant l'énoncé des incidences environnementales se rapportant au projet lié à la mine et à l'usine, qui ont été publiées en juin 1997, ne prévoyaient pas l'évaluation environnementale du projet lié à la fonderie et à la raffinerie à Argentia-Le projet lié à la fonderie et à la raffinerie à Argentia nécessite une étude environnementale approfondie à cause du gros terminal qui doit être construit-Le public a la possibilité de faire des observations au sujet du processus d'évaluation à une étape ultérieure, et ce, quel que soit le processus retenu-En mai 1997, après avoir soumis son ébauche de mandat concernant l'énoncé des incidences environnementales à Argentia, VBNC a commencé à préparer son évaluation environnementale du projet, le rapport y afférent devant être utilisé par les ministres fédéraux et provinciaux aux fins de l'évaluation de la viabilité environnementale du projet et des étapes subséquentes appropriées, le cas échéant, dans le processus d'évaluation-Travaux publics a conclu que deux évaluations distinctes étaient requises pour les raisons suivantes: étant donné la grande distance qui sépare les deux projets, les incidences environnementales influeraient sur différents environnements et sur différentes populations et il n'y avait pas de possibilité d'effets cumulatifs; les projets ne seraient pas interdépendants; aucun intérêt autochtone n'est en cause à Argentia; la région d'Argentia est une région industrielle par comparaison avec la région de Voisey's Bay; les sous-produits à chaque endroit sont différents-Selon la preuve, les projets sont administrés séparément, chacun ayant sa propre équipe de gestion et son propre directeur de l'évaluation environnementale au sein de la compagnie-La décision (au sujet de la portée du projet) de refuser que l'on effectue une seule évaluation environnementale des deux projets figure dans une lettre datée du 12 août 1997 qui a été envoyée au demandeur-Loi canadienne sur l'évaluation environnementale appliquée-Demande rejetée-Il y a trois questions préliminaires générales de nature procédurale: la qualité pour agir du demandeur; le fondement de la demande et la question de savoir si elle a été présentée dans les délais; la preuve par affidavit présentée par le demandeur-Qualité pour agir du demandeur-Le demandeur est un organisme sans but lucratif constitué en société n'ayant pas d'intérêts financiers dans les projets-La qualité pour agir doit être reconnue au demandeur en vertu de la doctrine de l'intérêt public-Application du critère énoncé dans l'arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S, 236: le demandeur doit démontrer qu'une question sérieuse est soulevée au sujet de l'invalidité de la disposition législative ou de la mesure administrative en question, qu'il a un véritable intérêt et qu'il n'existe pas d'autres moyens raisonnables et efficaces de soumettre la question à la cour-Le demandeur a soulevé une question sérieuse: celle-ci se rapporte à l'application de l'art. 15 de la Loi au stade initial du processus d'évaluation environnementale par l'autorité responsable-De plus, l'objectif primordial du demandeur, soit la protection environnementale, en particulier en ce qui concerne les régions de Voisey's Bay et d'Argentia, auquel vient s'ajouter l'intérêt évident de ses membres en ce qui concerne le processus d'évaluation, est suffisant pour satisfaire au volet du critère de la qualité pour agir dans l'intérêt public, qui est relatif à l'existence d'un intérêt véritable-Tout membre du grand public à TerreNeuve et au Labrador peut avoir un intérêt dans l'affaire, mais le demandeur est le seul à démontrer qu'il a un intérêt suffisant ou qu'il a les moyens d'engager des procédures judiciaires-Fondement de la demande et question de savoir si elle a été déposée dans les délais-Vu la date de la décision du ministre des Travaux publics quant à la portée du projet, la demande de contrôle judiciaire est présentée dans le délai imparti-La question qui se pose en l'espèce peut uniquement être de savoir si le ministre des Travaux publics, soit l'autorité responsable du projet lié à la fonderie et à la raffinerie, a agi conformément à la Loi en excluant le projet lié à la mine et à l'usine de l'évaluation relative à la fonderie et à la raffinerie et en considérant ce dernier projet comme un projet distinct aux fins de l'évaluation environnementale prévue par la Loi-La décision relative à la portée d'un projet prévue à l'art. 15 de la Loi est une décision au sens de l'art. 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale et cette décision peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire-Le contrôle judiciaire n'est pas prématuré lorsqu'une décision est prise par l'autorité responsable au sujet de la portée du projet devant faire l'objet d'une évaluation que l'autorité en question approuvera ou refusera d'approuver-Même si la décision est considérée comme une décision interlocutoire, l'existence de circonstances extraordinaires, au sens de l'arrêt Szczecka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 116 D.L.R. (4th) 333 (C.A.F.), justifient un contrôle en l'espèce-La décision relative à la portée du projet est essentielle à l'évaluation qui doit être effectuée-Cette opinion est étayée par l'arrêt Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.)-Preuve par affidavit présentée par le demandeur-Étant donné la conclusion que la Cour tire au sujet du bien-fondé de la demande, il n'est pas nécessaire de déterminer quels éléments de la preuve qui est contestée pour le motif qu'il s'agit de ouï-dire devraient être admis-A-t-on commis une erreur en omettant de réunir les projets en un seul processus d'évaluation?-L'art. 15(3) de la Loi exige l'inclusion dans un projet lié à un ouvrage de toute phase de l'ouvrage, soit de toute opération, construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre, constituant un projet lié à un ouvrage-Toutefois, l'art. 15(3) de la Loi n'exige pas qu'une seule évaluation environnementale soit faite lorsque deux projets dont chacun est lié à un ouvrage ou à des ouvrages sont proposés par un même promoteur, même si les deux projets sont dans une certaine mesure interdépendants-Bien que l'art. 15(2) de la Loi autorise une évaluation de deux ou plusieurs projets lorsque l'autorité responsable ou le ministre de l'Environnement décide que les projets sont liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet, cette décision est clairement de nature discrétionnaire et n'est pas de rigueur-Il n'y a pas de projet à évaluer tant qu'une décision ou une mesure au sens de l'art. 5 n'est pas prise-Dans ce cas-ci, deux projets ont été proposés par VBNC, qui les considère comme deux projets distincts, et VBNC a demandé les approbations nécessaires à différents moments auprès d'autorités responsables différentes-Si les deux projets doivent faire l'objet d'une seule évaluation environnementale en vertu de la Loi, la décision y afférente doit être prise en vertu de l'art. 15(2) de la Loi-Lorsque le promoteur n'inclut pas une phase dans un projet, l'autorité responsable ou le ministre a le pouvoir discrétionnaire de l'y inclure, mais cela doit être le résultat d'une décision délibérée-Travaux publics n'a pas commis d'erreur de droit en n'incluant pas le projet lié à la mine et à l'usine dans la portée du projet lié à la fonderie et à la raffinerie aux fins de l'évaluation environnementale-Lorsque le pouvoir discrétionnaire conféré par la loi, comme celui qui a ici été exercé en vertu de l'art. 15(1) de la Loi, a été exercé d'une façon raisonnable, de bonne foi, sans qu'il soit tenu compte de considérations non pertinentes, et qu'il n'a pas été exercé illégalement, le tribunal qui exerce le contrôle n'interviendra pas, et ce, bien qu'il eût peut-être exercé différemment ce pouvoir discrétionnaire-Chaque partie prend en charge ses propres dépens-Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 5(1)c),d), 14, 15(1),(2),(3)-Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(2) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).