Metcalfe c. Canada
T-1136-98
juge Evans
6-1-99
14 p.
Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) confirme la décision du Comité de révision du Tribunal de rejeter la demande de pension d'invalidité-Le demandeur est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée-Au cours de la guerre de Corée, après avoir tiré de nombreux coups d'un mortier de 60 mm, il est devenu complètement sourd pendant quelques jours-Il n'a jamais déclaré sa perte d'audition-On l'a démobilisé en tant que personne physiquement apte au service militaire, bien que son examen n'ait pas comporté d'audiogramme-Après sa démobilisation, il a souffert de troubles auditifs-En 1976, un oto-rhino-laryngologiste a conclu qu'il y avait une forte possibilité que cette blessure ait été en partie causée par les détonations-Après 1976, son ouïe a diminué davantage-En 1997, un deuxième médecin spécialiste a fait état d'une perte profonde d'audition dans chaque oreille rendant le port d'appareils auditifs nécessaire, et émis l'avis que l'exposition antérieure au bruit peut vraisemblablement constituer la cause principale de la perte d'audition-En vertu de l'art. 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal doit tirer les conclusions les plus favorables possible à l'appelant; accepter comme vrai tout élément de preuve crédible et fiable produit par le demandeur; et, dans l'appréciation de la preuve, trancher toute incertitude en faveur de l'appelant-L'art. 3 prévoit que les pouvoirs et fonctions du Tribunal doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le Canada reconnaît avoir à l'égard de ses anciens combattants-Le Tribunal accepte les faits principaux sur lesquels le demandeur fonde sa demande, à savoir que le demandeur a été exposé à un bruit excessif pendant qu'il était en service militaire actif et que son ouïe est maintenant sérieusement affaiblie-Toutefois, le Tribunal n'est pas convaincu de l'existence d'un lien de causalité entre ces faits en raison du défaut du demandeur de consulter un médecin avant 1976, soit vingt-quatre ans après l'incident auquel il attribue ses difficultés auditives-Le fait que ce qui n'était qu'une perte d'audition relativement mineure en 1976 soit devenu beaucoup plus grave en 1997 indiquait au Tribunal que l'invalidité du demandeur était attribuable à des facteurs postérieurs à la démobilisation-Demande accueillie-Le Tribunal ne peut être parvenu à sa décision qu'en se trompant sur l'effet de l'art. 39-Bien que cette disposition ne puisse avoir pour effet d'inverser le fardeau de la preuve en exigeant que le défendeur établisse que l'état pathologique de l'ancien combattant n'est pas attribuable au service militaire, elle va largement en ce sens du fait qu'elle prévoit qu'il convient de trancher toute incertitude raisonnable en faveur des demandeurs-L'explication du demandeur quant à son défaut de requérir plus tôt des soins médicaux est plausible-La prétention suivant laquelle l'exposition au bruit excessif provenant du mortier a causé l'aggravation significative d'un phénomène par ailleurs naturel, si bien que le demandeur est maintenant sourd, paraît raisonnable-Malgré l'incertitude quant à l'existence d'un lien de causalité entre le bruit auquel le demandeur a été exposé pendant qu'il était en service militaire et sa surdité, le demandeur a produit des éléments de preuve suffisamment crédibles relativement à la cause de sa perte d'audition et, si le Tribunal avait respecté les prescriptions de l'art. 39, il aurait été contraint en droit d'accueillir la demande-Le Tribunal a commis une erreur de droit en fondant son rejet de la demande sur une conclusion de fait qui, compte tenu de la preuve soumise et des dispositions législatives pertinentes, est manifestement déraisonnable-Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. C-18, art. 3, 39.