Lavigne c. Canada ( Commissariat aux langues officielles )
T-909-97
juge Dubé
16-10-98
17 p.
Demande de contrôle judiciaire du refus du Commissaire aux langues officielles de divulguer des notes d'entrevue provenant de ses dossiers d'enquête, que le demandeur cherche à obtenir en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels-Le demandeur prétend avoir été forcé d'utiliser la langue française au travail quand il travaillait au bureau de Montréal du ministère de la Santé et du Bien-être social-Il a déposé quatre plaintes auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO)-Le CLO a conclu que les quatre plaintes du demandeur étaient bien fondées et a soumis des recommandations au Ministère qui a accepté d'y donner suite-Le demandeur s'est adressé à la Cour fédérale en vue d'obtenir réparation et a obtenu un jugement de la Section de première instance lui accordant la somme de 3 000 $ en dommages-intérêts et ordonnant au Ministère de lui écrire une lettre d'excuse-L'appel devant la CAF se rapportant au montant des dommagesintérêts n'a pas encore été entendu-Dans le cadre de l'examen devant le juge de première instance, le Ministère a déposé les affidavits de la coordonnatrice régionale aux langues officielles, du gestionnaire de district, bureau de Montréal, et de la chef de service, supérieure immédiate du demandeur-Le demandeur cherche, par la présente demande, à obtenir les renseignements figurant dans les notes prises par les enquêteurs du CLO dans le cadre de leurs entrevues-Le demandeur a reçu des extraits des entrevues et il tente à présent d'obtenir les parties manquantes des documents demandés-Les questions en litige sont les suivantes: les renseignements que le demandeur cherche à obtenir sont-ils des «renseignements personnels» au sens oú l'entend la Loi sur la protection des renseignements personnels; les renseignements non personnels qui n'ont pas été divulgués au demandeur ont-ils été correctement retranchés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels; les «renseignements personnels» que le demandeur cherche à obtenir et qui ne lui ont pas été divulgués sont-ils à juste titre assujettis à l'exemption prévue à l'art. 22(1)b) de la Loi ou à toute autre exemption applicable; quelle répercussion ont les art. 60, 72, 73 et 74 de la Loi sur les langues officielles sur la demande de renseignements du demandeur?-Le demandeur soutient avoir droit aux renseignements demandés parce que ce sont des «renseignements personnels», selon l'art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels; que l'intérêt de la divulgation l'emporte sur les risques que courent les enquêtes du défendeur-Le CLO prétend que le défendeur n'est pas tenu de divulguer les renseignements qui ne sont pas des «renseignements personnels»; que les renseignements qui n'ont pas été divulgués étaient visés par l'exemption prévue à l'art. 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels au motif que la divulgation risquerait de nuire aux activités destinées à faire respecter la Loi sur les langues officielles; que le défendeur ne fait que se conformer aux dispositions des art. 60, 72, 73 et 74 de la Loi sur les langues officielles, qui portent sur la confidentialité; que les dispositions relatives à la confidentialité dans la Loi sur les langues officielles servent à obtenir la collaboration de tous les témoins, qui est essentielle au déroulement des enquêtes; qu'en raison du fait que des promesses de confidentialité ont été faites aux témoins en l'espèce, la divulgation à présent trahirait l'engagement pris envers ces personnes-Le Commissaire à la protection de la vie privée est intervenu en faveur du demandeur, étant d'avis que l'art. 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne sert pas à restreindre l'accès du demandeur à ses «renseignements personnels»; que le CLO n'a pas réussi à démontrer que les «renseignements personnels» que le demandeur cherche à obtenir risqueraient vraisemblablement de causer un préjudice probable à ses enquêtes; que les promesses de confidentialité, au lieu de faciliter la collaboration des témoins, diminuent la véracité des propos tenus-Demande accueillie-L'art. 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit d'une manière claire que la Loi a pour objet à la fois de protéger les individus quant aux renseignements qui les concernent et de leur donner accès à ces renseignements-Cette Loi complète la Loi sur l'accès à l'information qui s'étend à toute la législation canadienne et donne accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication et le principe que les exceptions indispensables à ce droit sont précises et limitées-La divulgation est la règle; l'exemption est l'exception-En l'espèce, le défendeur invoque l'exemption prévue à l'art. 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui vise les renseignements dont la divulgation risquerait de nuire au déroulement d'enquêtes licites-Dans Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707 (C.A.), la C.A.F. a clairement précisé dans cet arrêt que les déclarations faites dans le cadre d'une enquête, que ce soit pendant son déroulement ou après, peuvent être divulguées si une loi l'exige ou l'autorise-Dans Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié) (1997), 4 Admin. L.R. (3d) 96 (C.F. 1re inst.), le juge de première instance a conclu, en faisant état du risque vraisemblable de préjudice probable, qu'on ne peut pas refuser de divulguer un renseignement et invoquer pour cela les art. 16(1)c) de la Loi sur l'accès à l'information et 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels en faisant uniquement valoir que la divulgation aurait pour effet d'intimider les éventuels participants à de futures enquêtes-Le demandeur en l'espèce a droit aux renseignements personnels-Les renseignements ne sont pas visés par l'exemption de divulgation prévue à l'art. 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels-Le défendeur n'a pas réussi à établir que la communication de ces renseignements personnels présente un risque vraisemblable de préjudice probable au déroulement de son enquête-Les témoins à une enquête doivent être prévenus que le témoignage qu'ils font au sujet d'un individu peut être divulgué à celui-ci-Ils feront très attention à ce qu'ils disent-La circonspection appropriée protégera l'intégrité du processus d'enquête et le droit des individus concernés d'être pleinement informés de ce qui leur est reproché-Les promesses de confidentialité ne sont pas essentielles car le défendeur a le pouvoir de décerner des citations à comparaître, le cas échéant-Les «renseignements personnels» auxquels le demandeur a droit sont définis à l'art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels: des renseignements qui, quels que soient leur forme et leur support, le concernent et, notamment, des idées ou des opinions d'autrui sur lui-Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3, 22(1)b)-Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 60, 72, 73, 74-Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 16(1)c).