Zinck's Bus Co. c. Canada
T-1175-97
juge Wetston
29-7-98
13 p.
Demande d'annulation d'un ordre de paiement délivré conformément à l'art. 251.1(1) du Code canadien du travail pour le motif que l'inspecteur qui avait délivré l'ordre n'avait pas compétence, étant donné que l'entreprise visée ne relevait pas de la compétence législative fédérale ou, subsidiairement, parce que les exigences de l'équité procédurale n'avaient pas été respectées-L'entreprise de transport par autobus de la demanderesse avait notamment fourni, jusqu'au 2 juin 1995, un service de location d'autobus sur demande pour des voyages à l'extérieur de la province-Moins de 1 p. 100 des voyages par affrètement effectués au cours d'une période d'un an étaient des voyages interprovinciaux-Les voyages interprovinciaux représentaient 1,5 p. 100 des bénéfices de la demanderesse, et 2 p. 100 du nombre total de kilomètres effectués-La demanderesse ne participait pas à la pratique existant à l'égard des «correspondances intercompagnies», selon laquelle des billets pouvaient être émis par un transporteur pour des points situés en dehors de la région desservie au moyen d'ententes de transfert et de partage des bénéfices conclues entre les principaux transporteurs-Des employés avaient déposé auprès de Développement des ressources humaines Canada des plaintes dans lesquelles ils demandaient à être rémunérés pour la période allant du 1er juin 1993 au 2 juin 1995 à l'égard des congés fériés, des heures supplémentaires et des vacances-La demanderesse a refusé de permettre à l'inspecteur de consulter ses livres de paie-En refusant de collaborer, elle cherchait à faire entendre l'affaire par les tribunaux, de façon que la question de savoir si l'entreprise relevait de la compétence fédérale puisse être réglée-L'ordre de paiement était fondé sur les calculs effectués à l'aide des renseignements fournis par les demandeurs individuels-L'inspecteur n'a pas fourni à la demanderesse les renseignements obtenus par les demandeurs, bien que cette dernière les lui eût demandés-La demanderesse soutient que l'omission de lui fournir pareils renseignements constituait une violation des règles d'équité procédurale-Demande accueillie-Le principe de justice naturelle en cause est le droit à une audience-Étant donné qu'elle avait souvent refusé de participer au processus, de façon que l'affaire soit portée devant les tribunaux, la demanderesse ne peut pas maintenant alléguer qu'elle a été traitée d'une façon inéquitable parce que l'inspecteur ne lui a pas communiqué les renseignements dont il disposait-Il n'est pas possible d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle lorsque la violation, le cas échéant, a été occasionnée par la conduite de la demanderesse-L'art. 86 du Code prévoit que la partie III s'applique uniquement aux employés qui travaillent dans une entreprise fédérale-L'art. 2 définit les «entreprises fédérales» comme étant les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d'activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment les installations ou ouvrages reliant une province à une autre, ou débordant les limites d'une province-L'entreprise de la demanderesse serait assujettie au Code uniquement s'il était possible de démontrer qu'elle est visée par l'art. 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 à titre d'entreprise reliant la Nouvelle-Écosse à une autre province, ou s'étendant au-delà des limites de la Nouvelle-Écosse-Il faut déterminer la nature essentielle des activités, à savoir si l'entreprise est «essentiellement» de nature interprovinciale-La nature essentielle de l'entreprise de la demanderesse était de fournir des services de transport par autobus aux personnes de Halifax et des environs-Les tribunaux ont souvent statué qu'une entreprise relève du pouvoir de réglementation fédéral même si une petite partie de ses activités commerciales sont de nature interprovinciale ou internationale-Toutefois, l'indice primordial, lorsqu'il s'agit de déterminer si une entreprise de transport est essentiellement de nature fédérale, consiste encore à déterminer si les services interprovinciaux constituent une partie continue régulière des activités de l'entreprise-En effectuant pareille détermination, il ne faut pas se fonder sur le «pourcentage d'activités interprovinciales»-Même un service interprovincial irrégulier peu important peut être suffisant pour qu'il soit possible de conclure qu'une entreprise est régulière et continue, s'il est établi que la demanderesse «est prête n'importe quand» à fournir pareil service, qu'elle a veillé à obtenir les licences et les permis nécessaires, et que les voyages interprovinciaux sont suffisamment fréquents: R. v. Cooksville Magistrate's Court, Ex parte Liquid Cargo Lines Ltd. (1964), 46 D.L.R. (2d) 700 (H.C. Ont.)-La demanderesse était prête à fournir un service de transport par affrètement interprovincial, mais elle ne l'a fait que 30 fois sur une période d'un an, ce qui représente moins de 1 p. 100 de l'ensemble des services de transport par affrètement-Le faible nombre et la fréquence limitée des voyages interprovinciaux irréguliers effectués par la demanderesse montrent que les activités «interprovinciales» de l'entreprise de la demanderesse étaient exceptionnelles, plutôt que «normales ou habituelles» ou «régulières et continues»-Le fait que la demanderesse ne s'occupait pas de «correspondances intercompagnies» laisse également entendre que son entreprise n'était pas de nature interprovinciale-Le service de transport interprovincial par affrètement occasionnel peu fréquent et irrégulier de la demanderesse est simplement accessoire à ce qui était essentiellement une entreprise de transport locale: R. c. Manitoba Labour Board, Ex parte Invictus Ltd. (1967), 65 D.L.R. (2d) 517 (B.R. Man.)-L'entreprise de la demanderesse n'était pas visée par l'art. 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 pendant la période pertinente, et elle n'était pas visée par la définition de l'expression «entreprises fédérales» figurant à l'art. 2 du Code-L'ordre de paiement était inconstitutionnel-Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.), (mod. par Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, item 1 [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]-Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 2 «entreprises fédérales» (mod. par L.C. 1990, ch. 44, art. 17), 86, 251.1(1) (édicté par L.C. 1993, ch. 42, art. 37).