[2016] 4 R.C.F. F-3
Impôt sur le revenu
Calcul du revenu
Gains et pertes en capital
Appel interjeté à l’encontre d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) (2014 CCI 324) a accueilli l’appel interjeté par l’intimée visant les nouvelles cotisations en vertu desquelles le Ministre du revenu national a statué que l’intimée avait réalisé des gains de change par suite de la conversion de certaines de ses débentures convertibles en dollars américains ($ US) (les débentures convertibles) en actions ordinaires (les actions ordinaires) durant les années d’imposition 2005 et 2006 de l’intimée — Les nouvelles cotisations ont été établies conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 alors en vigueur lorsque l’intimée a fait l’objet des cotisations — La C.C.I. a conclu qu’aucun gain de change n’avait été réalisé par l’intimée par suite des conversions qui ont eu lieu au cours des années d’imposition en cause — Cette conclusion découlait de l’interprétation par la C.C.I. des modalités énoncées dans le contrat bilatéral de février 2005 en litige qui s’appliquait aux débentures convertibles — La C.C.I. a conclu que les détenteurs de débentures qui avaient exercé leurs droits d’acquérir des actions ordinaires lors de conversions avaient essentiellement parfait une souscription d’actions ordinaires qu’ils ont réalisée au moment de souscrire et d’acquérir les débentures convertibles — L’intimée, une société ouverte régie par les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions (LSA) de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. B.16 a, de 2002 à 2006, coté ses actions ordinaires à la Bourse de New York et à la Bourse de Toronto — L’intimée a été autorisée par résolutions à conclure un contrat bilatéral avec une société de fiducie en tant que fiduciaire pour le compte de chaque détenteur qui avait acquis une débenture convertible — Selon les modalités principales du contrat bilatéral, l’intimée avait promis de payer au détenteur 1 000 $ US à l’échéance — Elle était également autorisée à émettre des actions ordinaires à la conversion, lors du rachat ou à l’échéance des débentures convertibles — Tant en 2005 qu’en 2006, les détenteurs des débentures convertibles qui avaient donné des avis de conversion ou de rachat ont reçu des actions ordinaires lors de la restitution des débentures convertibles — Les conversions se sont produites à des dates différentes de sorte que les taux de change ont fluctué — Dans sa déclaration de revenu de 2005, l’intimée n’a pas déclaré de gains en capital en ce qui concerne les conversions qui s’étaient produites durant l’année d’imposition 2005 alors que dans sa déclaration de revenu de 2006, elle a déclaré les gains en capital réalisés par suite des conversions et des rachats en 2006 — Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’endroit de l’intimée pour les années d’imposition 2005 et 2006 au motif qu’en vertu de l’art. 39(2) de la Loi, l’intimée était réputée avoir réalisé des gains en capital par suite des conversions de 2005 et des conversions et des rachats de 2006 — La C.C.I. a accueilli l’appel de l’intimée en ce qui concerne les gains en capital réputés ayant fait l’objet d’une cotisation en ce qui concerne les conversions de 2005 et de 2006, mais a confirmé la cotisation des gains en capital réputés pour ce qui est des rachats — Il s’agissait de savoir si la C.C.I. a commis une erreur susceptible de révision dans l’interprétation du contrat bilatéral; si elle a commis une erreur susceptible de révision en concluant que le montant payé par l’intimée pour éteindre la dette attesté par les débentures convertibles avait pris naissance (« a pris naissance ») au sens de l’art. 261(2)b) de la Loi au moment où la dette est apparue, et non pas au moment où la dette a été éteinte; si la C.C.I. a commis une erreur susceptible de révision en concluant que le montant payé par l’intimée pour éteindre la dette était attestée par chaque débenture convertible assujettie au montant de 1 000 $ US lors de la conversion et en concluant que l’intimée n’avait pas réalisé de gain aux fins de l’art. 39(2) de la Loi par suite des conversions de 2005 et de 2006 — La C.C.I. a adopté simultanément deux approches différentes, mutuellement inconciliables, en ce qui concerne le contrat bilatéral, les droits juridiques et les obligations créées en vertu de ceux-ci — Cette incohérence constituait une erreur juridique nécessitant l’intervention de la Cour — Bien qu’elle ait caractérisé à bon droit les débentures convertibles ainsi que le contrat bilatéral en vertu duquel elles ont été délivrées, la C.C.I. a conclu que le prix de souscription offert par les détenteurs à la date d’émission devait être caractérisé non pas de souscription pour l’endettement de l’intimée, mais bien de prix de souscription des actions ordinaires qui pourraient, à l’avenir, être émises si et dans la mesure où les détenteurs décident de convertir les débentures convertibles conformément aux dispositions en matière de conversion du contrat bilatéral — La C.C.I. a conclu que le contrat bilatéral constituait une souscription des actions pour les détenteurs dont les débentures convertibles avaient été converties en actions ordinaires tout en constituant une souscription pour le titre de créance en vertu duquel la dette était remboursable en actions pour les personnes dont les débentures convertibles avaient été rachetées — Ainsi, la C.C.I. a caractérisé le contrat bilatéral, les droits et les obligations qui en découlent sur un fondement ex post facto donnant ainsi lieu à des interprétations contradictoires — La caractérisation des droits et des obligations des détenteurs et de l’intimée en vertu du contrat bilatéral devait être déterminée au moment de la conclusion et de l’entrée en vigueur du contrat bilatéral — Il était impossible de savoir si, au moment de la conclusion du contrat bilatéral, les débentures convertibles allaient être rachetées, converties ou remboursées à la date d’échéance — La caractérisation ex post facto constituait une erreur de droit — En fonction de l’interprétation des dispositions pertinentes du contrat bilatéral, les détenteurs ayant émis des avis de conversion se faisaient rembourser leurs dettes par l’intimée, lesquelles étaient attestées par les débentures convertibles remboursées par l’émission d’actions ordinaires conformément au contrat bilatéral — La C.C.I. devait statuer si en 2005 et en 2006, l’intimée avait réalisé un gain de change aux fins de l’art. 39(2) de la Loi en vertu des fluctuations des devises étrangères résultant de la conversion des débentures convertibles qui avait alors eu lieu — Le montant que l’intimée a payé au moment du remboursement de la dette constituait le montant du remboursement — Chaque montant de remboursement prenait naissance à la date de ce remboursement — Les modalités du contrat bilatéral fournissaient des réponses quant à la façon dont le quantum des dommages-intérêts devait être déterminé — Lorsque les administrateurs de l’intimée ont adopté la résolution relative à la valeur de la contrepartie pour l’émission d’actions, ils se sont conformés à l’art. 23(4) de la LSA puisqu’ils ont adopté, du moins en partie, le libellé de la disposition — Selon les dispositions en matière de conversion du contrat bilatéral, chaque détenteur avait le droit de recevoir 1 000 $ US par débenture convertible en espèces à l’échéance ainsi que tous les autres droits dont il disposait en vertu du contrat bilatéral lorsque la dette de l’intimée envers ce détenteur était remboursée lors de chaque conversion — Ainsi, l’abandon de ces droits constituait une contrepartie donnée par chaque détenteur à l’intimée pour l’émission d’un nombre établi d’actions ordinaires par débenture convertible plus un paiement au comptant en dollars US au lieu de fractions d’actions ordinaires — Le montant du remboursement concernant chaque débenture convertible constituait un montant en dollars US déterminé en multipliant le prix de vente des actions ordinaires, à chaque date de conversion, par 71,429 (taux de conversion, soit le montant des actions ordinaires par débenture convertible) — Le montant en dollars US qui en découle serait ensuite converti en dollars canadiens conformément à l’art. 261(2) de la Loi à chaque date de conversion — La question de savoir si l’intimée a réalisé un gain aux fins de l’art. 39(2) de la Loi peut être déterminée en comparant le montant en dollars canadiens avec le montant en dollars canadiens reçu par l’intimée à la date d’émission – Si le montant du remboursement à l’égard d’une conversion particulière est inférieur au montant des émissions connexes, l’intimée réalise un gain aux fins de l’art. 39(2) à l’égard de la conversion — Appel accueilli.
Canada c. Agnico-Eagle Mines Limited (A-532-14, 2016 CAF 130, juge Ryer, J.C.A., jugement en date du 26 avril 2016, 41 p.)