[2016] 4 R.C.F. F-7
Libération conditionnelle
Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a rejeté la demande faite par le demandeur de lui accorder une remise d’une peine indéterminée — Le demandeur est assujetti à une sentence de détention préventive que lui vaut sa désignation de repris de justice en 1972 — Il a fait une demande de clémence en 2005 — Le ministre a jugé dans une lettre datée du 9 septembre 2014 que le demandeur ne rencontrait pas les critères pouvant justifier un exercice de clémence, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu une erreur de droit, la modification d’une loi ou une peine trop sévère qui serait disproportionnée par rapport à la nature des infractions commises — Le refus ministériel qui faisait suite à une recommandation négative de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (Commission) n’a pas été divulgué au demandeur — Les Directives ministérielles sur la prérogative royale de clémence ont pour objet d’aider la Commission à évaluer le bien-fondé des demandes de clémence et à déterminer si elle doit ou non recommander au ministre l’exercice de la prérogative royale — La Commission a tenu compte d’autres facteurs pour formuler une recommandation dans le cas du demandeur : la dangerosité du demandeur; la problématique criminelle reliée à l’alcool; les possibilités de libération conditionnelle — Il s’agissait principalement de savoir si la non-divulgation de la recommandation au demandeur constituait un bris matériel à l’équité procédurale — Le dossier contient des bris matériels sérieux à l’équité procédurale — Le ministre n’a jamais ordonné d’enquête formelle en vue d’un exercice de la prérogative royale de clémence dans le cas de la demande de clémence déposée en 2005 — Neuf ans pour statuer, sommairement et sans enquête, sur le bien-fondé de la demande de clémence, ce n’est pas sérieux — Le manque de transparence dans lequel a baigné l’ensemble du processus depuis le dépôt de la demande de clémence respire la mauvaise foi et sent le parti pris — Le dépôt de la recommandation et du dossier de la Commission auprès de la Cour n’a pas suffi à faire amende honorable — Même si la clémence royale ne fait pas l’objet de droits, un requérant peut au minimum escompter que sa demande sera sérieusement étudiée par un décideur ayant l’esprit ouvert — Un requérant doit pouvoir expliquer ou réfuter tout élément défavorable qui ne lui a pas été déjà divulgué par la Commission et il doit également avoir la possibilité de commenter toute recommandation négative de la Commission — Il est opportun de renvoyer la demande de clémence au Ministre pour un nouvel examen après que le demandeur aura eu l’opportunité de soumettre au ministre des représentations écrites au sujet de la recommandation de la Commission — La question n’est pas de savoir si la décision du ministre constitue une issue acceptable, mais de se demander si le demandeur a eu l’opportunité de faire valoir son point de vue devant un décideur neutre et impartial — La décision ministérielle n’est pas la résultante d’une « mise en balance proportionnée » — Demande accueillie.
Robillard c. Canada (Procureur général) (T-2296-14, 2016 CF 495, juge Martineau, jugement en date du 4 mai 2016, 52 p.)