PÊCHES |
Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans)
A-11-01
2002 CAF 103, juge Malone, J.C.A.
22-3-02
9 p.
Appel du rejet de la demande de contrôle judiciaire ((2000), 198 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.)) de la décision de la Commission d'appel des permis du Pacifique--formation responsable du poisson de fond-- au sujet des quotas individuels de bateau (les QIB) alloués aux appelantes pour leur permis de pêche--Les appelantes étaient propriétaires du navire de pêche Howe Bay, auquel leur permis initial de pêche était rattaché--Le Howe Bay a été perdu en mer en 1990--Les appelantes n'ont plus pu pêcher avec leur permis initial, car leur compagnie d'assurances a refusé de les indemniser pour leur perte--En 1992, elles ont échangé leur permis initial contre le permis T-063, qu'elles ont rattaché au Glen Coe--Le permis T-063 était initialement rattaché au Scotia Cape, perdu en mer en 1987--Les appelantes n'ont pu pêcher avec leur permis T-063 que pendant trois mois en 1992--En 1997, un système de quotas a été établi pour déterminer la prise autorisée en vertu des permis existants--Le QIB était fondé sur la longueur du bateau auquel se rattachait le permis et sur l'historique de la capture afférente à ce permis pour la période de 1987 à 1992--L'historique de capture des appelantes pour le permis T-063 se basait sur une période de trois mois en 1992--Comme les propriétaires de bateaux ont, en vertu de la politique du MPO, normalement deux ans pour remplacer de façon permanente un navire, la formation a conclu qu'il devrait y avoir une compensation pour 1988 et 1989--Elle a attribué au permis un historique de capture pour les deux ans pris en considération, fondé sur la prise moyenne des bateaux de taille comparable au cours des années 1988 et 1989--Elle a aussi recommandé d'attribuer au permis un historique de capture basé sur celui de la prise moyenne des bateaux de taille comparable pendant les années 1987 et 1988, puisque le Scotia Bay aurait probablement pêché--Le ministre a accueilli les appels afin que les historiques de capture soient rajustés--Appel rejeté--1) Les appelantes demandent à la Cour d'annuler la décision du juge qui a siégé en révision et de la remplacer par une ordonnance selon laquelle la restriction de deux ans imposée par la formation est levée-- Ces mesures permettraient aux appelantes de se voir attribuer un quota fondé sur un historique de capture de cinq années complètes plutôt que sur celui de deux ans recommandé par la formation--Elles demandent essentiel-lement à la Cour de décider que la formation aurait dû recommander, puisqu'elle a reconnu l'existence de circonstances atténuantes, un quota économiquement viable pour le permis T-063, fondé sur un historique de capture de cinq ans--Une telle intervention équivaudrait à remplacer la recommandation de la formation par celle de la Cour--Une telle réparation outrepasse la portée de l'art. 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale, selon lequel la Cour d'appel peut soit rejeter l'appel soit rendre le jugement que la Section de première instance aurait dû rendre, et cette dernière n'aurait pas pu, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, remplacer la décision de la formation par la sienne--La Cour n'a pas compétence pour accorder la réparation demandée par les appelantes--2) L'art. 7 de la Loi sur les pêches donne au ministre le pouvoir de rendre, à discrétion, des décisions au sujet des licences d'exploitation de pêcheries--La formation formule simplement des recommandations que le ministre est en droit d'accepter ou de rejeter--À première vue, les recommandations de la formation ne sont pas susceptibles de contrôle--La Cour peut contrôler une décision discrétionnaire du ministre qui se fonde, en partie, sur une recommandation de la formation--Dans le présent appel, les appelantes cherchent à faire annuler l'ordonnance du juge qui a siégé en révision sans faire mention du ministre--Bien qu'il soit présenté sous le couvert d'une contestation de la recommandation de la formation, l'appel ne peut se poursuivre qu'en tant que contrôle de la décision du ministre et de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de ce dernier fondé sur l'art. 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale--3) Le mandat de la formation prévoit que celle-ci doit, dans chaque cas où une dérogation au programme de QIB est recommandée, fournir des motifs complets au ministre--Les recommandations doivent se fonder sur des circonstances atténuantes et suivre certaines lignes directrices--Ainsi, ces recommandations au ministre devraient être fondées sur des motifs liés aux circonstances atténuantes et la discrétion de la formation ne serait pas aussi vaste que celle du ministre--Le facteur le plus important est l'importance des conséquences de la décision pour les appelantes--La norme de contrôle applicable aux recommandations discrétionnaires de la formation devrait être celle de la décision raisonnable et, d'après l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, les recommanda-tions seraient déraisonnables si elles n'étaient pas étayées par des motifs susceptibles de résister à un examen quelque peu plus approfondi--4) On a alloué aux appelantes un QIB bas à cause de leur décision d'échanger leur permis initial contre le permis T-063--Il était raisonnable que la formation base sa recommandation sur le permis que les appelantes détenaient au moment de l'appel--Il n'était pas déraisonnable de s'attendre à ce que les appelantes assument le risque de leur décision d'affaire--Comme l'historique de capture est rattaché au permis, il était aussi raisonnable que la formation base ses recommandations sur la période de grâce que le MPO aurait donnée aux propriétaires initiaux du permis T-063 après la perte du Scotia Cape, les deux ans pour le remplacement permanent du bateau--5) Les appelantes ont eu une audience, ont exposé oralement leurs prétentions, ont présenté des observations écrites et se sont fait représenter par un avocat--Il est difficile de voir quelle inéquité procédurale elles auraient pu subir--Selon la procédure, le ministre pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire dans le cadre d'un processus non accusatoire--Ce processus devait respecter les exigences d'équité, mais la norme de justice naturelle exigée pour les processus accusatoires, judiciaires ou quasi judiciaires n'était pas requise--Les appelantes soutiennent que la formation a contrevenu aux exigences d'équité procédurale parce qu'elle a entendu la preuve de fonctionnaires du MPO en leur absence et qu'elle ne les a pas avisées qu'elle utilisait la politique de deux ans--Rien n'indique que les fonctionnaires du MPO aient fait quoi que ce soit de plus que remettre à la formation des renseignements factuels dont les appelantes avaient déjà pris connaissance et qui ne leur étaient pas préjudiciables-- Lorsque la formation se sert d'une connaissance qui est commune dans l'industrie, le critère qui s'applique à l'intervention ne doit pas être de savoir si les appelantes ont eu la possibilité de présenter des observations, mais il est plutôt de savoir si les renseignements étaient pertinents--Il y a un lien rationnel entre la politique de deux ans et les circonstances atténuantes dans lesquelles se trouvaient les appelantes--L'absence d'avis et l'absence de possibilité de présenter des observations ne constituent pas une violation d'équité procédurale--Les appelantes prétendent que la décision écrite de la formation n'était pas la décision de la formation au complet, mais seulement l'opinion de son président--Il n'y a pas de preuve claire qui indiquerait que la recommandation de la formation, telle qu'elle est rédigée, ne traduit pas la décision de la formation--Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(4) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 52b)(i)--Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 7.