Boutiques Progolf Inc. c. Marks & Clerk
A-584-92
juges Marceau, Desjardins et Létourneau, J.C.A.
19-11-93
34 p.
Appel et appel incident d'une décision de la Section de première instance (1992), 55 F.T.R. 221 accueillant en partie l'appel de l'intimée d'une décision du registraire des marques de commerce qui ordonnait la radiation de la marque de commerce «Progolf» en application de l'art. 45 de la Loi sur les marques de commerce -- L'enregistrement de la marque de commerce «Progolf» a été obtenu le 7 juin 1985 en relation avec des articles de golf -- En 1988, l'appelante a requis le registraire de faire parvenir au propriétaire inscrit un avis exigeant une preuve d'emploi de celle-ci au Canada -- Avis expédié le 6 juillet 1988 -- Le registraire a radié l'enregistrement de la marque de commerce de l'intimée sans avoir donné à celle-ci l'occasion de faire des observations orales -- Le juge de première instance a conclu que la preuve de l'intimée n'établissait l'emploi de sa marque de commerce que pour les sacs de golf et les housses pour bâtons de golf -- Appel accueilli, appel incident rejeté (le juge Desjardins, J.C.A., dissidente) -- Le juge Marceau, J.C.A.: l'art. 45 de la Loi sur les marques de commerce exige du propriétaire la preuve que la marque était employée au Canada au moment de l'avis -- Le juge de première instance n'a fait aucune mention dans ses motifs de jugement du défaut d'emploi de 23 mois entre la preuve d'utilisation qu'il retient et la date de l'avis -- Il a eu tort de conclure que l'intimée avait produit une preuve suffisante pour maintenir en partie l'enregistrement de la marque de commerce «Progolf» -- Le juge Létourneau, J.C.A.: le but de l'art. 45 n'est pas de déterminer les droits des parties à une marque de commerce mais de permettre une épuration du registre des marques de commerce en y éliminant le bois mort -- Conformément à l'art. 45, l'intimée a choisi de répondre au registraire qu'elle employait la marque de commerce et a tenté de fournir la preuve nécessaire à cet effet -- Il s'agit de savoir si la marque de commerce était employée en ce qui a trait aux sacs de golf et aux housses comme elle le prétend et comme l'a décidé le juge de première instance -- L'art. 45 ne requiert pas un emploi continu de la marque de commerce, c'est-à-dire un emploi qui ne souffre aucune interruption dans le temps -- Il exige cependant la preuve d'un emploi au moment oú l'avis du registraire est envoyé -- Il faut donc établir une certaine actualité ou contemporanéité dans l'emploi -- La preuve de ventes subséquentes à l'avis du registraire est admissible non pas pour faire la preuve de l'emploi d'une marque de commerce au moment de l'avis, mais pour prouver la continuité de l'emploi de cette marque-L'intimée n'a pu établir une continuité d'emploi de sa marque de commerce -- C'est à raison que le juge de première instance a rejeté la preuve d'emploi faite au moyen de catalogues de ventes avec bons de commande publiés dans l'année de l'avis et en 1989 et 1990 -- Une simple publicité ne peut, à elle seule, prouver l'emploi d'une marque de commerce -- Compte tenu de la nature des marchandises à l'égard desquelles la marque de commerce est revendiquée, du texte explicite de l'art. 45 et du défaut d'emploi pendant deux ans sur trois, il est impossible de conclure que l'intimée a fait la preuve d'un emploi actuel ou contemporain à l'avis -- La marque de commerce de l'intimée n'était pas employée lors de l'avis en 1988 et l'emploi antérieur de la marque en 1986 n'est pas assez contemporain et actuel pour satisfaire les exigences de l'art. 45-Le juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): l'art. 45 de la Loi constitue une procédure sommaire qui a essentiellement pour objet de débarrasser le registre des inscriptions de marques de commerce qui sont tombées en désuétude et constituent du bois mort -- Il n'a pas pour rôle de régler les droits substantifs qui peuvent faire l'objet de litige entre les parties -- L'art. 4 de la Loi exige que la marque soit employée "dans la pratique normale du commerce" -- La preuve de l'usage de la marque de commerce ne peut couvrir que la période depuis l'enregistrement de la marque jusqu'à la date de l'avis -- C'est à bon droit que le juge de première instance n'a pas considéré la preuve relative à l'emploi de la marque de commerce après la date de l'avis -- Les conclusions de fait auxquelles est arrivé le juge de première instance et qui font l'objet de l'appel et de l'appel incident devraient être maintenues-Il a jugé que les deux factures antérieures à l'avis étaient authentiques et que ces ventes établissaient l'usage requis par l'art. 45 -- L'art. 45 exige une preuve d'usage de la marque plus ou moins contemporaine à la date de l'avis selon les circonstances de chaque cas -- Tout doute, quant à la preuve, doit s'interpréter en faveur du propriétaire inscrit -- La Loi n'exige pas du propriétaire inscrit qu'il fasse un usage quotidien, mensuel ou même annuel de sa marque, mais que celle-ci soit en usage -- Le non-emploi devient une question de fait selon les circonstances de chaque cas -- L'intimée a établi l'usage de sa marque à l'égard des sacs de golf et des housses pour bâtons de golf dans un délai de trois mois, dans le cours normal de son commerce entre elle et les clubs de golf qui sont ses actionnaires -- Vu la continuité dans l'usage de la marque, le juge de première instance n'était pas en présence de bois mort quant à l'usage de cette marque en rapport avec les marchandises précitées -- Une interprétation trop rigoureuse de l'art. 45 va au-delà de l'objectif prévu par la Loi -- Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 4, 45.