Sutton c. Canada ( Commission de l'emploi et de l'immigration )
T-3148-92
juge Cullen
15-2-94
13 p.
Demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité d'appel de la Commission de la fonction publique avait rejeté l'appel interjeté contre les choix qui avaient été faits en vue de la nomination à des postes au sein de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada -- Le nom du requérant n'avait pas été retenu lors de trois concours internes visant à combler des postes d'analyste -- Le requérant a fait appel des nominations proposées conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique -- À l'audience devant le comité d'appel, les membres du jury de sélection ont été exclus de la salle d'audience en attendant qu'on les appelle pour témoigner -- Le requérant a soumis des allégations par écrit -- Le Ministère a déposé une réponse signée par les quatre membres du jury de sélection, mais seule la présidente du jury était présente pour être contre-interrogée -- Le comité d'appel s'est appuyé sur la réponse écrite pour rejeter les appels -- Le rôle du comité d'appel est de veiller à ce que la procédure de sélection soit conforme à l'art. 10 de la Loi (c.-à-d. que les nominations soient faites au mérite) et d'examiner le caractère raisonnable de l'évaluation faite par le jury de sélection -- Le tribunal est maître de sa procédure, sous réserve des restrictions prévues par sa loi constitutive -- La Loi n'impose aucune restriction en ce qui concerne la procédure du comité d'appel, si ce n'est qu'elle exige que l'appelant et l'administrateur général aient l'occasion de se faire entendre -- Le législateur n'a prescrit aucune disposition à l'égard de la forme ou de la conduite des appels fondés sur l'art. 21 -- Le comité d'appel bénéficie d'un certain pouvoir discrétionnaire pour décider s'il y a lieu d'entendre certains témoignages ou d'ordonner le contre-interrogatoire d'un témoin -- Ce pouvoir discrétionnaire est soumis aux règles de la justice naturelle: Evans c. Comité d'appel de la Commission de la fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582 -- Étant donné que la réponse du Ministère contredisait certains éléments de preuve présentés par les autres auteurs lors de témoignages antérieurs de vive voix, le requérant aurait dû avoir l'occasion de contre-interroger les témoins avant qu'on invoque la réponse comme explication des témoignages antérieurs -- En l'absence de contre-interrogatoire, le requérant n'a aucun moyen de savoir qui a modifié sa position et pourquoi -- L'omission d'accorder une ordonnance d'exclusion peut équivaloir à une erreur de droit, mais la portée de l'ordonnance ne s'étend pas à la préparation de la réponse du ministère -- Le poids à accorder au document doit tenir compte de la manière dont il a été préparé -- On pourrait déduire du fait que les membres du jury avaient préparé ensemble le document que celui-ci représente la meilleure explication sans pour autant que cela corresponde nécessairement à la version de chaque membre -- Le juge des faits a le pouvoir discrétionnaire de décider du poids à attribuer au document, sous réserve des règles de la justice naturelle -- Le document est admissible dans le cadre de la procédure qui en pratique a été établie au fil des ans -- Le comité d'appel n'a pas le pouvoir d'assigner des témoins, mais les principes de justice naturelle exigent que chacun des quatre membres du jury de sélection puisse être contre-interrogé -- Il était possible que le contre-interrogatoire fasse changer d'avis -- Le comité d'appel a commis une erreur en s'appuyant sur le document sans contre-interroger chacun de ses auteurs -- Demande accueillie -- Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33. art. 10 (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 10), 21 (mod., idem, art. 16).